Les médias français dans la crise : tempête ou tsunami ? Flux de Financement Médias & Entertainment Sommaire Synthèse3 Les chiffres clés d’Arthur D. Little 5 Première vague : malgré la crise, un marché en légère croissance 6 Deuxième vague : l’incessante transformation numérique 8 Troisième vague : transformation numé­­rique… et redistribution des cartes 11 Implications pour les acteurs 15 Conclusion17 Auteurs : Didier Levy Jean-Marc Bordes Director Arthur D. Little [email protected] Senior Advisor Arthur D. Little [email protected] Eytan Koren Tanneguy Laudren Manager Arthur D. Little [email protected] Business Analyst Arthur D. Little [email protected] Synthèse Le marché des médias français évolue profondément sous l’effet de la crise mais aussi de changements structurels tels que le développement du numérique et l’émergence de nouveaux modes de consommation. Ces évolutions se déroulent en plusieurs vagues. Première vague : la crise économique. Celle-ci a affecté le marché des médias et ses sources de financement. Malgré cela, le marché français a connu une légère croissance durant la crise, en raison principalement des contributions publiques. Deuxième vague : l’incessante transformation numérique. Le online continue de bousculer le marché des médias tout en représentant une opportunité, y compris pour les acteurs traditionnels. Les acteurs digitaux, essentiellement distributeurs et agrégateurs, ont permis une stabilisation du marché en compensant l’affaiblissement des acteurs traditionnels – presse, télévision, … Le potentiel de développement des médias online reste très important. Troisième vague : la combinaison de ces mouvements de fond rebat les cartes entre les acteurs. La croissance du segment online a un fort impact sur la répartition de la valeur au sein de l’écosystème, au détriment des acteurs traditionnels. Globalement, les acteurs Internet et les producteurs sont les gagnants de la migration, tandis que les agrégateurs (télévisions, presse,…) et les distributeurs offline (cinémas, régies,…) ont eu jusqu’à présent tendance à la subir. L’émergence de nouveaux modèles de monétisation donnera aux acteurs historiques l’opportunité de mieux tirer profit de la numérisation de leurs contenus, en accélérant leurs développements et la transformation numérique de leurs activités. 3 Dans les prochaines années, la migration du offline vers le online va se poursuivre et génèrera de nouvelles opportunités pour l’ensemble des acteurs : nn es consommateurs vont bénéficier d’un accès aux contenus facilité et L élargi. La proposition de valeur générée par le numérique – abondance réelle et accessible – est inégalée en comparaison aux médias traditionnels. Encore faudra-t-il savoir juguler les usages illicites et le piratage. nn es producteurs de contenus vont bénéficier d’un marché élargi. Figurant L déjà parmi les gagnants actuels, ils bénéficieront d’une augmentation de leurs revenus, alimentée par la multiplication des plateformes et des modes de consommation, notamment numériques. nn es agrégateurs, tels que les chaînes de télévision et les distributeurs, vont L devoir adapter leurs modèles économiques. L’une des pistes pour ces acteurs est de remonter au sein de la chaîne de la valeur vers la production. nn es pouvoirs publics ont un rôle important pour soutenir la migration L numérique des acteurs et la croissance du marché dans son ensemble. 4 Marché des médias en France Les chiffres clés d’Arthur D. Little + 0,9% par an croissance du marché des médias depuis 2007 en France + 18% par an croissance moyenne des revenus des médias numériques depuis 2007 + 131% croissance de la valeur captée par les acteurs online depuis 2007 19% part du online dans l’ensemble du marché des médias en 2013 - 5% réduction potentielle du financement public de France Télévisions en cas d’un retour de la publicité après 20h 18 milliards d’euros en 2013 valeur captée par les ayants droit et les producteurs en 2013 (soit +10 % depuis 2007) 100 à 150 millions d’euros revenus supplémentaires potentiels pour les producteurs français suite à l’arrivée de Netflix et de CanalPlay + 1,3% par an croissance du marché des médias en France d’ici 2017 4 milliards d’euros nouveaux revenus des médias online générés en France à horizon 2017 (soit +50% par rapport à 2013) 5 Marché des médias