Solutions MESURES MÉCANIQUES Mesure de couple sur les arbres en rotation : le “sans contact” fait son chemin ▼ Pour connaître la puissance transmise par un moteur, la méthode classique consiste à mesurer le couple exercé sur l’arbre de transmission. Cela nécessite de fixer des jauges de contraintes sur l’arbre en rotation et de les relier à une électronique qui, elle, doit rester fixe. Depuis quelques années, des solutions permettant de mesurer le couple sans contact voient le jour. Basées sur un principe magnétique, ces techniques sont plus robustes et plus simples à mettre en œuvre que les méthodes à base de jauges de contraintes. D e nombreuses grandeurs mécaniques se mesurent de manière indirecte. On accède par exemple aux contraintes par des mesures de déformation ou de température, on mesure des distances en connaissant le temps de propagation d’ondes ultrasonores… Même démarche pour la puissance transmise par une machine tournante, qui est souvent déduite du couple subi par l’arbre de transmission. Le plus souvent, on intègre dans la chaîne de transmission un couplemètre, qui comporte un corps d’épreuve déformable sur lequel sont collées des jauges de contraintes. Ces dernières traduisent en signal électrique la déformation du corps d’épreuve, donc la torsion que subit l’arbre sous l’effet du couple de forces qu’on lui applique… Reste ensuite à transmettre l’information donnée par les jauges (solidaires de l’arbre tournant) à une chaîne de mesure fixe. Pour cela, on utilise couramment des collecteurs tournants qui assurent une liaison entre le capteur et l’électronique de mesure. Mais la méthode trouve vite ses limites lorsqu’on a affaire à des vitesses de rotation élevées : la qualité du contact peut être altérée par des échauffements, des vibrations ou des accélérations trop importantes. MESURES 743 - MARS 2002 Magtrol La puissance transmise par un moteur se traduit par un couple de forces exercé sur l'arbre en rotation.Pour la connaître,on utilise donc un couplemètre,que l'on insère dans la chaîne de transmission. Elle est aussi plus sensible à l’usure due aux frottements… Pour pallier ces inconvénients, on utilise de plus en plus des systèmes de mesure sans contact. En général, la mesure est faite de façon classique (avec des jauges de contraintes) et c’est la transmission du signal qui se fait sans contact, à l’aide de transformateurs tournants ou encore par transmission radio. Les couplemètres à transformateurs tournants sont composés de deux bobines : l’une est solidaire du corps d’épreuve (inséré dans l’arbre de transmission dont on souhaite mesurer le couple), l’autre, fixe, est reliée à l’électronique de mesure. Lorsque la bobine fixe est traversée par un courant alternatif, elle induit un courant dans la bobine placée sur l’arbre. (C’est l’effet transformateur). Ce courant permet d’alimenter le pont de jauges. Suivant le même principe, la bobine mobile transmet à la bobine fixe le signal provenant des jauges… Les couplemètres associés à des systèmes de télémesure radio se composent de jauges de contraintes et d’une électronique montées sur l’arbre en rotation. L’information provenant du capteur est transmise par ondes hertziennes (modulées en amplitude, en fréquence ou en phase) vers un récepteur de télémesure situé à proximité de l’arbre. Ces deux techniques offrent une précision importante (grâce à la sensibilité des jauges de contraintes) mais leur mise en œuvre peut être délicate. Il faut notamment prendre le plus grand soin dans le collage des jauges et de l’électronique associée… et ce d’autant plus qu’elles sont soumises à rude épreuve. Il n’est pas rare que des fils électriques se dessoudent à cause d’une trop forte accélération centrifuge, par exemple. Dans le cas des transforL’essentiel mateurs tournants, la vitesse de rotation est également limitée. Sans La mesure du couple exersur un arbre de transmiscompter les pertes… cé sion est souvent délicate : elle Quant aux systèmes de nécessite de coller des jauges télémesure, ils requièrent sur l'arbre en rotation et de une certaine expérience les relier à une électronique dans le choix des antennes fixe. et de leur positionnement, Deux nouvelles méthodes, ainsi que dans la manière basées sur un principe magnétique, permettent de d’alimenter l’émetteur : les mesurer le couple sans qu'aupiles