Frère Didier van HECKE, l'Évangile de Jean, GB GSA, 2013/2014.
20Moi ouvertement j’ai parlé au monde
Moi toujours j'ai enseigné dans (la) synagogue et dans le temple...
En secret je n’ai parlé de rien.
Le verbe "parler" laléô est utilisé ici au sens fort de "parole de révélation" comme l'atteste
l'usage fréquent du verbe en Jean : Jn 3,11.34 ; 6,63 ; 7,17.26 ; 8,12.20.25.30.38 ; 12,3.49 ; 14,10...
Cette réponse du Christ indique que la révélation est achevée.
Jésus a parlé ouvertement, il a enseigné là où tous les juifs s'assemblent en synagogue (Jn 6,22-
59 ; 7,14.28 ; 8,20) et dans le Temple (Jn 2,13-22), ces lieux de prière où l'israélite en quête de Dieu
est le plus exposé à la rencontre. Le message transmis concernait tout homme. Chez Jean, il n’est nulle
question de révélation privilégiée : “Ce que j’ai entendu de Lui, je le dis au monde” (8,26). Elle n’est
pas comme dans le gnosticisme révélé à quelques-uns mais un grand nombre d’hommes ont dit non.
D'où ce qui est sous-tendu par cette réponse de Jésus : comment le responsable de la
communauté juive pouvait l'ignorer, sinon parce qu'il n'avait pas écouté ?
Puis, au v. 21, Jésus interpelle ensuite Hanne :
21Pourquoi me questionnes-tu ? Questionne ceux qui ont entendu ce que j'ai parlé :
eux savent bien ce que j'ai dit.
La situation se renverse. Jésus garde l'initiative et dans sa question à Hanne, indirectement, il
dénonce l'hypocrisie de sa question et du refus d'écouter.
En évoquant ses disciples, mais aussi tous les croyants à venir, et en soulignant leur réceptivité
à sa parole "questionne ceux qui ont entendu ce que j'ai parlé", Jésus manifeste au Grand Prêtre que,
malgré l'issue dramatique de son ministère, la parole du Père a été semée dans les cœurs et continuera
d’être annoncé.
Dans ces deux versets 20-21 qui rapportent la réponse de Jésus à Hanne il est question de
parole : on a trois fois le verbe laléô, parler. Ce qui est ici en cause c'est bien la parole de Jésus, Parole
de révélation, au sens fort.
42 La gifle du serviteur d’Hanne et la réponse de Jésus (vv. 22-23)
22A ces mots, l'un des gardes qui étaient auprès de lui donna un soufflet à Jésus en disant :
"c'est ainsi que tu réponds au Grand Prêtre !".
La réaction du serviteur du grand prêtre est immédiate : il gifle Jésus. C’est le seul geste
d’outrage rapporté par Jean avec la couronne d’épines de 19,3. Quelle est donc sa signification ?
Cette gifle est donnée dans un contexte de parole. On retrouve le verbe laléô "parler" dans la
réponse de Jésus au serviteur comme dans sa réponse à Hanne :
23Jésus lui répondit : "Si j'ai mal parlé, montre en quoi ; si j'ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ?"
20Moi ouvertement j’ai parlé au monde.
Dans les Synoptiques, Jésus garde le silence sous les outrages, comme le serviteur de Dieu (Is
53,7). Ici, il réagit. Il propose une alternative qui met le garde dans son tort : ce n'est pas lui mais le
garde qui a agi injustement. Jésus ne reprend pas le verbe "répondre", qu'avait utilisé le garde, mais il
reprend le verbe "parler", en écho à l'affirmation faite au grand prêtre.
Jésus n'a pas mal « parlé » car il a témoigné de son activité antérieure de révélation. A un
niveau plus profond, en raison du verbe "parler", il a révélé aux Juifs la pensée et le visage du Père.
Il s’agit donc bien de la Parole de Jésus et de sa Parole révélatrice qui est en cause ici. Le
serviteur du Grand Prêtre devient, d’une certaine manière, le représentant de tous ceux qui ont
repoussé la parole révélatrice de Jésus au monde.
Le récit ne prolonge pas l'entretien : ni le garde ni Hanne ne répliquent. Le Christ johannique
ne se tait pas, il garde le dernier mot et affirme une fois de plus sa souveraineté. Ainsi s'achève la
scène de la comparution. Jean l'a présenté comme l'ultime confrontation du Révélateur avec le peuple
juif en la personne du Grand Prêtre.
On peut relever que c'est au moment où Jésus est interrogé sur son enseignement et ses
disciples que Pierre, au-dehors, nie être disciple de Jésus. Or le disciple est celui qui a entendu
l'enseignement de Jésus et qui est prêt à en rendre témoignage. Jésus renvoie Hanne à ses disciples