en France Première vague : malgré la crise, un marché en légère croissance Le marché français des médias et de l’entertainment est en légère croissance depuis 2007, à l’instar de la plupart des autres marchés européens. Les dépenses des consommateurs génèrent la plus importante source de revenus pour les médias, représentant plus de la moitié du marché. Ces dépenses ont très légèrement crû depuis 2007 (+0,4% par an en moyenne sur la période 2007-2013), sous l’effet de la crise, pour atteindre 23,2 milliards d’euros en 2013. Cette croissance reste tout de même deux fois supérieure à la croissance des dépenses des ménages en France sur la même période. Arthur D. Little a mené une étude approfondie sur l’évolution récente du marché des médias et du divertissement en France. Cette étude, focalisée sur la période 2007-2013 et complétée d’une projection jusqu’en 2017, analyse les sources de financement du secteur ainsi que leurs destinations. Les dépenses publicitaires, seconde source de revenus, représentaient 12,2 milliards d’euros en 2007. Elles ont également légèrement crû, à un rythme moyen de +0,4% par an. Toutefois, des disparités marquées existent entre les différents médias. La presse et les magazines, fortement substitués par Internet, ont connu une baisse très importante de leurs revenus publicitaires (environ 30% en 6 ans). Logiquement, la publicité en ligne a bénéficié quant à elle d’une très forte croissance (+80% en 6 ans). Le marché des médias et de l’entertainment en France a connu une légère croissance sur la période 2007-2013 (voir Figure 1 – Taille du marché des médias en France par type de financement) mais cette situation masque des dynamiques très différentes selon les segments. On observe par ailleurs que le marché des médias hors contributions publiques est quasi stable avec un taux de croissance annuel moyen de 0,5%. Figure 1 : Taille du marché des médias en France par type de financement Dépenses en milliards d’euros actuels 0,5% hors contr. Pub. TCAM1 2007-2013 0,9% Offline 37,9 3,1 39,2 3,8 40,1 4,4 Contributions publiques 6,0% 12,2 12,0 12,5 Publicité 0,4% Télévision - 1,9 % Radio - 1,5% Presse et Magazines - 5,6 % Autres 22,6 2007 23,4 2010 23,2 Consommateurs 2013 Source : IREP, SRI, ZenithOptimedia, analyse Arthur D. Little 1) Taux de Croissance Annuel Moyen 6 0,4% % TCAM - 3,2 % Online + 4,0 % + 10,7 % Search + 12,3 % Autres + 10,0 % Marché des médias en France Les financements publics ont fortement augmenté depuis 2007, passant de 3,1 milliards d’euros en 2007 à 4,4 milliards d’euros en 2013. Ceci représente plus de la moitié de la croissance du marché sur la période. Cette forte croissance est due à l’augmentation de la contribution à l’audiovisuel public et des prélèvements alimentant le COSIP du CNC, notamment la TST (taxe sur les services de télévision) sur les opérateurs télécoms, avec en particulier l’intégration des offres « triple play » incluant la télévision sur IP. Une partie des financements publics est toutefois remise en cause par les pouvoirs publics, en particulier ceux à destination de France Télévisions. Un retour de la publicité après 20h sur les chaînes du groupe est évoqué pour compenser une éventuelle réduction des contributions publiques. Nous estimons que cette réintroduction pourrait générer environ 220 millions d’euros de revenus publicitaires supplémentaires pour le groupe en 2015, ce qui permettrait de réduire les financements publics de 5%. Au regard des autres pays européens, le marché français a relativement bien résisté à la crise (voir Figure 2 – Evolution du marché des médias dans différents pays européens entre 2007 et 2013). En effet, la France a connu une croissance comparable aux marchés britannique, allemand et italien et a largement mieux résisté que le marché espagnol qui s’est effondré (-26% sur la période). La chute du marché espagnol est principalement due à la forte décroissance des dépenses des consommateurs (-25% entre 2007 et 2013) et des annonceurs (-41% entre 2007 et 2013). A l’inverse, les contributions publiques en Espagne ont fortement augmenté (+62% entre 2007 et 2013), principalement en raison du nouveau modèle de financement du groupe de médias publics RTVE. Figure 2 : Evolution du marché des médias dans différents pays européens entre 2007 et 2013 Dépenses en milliards