Bien que Hans-Georg Gadamer soit reconnu à juste titre comme le
grand représentant de l’herméneutique philosophique, on ne peut nier
l’importance des Anciens dans sa pensée. Non seulement leur doit-il beau-
coup pour l’édification de son herméneutique1, mais plus du tiers de son
œuvre fut consacrée aux Grecs2 — aux présocratiques, mais surtout à Platon
et à Aristote. Or en 1984, il afficha on ne peut plus clairement son influence
platonicienne : « I am a Platonist3 ». La question du platonisme de Gadamer
est vaste puisqu’en plus des nombreux et précieux commentaires de Platon
qu’on lui doit, l’ancrage platonicien de son herméneutique philosophique est
perceptible autant à sa source — dans l’identification de son assise dia-
logique — qu’à son terme — dans l’élaboration d’une conception herméneu-
tique de la vérité modelée sur la métaphysique platonicienne du Beau. De
nombreux travaux ont tâché de cerner en ce sens l’appropriation gadamé-
rienne de Platon dans la pluralité de ses ramifications et de ses nuances. Il
1 Parmi les travaux qui ont souligné cette influence, on consultera particulièrement
ceux-ci : C. Griswold, « Gadamer and the Interpretation of Plato », Ancient Philo-
sophy, 1, 1981, pp. 171-178 ; Paris, Cerf, 1994 ; C. H. Zuckert, Postmodern Platos :
Nietzsche, Heidegger, Strauss, Gadamer, Derrida, Chicago-London, University of
Chicago Press, 1996 ; C. Thérien, « Gadamer et la phénoménologie du dialogue »,
Laval théologique et philosophique, 1997, 53, 1, p. 167-180 ; J. Risser, « Herme-
neutics and the Appearing Word : Gadamer’s Debt to Plato », Studia Phaenome-
nologica II, 1-2, 2002, p. 215-229 ; C. H. Zuckert, « Hermeneutics in Practice :
Gadamer on Ancient Philosophy », The Cambridge Companion to Gadamer, éd. R.
J. Dostal, New York, Cambridge University Press, 2002, pp. 201-224 ; F. J. Gonza-
lez, « The Socratic Hemeneutics of Heidegger and Gadamer », A Companion to
Socrates, ed. S. Ahbel-Rappe and R. Kamtekar, Malden-Oxford-Carlton, Blackwell
Publishing, 2006, p. 426-441 ; R. J. Dostal, « Gademerian Hermeneutics and Irony :
Between Strauss and Derrida », Research in Phenomenology, 38, 2008, p. 247-269 ;
R. J. Dostal, « Gadamer’s Platonism and the Philebus : The Significance of the
Philebus for Gadamer’s Thought », dans (dir.) C. Gill et F. Renaud, Hermeneutic,
Philosophy and Plato. Gadamer’s response to the Philebus, Sankt Augustin, Acade-
mia, 2010, p. 23-39 ; C. Blattberg, « Critique de l’interprétation gadamérienne de
Platon », Les Anciens dans la pensée politique contemporaine, Québec, Presses de
l’Université Laval, 2010, p. 237-251 ; A. Fuyarchuk, Gadamer’s Path to Plato : A
Response to Heidegger and a Rejoinder by Stanley Rosen. Eugene, Wipf & Stock
Publishers, 2010.
2 F. Renaud, « Introduction » dans H.-G. Gadamer, Interroger les Grecs. Études sur
les Présocratiques, Platon et Aristote, trad. D. Ipperciel, dir. F. Renaud et C.
Collobert, Paris, Fides, 2006, p. 10.
3 E. L. Fortin, « Gadamer on Strauss : an Interview », Interpretation : A Journal of
Political Philosophy, 12, 1 (1984), p. 10.
Bull. anal. phén. XII 3 (2016)
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