3.2 L’ETAT DOIT-IL INTERVENIR POUR REGULER LES FLUCTUATIONS CONJONCTURELLES ?
Introduction :
1. Lorsqu’un choc économique survient, les équilibres macroéconomiques sont mis à mal. Si la croissance
effective dépasse la croissance potentielle, l’inflation menace et le commerce extérieur risque d’être
déficitaire car l’économie perd en compétitivité. Si la croissance effective est inférieure à la croissance
potentielle, le chômage augmente avec le risque d’une remise en cause de la cohésion sociale et une
spirale déflationniste prix-salaires.
2. Que doit faire l’Etat face à cette situation ? Pour les économistes libéraux, le marché est le mieux à même
pour rétablir l’équilibre. La variation des prix et des salaires devrait suffire à inverser la tendance. Ainsi, en
cas de chômage, l’offre de travail étant supérieure à la demande, le salaire réel devrait baisser ce qui
incitera les entrepreneurs à embaucher davantage et certains travailleurs à renoncer à chercher un emploi.
L’offre de travail diminuant et la demande de travail augmentant, l’équilibre sur le marcdu travail sera
restauré et le chômage disparaîtra. L’intervention de l’Etat n’est donc pas nécessaire. Cependant, ce
raisonnement microéconomique ne fonctionne pas forcément au niveau macroéconomique car la baisse
des salaires réels va provoquer une baisse de la demande et de la production qui va amener les firmes à
licencier les travailleurs en surnombre. Le chômage appelle le chômage et la dépression risque de
s’accentuer. L’intervention de l’Etat est donc nécessaire pour J.M Keynes. Comment doit-il intervenir ?
Avec quels moyens ? Pour quels objectifs ?
A Les effets des fluctuations sur les grands équilibres macroéconomiques
a) Un instrument d’analyse de la conjoncture : le carré magique
1. La conjoncture correspond à un état de l’économie à un moment donné. Cet état est repéré par la situation
des grands équilibres macroéconomiques en matière de production d’emploi, de prix et de commerce
extérieur. L’économiste anglais Nicolas Kaldor l’a mis en évidence à l’aide du « carré magique » qui est
bâti à l’aide de quatre indicateurs :
Le taux de croissance du PIB (hausse du PIB en volume sur un an) ; ;
Le taux de chômage (chômeurs/population active x 100) ;
Le taux d’inflation (hausse de l’indice des prix sur une année) ;
Le solde du commerce extérieur (Exportations Importations de biens et de services).
Années 1960 :
Années 1970 :
Années 1980 :
Années 1990 :
Années 2000 :
Dans les années 1960, l’économie française connait une forte croissance (Les Trente glorieuses selon
Jean Fourastié) qui s’accompagne d’un faible taux de chômage, d’une inflation « rampante » qui
n’empêche pas le commerce extérieur d’être à l’équilibre.
Dans les années 1970, à la suite des deux chocs pétroliers, la croissance ralentit et le taux de
chômage débute sa longue ascension parallèlement à l’inflation. Cette « stagflation » contredit
temporairement la courbe de Phillips qui établissait une corrélation inverse entre inflation et chômage.
Dans les années 1980, dans un contexte de libéralisation et de mondialisation des économies, les
politiques de désinflation compétitive, en ralentissant la croissance et en accélérant la montée du
chômage, provoquent une baisse du taux d’inflation qui ne bénéficie pas encore au commerce
extérieur.
Dans les années 1990, les « Vingt piteuses » (Nicolas Baverez) se confirment. La croissance s’affaiblit
davantage ce qui conforte un chômage de masse, à la fois conjoncturel et structurel. L’inflation reste à
un niveau très bas et le commerce extérieur dégage un excédent important.
Au cours des années 2000, la succession des crises financières et les politiques de lutte contre le
surendettement de l’Etat affaiblissent encore la croissance. Le chômage repart à la hausse à la fin des
années 2000 ce qui maintient l’inflation à un niveau bas mais insuffisant pour empêcher le commerce
extérieur de devenir déficitaire.
b) Les déséquilibres macroéconomiques rendent l’intervention de l’Etat nécessaire
2. Pour les économistes libéraux, classiques et néo-classiques, le marcdevrait tablir rapidement les
déséquilibres apparus à la suite d’un choc.