d’euros actuels incluant les contributions publiques 2007 2013 +1,4% 60,7 % +1,1% 55,7 48,6 52,0 TCAM +0,9% 37,9 40,1 +0,8% 29,1 -5,0% 30,5 23,0 16,9 Dépenses en % du PIB 1,95% 2,41% 1,44% 1,38% 1,47% 1,47% 1,36% 1,44% 1,60% 1,25% Source : analyse Arthur D. Little 7 Marché des médias en France Deuxième vague : l’incessante transformation numérique Figure 3 : Taille du marché des médias en France Dépenses en milliards d’euros actuels Dépenses en milliards d’euros actuels 0,9% 37,9 2,9 TCAM 2007-2013 TCAM 2013-2017 39,2 40,1 4,9 7,6 40 000 Online 17,8% 30 000 35,1 Offline -1,2% Offline hors contr. Publiques -2,1% 20 000 34,3 32,5 Offline -1,2% 10 000 Online +17,8% 0 2007 2010 Source : analyse Arthur D. Little 2007 2013 % Les médias online sont les principaux contributeurs à la croissance du marché des médias, avec des niveaux de maturité hétérogènes selon les segments. En France, la croissance du marché a été principalement tirée par le développement des médias online (+17,8% par an, en moyenne, sur la période) alors que le offline a connu une décroissance de 1,2% par an (voir Figure 3 - Taille du marché des médias en France). La décroissance du offline a été encore plus prononcée hors contributions publiques (-2,1% par an). La télévision et la vidéo accusent un retard particulier dans le numérique, avec uniquement 3% des revenus générés en ligne, malgré une migration avancée des usages, la croissance des services de télévision de rattrapage illustrant bien ce phénomène. Cette faible migration s’explique notamment par les revenus importants générés par les chaînes de télévision « classiques » à l’échelle du marché. Autre segment en pleine migration : l’édition, regroupant la presse et le livre, qui génère seulement 9% de ses revenus via le numérique, malgré des usages numériques désormais démocratisés. A titre d’exemple, 43% des lecteurs de presse s’informent sur Internet… dont les deux tiers via Internet uniquement. 8 2009 2011 2013 TCAM Cette différence entre migration des usages et des revenus est symptomatique d’une sous-monétisation des contenus en ligne. Les comportements et les usages sont toutefois très différents en fonction des tranches d’âge. De plus, la migration vers le online induit une fragmentation de l’offre. Ainsi, sur la télévision linéaire, les audiences se répartissent entre quelques dizaines de chaînes contre plusieurs milliers de sites sur internet. Cette fragmentation de l’offre a pour conséquence une plus forte concurrence entre les acteurs et une forte difficulté à monétiser les contenus. Marché des médias en France Figure 4 : Evolution des revenus par média et par mode de consommation 2013 – € 40,2 mds 2007 – € 37,9 mds 15 1% 3 2% 2 13 2% 2 3 17 3% 18% 3 4% 11 2 3 4 9% 26% 47% 99% 98% 98% 100% 100% 97% 82% 96% 100% 91% 74% 53% Online Source : analyse Arthur D. Little Malgré une croissance soutenue, le développement du marché reste inférieur à son potentiel. La croissance du marché des médias est passée de 3,6% par an entre 2005 et 2007 à 0,9% par an entre 2007 et 2013. Cette forte décélération s’explique principalement par la crise et par la sous-monétisation des usages numériques. Le défi pour les acteurs du secteur consiste donc à développer de nouveaux modèles de monétisation. En effet, les usages en ligne explosent. A titre d’exemple, le nombre d’utilisateurs actifs de la télévision de rattrapage croît de +25% par an depuis 2010 pour atteindre aujourd’hui 11 millions d’utilisateurs. Offline L’industrie de la presse subit aussi assez fortement ce phénomène. Aujourd’hui, il existe un écart très fort de monétisation entre les versions « en ligne » et « imprimées » d’un même contenu (voir Figure 5 - comparaison de CPM ). L’industrie de la presse est donc à la recherche de nouveaux modes de monétisation. Vingt ans après les débuts de la migration des journaux vers le numérique, et après avoir appliqué des modèles « classiques » (bannières publicitaires, abonnements, etc.), les acteurs de la presse évoluent progressivement vers des modèles mieux adaptés aux nouveaux usages (voir Figure 6 - Nouveaux modèles de monétisation de la presse en ligne). Figure 5 : Comparaison de CPM d’un support imprimé vs. en ligne /8 820 100 Publicité premium offline Publicité premium online Source : analyse Arthur D. Little 9 Marché des médias en