Strongles digestifs des ruminants : mécanismes de résistance aux anthelminthiques et conséquences sur leur gestion. J. Cabaret, C. Charvet, A. Silvestre, A. Fauvin, C. Neveu IASP 213 Nouzilly La résistance aux anthelminthiques-F Benzimidazoles • Très fréquente chez les chèvres laitières • Fréquente chez les ovins (50% des fermes) • Très rare chez les bovins (en Europe) Lactones macrocycliques? Lévamisole ? -Les modes d’action des anthelminthiques -Stratégies et résultats d’une étude la résistance des strongles au lévamisole. -Déterminisme génétique et conséquences sur l’évolution de la résistance Famille d’anthelminthique Benzimidazoles Mécanisme de résistance Commentaires Isotype 1 de la !tubuline : mutation point en position 200 Résistance la plus étudiée au plan phénotypique et moléculaire. Mutation point 200 rencontrée chez les principaux strongles de ruminants résistants aux benzimidazoles. D’autres mutations points possiblement impliquées (Mottier & Prichard, 2008) Isotype 2 de la !tubuline mutation point ou délétion. Importance mineure chez les strongles mais importante chez les douves résistantes au triclabendazole. Lactones macrocycliques : Avermectines et milbemycines Mutations des canaux chlore du glutamate ou de l’acide gamma amino-butyrique GABA Démonstration moléculaire chez Cooperia oncophora (Njue et al. 2004).. Surexpression des Pglycoprotéines Rôle dans d’autres résistances (Kerboeuf et al. 2003). Imidazothiazoles : Lévamisole Changements dans les récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine Encore très peu d’information moléculaire sur les strongles ; résistance commune avec les dérivés de la tetrahydropyrimidine (Pyrantel, Morantel) Stratégies et résultats d’une étude de la résistance des strongles au lévamisole. Identification des mécanismes moléculaires impliqués dans l’acquisition de la résistance au lévamisole Benzimidazole, Avermectine, Imidazothiazole (lévamisole) R R R Acquisition de la résistance moins fréquente et moins rapide Levamisole : dernier rempart Optimisation des traitements Identification des gènes impliqués dans la résistance au lévamisole chez les strongles digestifs Haemonchus contortus, Teladorsagia circumcincta, Trichostrongylus colubriformis Identification des gènes impliqués dans la résistance au lévamisole chez les strongles digestifs Haemonchus contortus, Teladorsagia circumcincta, Trichostrongylus colubriformis 2 strategies complementaires Stratégie « gènes candidats » Caenorhabditis elegans Approche transcriptomique Haemonchus contortus LevR /LevS Stratégie « gènes candidats » Caenorhabditis elegans Lévamisole est un agoniste cholinergique gène lev-1 ! "# $% ' unc-29 unc-38 unc-63 Na + produit du gène lev nAChR non-! ! "# "$% & ' nAChR ! subunit nAChR non-! subunit nAChR ! subunit nAChR ! subunit K+ Gènes conférant la résistance au Lévamisole nAChR Récepteur Acétylcholine Nicotinique (nAChR) NH2 COOH Extracellular 1 2 3 4 Cytoplasmic 4 domaines transmembranaires (M1–M4) Identification des ADNc complets correspondant aux orthologues de unc-29, lev-1, unc-63, unc-38, lev-8 chez les espèces de Strongles cDNA nématodes adultes, Lev S identification 5’ : SL1 PCR 5’ SL1 Amorces dégénérées identification 3’ : 3’ RACE PCR Amorces dégénérées AAAAAAAAAA TTTTTTTTTTT 3’ Clonage systématique des l’ensemble des produits d’amplification ! Chez les strongles : grande diversité de sousunités de nAChR correspondant à Ce-unc-29 Ex. 3’ RACE PCR orthologues de unc-29, lev-1, unc-63 et unc-38, chez les Strongles Haemonchus contortus, Teladorsagia circumcincta, Trichostrongylus colubriformis 23 ADNc complets 16 nouvelles séquences C. elegans H. contortus T. circumcincta T. colubriformis unc-29 4 4 3 lev-1 1 1 1 unc-38 1 1 1 unc-63 1 1 1 lev8 0 0 0 acr-8 1 1 1 H. contortus hca-1 (Hoekstra et al. 1997) T. colubriformis tar-1 ( partial cDNA) (Wiley et al. 1996) T. circumcincta tca-1 ( partial cDNA) (Walker et al. 2001) Direct submission (Walsh et al. 2007) Polymorphisme d’expression associé