Optimisation des étapes technologiques pour la

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Chapitre 1
Le SiC pour l’électronique de puissance
Le carbure de silicium
pour l’électronique
1
de puissance
L’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (ISL) s’intéresse
aux circuits électriques impulsionnelles de très fortes puissances pour des
applications militaires. Les tensions appliquées sont supérieures à 10 kV et les
courants dépassent les 100 kA. Actuellement, les composants actifs utilisés
dans ces systèmes sont des composants en silicium.
Les composants en silicium permettent d’obtenir de très bonnes
performances en basse tension (<1 kV). En haute tension (>5 kV), les pertes à
l’état passant deviennent importantes, les dispositifs chauffent et de gros
systèmes de refroidissement sont indispensables au bon fonctionnement. Le
silicium atteint aujourd’hui ses limites dans nos besoins.
Le carbure de silicium est un semi-conducteur à large bande interdite. Ses
propriétés physiques exceptionnelles laissent présager des possibilités plus
étendues que le silicium (Si) pour l’électronique de puissance. Dans les hautes
tensions (>10 kV), plusieurs composants en silicium doivent être mis en série
ce qui est le cas à l’ISL, alors qu’avec le SiC, il sera alors théoriquement
possible de réduire considérablement le nombre de composants. De plus ses
capacités à fonctionner à haute température permettent d’envisager de
nouvelles applications mais également de réduire l’encombrement des
systèmes de refroidissement. En recherche, plusieurs démonstrateurs ont été
réalisés et ils démontrent un avenir prometteur pour les composants de
puissance en SiC. Les premiers composants SiC sont commercialisés depuis
2002 sous la forme de diodes schottky.
INSA Lyon – Laboratoire Ampère / Institut Saint-Louis
21
Optimisation des étapes technologiques pour la fabrication
des composants de puissance en SiC
Des systèmes à base de ces composants ont permis de mettre en évidence
ses atouts avec, à la clef, une réduction des pertes très conséquente. Ces
encourageantes démonstrations de l’utilisation des composants en SiC
permettent de motiver d’avantage l’intérêt de l’ISL pour les applications
impulsionnelles de puissance.
Le but de ce premier chapitre est de montrer vers quels types de
composants il est nécessaire de se tourner pour l’application visée. Après la
justification du choix du carbure de silicium comme semi-conducteur nous
ferons un état de l’art des composants ayant fait l’objet de publications ou
étant commercialisés ou en passe de l’être. Cet état mettra aussi en évidence
les étapes de fabrication qui restent encore à maîtriser pour améliorer les
caractéristiques des dispositifs finaux.
1. Les applications de l’ISL
A l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis, le groupe de
recherche EHI (Elektrische Hochleistungsimpulsanlagen : Alimentations
électriques impulsionnelles) travaille sur les circuits électriques permettant
de générer des impulsions électriques de très forte puissance [Lehm 03]. Une
des applications visée est la protection active (Figure 1).
Figure 1. Schéma de fonctionnement du dispositif de la protection active [Lehm 03].
C’est un système de défense qui permet de dévier un projectile. Une
détection radar permet de déterminer la trajectoire du projectile.
L’information est traitée et permet de calculer la position d’interception avec
une plaque blindée. Une commande est alors générée pour propulser la
plaque dans la direction voulue. Ainsi, la génération d’impulsions (<1 ms)
électriques de puissance permet de projeter cette plaque en question. Etant
donné le poids important de la plaque, la vitesse et la distance de projection,
des puissances très importantes sont nécessaires. Les tensions sont de l’ordre
de 10 kV et les courants sont supérieurs à 100 kA. Les interrupteurs du
circuit électrique de puissance doivent pouvoir contrôler de telles grandeurs.
22
Heu VANG / thèse en génie Electrique
Chapitre 1
Le SiC pour l’électronique de puissance
Une autre application de ces circuits impulsionnels de puissance est le
lanceur à rail (Figure 2). Le système permet de propulser un projectile à l’aide
d’énergie électrique. Le projectile est placé sur un rail composé de deux
barres conductrices sur lesquelles on vient connecter plusieurs électrodes
couplées à des alimentations qui génèrent des impulsions électriques de
puissance. La première impulsion propulse le projectile. Ensuite les autres
impulsions, réparties tout le long du rail, permettent de l’accélérer. La vitesse
du projectile en sortie du rail peut atteindre 3 km/s. Sur le plus grand
démonstrateur dénommé Pegasus, le rail possède une longueur de 6 mètres et
permet de propulser un projectile de 1 kg, l’énergie totale utilisée est de 10
MJ.
Figure 2. Schéma de fonctionnement du lanceur à rail [Lehm 03].
Actuellement, les composants actifs utilisés sont des diodes et des
thyristors en silicium. Les inconvénients sont l’assemblage de plusieurs
composants en série nécessitant une commande complexe et surtout un
système de refroidissement très imposant. Un module de 50 kJ utilisé dans les
circuits impulsionnels de puissance de l’ISL est présenté sur la Figure 3. En
arrière plan se trouve la capacité de stockage de l’énergie électrique, au
centre figurent les composants actifs (diodes et thyristors). La bobine du
circuit est au premier plan.
Figure 3. Module de commutation de 50 kJ réalisé par l’ISL pour les applications
impulsionnelles de puissance [Lehm 03].
L’ensemble pèse aux environs de 60 kg. Pour la protection active, le
nombre ces modules peut atteindre cinq unités, alors que le lanceur à rail
requiert 200 de ces modules. Le volume nécessaire pour stocker tous ces
INSA Lyon – Laboratoire Ampère / Institut Saint-Louis
23
Optimisation des étapes technologiques pour la fabrication
des composants de puissance en SiC
équipements correspond à plusieurs milliers de mètres cube (Figure 4). Avec
un tel encombrement, il est donc inenvisageable pour le moment de pouvoir
réaliser un système transportable de ces dispositifs.
Figure 4. Photo du lanceur à rail Pegasus [Lehm 03].
L’objectif à terme est de pouvoir rendre ces applications mobiles. L’ISL
s’est alors intéressé au SiC pour l’optimisation de ses applications. En effet,
l’utilisation du SiC semble théoriquement pouvoir apporter une solution pour
les composants actifs du système en vue d’une réduction de l’encombrement.
Tout d’abord il serait possible de réduire de manière significative le nombre
de composants ce qui améliorera le rendement puis la commande sera
également simplifiée et l’encombrement s’en retrouvera réduit. La capacité
du SiC pour les hautes températures permettra d’augmenter la température
de jonction pour un fonctionnement en multi-coups puisque le système
actuel en raison de l’échauffement n’autorise que des « tirs » en mono-coup.
L’ensemble de tous ces avantages pourra à l’avenir permettre la mobilité des
différents systèmes étudiées par l’ISL.
Le paragraphe suivant donne les éléments justifiants l’intérêt de l’ISL pour
le SiC en vue de ses applications.