France Figure 6 : Nouveaux modèles de monétisation de la presse en ligne Modèle de financement Modèle publicitaire Brand content Bannière publicitaire Abonnement Possibilité d’accéder à des contenus normalement payants contre le visionnage d’une publicité ciblée Contenus copubliés par une marque et un éditeur de contenu Affichage publicitaire sur le site du journal sans ciblage particulier Abonnement au journal donnant un accès illimité aux contenus en ligne Achat de contenu à l’unité sur le site du journal Achat de contenus via une market place regroupant plusieurs sources de contenus Slimcut Media Campagne YahooLa Redoute Le Figaro, Le Monde Le Figaro, Le Monde Blendle, LeKiosk, Kiosque d’Apple Exemple Description Publicités ciblées Modèle payant Monétisation innovante Modèle historiques de financement Paiement à l’article Le Monde Market place Monétisation innovante Source: Analyse Arthur D. Little De nombreux acteurs s’orientent vers un modèle économique hybride combinant les activités physiques et numériques. Ces transformations nécessitent notamment des évolutions organisationnelles importantes pour mieux prendre en compte le online, à l’instar de ce qu’ont pu faire le New York Times ou le groupe finlandais Sanoma. Enfin, les achats programmatiques sont en train de révolutionner le secteur de la publicité en ligne. Les ad-exchanges et le Real Time Bidding (RTB) viennent fluidifier la rapidité d’exécution et affiner la précision du ciblage. Le RTB représente déjà plus de 15% de la publicité en ligne et devrait croître fortement dans les années à venir. De leur côté, les pure players Internet parviennent à développer des modèles de monétisation innovants, y compris dans les formes de monétisation de contenu. A titre d’exemple, la startup Slimcut Media a développé un outil de monétisation des contenus premium pour les groupes de presse, à travers un affichage de publicité choisie. Par ailleurs, les modèles freemium s’affirment progressivement comme dans le domaine de la musique (Spotify, Deezer,…) : les versions gratuites, limitées et financée par la publicité, attirent les clients tandis que les formules par abonnement proposent de l’écoute illimitée et des fonctionnalités étendues. 10 Marché des médias en France Troisième vague : transformation numé­­rique… et redistribution des cartes Figure 7 : Segmentation utilisée pour la répartition de la valeur Source de financement Destination des financements Distributeur Funds Consommateurs Annonceurs Contributions publiques Cinéma1 Magasins Casinos Télévision payante2 Régies publicitaires Agrégateur Producteur TV publiques et privées Diffuseurs Presse et magazines Offline Moteurs de recherche Plateformes OTT Presse et magazines numériques Plateforme de jeu en ligne Online Studios, artistes et éditeurs3 Producteurs de concert et de théâtre Agences de presse Développeurs d’application Source: Analyse Arthur D. Little 1) cinéma, théâtre et concerts , 2) inclut entre autres Canal + et Canalsat, 3) inclut les labels musicaux, éditeurs de livres, et les studios (vidéos et jeux) Arthur D. Little a analysé les évolutions de la captation de valeur par les acteurs du secteur des médias et de l’entertainment. La répartition de la valeur a été analysée, dans le temps, selon deux dimensions : nn L a source des flux : consommateurs finaux, publicité / annonceurs, financements publics des médias nn L a destination des flux : distributeurs, agrégateurs, producteurs ou ayants droit La valeur captée par un segment du marché correspond à la différence entre les revenus du segment et les flux reversés à d’autres acteurs de l’écosystème. Gagnants et perdants : capter de la valeur à l’aune de la transformation numérique. L’analyse d’Arthur D. Little a permis d’identifier et de quantifier les mutations au sein du marché et a révélé trois grandes tendances : 1. Les acteurs Internet captent de plus en plus de valeur mais cette augmentation devrait être plus modérée à l’avenir. Jusqu’à présent, les acteurs Internet ne reversaient qu’une faible part de leurs revenus à l’écosystème des médias. Ce faible ratio s’expliquait par un modèle fortement basé sur des contenus gratuits de type moteurs de recherche, plateformes de référencement (i.e. Google News), etc. Dans les années à venir, le online captera davantage de valeur… mais la part relative de valeur captée sera inférieure, en raison des nouveaux modèles d’abondance comme le streaming musical et vidéo (Deezer, Spotify, Canalplay, Netflix,…) qui sont davantage redistributifs. 