Les marqueurs grammaticaux liés à l’inchoatif en japonais L’objectif de cet exposé est d’examiner les marqueurs grammaticaux liés à l’inchoatif en japonais. La notion d’inchoatif est discutée dans Marque-Pucheu (1999: 240-241), qui présente deux catégories d’inchoatif. La première « inchoatif non concomitant » (instantané) indique une transition vers un état ou vers une action (Le papier prend feu). La seconde « inchoatif concomitant » (mutatif) » indique le début d’une transformation (Le papier noircit). Dhorne (2005 : 77) présente également deux notions d’inchoatif. La première « émergence inchoative » comme l’émergence d’une prise conscience : Je commence à comprendre. La deuxième « interprétation inchoative » comme verbes exprimant un sentiment, une impression : avoir la sensation, avoir le sentiment. La notion « pré-processuelle » liée à l’inchoatif, discutée dans Tournadre (2004 : 23-24), indique qu’une action ou un état est sur le point de commencer, sans que cela soit encore le cas. En japonais, il y a un marqueur, premièrement, « tokoro-da » (sur le point de s’accomplir) discuté dans Oguma (1994 : 139-175), Bourdin (1999 : 208-209), et Aoki (2000 : 61-75). « tokoro-da » est composé de deux morphèmes. « tokoro » est un nom signifiant ‘endroit/lieu’ et « da » joue le rôle de ‘copule’ comme (1). « tokoro » est utilisé sans « da » dans (2). (1) Bakansu-niwa risootekina tokoro-da vacances-pour idéal endroit-Cop. ‘C’est un endroit (lieu) idéal pour les vacances.’ (2) mado no tokoro-ni iki-nasai (Bourdin 1999 : 209) fenêtre Dét. endroit-But. aller-Imp. ‘Allez à la fenêtre-Allez à l’endroit de la fenêtre.’ Le nom « tokoro » perd son sens lexical par grammaticalisation. Le sens aspectuel (ex. pre-processuelle) grammaticalisé est toujours avec un verbe (V+tokoro-da) comme (3). (3) korekara benkyoo-suru-tokoro-da (Bourdin 1999 : 208) maintenant études-faire-sur le point de-Cop. Maintenant je suis sur le point de me mettre à étudier. T -------R (étudier)/--------------T (le moment de l’énonciation) R (repère) Quant à « tokoro-da », il y a plusieurs sens temporels autre que « pré-processuelle ». (4) tabe-te-iru tokoro-da (Présent continu) manger-te-être tokoro-Cop. ‘Je suis en train de manger.’ (5) tabe-te-iru tokoro-dat-ta (Passé continu) manger-te-être tokoro-Cop.-passé ‘J’étais en train de manger.’ (6) tabe-ta tokoro-da (Passé récent ) manger-passé tokoro-Cop.’ ‘Je viens de manger. (7) tabe-ta tokoro-dat-ta manger-passé tokoro-Cop.-passé ‘Je venais de manger (quand il est venu).’ Il y a un autre marqueur en japonais, deuxièmement, « soo-da » (j’ai l’impresion que…) discuté dans Oguma (ibid) et Lionnet (2006 : 20). « soo-da » est également composé de deux morphèmes « soo » et « da » ‘copule’. « da » est optionnel, c’est pas obligatoire. « soo-da », marqueur de la modalité (ou l’évidentialité) de conjecture liée à l’apparence, s’associe lui aussi à la base connective du verbe (V+soo-da). Ce que marque « soo-da », c’est une conjecture fondée sur l’observation. Le sens général en est « vu ce que je vois » comme (8). Mais, dans (8), « soo-da » à la connective de l’adjectif (adjectif+soo-da). D’où « on dirait que… », « j’ai l’impression que… » : (9) et (10). (8) kanojo-wa kanasi-soo-da elle-Th. triste-Soo-Cop. ‘Elle a l’air triste.’ (9) ame-ga furi-soo-da pluie-Suj. tomber-Soo-Cop. ‘On dirait qu’il va pleuvoir.’ T -------R (il pleut)/--------------(10) uti no inu wa shini-soo-da maison Dét. chien Th. mourir-Soo-Cop. ‘J’ai l’impression que notre chien va bientôt mourir’ (je le prévois, car je constate son état inquiétant.) « tokoro-da » et « soo-da » expriment l’aspect « pre-processuelle » lié à l’inchoatif. Cependant, ces deux marqueurs fonctionnent différemment. On peut subdiviser en deux la notion « pré-processuelle ». La première « interprétation pré-processuelle » liée à l’inchoatif comme (9) et (10) : cette notion est proposée dans Dhorne (2005 : 77), qui n’analyse pas « soo-da », mais « te-kuru » (venir : émergence inchoative qu’elle appelle). La deuxième « volition pré-processuelle » comme (3). « soo-da » n’est pas utilisé avec le verbe de volition résultatif, lorsque le sujet est première personne. En revanche, avec « tokoro-da », cela fonctionne bien en japonais (Oguma 1994 : 153-154). (11) Boku-wa dekakeru-tokoro-da (*dekake-soo-da) je-Th. sortir-Tokoro-Cop. ‘Je suis sur le point de sortir.’ T -------R (sortir)/--------------Lorsque le sujet est troisième personne, « soo-da » est utilisé avec le verbe de volition résultatif. (12) kare-wa dekake-soo-da (dekakeru-tokoro-da) il-Th. sortir-Soo-Cop. ‘Il est sur le point de sortir.’ T -------R (sortir)/--------------« tokoro-da » n’est pas utilisé, lorsqu’on constate le phénomène naturel. (13) *ame-ga furu-tokoro-da pluie-Suj. tomber-Tokoro-Cop. ‘Il va pleuvoir.’ On peut élaborer la compatibilité des marqueurs avec les verbes ainsi qu’avec des adverbes, des compléments. Vendler (1967), Recanati (1999 : 167-184), Tournadre (2004 : 7-68) et Renaud (2005 : 171-192). Les classements des verbes état activité accomplissement achèvement Tokoro-da ok ok ok ok Soo-da ok ok ok ok (14) ki o tukete ware-soo-da (*wareru-tokoto-da) attention Obj. faire casser-Soo-Cop. ‘Fais attention, ça peut casser !’ Les adverbes soudainement graduellement un peu plus juste ponctuel * ok d’abord De toute façon Tokoro-da Soo-da * * ok ok ok * * * ok * finalement considérablement Tokoro-da ok * Soo-da « tokoro-da » est compatible avec l’adverbe ‘finalement’. Cependant, cet emploi exprime le passé récent comme suivant. (15) yatto shigoto o oe-ta-tokoro-da finalement travail Obj. terminer-passé-tokoro-Cop. ‘Finalement j’ai terminé mon travail’ Conjonction une fois que… avant que… après que… depuis que… alors que… Tokoro-da * * * * ok Soo-da ok * ok ok BIBLIOGRAPHIE • • • • • • • • • • • • • • Aoki, Saburo. 2000. « Les formes lexicale et grammaticale de ‘Tokoro’ (endroit) en japonais », Grammaticalisation-1- (de) motivation et contrainte. Travaux linguistiques de CERLICO : Rennes 6175. Bourdin, Philippe. 1999. « Venir de et la récence : un marqueur typologiquement surdéterminé », La modalité sous tous ses aspects, Cahiers Chronos 4, Amsterdam ; Atlanta : Rodopi 203-231. Cohen, David. 1989. L’aspect verbal. Presse Universitaire de France. Paris. Dhorne, France. 2005. « Aspect et temps en japonais », Bibliothèque de Faits de Langues : Ophrys. Franckel, Jean-Jacques. 1989. Étude de quelques marqueurs aspectuels du français. Genève : Droz. Le Draoulec, Anne. 2005. « Connecteurs temporels d’immédiateté : le cas aussitôt et soudain », Temporalité et attitude : structuration du discours et expression de la modalité, Cahiers Chronos 12, Amsterdam ; New York : Rodopi 19-34. Lionnet, Florian. 2006. La forme te-iru du japonais est-elle une forme progressive ? Mémoire de Master, Paris 8. Marque-Pucheu, Christiane. 1999. « L’inchoatif: marqueurs formelles et lexicales et interprétation logique ». 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Linguistics in Philosophy, Ithaca : Cornell University Press.