24
Heu VANG / thèse en génie Electrique
Chapitre 1
Le SiC pour l’électronique de puissance
2. Pourquoi le SiC ?
2.1.
Un peu d’histoire …
Les premières mentions du carbure de silicium (SiC) remontent à 1824,
cette découverte est attribuée à Berzelius. Sur Terre, ce matériau n’existe pas
sous forme naturelle, la plupart des échantillons naturels sont d’origine extraterrestre, apportés par des météorites. En 1905, Moissan découvrit un de ces
échantillons sur une météorite [Mois 05], d’où le nom donné par la suite :
moissanite pour nommer le SiC.
La première synthèse de cristaux SiC a été réalisée par Acheson en 1892
[Ache 92]. Le résultat est le fruit d’une tentative de synthèse accidentelle du
diamant. Dès 1907, Round réalisa la première diode électroluminescente en
SiC [Roun 07].
En 1955, Lely développa une méthode de synthèse de SiC mono-cristallin
[Lely 55]. Par la suite, cette méthode a été approfondie par Tairov et
Tsvetkov [Tair 78]. Leurs travaux permettent la croissance par sublimation
du SiC à partir d’un germe. Cette méthode fut nommée : méthode de Lely
modifiée.
Les principales applications de nos jours sont encore dans les machines
outils de découpe qui mettent en avant les propriétés mécaniques du SiC
(indice de dureté Mohs : 9.5) (diamant : 10). Sous sa forme mono-cristalline,
le SiC est un semi-conducteur à large bande interdite.
Depuis les travaux de Tairov et Tsvetkov, le SiC a eu un intérêt
grandissant dans la réalisation de composants de puissance grâce à ses
propriétés physiques exceptionnelles. La société américaine CREE [Cree 06],
aujourd’hui leader mondial de la fourniture de substrats de SiC
monocristallin, a vu le jour en 1987. La plupart des échantillons utilisés dans
la recherche mondiale sur le SiC proviennent de cette dernière. Plus
récemment, de nouveaux fabricants sont apparus comme SiCrystal [Sicr 06],
Norstel [Nors 06] ou encore II-VI Incorporated [ii-v 06].
2.2.
Propriétés du SiC
2.2.1. Cristallographie
Bien que le carbure de silicium monocristallin se compose d’autant
d’atomes de silicium que d’atomes de carbone, il existe plusieurs structures
cristallines suivant la disposition des atomes sur la base de la liaison Si-C. On
parle alors de polytype. La Figure 5 représente un arrangement tétragonal
entre un atome de carbone et quatre atomes de silicium, la distance entre
deux atomes de silicium est de 3,08 Å, et alors qu’elle est de 1,89 Å entre un
atome de silicium et un atome de carbone.
INSA Lyon – Laboratoire Ampère / Institut Saint-Louis
25
Optimisation des étapes technologiques pour la fabrication
des composants de puissance en SiC
Figure 5. Arrangement tétragonal entre un atome de carbone et quatre atomes de silicium.
Le SiC monocristallin se présente sous la forme de polytypes, il en existe
environ 200 différents. Les plus utilisés en électronique de puissance sont les
polytypes hexagonaux (4H et 6H), cubique (3C) et rhomboédrique (15R).
Cette nomenclature a été proposée par Ramsdell. Le polytype est identifié par
le nombre de plans cristallins compacts d’une séquence et le type
cristallographique. Les trois polytypes les plus utilisés dans la recherche (3C,
4H et 6H) sont représentés sur la Figure 6.
Figure 6. Représentation des polytypes 3C, 4H et 6H.
2.2.2. Propriétés électriques
Les caractéristiques électriques du carbure de silicium diffèrent suivant le
polytype. Le SiC est classé dans les semi-conducteurs à large bande interdite.
Le Tableau 1 résume les propriétés électriques du SiC et d’autres semiconducteurs.
26
Heu VANG / thèse en génie Electrique
Chapitre 1
Le SiC pour l’électronique de puissance
Tableau 1. Résumé des propriétés électriques de plusieurs semi-conducteurs.
Matériau
Eg (eV)
Ge
Si
GaAs
3C-SiC
6H-SiC
4H-SiC
GaN
C
0,66
1,12
1,4
2,2
2,9
3,26
3,36
5,5
Ec
(MV/cm)
0,1
0,3
0,4
1,5
2,2
2,5
2
10
εr
16
11,8
12,8
9,66
9,7
10
9
5,5
µn
(cm2.V-1.s-1)
3900
1400
8500
900
400
750
750
2200
µp
(cm2.V-1.s-1)
600
400
40
90
115
320
1600
Vsat
(cm.s-1)
0,5
1
2
2
2
2
2,5
2,7
λ
(W.K-1.cm-1)
0,6
1,5
0,5
4,5
4,5
4,5
1,3
20
Le diamant est le semi-conducteur qui présente la bande interdite la plus
grande, la plus grande rigidité diélectrique et le coefficient thermique le plus
important. Ce qui fait du diamant le meilleur matériau pour les composants
de puissance. En effet, avec une rigidité diélectrique de 10 MV/cm, il est
possible de réaliser des composants avec des tenues en tension très élevées.
Son grand gap et son coefficient thermique important lui confèrent des
opportunités très intéressantes pour un fonctionnement à haute température.
De plus avec une mobilité des porteurs élevée, les composants unipolaires
hautes tensions en diamant sont possibles. A l’heure actuelle, il subsiste deux
limitations technologiques importantes pour utiliser ce matériau pour la
réalisation de composants de puissance. D’une part, bien que les progrès
technologiques aient apporté une réponse à la synthèse du diamant, il est
encore très difficile de fabriquer des substrats de grande dimension pour
pouvoir produire des composants. D’autre part, le dopage de type N avec le
phosphore et le dopage de type P avec le bore sont très difficiles à réaliser et
ils induisent des niveaux très profonds de 0,57 eV et 0,36 eV respectivement
[Koiz 02].
De nos jours la majorité des composants de puissance sont réalisés en
silicium. Il est donc intéressant de comparer les caractéristiques des
« nouveaux » matériaux à celles du silicium pour en voir les avantages. Les
autres semi-conducteurs présentant des caractéristiques intéressantes pour les
composants de puissance sont le nitrure de gallium (GaN) et le carbure de
silicium (SiC). Le premier possède des caractéristiques proches de celles du
SiC à l’exception du coefficient thermique qui est beaucoup plus faible d’un
facteur 3. En réalité la principale limitation est la disponibilité de substrat de
GaN, puisque la technologie actuelle ne permet d’obtenir que des couches de
GaN sur des substrats de Si, Al2O3 (Saphir) ou SiC. Cet inconvénient empêche
donc la réalisation des composants verticaux qui représentent la quasi-totalité
des composants de puissance. Malgré cela, des premières diodes Schottky
latérales ont été réalisées [Osva 05].