2. Les autres gagnants sont les ayants droit et les producteurs. En effet, ceux-ci captent une part significative de la valeur de l’écosystème (17,8 milliards d’euros en 2013)… et ont perçu davantage en 2013 qu’en 2007 (+10% sur la période). 3. En revanche, et malgré la réception de nombreux flux financiers, les distributeurs et les agrégateurs offline captent relativement peu de valeur. Ceci est dû au rôle d’intermédiaire des distributeurs et à l’important financement des contenus par les agrégateurs. La France n’est pas un cas atypique. A titre d’exemple, le marché espagnol connaît une dynamique proche, malgré un impact plus fort de la crise. Le online y capte de plus en plus 11 Marché des médias en France Figure 8 : Flux de financement dans le marché des médias en France, 2013 ANNONCEURS CONSOMMATEURS CONTRIBUTIONS PUBLIQUES Contribution : 12,5 mds (+3%) Contribution : 23,2 mds (+3%) Contribution : 4,4 mds (+36%) 7,8 mds (-19%) 20,0 mds (-10%) 3,7 mds 0,1 mds (+68%) Valeur captée : DISTRIBUTEURS Offline 13,0 mds (-13%) 5,7 mds (-13%) 4,0 mds (+33%) Valeur captée : AGRÉGATEURS Offline 4,3 mds (+82%) 11,0 mds (-14%) 3,2 mds (+608%) Valeur captée : ONLINE Distrib./Agrég. 9,3 mds (-6%) 0,3 mds (+75%) Fonds offline Fonds online Les distributeurs et les agrégateurs contribuent aux fin. publics via différentes taxes (0,7 mds) 5,8 mds (+131%) 6,0 mds (+3%) 1,7 mds (+439%) PRODUCTEURS ET AYANTS DROIT 0,4 mds (+68%) Valeur captée : 17,8 mds (+10%) Source: analyse Arthur D. Little Note: Toutes les valeurs sont exprimées en EUR, tous les pourcentages sont des TCAM sur la période 2007–2013 12 Marché des médias en France Figure 9 : Variation de la valeur captée par les différents segments (mds €) Online Distributeurs offline +131% -13% 5,8 6,5 2013 2007 Production / ayants droit Agrégateurs offline +10% -14% 12,7 5,7 11,0 16,1 2013 2007 17,8 2,5 Effets sousjacents 2007 2013 2007 2013 Flux entrant Capacité à capter la valeur +166% -12% -8% +10% -13% -1% -6% 0% Source : analyse Arthur D. Little de valeur (+136% entre 2007 et 2013). La différence entre les marchés porte avant tout sur les producteurs espagnols qui, contrairement à leurs homologues français, ont vu leur capacité à capter de la valeur diminuer de 17% entre 2007 et 2013. à venir (de l’ordre de 1,3% par an sur la période 2013-2017). Cette légère reprise sera soutenue par le rebond – néanmoins modeste – des dépenses des consommateurs et des annonceurs. Les perspectives sont positives pour le marché français et totalement tirées par le digital. L’ensemble de la croissance sera généré par le segment online, qui devrait croître de 4 milliards d’euros et représentera plus du quart des revenus médias en 2017. Arthur D. Little prévoit une croissance modérée du marché français des médias et de l’entertainment dans les années Figure 10 : Prévision de la taille du marché des médias en France Dépenses en milliards d’euros actuels Dépenses en milliards d’euros actuels TCAM 2013-2017 1,3% 40,1 41,2 42,3 7,6 9,4 11,3 32,5 2013 31,8 2015 Source : analyse Arthur D. Little 31,0 2017 10,4% Online Offline TCAM 2013-2017 1,3% 40,1 41,2 42,3 4,4 4,5 4,5 Contributions publiques 0,4% 12,5 12,7 13,1 Publicité 1,3% 23,2 24,0 24,7 Consommateurs 1,5% 2013 2015 2017 -1,2% % TCAM 13 Marché des médias en France Cette croissance variera fortement selon le niveau d’avancement des segments dans leur migration numérique. Par exemple, les marchés de l’édition et de la vidéo se trouvent encore à des stades amont tandis que les jeux de hasard sont plus avancés (voir Figure 9 - Avancement de la migration online). Le marché du offline devrait quant à lui se stabiliser progressivement pour plusieurs raisons : nn L a poursuite de la vente de certains produits physiques « symboliques » ou profitant d’un effet générationnel. A titre d’exemple, la vente de CD physiques a connu en France un regain de croissance en 2013, après plus de 10 années de déclin nn L ’existence de services et d’événements difficilement dématérialisables (casinos, concerts,…) nn L e maintien des financements publics pour les médias traditionnels Figure 11 : Avancement de la