à la résistance H. contortus 3 isolats Lev R / 3 isolats Lev S Hc-lev-1, Hc-unc-29.1, Hc-unc-29.2 Hc-unc-29.3 Hc-unc-29.4 Hc-unc-38, Hc-unc-63 Les transcrits complets sont exprimés chez tous les isolats pas de polymorphisme associé à la résistance Transcrits tronqués spécifiquement exprimé chez des isolats résistants au lévamisole Hc-unc-38 R1 R2 R3 3’ RACE PCR S1 S2 Hc-unc-29.4 S3 SL1 PCR S1 400 bp R1 Hc-unc-29.3 Hc-unc-29.4 200 bp Hc-unc-29.4!1 E1 SL1 114 bp SL1 Hc-unc-29.4!1 Hc-unc-29.4 R1 Hc-unc-29.4 S1 Ce-unc-29 Approche Transcriptomique cDNA from adult males of H.contortus Analyse différentielle des transcrits de nématodes R ou S au Lévamisole 2 isolats Résistants 2 isolats sensibles cDNA-AFLP Polymorphisme d’expression Polymorphisme dans les séquences des transcrits (mutation ponctuelle, indel) Double strand cDNA TTTTTT AAAAA cDNA digestion TTTTT AAAA Adaptors ligation Preamplification Selective amplification T A T GC CG GC Resultats Restriction Preamplification Amplification Combinaisons d’amorces Fragments générés Hind III/Mse I H+0/M+0 H+1/M+2 64 8640 Hypothèse d’un mécanisme commun d’acquisition de la résistance chez différents isolats R1 19 12 R2 S1 S2 Resultats cDNA-AFLP R1 R2 S1 Lev R RT-PCR R1 S2 R2 Lev S R3 S1 S2 S3 S5 S4 HA17 Neveu et al. 2007 La fonction d!HA17 et son implication dans la résistance restent à déterminer Premier marqueur de résistance au Lévamisole identifié chez les Strongles cDNA-AFLP R1 R2 S1 RT-PCR S2 R1 R2 HA7 Hc-acrX Hc-acrX R3 S1 S2 S3 AAAAAAAAAAA R1 R2 R3 AAAAAAAAAAA R&S Hc-acr8 est un orthologue de Ce-acrX qui peut interagir avec Ce-unc-29 (Gottschalk et al. EMBO J. 2005) et participer à la constitution,du récepteur au lévamisole Conclusions et perspectives La stratégie « gènes candidats » et l’analyse différentielle des transcriptomes de nématodes sensibles ou résistants au lévamisole Grande diversité de sous-unités nAChR chez les strongles : lesquelles sont impliquées dans la constitution du récepteur sensible au lévamisole ? Reconstitution du récepteur au lévamisole en oeuf de Xénope Identification de différentes sous-unités tronquées du récepteur au lévamisole chez les isolats résistants étudiés : sont-elles impliquées dans l’acquisition de la résistance au lévamisole ? Validation fonctionnelle chez C. elegans Transformation stable de nématodes sensibles acquisition du phénotype de résistance ? Déterminisme génétique et conséquences sur l’évolution de la résistance • Déterminisme mono ou polygénique La sélection de la résistance est plus rapide si le mécanisme dépend d’un seul gène plutôt que de plusieurs (sous l’hypothèse d’un effet additif des n allèles de résistance et d’un équilibre de liaison entre les gènes) (Barnes et al. 1995). La dominance ou la codominance des allèles de résistance ont aussi des effets marqués sur l’évolution de la résistance. Dans un modèle avec un gène et deux allèles, la résistance évolue plus rapidement quand elle est dominante, plus lentement quand elle est codominante et encore plus lentement quand elle est récessive. Ces hypothèses sont très difficiles à vérifier sur des résultats empiriques, car d’autres phénomènes peuvent interférer avec ce mécanisme comme par exemple la capacité adaptative (fitness) des génotypes résistants et sensibles. Exemple : résistance aux benzimidazoles • Déterminisme monogénique et récessif Le déterminisme génétique de la résistance aux benzimidazoles a été mis en évidence par Kwa et al. 1994 pour le strongle Haemonchus contortus. Une mutation point en position 200 induisait la résistance. Seuls les individus possédant les deux allèles de résistance sont résistant aux benzimidazoles. Ce mécanisme récessif a été retrouvé chez la majorité des espèces de strongles (Teladorsagia circumcincta Elard et al. 1999, Trichostrongylus colubriformis Grant & Mascord 1996, Trichostrongylus axei Palcy et al. 2008). Résistance et pression de sélection par les anthelminthiques Le nombre de traitement est un élément fondamental sur la sélection (Silvestre et al. 2002 ; Gaba et al. 2006). Malgré tout, en Auvergne des traitements peu fréquents, utilisant les trois grandes familles ont tout de même aboutit à une résistance aux benzimidazoles. De même au Maroc dans la région de Rabat des résistances aux benzimidazoles sont présentes malgré une fréquence faible de traitement avec ces molécules. C’est donc plutôt l’efficacité sélective des traitements qui joue un rôle que le nombre en tant que tel. D’autres facteurs on également un poids très important, la fréquence des introductions d’animaux étrangers au troupeau ou la présence de refuges. Résistance et impact sur la fitness (maintien de la résistance ou réversion) Globalement, la fitness (valeur reproductive) semble identique entre les individus sensibles et résistants, au moins pour T. circumcincta tant en conditions expérimentales (Elard et al. 1998) que naturelles (Leignel, 2000). Toutefois certains traits de vie sont différents chez les souches sensibles ou résistantes chez T. circumcincta (Leignel & Cabaret, 2001) ou Haemonchus contortus (Melo 2005). Il semble que les capacités des vers sensibles à l’aune de la durée ne soient pas inférieures à celles des vers résistants même si certaines capacités sont affectées positivement ou négativement. Le cas de T. axei (Palcy et al. 2008).mérite cependant d’être mentionné : dès la cessation des traitements aux benzimidazoles, pour lesquels ils ont acquis une résistance, leur proportion n’a cessé de diminuer aux cours des six années d’études. En fait ce parasite présente des interactions négatives avec les autres espèces de strongles (Cabaret & Hoste, 1998). Cette diminution peut être imputée aux développement des autres espèces de strongles sensibles, qui ne sont plus défavorisées par les traitements aux benzimidazoles, Cette réversion relative pour T. axei ne serait donc qu’une conséquence des interactions entre espèces. Résistance et impact sur les refuges (maintien des allèles de sensibilité) La notion de refuge a été prise par les nématologistes d’une façon très large, alors que primitivement cette définition est restrictive pour les généticiens des populations, puisqu’elle porte sur des fragments de population (incluant tous les stades du cycle parasitaire). Pour les strongles, ce qui est central est le fait qu’une population ou certains stades de la population échappent à la pression de sélection par les anthelminthiques. Le rôle de ces refuges a été initialement remarqué par van Wyk (2001) et leur rôle dans l’établissement de la résistance a été conforté par une modélisation (Gaba et al. 2006) ou par des constatations ou des hypothèses à dire d’experts (Kenyon et al. 2008). Ainsi, l’existence de parcelles utilisées contaminées par des animaux non traités, le fait que seulement certains animaux (ceux que l’on suppose à haut-risque) soient traités (ce qui est le principe des traitements individuels sélectifs ou TST, Cabaret, 2008) sont des moyens de nourrir ces refuges. Le maintien de ces refuges, s’il est efficace pour contenir l’évolution de la résistance est toutefois une contrainte pour gérer l’intensité de l’infestation. CONCLUSIONS 1) La résistance aux anthelminthiques est un phénomène généralisé et il concerne surtout actuellement les benzimidazoles. 2) Les résistances sont très fréquentes chez les petits ruminants et beaucoup moins chez les bovins. 3) L’existence de résistance oblige à adapter la stratégie de contrôle des strongles. Il n’est plus alors question de viser à des animaux traités pour « éradiquer » les strongles, mais au contraire d’accepter que des animaux ne soient pas traités, que des parcelles contaminées soient des sources pour le maintien des « bons allèles » de sensibilité aux anthelminthiques. 4) Il est certain que des études concernant le mécanisme de transmission de la résistance sont essentielles et permettront une lutte plus adéquate contre les strongles. Elles pourront aussi permettre des associations anthelminthique et potentialisateur