les fourberies de scapin - Théâtre des Marionnettes de Genève

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Théâtre des Marionnettes de Genève
Dossier pédagogiquesaison 2013 - 2014
LES FOURBERIES DE SCAPIN
Un spectacle de la Compagnie Émilie Valantin (F)
DU 7 AU 14 FÉVRIER 2014
Jeu et adaptation du texte : Jean Sclavis
Mise en scène : Émilie Valantin assistée
de Jean Sclavis
Lumière : Gilles Richard
Scénographie : Émilie Valantin
Assistée de : Jean-Luc Maire
Composition et arrangements musicaux du rôle
de Hyacinthe : Vincent De Meester
Marionnettes : Émilie Valantin, L’Atelier du
Théâtre du Fust - Compagnie Émilie Valantin
Costumes : Mathilde Brette, Coline Privat,
Laura Kerouredan
Théâtre des Marionnettes de Genève
3 Rue Rodo | 1205 Genève
Réservations : 022 807 31 07
ou www.marionnettes.ch
~ 70 minutes
Adultes, ados
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Le spectacle
1. L’histoire
Valet rusé, fourbe comme il en porte le sigle
sur son dos, Scapin décide d’aider de ses
stratagèmes deux jeunes amoureux, dont
les paternels font le projet d’un mariage loin
d’être à l’avantage de tous. Et cette union
semble à des années lumières de celle que
leur dicte leur amour passionné. Sur scène,
le sortant de sacs de transport, le comédien
et manipulateur virtuose Jean Sclavis fait
vivre l’ensemble du casting moliéresque
avec une force suggestive étonnante. Si ces
marionnettes, un temps suspendues à un
système de palans, sont de bois et vêtues
de magnifiques costumes d’époque, elles
s’imposent comme de bien authentiques
partenaires de jeu. De taille presque
humaine, elles donnent à cette farce chef-
d’œuvre de la commedia dell’arte des allures de comédie dramatique sociale et métaphysique avec le
côté fantoche des riches avaricieux. Et la part désespérément humaine de Scapin.
La scène se passe à Naples, sur le port. Pendant l'absence de leurs pères respectifs, Octave s'est marié
en secret avec Hyacinthe, une jeune fille pauvre au passé mystérieux et Léandre est tombé amoureux
de Zerbinette, une Egyptienne. Mais voici que les pères, Argante et Géronte, rentrent de voyage avec
des projets de mariage pour leurs enfants. Les fils se croient perdus et ne savent plus que faire. Scapin,
le valet de Léandre, se propose de tout arranger. Il prend le parti de la jeunesse et monte un subterfuge.
Il imagine de soutirer aux deux pères l'argent nécessaire pour faire triompher l'amour et la jeunesse.
Entreprise apparemment impossible, mais que Scapin arrivera à mener à bien, grâce à des
rebondissements inattendus.
Voix modulées des huit personnages, registres variés, chants fuselés : le comédien excelle
dans une version resserrée et judicieusement modernisée de l’un des plus grands succès
posthumes de Molière. Visages inspirés de figures de saints napolitains ou de santons des
crèches populaires, les marionnettes s’offrent comme autant de miroirs aux amertumes et
ressassements du valet le plus célèbre de l’histoire du théâtre. La partition musicale baroque,
elle, jouée sur le vif par un claveciniste lie les airs d’opéra les plus fameux du moment, attestant
que le remix est bien une invention du 17e siècle. Côté costumes, les redingotes entoilées
participent du mouvement de personnages et nous disent tout l’art de la manipulation que
Scapin, vaincu par les puissants, faillit payer de sa vie, si ce n’est par la plus haute des
solitudes. Son vrai drame ? Devoir servir bien moins futé, doué et intelligent que lui. Toute
ressemblance avec des situations de soumission volontaire face à une hiérarchie dans le
monde laborieux actuel ne saurait naturellement être que fortuite.
Les Fourberies de Scapin
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2. Synopsis détaillé de la pièce
Octave et Léandre, pendant le voyage de
leurs pères, qui sont amis, ont fait des
bêtises. Octave a épousé la jeune et jolie
mais pauvre Hyacinte tandis que Léandre
est tombé sous les charmes de Zerbinette,
une esclave égyptienne. Ceci ne plaira pas
du tout à leurs deux pères… Pour se sortir
de cette situation, ils demandent l’aide de
Scapin, le valet fourbe et rusé du jeune
Léandre. Scapin, avec le secours de son
ami et valet d’Octave, Sylvestre, formule un
plan abracadabrant pour tromper les deux
vieillards.