embarquées sur l’arbre cun circuit électronique ne tournant,par exemple,sont soit solidaire de l'arbre en relativement simples à utili- rotation. Elles sont donc plus ser mais elles ne convien- robustes que les méthodes traditionnelles. nent pas aux trop hautes 55 Solutions températures ni aux trop fortes accélérations… Bref, si la transmission du signal se fait sans contact, le fait d’avoir à fixer des éléments sur l’arbre en rotation reste encore souvent problématique. Plus récemment sont apparus sur le marché des couplemètres où tout est sans contact : la transmission du signal, bien sûr, mais aussi la mesure proprement dite. Magtrol a par exemple développé une gamme de capteurs, basés sur un principe magnétique, dans lesquels aucun composant électronique n’est en rotation. Ils reposent sur un système de transformateurs à couplage différentiel. Méthodes traditionnelles Couplemètres à transformateurs tournants Schéma de principe Alimentation Pont de jauges Alimentation et électronique de mesure Vers une détection sans contact Ces couplemètres intègrent un corps d’épreuve de forme cylindrique qui se déforme en fonction de la puissance engendrée par le couple moteur. Jusque-là, rien d’inhabituel pour un capteur de Un peu de théorie… couple… Mais de part et d’autre de l’arbre dans Le couple désigne un système lequel est intégré le corps de deux forces colinéaires, d’épreuve sont fixées deux de directions opposées et branches cylindriques, en de même intensité. Il est vis-à-vis (voir schéma de princaractérisé par son moment, cipe). Ces deux “cloches” qui est égal au produit de l’intensité de l’une des forces sont chacune dotées de par la distance qui sépare les deux fenêtres rectangudeux forces. Le moment laires. Sous l’effet de la tors’exprime donc en newtonsion appliquée à l’arbre, mètre (N. m). les fenêtres se chevau La puissance P exercée par chent. On peut alors faire un couple moteur est direc tement reliée au couple C passer un champ magnéque subit un arbre de trans tique à travers l’ouvertumission (tournant à la re… La suite est simple : vitesse ω) : plus la déformation anguP=Cxω laire due au couple appliqué est importante, plus la zone de coïncidence entre les fenêtres est large, donc plus le flux magnétique qui les traverse est important. Cette technique ne manque pas d’attraits. « Les éléments en rotation sont uniquement mécaniques, souligne Jocelyn Cattin, p.-d.g. de Magtrol en Suisse. Aucun circuit électronique n’est solidaire de l’arbre tournant.Ces capteurs sont donc robustes et leurs besoins en maintenance sont très limités ». Les capteurs de Magtrol offrent une longue durée de vie (près de 5000 heures) et autorisent des vitesses de rotation élevées (jusqu’à 50000 t/min).Autre avantage, leur rigidité torsionnelle est supérieure à celle des capteurs “classiques” à base de jauges de contraintes… La société allemande Fast Technology s’est également intéressée à la mesure de couple sans contact sur arbre tournant. Il y a quelques 56 Électronique de mesure Partie en rotation Partie fixe Structure physique Jauges de contraintes servant à mesurer l’effort appliqué sur l’arbre Arbre tournant Bobinage tournant fixé à l’arbre Entrefer Bobinage fixe Couplemètres à jauges avec système de télémesure Antenne réceptrice (fixe) Récepteur de télémesure Antenne émettrice (mobile) Arbre tournant Jauges de contraintes servant à mesurer l’effort appliqué sur l’arbre mois, elle a mis sur le marché une gamme de capteurs basés eux aussi sur un principe magnétique (voir notre numéro d’avril 2001 page 12). Ici aussi, ces capteurs intègrent un arbre qu’il faut insérer dans la chaîne de transmission. Mais l’arbre est ici magnétisé… et il suffit de placer un détecteur magnétique à quelques millimètres pour connaître l’amplitude et le sens du couple qui lui est appliqué (voir schéma de principe). L’arbre doit pour cela être ferromagnétique : une fois magnétisé, il conserve son aimantation même en l’absence d’un champ magnétique extérieur. Cette aimantation varie en fonction des contraintes mécaniques qu’on lui applique. En mesurant les variations du champ magnéMESURES 743 - MARS 2002 Solutions tique, on peut alors accéder au couple subi par l’arbre... « Ce principe permet d’obtenir des capteurs peu encombrants, plus simples à utiliser et moins coûteux que les capteurs à jauges de