L’inconvénient du SiC est la mobilité des porteurs qui est relativement
faible, tout en restant du même ordre de grandeur que celle du silicium. Cela
INSA Lyon – Laboratoire Ampère / Institut Saint-Louis
27
Optimisation des étapes technologiques pour la fabrication
des composants de puissance en SiC
est compensé par des dimensions réduites pour les composants SiC. Bien que
le GaN possède une mobilité des électrons supérieure, le SiC présente encore
l’avantage de la possibilité de la croissance d’un oxyde natif de type SiO2 qui
est un point important pour les dispositifs à grille isolée, tels que le MOSFET
ou l’IGBT.
Le carbure de silicium, lui, possède une rigidité diélectrique dix fois plus
importante que celle du silicium. Ce qui signifie que pour une tenue en
tension donnée, un composant avec la même structure en SiC sera plus
performant puisque l’épaisseur de la couche de drift qui tient la tension sera
réduite avec un dopage plus élevé. Ces améliorations permettront donc de
réaliser un composant avec un calibre en courant plus important et des pertes
à l’état passant considérablement réduites. La formule suivante permet de
déterminer la résistance spécifique à l’état passant d’un composant unipolaire
de type n :
2
4VB
(1)
εµn EC 3
RON =
2
Résistance spécifique RON (mΩ.cm )
Il est ainsi possible de tracer la courbe de la résistance spécifique en
fonction de la tenue en tension (Figure 7).
10
3
10
2
10
1
10
0
Limite Si
Limite SiC-6H
10
-1
10
-2
10
-3
Limite SiC-4H
10
2
10
3
10
4
Tension de claquage (V)
Figure 7. Limite de la résistance spécifique à l’état passant en fonction de la tension de
claquage.
En observant la Figure 7, la supériorité du SiC est nette. Alors que la limite
du silicium pour un composant unipolaire avec des pertes à l’état passant
convenable se situe vers 1 kV, le SiC permet la réalisation de composants
dépassant les 10 kV. De même pour une tension donnée, la résistance
spécifique à l’état passant est plus faible de trois décades en faveur du SiC.
Avec une bande interdite trois fois supérieure et un coefficient thermique
plus grand d’un facteur trois, ces propriétés lui confèrent donc une plus
grande capacité à fonctionner à haute température. En réunissant tous ces
avantages, cela amène également à la réduction de l’encombrement des
dispositifs de puissance. Le premier effet est la réduction du nombre de
28
Heu VANG / thèse en génie Electrique
Chapitre 1
Le SiC pour l’électronique de puissance
composants puis le comportement en haute température permet de réduire
de manière significative les systèmes de refroidissement.
Enfin, ce qui permet des avancées technologiques conséquentes est la
disponibilité de substrats de carbure de silicium. La taille des plaques n’a pas
cessé d’augmenter au point d’avoir atteint des tailles standard de wafer de
silicium de 4 pouces commercialisés depuis 2006. A présent, il est donc
possible de réaliser des composants sur des plaques SiC avec les équipements
standard de la filière silicium. Ceci représente un avantage certain pour le
transfert technologique.
100 mm
(4″)
75 mm
(3″)
35 mm
(1″3/8)
02/95
50 mm
(2″)
06/97
06/01
09/05
Figure 8. Evolution de la taille des wafers en carbure de silicium avec la date d’apparition en
développement.
2.3.
Qualité des substrats SiC disponibles sur le marché
La majorité des recherches sur le SiC se fait sur des substrats fournis par la
société Cree. Depuis quelques années, de nouveaux acteurs ont fait leur
apparition notamment l’européen SiCrystal, Norstel, II-VI, ... Ces derniers
présentent l’inconvénient de ne pas proposer (pour l’instant) la possibilité
d’épitaxie épaisse.
La qualité des substrats actuels n’est pas encore optimale puisqu’ils
présentent de nombreux défauts. Les deux principaux défauts sont les
micropores [Hofm 99] et les dislocations [Blum 03]. Les micropores sont des
« trous » issu d’un défaut de croissance qui traverse de part en part le wafer.
Ce défaut est une absence de matière et provoque des disfonctionnements
pour les composants notamment des courants de fuites élevés en régime
bloqué. Dernièrement, la société INTRINSIC a développé une technologie
appelée « Zero Micropipe » (ZMP) permettant la production de wafer SiC
sans micropores. Mais en juin 2006, la société a été rachetée par Cree.
L’autre type de défaut très présent dans les substrats SiC est constitué par
les dislocations. Ce sont des défauts d’empilement des couches atomiques. Les
deux principales dislocations sont les dislocations suivant le plan de base
(Basal Plane Dislocations, BPD) et les dislocations en « filetage » (Threading
Edge Dislocations, TED). Ces défauts sont surtout mis en cause dans les
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29
Optimisation des étapes technologiques pour la fabrication
des composants de puissance en SiC
composants bipolaires dont leur effet est une altération de la caractéristique
en direct (voir Chapitre 3, §4).
La production de masse des composants de puissance en carbure de
silicium dépend énormément de la qualité des substrats pour obtenir un
rendement de fabrication élevé. Les composants de puissance SiC développés
en laboratoire sont présentés dans le paragraphe suivant.
3. Les composants de puissance
3.1.
Composants en silicium
Les composants de puissance en semi-conducteur sont de nos jours
généralement réalisés dans la filière silicium. Les composants dits de
puissance ont des tenues en tension élevées (> 600V) et des calibres en
courant importants (> 10 A). Ils se classent en deux catégories : bipolaire et
unipolaire, le classement étant fait en fonction du mode de conduction des
composants. Le composant le plus simple et le plus répandu est la diode
bipolaire qui est l’un des deux seuls composants redresseurs. Les
interrupteurs de puissance sont beaucoup plus nombreux. Bien que le choix
du composant idéal pour une application puisse être vaste, on peut observer
sur la Figure 9 les composants en silicium les plus performants suivant la
tension d’utilisation, le courant et la fréquence de fonctionnement.
Pour les plus grandes puissances, le thyristor et le GTO (Gate Turn Off
thyristor) sont les plus appropriés mais ils restent limités à une faible
fréquence d’utilisation (fmax ≈ 1-2 kHz). Pour les applications avec une
fréquence de commutation élevée, les MOSFET auront la supériorité. Dans
les moyennes puissances avec des fréquences moyennes, on retrouve les
IGBT (Insulated Gate Bipolar Transistor), les MCT (MOS Controlled
Thyristor) et les transistors bipolaires (BJT). En pratique, de nos jours, les
MCT et les BJT ont été pratiquement remplacés par l’IGBT et dans certains
cas le thyristor aussi. Le choix se fait plus facilement puisqu’on retrouve trois
groupes : la famille des thyristors (bipolaire) pour les très grandes puissances,
les MOSFET (unipolaire) pour les applications hautes fréquences et les IGBT
(conduction mixte) pour les puissances moyennes et les fréquences
moyennes.