migration online Part des revenus online sur les revenus totaux du segment (% des ventes en valeur) Phase d’amorçage Phase de développement Phase de stabilisation 25% 20% Monde Online : Applications Réseaux sociaux 15% 10% 5% 2013 2017 Progression de la migration Source : analyse Arthur D. Little 14 Marché des médias en France Implications pour les acteurs La croissance du secteur, l’accélération du numérique et les évolutions de captation de valeur impacteront fortement le secteur des médias en France. Ils créeront de nouvelles opportunités pour les acteurs du secteur et nécessiteront aussi la réalisation de profonds mouvements de transformation. La transformation des médias a par exemple permis à des acteurs Internet ou hybrides de devenir des champions internationaux en quelques années (Spotify, Schibsted, Meetic,…), ce qui semblait impossible dans le monde du offline. Les implications de ces bouleversements varient selon les acteurs. Figure 12 : Indice d’évaluation des principales offres SVOD et offres comparables en France – octobre 2014 Indice d’évaluation des contenus (films et séries) 29 La migration vers le online représente une opportunité majeure pour les consommateurs, pour lesquels s’ouvre une véritable ère d’abondance, de choix et de diversité des contenus. Cette opportunité s’est concrétisée par exemple avec Deezer et Spotify pour les contenus musicaux, avec Google News ou ePresse pour la presse, avec Amazon et la Fnac pour les livres et avec Canal Play, OCS ou Netflix pour la vidéo. Les offres de vidéo en streaming se sont développées en amont de l’arrivée de Netflix et proposent des services comparables ou supérieurs à ceux de Netflix (voir Figure 10 – Indice d’évaluation des principales offres SVOD - Subscription VOD - et certaines offres comparables en France). CanalPlay, l’offre de VOD illimitée offerte par Canal+, a conquis plus de 520 000 abonnés en septembre 2014. Selon nos analyses, Netflix et CanalPlay disposent à ce jour d’offres comparables en termes de qualité avec un indice d’évaluation des contenus supérieur à 25 (indice construit par Arthur D. Little sur la base de la taille des catalogues, la qualité des contenus évaluée via un panel de films et séries récents et la présence ou non d’un mode offline). En France, les services de SVOD se heurtent toutefois à la chronologie des médias, qui impose une période de 36 mois entre la sortie d’un film en salle et sa mise à disposition via un service de VOD par abonnement. 22 OCS Caractéristiques Prix Le online facilitera l’accès aux contenus pour les consommateurs. 25 Mode hors connexion 16 1 Jook Outil de recommandation Outil de recommandation Contenus disponibles 30 jours Service SVOD de AB Groupe 7,99€ 7,99€ 12€ 6,99€ prochainement Source : analyse Arthur D. Little Le développement des offres SVOD (Subscription VOD) permettra aux producteurs de générer d’importants revenus supplémentaires. La migration vers le online est une opportunité pour les producteurs et les ayants droit. En effet, les médias en ligne financent déjà le maillon « production » à hauteur de 1,7 milliards d’euros, financement qui a crû de 500% entre 2007 et 2013. Netflix France et CanalPlay pourraient représenter 100 à 150 millions d’euros de revenus supplémentaires à horizon 5 ans pour la production française dans l’hypothèse où les producteurs français parviennent à intégrer 25% de leurs contenus parmi les audiences de ces services en France (à titre de comparaison, l’offre de fiction française a représenté environ 45% de l’offre globale dans l’audiovisuel français en 2012). Il existe des opportunités concrètes d’évolution pour les agrégateurs et les distributeurs offline. La migration de la valeur impacte les distributeurs offline et les agrégateurs offline. Ces renouvellements nécessiteront des arbitrages stratégiques pour les entreprises. 