RG‐43.018M
2) Le recensement des personnes et des biens
Entre 1940 et 1944, les Juifs français et étrangers sont fichés de manière
systématique dans la zone Nord. Le fichage, qui répond à des besoins policiers, est souvent
précédé par des opérations de recensements non moins systématiques. Selon René Rémond,
« le binôme recensement-fichier [sert] presque toujours à mieux identifier pour surveiller,
contrôler, et au fil des mois, arrêter, interner, voire déporter. »2
Identifier
Le premier recensement important est prescrit par la première ordonnance
allemande du 27 septembre 1940 et s’applique à la zone Nord. Toute personne qui répond à la
définition du Juif telle qu’elle est énoncée dans cette ordonnance doit se faire recenser
jusqu’au 20 octobre 1940. Le second recensement est organisé par le gouvernement de Vichy
dans le cadre de la loi du 2 juin 1941 : l’ensemble du territoire national est concerné. D’autres
opérations plus ponctuelles sont mises en œuvre. Ces nombreux recensements correspondent
à des contrôles et permettent de tenir à jour les fichiers.
Le contrôle est d’autant plus tatillon et efficace dans le Calvados que la population
juive y est peu nombreuse (moins de 200 individus au début de l’occupation allemande). Aux
recensements d’octobre 1940 et de juin 1941, il faut ajouter ceux de février-mars et octobre
1942, ce dernier devant permettre d’établir une « liste parfaitement complète et exacte des
Juifs » présents dans le département. D’autres opérations sont engagées. Ainsi, le 1er avril
1941, la Feldkommandantur 723 réclame la liste des Juifs étrangers classés par nationalités,
celle des apatrides et celle des émigrés d’Allemagne ; le 8 janvier 1943, le Sicherheitsdienst
(SD), ou police de sûreté de Caen exige « la liste des Juifs se trouvant actuellement dans le
département du Calvados » ; le 22 avril 1943, le Délégué régional de la Section d’Enquête et
de Contrôle exige celle des Juifs qui seront expulsés de la bande côtière.
Les opérations de recensement ne visent pas que les personnes mais aussi les biens
juifs. Ainsi, la seconde ordonnance allemande du 18 octobre 1940 impose le recensement des
entreprises.
Le régime de Vichy et les autorités d’occupation allemandes ne se contentent pas
d’identifier les Juifs qu’ils ont définis puisqu’ils les marquent de manière à les distinguer du
reste de la population pour mieux les isoler. Les Juifs sont tenus, par des instructions
d’octobre 1941 et par une circulaire du mois suivant, de faire apposer sur leurs papiers
d’identité un cachet rouge qui correspond à la mention « JUIF » ou « JUIVE ». Il en est de
même à partir de décembre 1942 pour les cartes d’alimentation. Enfin, l’ordonnance
allemande du 29 mai 1942 impose l’étoile juive à chaque Juif de plus de 6 ans.
Surveiller et contrôler
Les individus font sans cesse l’objet de demandes de renseignements de la part de la
Préfecture. Elles portent sur trois aspects. D’abord, sur le statut de la personne stricto sensu :
il s’agit de vérifier si telle personne doit être considérée comme juive en vertu des critères
légaux. Ensuite, l’administration préfectorale s’enquiert des déplacements des individus
considérés comme juifs. Enfin, elle s’applique à contrôler le devenir des biens de ces gens.
Dans le Calvados, des « mesures spéciales » communes aux départements côtiers
relatives aux déplacements sont prises le 12 novembre 1940 sur ordre du Militärbefehlshaber.
2 REMOND René : Le « fichier juif » (1996), p. 61.
http://collections.ushmm.org
http://collections.ushmm.org