En cas de choc négatif, le ralentissement provoque du chômage. L’offre de travail devenant supérieure
à la demande de travail des entreprises, le salaire réel va diminuer ce qui va diminuer le coût salarial
et inciter les entrepreneurs à embaucher jusqu’à retrouver le plein-emploi. La flexibilité des salaires
rend donc le chômage temporaire.
En cas de choc positif, la forte croissance engendre de l’inflation. La hausse des prix diminue le
pouvoir d’achat des ménages ce qui diminue leur consommation alors que les entrepreneurs sont
incités à investir pour offrir plus. L’offre de biens devient supérieure à la demande et les prix baissent.
Le marché, grâce à la flexibilité des prix, rétablit ainsi automatiquement l’équilibre.
En conséquence, l’Etat n’a pas à intervenir dans l’économie pour corriger les déséquilibres observés.
L’Etat doit se contenter de ses tâches «galiennes », celles de l’Etat-Gendarme : l’Armée, la Police, la
Justice et, éventuellement, les infrastructures non rentables qui dégagent des externalités positives.
3. Cependant, John Maynard Keynes a démontré qu’il peut très bien y avoir équilibre sur le marché des biens
et persistance du chômage car le niveau de la production d’équilibre (offre de biens) peut être insuffisant
pour employer tous ceux qui recherchent un travail. Face à cet équilibre de sous-emploi, le marché ne peut
rien faire. Seul l’Etat, en relançant la demande, peut obtenir un niveau de production de plein-emploi.
4. En cas de déséquilibre économique, le marché n’est donc pas capable de rétablir rapidement la situation.
Les agents économiques qui réagissent aux variations des prix prennent des décisions rationnelles au
niveau microéconomique qui ont des effets pervers au niveau macroéconomique.
Hausse de la
consommation
Hausse des
exportations
Phase de
récession
Hausse
du chômage
Baisse des
salaires réels
Désinflation
Baisse des
coûts unitaires
Hausse de la
compétitivité-prix
Hausse du
pouvoir d’achat
Reprise de la
croissance
Baisse des
exportations
Phase
d’expansion
Baisse
du chômage
Hausse des
salaires réels
Inflation
Hausse des
coûts unitaires
Baisse de la
compétitivité-prix
Baisse du pouvoir
d’achat
Baisse de la
consommation
Phase de
ralentissement
Ainsi, en période de récession, le recul de l’activiéconomique engendre chômage de masse et baisse du
pouvoir d’achat des ménages. Logiquement les ménages vont accroitre leur épargne de précaution pour
faire face aux incertitudes de la conjoncture. Ce faisant, ils ralentissent leur consommation, ce qui accroit
la baisse de la production et de l’emploi. Parallèlement, les entreprises anticipent le recul de l’activité,
stoppent leur projet d’investissement et se séparent d’une partie de leurs salariés ce qui accroît la crise. La
mévente des produits et l’importance du chômage favorisent la baisse des prix et des salaires els.
L’économie entre en déflation. Les tensions sociales et politiques augmentent et remettent en cause le
« laissez-faire ». La lenteur de l’ajustement de l’économie par la déflation a été soulignée par J.M. Keynes
qui déclarait en 1931 : « A long terme, nous sommes tous morts ». Face à la paralysie des entreprises et
des ménages qui, tétanisés par la peur de l'avenir, ne veulent ou ne peuvent plus investir et consommer,
seul l'Etat dispose de la capacid'emprunter et de dépenser. Il va donc adopter un plan de relance qui
consiste à accroître les dépenses publiques afin d’accroître la demande et la production.