15 Marché des médias en France Les agrégateurs pourront se procurer un accès aux données clients et se déplacer vers la distribution en ligne afin de cibler les contenus et les publicités et ainsi mieux monétiser les contenus. Cette évolution nécessitera de poursuivre le développement des services de rattrapage, par exemple par la création d’une plateforme commune entre les chaînes de télévision ; et d’être attentif à l’accès client afin de conserver une connaissance des habitudes et des attentes des clients. Alternativement, les agrégateurs peuvent envisager de s’étendre en amont vers la production afin de sécuriser la viabilité de leur modèle économique, avec en particulier des opportunités d’exportation des contenus. Un tel mouvement nécessiterait de modifier la réglementation actuelle qui interdit aux chaînes de produire des contenus (vs. financement). Les pouvoirs publics peuvent jouer un rôle important dans la migration vers le online et dans le soutien à la croissance du marché des médias dans son ensemble Plusieurs mesures peuvent être envisagées pour soutenir le secteur : 1. L’autorisation pour les chaînes télévisées de détenir (sous certaines conditions) des parts producteurs leur permettrait de renouveler et de sécuriser leur modèle économique traditionnel 2. L’application des mêmes contraintes fiscales et de financement à l’ensemble des acteurs distribuant du contenu en France permettrait aux distributeurs français de proposer des offres online dans des conditions plus concurrentielles 3. Un assouplissement de la chronologie des médias, via un raccourcissement des fenêtres SVOD pour certains acteurs participant au financement, permettrait aux acteurs du secteur de proposer des offres plus attractives, accélérant ainsi la monétisation des contenus online 4. L’autorisation pour les opérateurs télécoms de différencier la qualité de service par type de flux permettrait de financer les lourds investissements dans les réseaux rendus nécessaires par la très forte croissance du trafic vidéo 5. L’assouplissement de la loi sur la concentration des médias, à l’instar d’autres pays de l’Union européenne, permettrait aux groupes médias de renforcer leurs modèles économiques 16 Marché des médias en France Conclusion Après une bonne résistance à la crise et une légère croissance sur la période 2007-2013, le marché des médias français poursuit sa transformation numérique. La transformation des médias est marquée par le développement du numérique, à la fois dans les usages et dans les revenus. La migration des usages est toutefois plus prononcée que celle des revenus et nécessite le développement de nouveaux modèles de monétisation. Cette mutation ouvre la voie à de nombreuses opportunités pour les acteurs et pour les consommateurs. Les acteurs de la production et de l’Internet sont, à l’heure actuelle, les principaux bénéficiaires de la migration numérique. Les gagnants et les perdants de la transformation ne sont toutefois pas encore établis et il est nécessaire pour les agrégateurs et les distributeurs offline d’accélérer leur transformation et de renouveler leurs modèles économiques. 17 Notes 18 Contacts Si vous souhaitez davantage d’informations ou organiser une discussion autour des sujets évoqués dans ce rapport, n’hésitez pas à contacter : Allemagne Michael Opitz [email protected] Etats-Unis John Brennan [email protected] République Tchèque Dean Brabec [email protected] Amérique latine Carlos Abad [email protected] France Didier Levy [email protected] Royaume-Uni Richard Swinford [email protected] Autriche Karim Taga [email protected] Inde Srini Srinivasan [email protected] Scandinavie Martin Glaumann [email protected] Belgique Gregory Pankert [email protected] Italie Giancarlo Agresti [email protected] Singapour Yuma Ito [email protected] Chine Antoine Doyon [email protected] Japon Shinichi Akayama [email protected] Suisse Clemens Schwaiger [email protected] Corée Kevin Lee [email protected] Moyen Orient Thomas Kuruvilla [email protected] Espagne Carlos Abad [email protected] Pays-Bas Martijn Eikelenboom [email protected] Arthur D. Little Premier cabinet de conseil en stratégie créé en 1886, Arthur D. Little occupe une place privilégiée parmi les cabinets internationaux de conseil de Direction Générale. Nous accompagnons nos clients dans de multiples secteurs sur leurs problématiques les plus importantes et stratégiques. Nous combinons la stratégie, l’innovation et la transformation. Nos savoir-faire nous permettent de formuler des solutions pertinentes pour les besoins spécifiques de nos clients et d’anticiper avec eux les évolutions nécessaires à leur développement. Pour plus d’informations, rendez-nous visite sur www.adl.com Copyright © Arthur D. Little 2014. Tous droits réservés. www.adl.com/FlowOfFundsFrance