
Phares 79
ntuition et nitude dans la lecture heideggérienne de ant
Or, ceci n’est possible que sur la base de la thèse de l’idéalité de
l’espace et du temps, selon laquelle l’espace et le temps ne sont
pas intrinsèques aux choses telles qu’elles sont en elles-mêmes,
mais relèvent plutôt de la constitution subjective de l’homme,
dans la mesure où l’homme est un être sensible7. C’est donc dans
l’Esthétique que Kant rejette la possibilité, pour l’homme, de
fournir des déterminations absolues des choses : le grand apport de
la Critique, qui peut être résumé dans l’afrmation selon laquelle
« nous ne connaissons a priori des choses que ce que nous y mettons
nous-mêmes8 », trouve son fondement dans l’Esthétique, si bien
qu’il faudra attendre la Logique et, particulièrement, l’Analytique
avec sa table des catégories, pour compléter la théorie kantienne
de la connaissance avec les déterminations de l’entendement (les
catégories). Ce sera en effet au moyen des catégories que les objets
pourront acquérir une valeur objective, devenant alors des objets de
connaissance.
La question se pose pourtant quant à savoir pourquoi, si
Heidegger subordonne l’Esthétique au schématisme, nous devrions
nous attarder à sa lecture de l’Esthétique. À la suite de ce que nous
venons d’afrmer, il devrait être sufsamment clair que l’Esthétique
joue, chez Kant, un rôle fondamental, voire fondateur dans
l’architectonique critique. En ce sens, s’il fallait élucider le sens de
la Critique de la raison pure an de comprendre le projet kantien
en tant que tel, il serait injustié d’aborder l’Esthétique comme s’il
s’agissait d’une section secondaire. Mais qu’en est-il de l’apport
de l’Esthétique pour la lecture que Heidegger fait de la Critique ?
Doit-on le croire sur parole lorsqu’il afrme que l’Esthétique
n’aurait qu’un « caractère introductif » ? Ou ne devrions-nous pas,
au contraire, et suivant les conseils herméneutiques de Heidegger
lui-même, « saisir au-delà des mots ce que ces mots veulent dire9 » ?
Si une telle démarche peut, parfois, être déconseillée, elle nous
semble pourtant ici justiée, et ce, en raison du contexte de parution
du Kantbuch. En effet, la primauté accordée par Heidegger au chapitre
sur le schématisme apparaît davantage comme la conséquence d’une
querelle ouverte avec le néo-kantisme10 sur la nature de la « racine
commune » de la sensibilité et de l’entendement, que comme la