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De même, en cas de croissance économique effective trop forte par rapport au potentiel de croissance
de l’économie, des tensions inflationnistes peuvent se manifester et être à l’origine d’un cercle vicieux
aux conséquences néfastes. L’inflation se traduit en effet par une baisse du pouvoir d’achat de la
monnaie, qui mine la confiance qu’ont les agents en elle, et par une perte de compétitivité-prix au
niveau international, ce qui peut avoir des effets négatifs sur les échanges extérieurs et donc la
production réalisée à l’intérieur du pays. Elle a également pour effet, si les revenus n’augmentent pas
au même rythme que les prix, de provoquer une baisse du pouvoir d’achat des ménages qui pourrait
être source de ralentissement de l’activité. Elle provoque enfin, lorsqu’elle n’est pas compensée par
une hausse des taux d’intérêt, des transferts de richesse des prêteurs, épargnants notamment, vers
les emprunteurs. L’Etat va alors adopter des plans de rigueur pour freiner la demande et ralentir la
hausse des prix.
B Les politiques conjoncturelles budgétaires et monétaires
a) Qu’est-ce qu’une politique conjoncturelle ?
1. Les politiques économiques recouvrent l’ensemble des mesures prises par les pouvoirs publics dans
l’économie. Elles sont caractérisées par la hiérarchisation des objectifs poursuivis et par le choix des moyens
mis en œuvre pour les atteindre.
2. Les politiques conjoncturelles visent des objectifs à court terme de rétablissement des grands équilibres
macroéconomiques. Elles sont essentielles au moment des retournements de la conjoncture, en vue
d’échéances électorales ou encore face à la pression de l’opinion publique. Les objectifs principaux des
politiques économiques conjoncturelles sont ceux mis en évidence graphiquement par le « carré magique »
proposé par Nicolas Kaldor : le plein-emploi ; la croissance ; l’équilibre des échanges extérieurs et la stabilité
des prix. L’État devient ainsi une sorte « d’auxiliaire » du marché, en tentant, par son intervention, d’orienter
l’activité économique dans un sens jugé souhaitable.
Offre
Demande
Surproduction
Anticipations négatives
Réduction de l’emploi et
montée du chômage
Baisse des prix
Baisse de la
consommation
Déflation
Hausse de l’épargne de
précaution
Baisse des salaires
réels
Elles peuvent prendre des formes différentes en fonction des « outils » utilisés.
Les politiques budgétaires visent, par l’intermédiaire du niveau et de la structure des recettes et des
dépenses publiques, à influer sur l’activité économique. Ainsi, par exemple, une augmentation des
dépenses publiques peut accroître la demande, ce qui poussera les entreprises à augmenter leur niveau
de production.
Les politiques monétaires ont pour objectif de contrôler le niveau de la masse monétaire, et donc
indirectement le niveau de l’inflation. Depuis 1993, les politiques monétaires ne sont plus de la
responsabilité des États en Europe, mais des banques centrales nationales, réunies depuis au sein de la
Banque centrale européenne (BCE).
3. Les politiques structurelles sont, quant à elles, des politiques de long terme, qui visent une modification
profonde du fonctionnement de l’économie. Elles tendent à modifier les grandes institutions en charge de la
régulation des activités économiques et sociales, ainsi que les comportements des agents économiques
dans un sens jugé souhaitable par la collectivité. Ce sont donc des politiques qui cherchent plus à influencer
les conditions d’offre que les conditions de demande. Dans une optique o-classique, elles cherchent à
libéraliser les marchés, alors que, dans une optique keynésienne, elles cherchent à renforcer le poids de
l’intervention publique sur ces marchés.
4. Qu’elles soient conjoncturelles ou structurelles, les politiques économiques sont obligatoirement
transformées par l’intégration économique et politique qui se fait dans le cadre de l’Union européenne.
Politique conjoncturelle
Politique structurelle
Baisse des taux d’intérêt de la Banque centrale
(politique monétaire)
Dévaluation de la monnaie nationale (politique
monétaire)
Augmentation des réserves obligatoires (politique
monétaire)
Baisse de l’impôt sur le revenu (politique
budgétaire)…
Privatisation des entreprises (politique
réglementaire)
Loi sur la réduction du temps de travail (politique
réglementaire)
Crédit d’impôt pour les firmes innovatrices
(politique incitative)
Déremboursement de certains médicaments
(politique incitative)
b) Les politiques budgétaires de relance
1. Le Budget de l'Etat au sens large est l'ensemble des comptes, pour une année civile, qui retracent toutes les
dépenses et toutes les recettes des administrations publiques (Etat central, collectivités territoriales, Sécurité
sociale). Le budget de la Sécurité sociale est supérieur au budget de l’Etat central.
