
Ante res et in rebus
INTRODUCTION
Un peu de philosophie de fait de mal, surtout si elle est bonne. Aux petits Français on rabâche en classe de
philosophie le « je pense donc je suis » de Descartes et les petits Français -accompagnés d'ailleurs de beaucoup
d'autres petits qui ne le sont pas-, s'en font une philosophie. Ils croient qu'ils pensent et subséquemment croient
qu'ils sont. L'individualisme mortifère de notre époque patauge là-dedans. Un bref regard sur l'histoire et sur l'histoire
de la philosophie, suffirait à réformer en profondeur l'Education Nationale sans dégraisser le Mahmoud qui, privé de
sa raison sommeille en son djihad « laïque ». Le sommeil de la raison engendrant les monstres, je vous donne à lire
cher lecteur et lectrice, un anti-monstre de ma confection. Plût au ciel, que par l'absence de terreur qu'il ne
provoquera pas, il soutienne vos paupières quand, après une dure journée de travail, elles s'alourdissent...
ante res, in rebus, post res
Le philosophe et théologien Thomas d'Aquin définit trois concepts : l'ante res, le in rebus, le post res. C'est-à-dire le
concept d'avant la chose, dans la chose et après la chose. Qu'entendait-il par là ? C'est quoi un concept ?
Percevoir par les sens, prendre conscience d'une chose, en avoir une image dans l´esprit, une re-présentation, n'en
donne pas le concept, sinon les animaux qui perçoivent et conscientisent comme nous en aurait et donc... parleraient
! et donc... on le saurait puisque le concept c'est d'abord un mot dans un langage et, comme tel, peut ne pas avoir
plus de "réalité" qu'un mot ordinaire, simple compendium phonique d'une chose ou d'un acte. Fleur est concept.
C'est la position de Roscelin dans la querelle dite "des Universaux" : la Trinité est un mot, disait-il. Avant tout un mot,
car le mot, tout aussi distinctif de l'espèce humaine qu'il soit, tout aussi abstrait, conceptualisant qu'il soit, ramène ce
qu'il désigne à sa nature palpable, directement observable et compréhensible au commun sans réflexion ni étude
spéciale. Le concept est une main, mais invisible. Il est donc un obstacle à la compréhension du "sans mot", de "l'au
delà du mot" si ce dernier existe. Les docteurs disputant de la Trinité étaient-ils imprégnés de ce paradoxe ? sans
doute que non car ça aurait relativisé si bien leur dispute qu'ils l'auraient cessée dans l'instant pour s'abîmer dans
une contemplation sans mot... Dit autrement, l'outil qu'on utilise "pour parler de la trinité" n'est pas la Trinité. Donc,
dans la sphère de l'intellect où les mots règnent, on ne manipule que les "ombres" des choses. La pensée, même
très intelligente, est une ombre, possède la nature de son outil conceptuel. Peut-on aller au delà ? Si oui, la question
alors se pose : avec ou sans langage ? Avec le langage usuel ou avec un autre langage. Si je dis : Quelquefois je
vois au ciel des plages sans fin couvertes de blanches nations en joie, mes concepts sont incompréhensibles au
vulgaire.
Poursuivons. Le mot mouton (comme le mot trinité) est certes un "concept" mais le loup connaît le mouton et le
distingue du rossignol sans avoir besoin de concept. Ce qui fait la conceptualité du mot mouton c'est d'abord que
l'homme peut le parler en l'absence de tout mouton, celui qu'il eut devant les yeux comme tous ceux qu'il ne verra
jamais et qui existent. Le concept permet la généralisation, la mémoire abstraite, la met en oeuvre à volonté, rend la
chose absente présente pour le bon plaisir de la pensée et non pour satisfaire un besoin immédiat comme celui du
loup. Cela suffit-il pour définir ainsi le concept : forme sonore articulée capable de recréer le monde en toute
circonstance ? N'y a-t-il pas un autre étage au concept ? Le concept est certes un mot-chose mais en même temps
plus qu'un mot-chose. Un mot est d'abord le compendium d'une chose ou d'un acte humain. Il les désigne, les décrit,
les commente en leur présence ou en leur absence. La beauté par exemple est-elle une chose, une chose réelle ?
un acte ? Non. Le mot [beauté] renvoit-il a une chose ? Non. L'humanité est-elle une chose réelle ? Non. Le réel c'est
la chose belle ou les hommes, pas l'humanité ni la beauté. Donc, le concept de beauté représente un au-delà
abstrait du mot ou, dit autrement, le mot n'a pas de compendium, pas de référent. Il est, pourrait-on dire, concept du
concept, concept à un niveau supérieur. Le concept sera donc défini comme un mot sans compendium imaginable et
concret, une étape supérieure dans la hiérarchie des mots, un mot sans chose. Une idée sans acte qui la puisse
mettre en oeuvre. Le concept est pure création de l'esprit humain. Il vit dans une sphère qui n'a plus de lien avec les
choses du monde.
Copyright © Oulala.net Page 2/4