30
Heu VANG / thèse en génie Electrique
Chapitre 1
Le SiC pour l’électronique de puissance
Thyristor
Tension (kV)
GTO
Courant (A)
MCT
IGBT
1
BJT
10
MOS
100
9000
7500
6000
4500
3000
1000
1500
10
9
8
7
6
5
4
3
2
1
Fréquence (kHz)
Figure 9. Schéma déterminant les performances électriques et fréquentielle pour chaque
famille de composants en silicium [Dedo 03].
La famille des thyristors est la plus apte à drainer de très forts courants en
raison du mode de conduction qui implique les deux types de porteurs de
courant. Le courant est porté par les minoritaires qui ont des durées de vies
importantes, d’où une recombinaison lente qui engendre un temps de
commutation lent, un temps de recouvrement nécessaire pour évacuer les
charges stockées dans les jonctions. A la différence, le MOSFET est un
composant unipolaire dont seuls les porteurs majoritaires génèrent le
courant. De cette manière, il n’y a pas de charges stockées et le composant
peut commuter rapidement, d’où l’avantage du MOSFET pour les
applications hautes fréquences. Par contre, le courant résultant d’un seul type
de porteurs, cela signifie que la résistance à l’état passant dépend du dopage
et de la dimension de la couche conductrice. Pour obtenir une faible
résistance un dopage élevé est nécessaire, mais cela réduit d’autant la tenue
en tension. Compromis entre ces deux composants qui résulte de l’intégration
monolithique d’un MOSFET et d’un transistor bipolaire, l’IGBT est le parfait
candidat. La commande se fait comme un MOSFET et le courant est généré
par les porteurs majoritaires et minoritaires. Ce composant est l’un des
derniers nés mais à ce jour, est le plus utilisé. Il a remplacé les transistors
bipolaires et darlingtons et il remplace très souvent le thyristor dans les
systèmes de puissance.
La première limitation des composants en silicium concerne les
applications très hautes tensions (>10 kV). En effet pour les réseaux de
distribution électrique, ou des applications spécialisées nécessitant des
tensions très élevées, l’utilisation de plusieurs composants Si en série est
nécessaire. Cette mise en série a plusieurs inconvénients : des pertes à l’état
passant importantes et, surtout dans le cas des interrupteurs, une commande
très complexe afin de faire commuter tous les composants en même temps.
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31
Optimisation des étapes technologiques pour la fabrication
des composants de puissance en SiC
Le second inconvénient provient de l’impossibilité de fonctionnement à
haute température. En effet, au-delà de 150 °C les courants de fuites sont
beaucoup trop élevés et les pertes à l’état passant augmentent
considérablement.
3.2.
Les composants de puissance en SiC
3.2.1. Présentation
Comme il a été vu au paragraphe §1, le carbure de silicium possède des
qualités indéniables pour les applications de puissance. Ainsi, de nombreux
chercheurs ont travaillé sur la réalisation de démonstrateurs tels que les
diodes (Schottky ou bipolaire), les JFETs, MOSFET et thyristors. La mise au
point de certains composants a pu mettre en valeur de manière significative,
les meilleurs performances du SiC par rapport au Si pour les très hautes
tensions. Les travaux de certains groupes ont mené à la commercialisation de
composants de puissance en SiC qui sont disponible depuis quelques années.
La réalisation de composants de puissance en SiC impose des opérations
différentes de celle des composants en Si dû à ses propriétés physicochimiques. Par exemple l’impossibilité de doper par diffusion implique la
nécessité du dopage localisé par implantation ionique, ou encore des
structures gravées pour atteindre les couches enterrées. La mise en place des
protections périphériques nécessite très souvent une gravure du SiC pour la
protection mesa. Dans le cas du SiC, la gravure chimique s’avère très difficile
voir impossible et la gravure par plasma s’impose.
Dans cette partie, un état de l’art des différents démonstrateurs réalisés
jusqu’à présent est présenté.
3.2.2.
Diode Schottky SiC
La diode Schottky a été le premier composant en carbure de silicium
effectivement commercialisé [Infi 06] [Cree 06] [Micr 06]. Les avancées
technologiques ont été importantes sur ce composant et ont permis la
production industrielle. Mais ce composant est encore aujourd’hui très peu
connu des utilisateurs potentiels et l’intérêt reste limité, surtout en l’absence
d’un commutateur SiC.
La diode Schottky est un composant unipolaire dont le courant est généré
par les porteurs majoritaires. Son comportement redresseur est dû à la mise
en contact d’un métal avec le semi-conducteur et une approche plus détaillée
sera faite au chapitre 2. Le démonstrateur possédant les meilleures
caractéristiques en direct a été réalisé chez Cree par Singh [Sing 02]. La diode
possède une résistance spécifique de 7,4 mΩ.cm2 et le courant maximal
atteint est de 130 A avec une surface active de 0,64 cm2. Sa tension de
claquage est de 300 V. Pour cette réalisation, il a utilisé un substrat de type N
32
Heu VANG / thèse en génie Electrique
Chapitre 1
Le SiC pour l’électronique de puissance
avec une couche épitaxiée de type N dopée à 5×1015 cm-3 de 15 µm d’épaisseur
était nécessaire.
En terme de tenue en tension, un démonstrateur ayant une tension de
claquage de 10 kV a été réalisé par Zhao [Zhao 03]. La structure de la diode
est présentée sur la Figure 10. Cette diode a nécessité l’utilisation d’un
substrat N+ avec une première couche épitaxiée N- dopée à 5,6×1014 cm-3
servant de couche de « drift » suivie d’une seconde épitaxie N dopée à 2×1016
cm-3. Ensuite une dernière couche épitaxiée de type P+ est utilisée pour
mettre en place la protection périphérique MJTE qui a nécessité la gravure du
SiC et l’implantation ionique. D’autres groupes de recherche ont réalisé des
diodes Schottky avec des tenues en tension proche de 5 kV (Tableau 2).
Figure 10. Vue en coupe de la diode Schottky SiC 10 kV réalisée par Zhao.
Tableau 2. Récapitulatif de quelques diodes Schottkys dans la littérature.
Référence
Métal du
contact
Epaisseur couche
de drift (µm)
VBR (kV)
If (A)
RON
(mΩ.cm2)
[Zhao 06]
[Mcgl 99]
[Naka 05]
Ni
Ni
Mo
115
50
33
10
4,9
4,15
0,055
?
?
97,5
17
9,07
Depuis 2002, six fabricants de composants semi-conducteurs (Infineon,
APT, Fairchild, Rockwell, Microsemi et Cree) ont commencé à proposer dans
leurs catalogues des diodes Schottky SiC. Aujourd’hui APT, Fairchild et
Rockwell ont enlevé ces composants de leurs catalogues. Les premières
générations étaient des diodes ayant une tenue en tension de 600 V et des
calibres en courant de 6 et 12 A. Ces composants visent le marché
domestique en remplacement, notamment dans les circuits redresseurs, de
leurs homologues diodes PN en silicium. Depuis, des nouvelles diodes sont
apparues avec des tenues en tension de 1,2 kV.