Les dépenses publiques comprennent :
Les dépenses de fonctionnement (consommations intermédiaires) et le paiement des salaires des
fonctionnaires ;
Les transferts économiques et sociaux aux ménages et aux entreprises (subventions, prestations
d’assistance comme le RSA, prestations d’assurance comme les retraites…) ;
Les investissements publics consacrés aux infrastructures publiques (Ecole, route, canaux…) ;
La charge de la dette (Le paiement des intérêts de la dette).
Politiques
économiques
Politique conjoncturelle
Politique
budgétaire
Politique
monétaire
Politique de relance ou
politique de rigueur
Politiques
incitatives
Politique
réglementaire
Les recettes de l’Etat au sens large correspondent aux prélèvements obligatoires :
Les recettes fiscales : impôts directs assis sur les revenus et le patrimoine (impôt sur le revenu,
l’impôt sur les sociétés, l’ISF, la CSG…) et les impôts indirects assis sur la consommation (TVA,
TIPP…). Une partie des impôts est attribuée à l’Etat central (Impôt sur le revenu, TVA). Une autre
partie aux collectivités territoriales (Taxe d’habitation, impôt foncier…). La CSG est versée à la
Sécurité sociale.
Les cotisations sociales : elles sont assises sur les salaires et sont payées à la fois par les salariés
(cotisations salariales) et par les employeurs (cotisations patronales). Elles alimentent le budget de
la Sécurité sociale.
2. Le budget de l'Etat peut présenter un solde excédentaire, équilibré ou déficitaire :
Si les dépenses définitives sont supérieures aux recettes, le budget est en déficit ;
Si les dépenses sont égales aux recettes, on parle d’un équilibre budgétaire ;
Si les dépenses définitives sont inférieures aux recettes, le budget est en excédent.
En France, le budget est en déficit depuis la crise des années 1970. Il est resté inférieur à 3% du PIB entre
1970 et 1992 puis il a passé ce seuil autorisé par le pacte de stabilité entre 1992 et 1997 avant de
revenir dans les "clous" entre 1997 et 2008. La crise de 2008-2009 l'a fait plonger à plus de 8% du PIB.
Déficit public et dette publique en France (en % du PIB)
3. Une récession (diminution sur au moins deux trimestres consécutifs du PIB), ou un ralentissement de la
croissance du PIB, provoque, en général, un déficit du budget public en diminuant les recettes fiscales et
sociales (diminution des profits des entreprises, ralentissement des revenus des ménages, diminution des
dépenses, diminutions des cotisations dues à la montée du chômage) et en augmentant les dépenses
publiques (plus de chômeurs, de pauvres à secourir). Il s'agit d'un « déficit conjoncturel ».
Pour les économistes libéraux, l’Etat doit gérer son budget comme un bon père de famille. Le budget de
l’Etat doit être équilibré car l’Etat n’a pas à intervenir dans l’économie qui est régulée par le marché.
Lorsqu’un déficit conjoncturel surgit, l’Etat doit tout faire pour le résorber en augmentant les impôts ou en
réduisant les dépenses publiques (baisse des salaires des fonctionnaires...). Après la crise de 1929, ces
politiques déflationnistes ont été suivies par le président des Etats-Unis, Herbert Hoover, jusqu'en 1932,
par Pierre Laval en France en 1934-1935 et en Allemagne de 1930 à 1932 par Heinrich Brüning. Elles
accentuèrent la crise en déprimant davantage l’activité.
Recettes de
l'Etat
Dépenses de
l'Etat
Déficit du
budget
Recettes de
l'Etat
Dépenses de
l'Etat
Excédent du
budget
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