À Argante, furieux du mariage de son fils
Octave, Scapin raconte que la jolie Hyacinte
a un terrible spadassin (un mercenaire) comme frère. Ce frère accepterait que le mariage soit rompu en
échange de deux cents pistoles qu’il soutire à Argante en lui faisant croire que de rompre le mariage en
justice coûterait beaucoup plus cher. À Géronte, qui a appris par Argante que Léandre s’est aussi mal
conduit en leur absence, Scapin soutire cinq cents écus en lui faisant croire que son fils a été enlevé par
une galère turque et qu’il sera mené vers l’esclavage si Géronte ne rachète pas sa liberté. Géronte se
plaint beaucoup du prix élevé que Scapin lui demande et pour se venger de son avarice, Scapin
l’enferme dans un sac en lui faisant croire que des fiers-à-bras le cherchent pour l’attaquer. Lorsque
Géronte est dans le sac, Scapin lui donne plusieurs coups de bâton en feignant une bataille avec les
mercenaires mais le vieillard le voit et jure à Scapin qu’il le fera pendre. Scapin se sauve.
Malheureusement, Zerbinette vend la mèche à Géronte à qui elle raconte, sans connaître son identité,
comment un rusé valet du nom de Scapin a dérobé de l’argent pour une fausse rançon. Géronte jure de
se venger de cette supercherie ainsi que des coups de bâton. Argante apprend à son tour que Scapin l’a
floué et jure aussi de se venger. Parmi toute cette débâcle, on découvre que Hyacinte est la fille de
Géronte née d’un mariage secret et qu’il croyait disparue en mer. Quand on comprend qu’elle est déjà
mariée à Octave, à qui elle était destinée, tout le monde se réjouit. De plus, on découvre que Zerbinette
n’est nulle autre que la fille d’Argante, enlevée en bas âge par les Égyptiens. Plus rien ne s’oppose donc
au mariage de Zerbinette et Léandre. Tous les jeunes gens ainsi que les deux vieillards sont finalement
bien heureux des deux noces. Mais, Argante et Géronte jurent encore de se venger de Scapin lorsque
celui-ci arrive, la tête enveloppée d’un bandage, blessé mortellement. Les deux vieillards lui pardonnent
toutes ses fourberies pour se rendre compte qu’ils ont été trompés encore une fois lorsque Scapin guérit
instantanément de sa dernière supercherie.
Les Fourberies de Scapin
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3. Un Scapin métaphysique et maître des marionnettes
L’idée de filer jusqu’au bout la métaphore d’un
Scapin-manipulateur de personnages sans
consistance, on pourrait dire "sans répondant", naïfs
et faire valoir la fonction comique, trouve une
résonance bien connue dans les écrits d’Henri
Bergson. En effet, dans son livre sur le rire, Essai
sur la signification du comique, le philosophe
français trouve avec Les Fourberies de Scapin, la
première illustration de son chapitre consacré au
principe du pantin à ficelle :
« Innombrables sont les scènes de comédie où un personnage croit parler et agir librement, où ce
personnage conserve par conséquent l’essentiel de la vie, alors qu’envisagé d’un certain côté il
apparaît comme un simple jouet entre les mains d’un autre qui s’en amuse. Du pantin que l’enfant
manœuvre avec une ficelle, à Géronte et à Argante manipulés par Scapin, l’intervalle est facile à
franchir. Ecoutez plutôt Scapin lui-même : 'La machine est toute trouvée', et encore 'C’est le ciel
qui les amène dans mes filets.' »
Ce parti pris a pour conséquence immédiate de souligner la solitude de Scapin que l’analyse de la pièce
dévoile; Scapin n’est plus l’axe central autour duquel évoluent les autres personnages mais redevient le
serviteur des marionnettes qu’il convoque sur le plateau afin d’exister encore une fois en attendant la
mort, dernière fourberie tragique de la pièce. On peut par ailleurs se demander si, sans l’intervention de
Scapin, tout ne se serait pas arrangé beaucoup plus rapidement entre les pères et les fils, sachant que
les fiancées qu’Argante et Géronte destinaient à leurs enfants s’avéreront au final être justement celles
pour lesquelles les jeunes gens soupiraient ! Sylvestre conclut : - « Le hasard a fait ce que la prudence
des pères avait délibérée. » Scapin ne souffrirait-il pas d’un activisme pathologique ?