Les premières applications utilisant des diodes Schottky SiC sont décrites
au paragraphe § 4.
INSA Lyon – Laboratoire Ampère / Institut Saint-Louis
33
Optimisation des étapes technologiques pour la fabrication
des composants de puissance en SiC
Tableau 3. Récapitulatif des meilleures diodes Schottkys disponibles de chaque fabricant sur
le marché
Fabricant
Référence
VBR (V)
IF (A)
VF (V)
Cree
Infineon
Microsemi
C2D10120
SDT12560
UPSC603
1200
600
600
10
12
4
1,6
1,5
1,7
Par comparaison, la diode Schottky Si commerciale (Infineon BAT240A)
ayant la plus haute tenue en tension est de 250 V pour un courant de 1 A.
L’équivalent des diodes Schottky SiC 1200 V serait plutôt des diodes Si
bipolaires. En comparant la diode bipolaire 1,2 kV – 12 A (Infineon
IDB12E120) et la diode SiC 1,2 kV – 10 A, les chutes de tensions en direct
sont proches. Par contre, la diode Si présente l’inconvénient d’un courant
inverse et d’un temps de recouvrement pour évacuer les charges stockées.
Ainsi, les pertes en commutation pour la diode SiC seront plus contenues en
l’absence d’un courant inverse et d’un temps de recouvrement. Cela permet
d’éviter de surdimensionner les composants du circuit de puissance.
3.2.3. Diode bipolaire SiC
La diode bipolaire est une sorte de vitrine technologique pour le SiC et les
démonstrateurs permettent de mettre en évidence la supériorité du SiC pour
la réalisation de composants ayant des tenues en tension très élevées. A ce
jour le record est de 19 kV [Suga 01] !
La jonction PN est présente dans presque tous les commutateurs, et c’est
cette même structure qui est responsable de la tenue en tension du
composant. Les performances en blocage des démonstrateurs de diodes PiN
laisse donc présager de grandes possibilités pour les interrupteurs SiC.
A partir d’un substrat N+ avec une couche de drift N- épitaxiée de 200 µm
d’épaisseur dont la concentration d’atomes donneurs est de 8×1013 cm-3 et une
couche P+ pour l’anode, Sugawara a réalisé une diode bipolaire permettant de
bloquer une tension de 19 kV. Pour atteindre cette tension, une protection
mesa/JTE a été mise en place autour de la jonction PN. La structure est
illustrée sur la Figure 11. La densité de courant dans le sens direct est de 100
A.cm-2 sous une polarisation de 6,5 V. Il a également fait une caractérisation
en dynamique pour déterminer le temps de recouvrement. Il s’est avéré très
bon puisqu’il n’excède pas 43 ns pour un courant commuté de 100 mA. Il a
ensuite comparé avec une diode silicium de puissance ayant une technologie
de recouvrement rapide et dont la tenue en tension n’est que de 400 V, le
résultat est probant puisque le temps de recouvrement est 4 fois plus rapide
pour la diode SiC. Il est à noter que le courant nominale de la diode Si est
beaucoup plus important, donc la taille du composant est également plus
34
Heu VANG / thèse en génie Electrique
Chapitre 1
Le SiC pour l’électronique de puissance
grande. Cela explique en partie la grande différence des temps de
recouvrement.
Protection
mesa+JTE
Anode
P
P+
P
NN+
Cathode
Figure 11. Structure de la diode SiC PiN 19 kV réalisée par Sugawara.
Plus récemment, Hull a fabriqué une diode bipolaire PiN SiC ayant une
tenue en tension de 4,5 kV pour un courant de 180 A sous une polarisation
de 3,17 V [Hull 06]. Il a utilisé un wafer ayant une très faible densité de
micropores (< 0,2 cm-2) qui autorisait la fabrication de diodes de 13,58×13,58
mm2 de large. La structure de la diode est présentée sur la Figure 12. La diode
est une jonction PiN avec également une protection périphérique mesa/JTE
(chapitre III). Le matériau utilisé est un substrat N+ avec une épitaxie N- de 50
µm d’épaisseur avec un dopage de 2×1014 cm-3. L’anode est réalisée et une
épitaxie P de 2,5 µm d’épaisseur avec un dopage supérieur à 8×1018 cm-3. En
commutation, la diode SiC présente un temps de recouvrement 10 fois
inférieur à son homologue en silicium.
Figure 12. Structure de la diode SiC PiN 4,5 kV – 180 A réalisé par Hull.
Dans ces mêmes études, il a été observé une dérive de la caractéristique en
direct d’une diode SiC PiN après un stress électrique en maintenant un
courant élevé pendant des heures (Figure 13). La différence de potentiel
augmente dans des proportions importantes, et la cause de cette altération est
attribuée au développement de « stacking faults » [Jaco 03][Solo 04] qui sont
des défauts d’empilement des couches dans les couches épitaxiées. Pour un
certain stress électrique, les défauts se propagent. Soloviev [Solo 04] a soumis
une diode bipolaire à une polarisation constante et a pu observer l’effet sur le
cristal en fonction du temps, ses images sont présentées sur la Figure 14.
INSA Lyon – Laboratoire Ampère / Institut Saint-Louis
35
Optimisation des étapes technologiques pour la fabrication
des composants de puissance en SiC
Figure 13. Caractéristiques d’une diode PiN avant et après un stress à 100 A.cm-2 pendant 1
heure réalisée par Nakayama [Naka 05].
b)
a)
c)
Figure 14. Polarisation en direct d’une diode P+N°N+ a) au départ b) après 50 secondes c)
après 150 secondes [Naka 05].
Les « stacking faults » se comportent comme des centres de recombinaison
qui réduisent la durée de vie des porteurs.
D’autres groupes de recherche ont également réalisé des diodes PiN SiC
avec de bonnes performances, elles sont présentées dans le Tableau 4.
Tableau 4. Récapitulatif de quelques résultats de diodes SiC dans la littérature.
Référence
Couche de « drift »
(µm / cm-3)
VBR (kV)
If (A)
Vf @
100 A.cm-2 (V)
[Suga 01]
[Mcgl 99]
[Sing 01]
[Naka 05]
[Pete 05]
[Das 05]
200 / 8×1013
50 / 2×1014
150 / 3×1014
60 (C-face) / 3-5×1014
35 / 2,4×1015
100 / 2×1014
19
4,5
10
8,3
5,5
10
?
180
200 (Pulsed)
?
?
