Au milieu du XIXe siècle, sous le règne de la reine Victoria et du dernier empereur moghol, réduit à une fonction
purement symbolique, le sous-continent indien, des confins de l'Afghanistan à la Birmanie, obéit pour la première fois
depuis l'Antiquité à un seul maître ! Et celui-ci n'est pas musulman !
L'autonomie revendiquée
L'unification de l'Inde et l'éviction des musulmans des postes de commandement ont pour effet de réveiller le sentiment
national hindou.
La révolte des cipayes [1857, insurrection des soldat indiens de l’armée britannique] entraîne la liquidation de
la Compagnie des Indes et la mainmise complète du gouvernement britannique sur les Indes avec un secrétaire d'État
à Londres et un vice-roi à Delhi. Le 1er janvier 1877, la reine Victoria reçoit très officiellement le titre d'impératrice des
Indes, à l'initiative du Premier ministre Benjamin Disraëli. Avec des vice-rois et des hauts fonctionnaires généralement
compétents et probes, c'en est fini de la gabegie antérieure.
Les Britanniques introduisent des codes de lois communs à l'ensemble des habitants, non sans réprimer au passage
des pratiques contestables comme le sati(l'obligation pour les veuves de se sacrifier sur le bûcher de leur époux).
Ils intègrent assez largement les Indiens à l'administration, la justice et l'armée. Les enfants des élites, comme Gandhi
et Nehru, accèdent aux universités anglaises. Ils découvrent les vertus de la démocratie parlementaire et de l'État de
droit... et sauront plus tard user de ces principes dans leur lutte contre les Britanniques.
Grâce aux érudits anglais, les Indiens découvrent aussi les textes, l'art et l'histoire de l'Inde ancienne. Cela commence
dès 1834 avec le déchiffrage des chroniques d'Açoka, un grand roi du IIIe siècle. On assiste dès le début du XIXe
siècle à un«aggiornamento» de l'hindouisme, libéré de ses complexes après que l'islam eut perdu sa prééminence.
Le mouvement débouche en 1885 sur la constitution à Bombay du Congrès national indien, à l'initiative du vice-roi
britannique qui souhaitait pouvoir dialoguer avec un organe représentatif de l'ensemble des Indiens. Le Congrès se
présente à ses débuts moins comme un parti politique que comme un rassemblement des élites (intellectuels, avocats,
propriétaires...) essentiellement hindoues. Il prône des réformes dans le respect de la légalité britannique.
En 1906, à Calcutta, pour la première fois, le Congrès revendique l'autonomie interne de l'Inde. La même année, l'Aga
Khan, chef de l'importante communauté musulmane des Ismaëliens, fonde la Ligue musulmane en vue de représenter
les musulmans (environ un quart des 350 millions d'Indiens).
L'Histoire amorce un tournant... Un an plus tôt, en Extrême-Orient, la flotte japonaise a envoyé par le fond la flotte
russe. Cette première défaite d'une puissance européenne (encouragée en sous-main par les Britanniques !) a eu un
immense retentissement dans toute l'Asie et particulièrement en Inde.
Pendant la Grande Guerre, les Indiens demeurent loyaux à l'égard des Anglais. 1.300.000 d'entre eux prennent part
aux combats et 100.000 y trouvent la mort. En 1917, le secrétaire d'État pour l'Inde, lord Montagu, leur promet une
autonomie interne analogue à celle des dominions, le Canada et l'Australie. Las, à peine le conflit est-il terminé que les
promesses sont oubliées. Il s'ensuit divers mouvements d'humeur et un très grave dérapage à Amritsar, dans la ville
sainte des Sikhs, avec le massacre délibéré de plusieurs centaines de manifestants pacifiques.
Pour Mohandas Gandhi, un avocat de 50 ans devenu le chef le plus écouté du Congrès, l'heure de l'indépendance a
sonné. Reste à s'assurer que celle-ci se fasse dans de bonnes conditions, sans violence et sans rupture de l'unité !...
L'indépendance dans la violence et la division
Les Britanniques réagissent à la montée des revendications en élargissant la représentation des communautés
indiennes dans les assemblées et les gouvernements provinciaux. Mais rien n'y fait. Gandhi multiplie les actions de
désobéissance civile jusqu'à la spectaculaire «marche du sel» qui oblige le gouvernement à renoncer aux taxes sur le
sel.
Le Premier ministre travailliste Ramsay MacDonald ouvre dès le 13 novembre 1930 à Londres, sous l'égide du roi
George V, une première table ronde destinée à débattre d'une hypothétique indépendance de l'Inde. Deux autres
suivront les années suivantes mais sans plus de résultat les unes que les autres.
Les discussions achoppent en effet très vite sur les modalités de l'indépendance (faut-il accorder aux États princiers le
droit de sécession ? quelle garantie pour la minorité musulmane ? quel statut pour les Intouchables ?...). Pendant ce
temps, les mouvements de désobéissance civile n'en finissent pas de perturber le sous-continent.
Le 2 août 1935, Londres promulgue une nouvelle loi, le Government of India Act qui détache de l'Inde la Birmanie et
surtout transforme l'Inde en une fédération de onze provinces avec chacune leur gouvernement et leur assemblée.
Les premières élections, en 1937, débouchent sur une nette victoire du Congrès avec le résultat paradoxal d'entraîner
une rupture entre hindous et musulmans. Ces derniers, représentés par la Ligue musulmane, s'offusquent d'être tenus
à l'écart du travail des assemblées par les élus du Congrès et s'inquiètent d'un système électoral qui lamine les
minorités.
Au sein de la Ligue, le poète Mohammed Ikbal lance l'idée d'un État musulman autonome. Sous le nom de Pakistan,
inventé en 1933, cet État regrouperait les deux principaux territoires à majorité musulmane, l'un à l'ouest, suivant la