contraintes », indique Laurent Ameloot, directeur commercial de FGP Instrumentation (qui distribue les capteurs de Fast Technology en France). Le couple est mesuré dans une gamme comprise entre 2,5 et 1 000 N. m, jusqu’à une vitesse de rotation de 100 000 t/min. En revanche, la résolution (de l’ordre de 0,8 % de l’étendue de mesure) est plus faible que celle que l’on obtient avec des jauges de contraintes (près de 0,1 %). Il faut bien sûr que l’arbre soit ferromagnétique. D’autre part, cette technique nécessite de prendre quelques précautions. En présence d’un faible champ extérieur contraire à leur aimantation, les matériaux ferromagnétiques peuvent perdre facilement leur aimantation. Dans ce cas, impossible de mesurer les contraintes qui leur sont appliquées… De même, lorsque la température atteint une certaine limite (appelée point de Curie), le matériau perd ses propriétés ferroma- Méthodes sans contact Couplemètres basés sur une magnétisation de l’arbre Électronique de conditionnement du signal (Asic) Détecteur du champ magnétique Arbre tournant magnétisé Le capteur intègre un arbre (qu’il faut ensuite insérer dans la chaîne de transmission),un détecteur magnétique et une électronique de conditionnement du signal.Pour connaître l’amplitude et le sens du couple,il suffit de placer le détecteur à quelques millimètres de l’arbre en rotation. Le principe repose sur le comportement de certains matériaux (dits ferromagnétiques) lorsqu’ils sont aimantés.En présence d’un champ extérieur,les moments magnétiques atomiques de ces matériaux s’orientent tous dans le même sens.Le champ magnétique résultant est alors renforcé.Si l’on atteint une certaine limite de magnétisation,le matériau est dit “saturé”et son aimantation est rémanente.Si l’arbre est ferromagnétique,il conserve donc son aimantation même en l’absence d’un champ magnétique extérieur.Mais l’orientation de ses moments magnétiques varie en fonction de nombreux facteurs,tels que les contraintes mécaniques auxquelles il est soumis.En mesurant la variation de champ magnétique,on accède alors aux contraintes,donc au couple appliqué à l’arbre… Couplemètres à transformateur différentiel ol Magtr Les couplemètres basés sur un transformateur à couplage différentiel sont robustes et autorisent des vitesses de rotation élevées. Bobines secondaires Fast Technology Arbre tournant Bobines primaires "Fenêtres" dont l’ouverture varie en fonction de la torsion subie par l’arbre Les couplemètres de Fast Technology intègrent un arbre magnétisé qu'il suffit de relier à une machine tournante d'un côté,et à une pompe de l'autre,par exemple. L’arbre qu’intègre le couplemètre a une structure particulière.Il est rattaché de part et d’autre à deux “cloches”en vis-àvis.Elles sont chacune dotées de deux fenêtres rectangulaires.Au centre du capteur,ces deux cylindres se chevauchent et deux bobines fixes (traversées par un courant alternatif) les encerclent, à quelques millimètres de distance. Lorsque l’arbre est au repos,les fenêtres des deux cylindres ne coïncident pas :aucun champ magnétique ne peut les traverser.Lorsque l’arbre transmet une certaine puissance,les deux cylindres traduisent la déformation qu’il subit en tournant en sens contraire l’un de l’autre,de telle sorte que les fenêtres commencent à se chevaucher.Un flux magnétique peut alors les traverser.En le mesurant,on accède à la déformation angulaire des cylindres,donc au couple appliqué à l’arbre. Principales caractéristiques techniques Type de couplemètres à transformateur différentiel avec arbre magnétisé Étendue de mesure Vitesse de rotation maximale Résolution (en % de l’étendue de mesure) De 1 à 10 000 N. m 50000 t/min De l’ordre de 0,1 % MESURES 743 - MARS 2002 De 2,5 à 1000 N. m 100000 t/min De l’ordre de 0,8 % gnétiques. Pour ces raisons, on ne peut pas utiliser le capteur dans un champ magnétique environnant intense (supérieur à 5 mT) ou à trop haute température (le point de Curie du fer, par exemple, est de 770 °C). Dans la plupart des applications industrielles, toutefois, ces conditions sont réunies. Reste alors à maîtriser le procédé de magnétisation des arbres... Pour l’instant, Fast Technology propose des capteurs intégrant un arbre déjà magnétisé. Il suffit alors de le raccorder de part et d’autre à un moteur, une pompe, un outil de coupe, etc. Marie-Line Zani 57