50
8
3,17
4,8
4,1
3,1
3,8
Comparons, par exemple, une diode Si 9 kV-1,2 kA (Infineon/Eupec
D2601N90T) avec la diode SiC 10 kV développée par Singh [Singh 01]. La
diode Si présente une différence de potentiel de 3 V au courant nominal. La
diode SiC présente une chute de tension de 12 V à 200 A. Une partie de la
chute de tension est causée par les contacts ohmiques et surtout le contact de
l’anode (type P). Il est donc évident que des progrès restent encore à faire sur
la qualité du matériau et de la technologie pour réduire la différence de
36
Heu VANG / thèse en génie Electrique
Chapitre 1
Le SiC pour l’électronique de puissance
potentiel à l’état passant. Très récemment, la diode SiC 10 kV de Cree [Das
05] illustre les progrès réalisés dans la synthèse du matériau et de la
technologie de fabrication. La chute de tension aux bornes de la diode n’est
plus que de 6 V pour un courant de 350 A grâce à une réduction de 50% de
l’épaisseur de la couche de drift et une meilleure qualité de métallisation de
l’anode. En plus, une évolution de la technologie de fabrication a permis une
meilleure efficacité de la protection périphérique. De même, en comparant
les travaux de Mc Glothlin [Mcgl 99] et de Peters [Pete 05], ce dernier avec
une couche de drift plus fine et un dopage plus élevé obtient une tenue en
tension supérieure et, bien évidemment, une chute de tension aux bornes
plus faible grâce aux dimensions du composant. La réalisation de Peters
montre également que l’efficacité de la protection périphérique est presque
optimale étant donné que la tenue en tension de la diode est proche de la
tenue en tension maximale en volume.
Il est intéressant de noter que, pour toutes ces réalisations, la protection
périphérique employée est de type mesa/JTE. Pour la mise en place de cette
structure, la gravure de SiC est indispensable.
A travers la littérature, il est évident que le SiC démontre aujourd’hui tout
son potentiel pour les composants de puissance avec des tenues en tension au
moins deux fois supérieures aux meilleures diodes en silicium disponibles sur
le marché. Les comparaisons montrent de meilleures caractéristiques
électriques, notamment pour le temps de recouvrement beaucoup plus court
ce qui permet d’envisager une utilisation à plus haute fréquence. De plus, les
différents articles ont mis en évidence des températures de fonctionnement
supérieures à 200 °C, température pour laquelle les courants de fuite des
diodes Si haute tension deviennent prohibitifs.
Cependant, la technologie de fabrication reste encore à améliorer, surtout
concernant la métallisation sur le SiC de type P (pour l’anode des diodes) par
exemple.
3.2.4. Diode Merged PiN/Schottky barrier (MPS)
Quelle serait la meilleure diode si on devait choisir entre la diode Schottky
et la diode bipolaire ? La Schottky a l’avantage d’avoir une faible tension de
seuil et un courant de porteurs majoritaires qui exclut toute charge stockée.
Elle possède par contre une tenue en tension moins élevée avec un fort
courant de fuite qu’une diode PiN due à la barrière Schottky. La diode
bipolaire grâce à la modulation de la conductivité par l’injection de porteurs
possède une résistance différentielle faible mais présente l’inconvénient d’un
temps de recouvrement pour évacuer les charges stockées. Chaque
composant possède ses propres avantages, l’idéal serait de combiner les deux
types de diodes. C’est ce qu’est la diode dite « MPS » pour Merged
PiN/Schottky Barrier ou aussi connu sous le nom « JBS » pour Junction
Barrier Schottky.
INSA Lyon – Laboratoire Ampère / Institut Saint-Louis
37
Optimisation des étapes technologiques pour la fabrication
des composants de puissance en SiC
La structure de base est illustrée sur la Figure 15. On part d’une base de
diode Schottky avec un épiwafer N+N-. Ensuite, des caissons P+ sont réalisés
par implantation ionique pour former l’anode. Pour finir, une métallisation
avec un contact ohmique est réalisée au dessus des plots P+ et un contact
Schottky sur la couche N-. De cette manière on dispose d’une part d’un
contact Schottky sur le N- et d’une jonction PN grâce aux plots P+. En régime
direct, on trouve, à faible tension, le fonctionnement d’une diode Schottky
puis la superposition du courant bipolaire. Alors qu’en polarisation inverse
on obtient une diode PiN. En effet la zone de charge d’espace des jonctions
s’étend et empêche les porteurs d’atteindre le contact Schottky.
Quelques résultats de démonstrateurs de diode MPS sont présentés dans le
Tableau 5.
Protection JTE
Anode
+
P
P
P+
P+
s
P+
P
m
NN+
Cathode
Figure 15. Structure d’une diode MPS
Wu et son équipe ont réalisé une diode MPS avec une tension de blocage
de 4,3 kV [Wu 04]. Cette diode a nécessité l’utilisation d’un substrat N+ avec
une épitaxie de 30 µm d’épaisseur de type N dopé à 2×1015 cm-3. La structure
de la protection périphérique retenue est une MJTE. Les performances
obtenues sont une résistance spécifique à l’état passant de 20,9 mΩ.cm2 et
une tension de seuil de 0,8 V.
Toujours dans la même équipe, Alexandrov a réalisé une diode MPS avec
un courant maximale de 140 A sous une polarisation de 4 V. Cette diode
possède une tension de blocage de 600 V seulement.
Tableau 5. Récapitulatif de quelques résultats de réalisation de diodes MPS dans la
littérature.
Référence
Epaisseur couche
de drift (µm)
VBR (kV)
If (A)
RON
(mΩ.cm2)
[Wu 04]
[Suga 00]
[Alex 01]
30
50
6
4,3
3,6
0,8
?
?
140
20,9
43
9,07
3.2.5. MOSFET SiC
Le MOSFET est sûrement le composant qui a bénéficié du plus grand
effort de la part des chercheurs. Il était assimilé à la clef du succès du SiC. En
effet, si un MOSFET SiC de puissance était disponible, il permettrait
38
Heu VANG / thèse en génie Electrique
Chapitre 1
Le SiC pour l’électronique de puissance
d’accéder aux applications de puissance à haute fréquence. Dans la filière Si,
un MOSFET avec une tenue en tension supérieure à 1 kV se révèle peu
performant puisque cela entraîne une forte résistance à l’état passant. Alors
qu’avec le SiC, il est théoriquement possible de réaliser un transistor à effet
de champ à grille isolée avec une tenue en tension de 10 kV ayant une
résistance à l’état passant plus faible qu’avec une technologie silicium. Le
MOSFET SiC attire également des convoitises en microélectronique pour la
réalisation d’une structure CMOS qui est la base des circuits logiques.
Pour le moment, la réalité est encore loin de la théorie et la technologie
actuelle présente des limites très importantes. En effet, plusieurs
démonstrateurs ont été réalisés. Les premiers avaient des résistances
spécifiques à l’état passant très élevées. Ceci était dû, surtout, à une mobilité
effective des porteurs dans le canal très faible : de l’ordre de 7 cm2.V-1.s-1 et de
33 cm2.V-1.s-1 pour le SiC-4H et le SiC-6H respectivement [Hara 02]. Cette
faible mobilité est due à une grande densité d’états à l’interface SiC/SiO2 qui
était de l’ordre de 1012-1013 cm-2.eV-1. Des progrès importants ont été réalisés
pour réduire cette densité d’états d’interface. Des traitements thermiques
post-oxydation, notamment sous NO ou N2O [Schö 02], ont permis de
réduire de manière significative les densités de défauts de deux décades.