La volonté d’accentuer la dimension métaphysique du personnage est induite indirectement par Molière
lui-même qui "délocalise" l’action à Naples, ville métaphore, paradigme du mouvement, mais ville ayant
épousé la mort, selon le philosophe français Michel Onfray :
« Naples est la cité que j’ai vu la plus abandonnée à Thanatos, comme on le dit d’une femme…
Mort dans les catacombes et dans la rue, dans l’art baroque et les édicules qui poursuivent la
tradition des dieux lares (divinités romaines liées à la famille). Mort dans le sang supposé de saint
Janvier… Dans la récurrence esthétique ou pieuse des crânes et des tibias, des fémurs et des
squelettes… Les voilà vraisemblablement les villes construites au pied des volcans, leur nature et
leur style : un incroyable pacte avec les enfers, des cités faustiennes toutes entières en intimité
avec Méphisto…» (extrait de : Michel Onfray, Désir d’être un volcan)
Voici donc une idée "d’Italie" qui nous inspire pour nous écarter de traditions "Italiennes" qui ont souvent
banaliser Scapin.
Compagnie Émilie Valantin
Scapin redevient le serviteur des
marionnettes.
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4. Le meilleur de Molière
Entretien avec Émilie Valantin, metteure en scène.
Molière écrit rapidement une comédie ne
demandant qu’un décor sommaire et pouvant
être jouée facilement. On retrouve cette idée
dans votre mise en scène.
Émilie Valantin : A mes yeux, c’est un travail où
Molière réalise un récapitulatif de multiples
thèmes et matériaux déjà écrit au fil de pièces
philosophiques et de farces notamment. Du coup,
il fait vite, économique, pratique, efficace, comme
toujours avec le plus de pertinence. Un geste que
nous avons effectivement tenté de reproduire et
prolonger à la scène. Sans essayer néanmoins
de coller à ce que faisait Molière.
Molière écrit sobrement : « La scène se passe à Naples », ce qui laisse une grande liberté pour
concevoir une scénographie, ici en forme de jetée ou ponton ouvrant sur une baie maritime. Nous avons
ainsi imaginé être dans un port napolitain scandé par de grands palans ou bascules de déchargement.
Un dispositif qui a l’avantage de pouvoir y suspendre les marionnettes.
Sur le rapport entre le personnage de Scapin et la figure de Molière…
Au détour d’une scène, Scapin se moque du monde en faisant semblant d’être blessé, la tête serrée
dans un bandeau ensanglanté. Ces facéties parodient l’idée que celui qui souffre est par essence
vertueux. On est bien au cœur de civilisations chrétiennes et catholiques, où le côté christique ressort.
Une dimension tournée en dérision chez Molière.
A mon sens, la fin de la pièce recèle nombre de résonnances sociales. Tous les personnages sont alors
réunis à l’occasion d’un banquet de mariage. Et Scapin dit : « Et moi, qu'on me porte au bout de la table,
en attendant que je meure. » En d’autres termes, pris à son rôle de victime et valet, il sait qu’il n’aura que
le bout de la table maritale quoi qu’il arrive. C’est une victimisation symbolique. Scapin sait qu’il fait partie
du mauvais côté de la barrière, celui des vaincus. S’affirme ici le fatalisme d’une personne qui reste dans
le camp des serviteurs. On lui met ainsi un bandage ensanglanté, comme ce fut le cas dans la tradition.
Comment est née l’idée de personnages théâtraux que le comédien incarnant Scapin va sortir de
leurs sacs en jute ?
Déambulant sur le quai de Naples, l’acteur débute son entrée sur le plateau en équilibrant les
contrepoids grâce à du sable. Il décharge ensuite les personnages semblables à des marchandises et
qui se mettent à revivre. C’est une sorte de liturgie.
Les Fourberies de Scapin
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