Malgré ces optimisations, la mobilité effective des électrons n’augmente que
partiellement, à environ 30 cm2.V-1.s-1 et 60 cm2.V-1.s-1 pour le 4H et le 6H
respectivement. On reste encore très loin de la mobilité des électrons dans le
volume qui est de 900 cm2.V-1.s-1.
Schörner [Schö 99] a réalisé un MOSFET sur trois polytypes le 4H, 6H et
le 15R et observe que la mobilité dans le canal pour le 15R est supérieure aux
deux autres. Par analyse, il observe que, quel que soit le polytype, la
répartition de la densité des états d’interface reste identique avec une forte
concentration près des bandes de valence. Cependant, le polytype 15R
possède une bande interdite plus faible et une affinité électronique plus
grande. De ce fait, une grande partie des densités d’états d’interface proche de
la bande de conduction pour le 6H et le 4H ne se retrouve pas dans le
polytype 15R. Il en conclut que la principale cause de la faible mobilité des
électrons dans le canal est due à une forte concentration d’états d’interface
près de la bande de conduction.
D’autres chercheurs ont réalisé des MOSFETs sur une autre orientation du
cristal que celle standard Si(0001). Senzaki, notamment, a réalisé un
démonstrateur sur la face (11 2 0) dont la mobilité effective maximum est de
110 cm2.V-1.s-1 [Senz 02]. Fukuda a utilisé la face C(000 1 ) et son MOSFET
présente une mobilité de 111 cm2.V-1.s-1 [Fuku 04]. Cette fois-ci les progrès
sont beaucoup plus conséquents par rapport aux travaux initiaux de la face
Si(0001). Bien que la densité d’états d’interface soit un peu plus faible que sur
la face Si(0001), la mobilité a augmenté d’un facteur 4. Cela vient confirmer
la thèse de Schörner puisque la localisation de la plus forte concentration
INSA Lyon – Laboratoire Ampère / Institut Saint-Louis
39
Optimisation des étapes technologiques pour la fabrication
des composants de puissance en SiC
d’états d’interface est plus profonde dans la bande interdite. Malgré les bons
résultats, ce sont des faces peu standard pour lesquelles les techniques
d’épitaxie ne permettent pas encore d’obtenir de façon optimale des couches
épaisses et de qualité. Ces travaux sont importants pour UMOSFET (MOSFET
avec la grille en tranchée) puisqu’en tranchée, on peut retrouver ces
orientations là.
A ce jour, le record mondial de la tenue en tension d’un MOSFET SiC est
de 10 kV. il est détenu par Ryu et al. De chez Cree [Ryu 04]. La structure
utilisée est présentée sur la Figure 16. Une couche de drift de 85 µm avec un
dopage de 8×1014 cm-3 a été nécessaire pour obtenir une telle tenue en tension
avec une protection périphérique de 5 anneaux de garde. Le composant
présente alors une résistance spécifique à l’état passant de 123 mΩ.cm2.
Figure 16. Structure du DMOSFET 10 kV réalisé par Ryu.
Le Tableau 6 présente un résumé des caractéristiques de plusieurs
démonstrateurs de MOSFET SiC réalisés.
Tableau 6. Récapitulatifs de quelques démonstrateurs MOSFET SiC dans la littérature.
Référence
Polytype
VDSmax (kV)
ID (A)
RDSon (mΩ.cm2)
[Ryu 04]
[Ryu 02]
[Zhan 05]
[Kimo ]
[Miur 06]
4H
4H
4H
4H
4H
10
2,4
1,6
1,33
1,2
?
10
1
?
10
123
42
50
67
5
3.2.6. JFET SiC
L‘interrupteur SiC le plus avancé dans son développement à l’heure
actuelle est certainement le JFET puisqu’il est au stade de la précommercialisation. C’est Infineon qui a pour le moment le plus d’avance avec
notamment un cascode JFET SiC associé avec un MOSFET Si [Frie 02]. La
raison de ce montage est due au fait que le JFET SiC est un composant
normalement fermé (« normally on »). C’est également l’une des raisons pour
laquelle ce composant n’est pas un composant de puissance dans la filière
silicium, notamment pour un bras d’onduleur qui serait court-circuité dès sa
40
Heu VANG / thèse en génie Electrique
Chapitre 1
Le SiC pour l’électronique de puissance
mise en conduction. La seconde raison importante est la résistance à l’état
passant qui reste élevée puisque le courant n’est généré que par les porteurs
majoritaires et la résistance de la couche de drift étant importante pour
atteindre une tenue en tension élevée comme pour le MOSFET.
Depuis, les activités sur le SiC ont permis, grâce à la recherche, de
nouvelles structures, de mettre en place un JFET qui soit normalement
ouvert. Ainsi, Zhao a réalisé un JFET SiC normalement ouvert avec une
tenue en tension de 11 kV [Zhao 04]. Sa structure est décrite sur la Figure 17.
Pour tenir la tension de 11 kV, une couche de drift de type N- dopée à
4,9×1014cm-3 avec une épaisseur de 120 µm a été nécessaire entre le drain et la
grille. Le composant est donc normalement ouvert grâce au canal de faible
largeur. La zone de charge d’espace de la jonction PN de grille-source sans
polarisation permet de pincer le canal. Pour cela, il faut que le canal de type
N soit peu dopé avec une grille très dopée pour que la zone de charge
d’espace s’étende fortement dans le canal. Pour mettre le JFET en
conduction, il faut réduire la zone de charge d’espace dans le canal par
l’application d’une polarisation positive entre la grille et la source. En réalité,
on se retrouve dans le cas d’un fonctionnement proche du transistor
bipolaire. Par cette structure, on obtient un composant normalement ouvert
au détriment d’une impédance d’entrée faible. La résistance à l’état passant
est de 168 mΩ.cm2 dont la valeur est essentiellement due à la résistance de la
couche de « drift ».
Figure 17. Structure du JFET normalement ouvert réalisé par Zhao.
Dans le Tableau 7 figure un récapitulatif des différents résultats de
réalisation de JFET SiC présents dans la littérature. La plupart des chercheurs
se concentre surtout à réaliser un JFET normalement ouvert mais la
réduction de la largeur du canal a tendance à faire augmenter la résistance
spécifique du composant à l’état passant. C’est pourquoi les JFET SiC
normalement fermés présentent plus souvent une plus faible résistance en
fermeture.
INSA Lyon – Laboratoire Ampère / Institut Saint-Louis
41
Optimisation des étapes technologiques pour la fabrication
des composants de puissance en SiC
Tableau 7. Récapitulatif de quelques démonstrateurs JFET SiC dans la littérature.
Référence
Polytype
Type
VDSmax (kV)
ID (A)
RDSon
(mΩ.cm2)
[Zhao 04]
[Asan 01]
[Zhao 04]
[Frie 02]
[Furs 04]
[Zhao 04]
[Gupt 02]
4H
4H
4H
4H
4H
4H
4H
N. ouvert
N. ouvert
N. ouvert
N. fermé
N. ouvert
N. ouvert
N. fermé
11
5,55
4,34
3,5
1,53
1
600
70×10-3
30×10-3
?
5
1,25
6
6
168
218
40
25
17,5
2,77
5
La société Infineon, par l’intermédiaire de son centre de recherche SiCED
dédié au développement de composants SiC, a mis au point un JFET SiC
cascode. Il s’agit, en réalité, d’un JFET SiC normalement fermé monté en
cascode avec un MOSFET Si basse tension qui permet d’être un ensemble
normalement ouvert (Figure 18). Le principe est présenté sur la Figure 18.
Lors de la mise sous tension, le MOSFET Si bloque d’abord la tension et la
différence de potentiel VDSmosfet permet ainsi de bloquer également
instantanément le JFET SiC. Avec une polarisation positive sur la grille du
MOSFET, celui-ci entre en conduction, VDSmosfet est alors proche de 0 V, le
JFET conduit également. Actuellement SiCED propose des composants ayant
une tenue en tension de 1500 V et un calibre en courant de 5 A.
a)
b)
Figure 18. a) Montage cascode d’un JFET SiC avec un MOSFET Si réalisé par SiCED b)
l’ensemble encapsulé.
Il est également possible de mettre les JFETs en série (Figure 19) pour
former un interrupteur avec une tension plus importante et, toujours, un seul
MOSFET Si pour commander l’ensemble. Ce composant semble très
prometteur puisque des premiers montages totalement basés sur des
composants SiC ont été mis au point. Ils démontrent des performances
supérieures aux composants Si (§4). L’inconvénient de ce composant cascode
est la limitation de la température de fonctionnement dû au MOSFET Si.
SiCED a donc justement ajouté une broche permettant de court-circuiter le
MOSFET et de ne travailler qu’avec le JFET SiC.
42
Heu VANG / thèse en génie Electrique
Chapitre 1
Le SiC pour l’électronique de puissance
Figure 19. Montage en série de plusieurs JFET SiC.
3.2.7. Thyristor SiC
Le thyristor est l’interrupteur des très fortes puissances dans la filière
silicium, il est donc tout à fait naturel que son développement attire
l’attention des chercheurs (Tableau 8). Malgré une limitation dans son
utilisation à haute fréquence, sa capacité à pouvoir tenir une grande tension
et passer un courant très important avec des pertes à l’état passant limitées lui
confère toujours un intérêt. Dans la recherche SiC, les différents chercheurs
se focalisent plus sur le thyristor GTO qui possède l’avantage d’être
également commandable à l’ouverture. Ce sont surtout les applications
impulsionnelles de puissance qui sont intéressées par la disponibilité d’un tel
composant. Il serait possible de disposer d’un seul interrupteur pour
supporter une grande tension et également supporter des températures de
fonctionnement élevées. De cette manière, il est envisageable de réduire
l’encombrement des systèmes de refroidissement et surtout une plus grande
souplesse et robustesse dans un fonctionnement en multi-coup avec une
fréquence plus élevée.
Actuellement, le record mondial de la tenue en tension est de 12,7 kV soit
à ce jour, l’interrupteur SiC possédant la plus grande tenue en tension. Ce
démonstrateur a été réalisé par Sugawara [Suga 04]. La structure du thyristor
est illustrée sur la Figure 20. Il a fallu une couche de drift de type P- dopée à
1-2×1014 cm-3 d’une épaisseur de 120 µm pour atteindre cette tension de
blocage en direct. La protection périphérique utilisée était une mesa+JTE.
Figure 20. Structure du thyristor GTO 12,7 kV réalisé par Sugawara.
INSA Lyon – Laboratoire Ampère / Institut Saint-Louis
43
Optimisation des étapes technologiques pour la fabrication
des composants de puissance en SiC
Le CEGELY a réalisé en coopération avec l’Institut franco-allemand de
recherche de Saint-Louis, un thyristor GTO SiC ayant une tenue en tension
de 3,5 kV [Bros 05]. Comme pour la structure précédente le substrat épais
doit être de type N+. De ce fait le GTO possède une gâchette d’anode, ce qui
signifie que pour mettre l’interrupteur en conduction, un courant doit être
prélevé de la gâchette (injection d’électrons). Le composant avait une
structure gravée dont l’anode et la gâchette était sur deux niveaux différents
(Figure 21). L’épaisseur de la couche de drift est de 35 µm pour un dopage de
5×1014 cm-3, ce qui permet, théoriquement, d’avoir une tenue en tension de 6
kV. La différence entre les deux valeurs de tension de blocage (théorique et
expérimentale) s’explique par la forte présence de charge positive dans la
couche de passivation SiO2.
Figure 21. Structure du thyristor GTO 3,5 kV réalisée au CEGELY.
Cette structure a posé des problèmes technologiques, notamment à cause
de la métallisation de la gâchette qui était sur un niveau inférieur. Pour éviter
cette étape technologique, Brosselard a développé une nouvelle structure de
thyristor GTO à électrodes coplanaires qui est présentée sur la Figure 22. Ce
composant fera partie d’une étude spécifique dans ce manuscrit puisqu’il
servira de démonstrateur pour l’ optimisations des étapes technologiques.
Gâchette Anode
N+
P+
N
Gâchette
N+
N
NN+
Cathode
Figure 22. Structure du thyristor GTO à électrodes coplanaires de Brosselard.
Récemment, Agarwal a réalisé un thyristor GTO SiC 1,7kV de 1×1 cm2
(Figure 23) sur la même structure que celle présentée sur la Figure 21[Agar
05]. Avec une telle surface, son thyristor est capable de commuter 100 A avec
un temps de retard de 200 ns et un temps de monter inférieur à 100 ns pour
des tensions supérieures à 500 V.
44
Heu VANG / thèse en génie Electrique
Chapitre 1
Le SiC pour l’électronique de puissance
Figure 23. Thyristor 1×1 cm2 réalisé par Agarwal en conduction.
Tableau 8. Récapitulatif des thyristors GTO SiC de la littérature.
Référence
Polytype
VBO (kV)
IAK (A)
VT (V)
[Suga 04]
[Bros 05]
[Ryu 01]
[Agar 05]
[Li 99]
4H
4H
4H
4H
4H
12,7
3,5
3,1
1,7
800
?
3
20
100
?
4,3
5
5
3
4
Comme pour la diode SiC bipolaire, toutes les réalisations de thyristors SiC
connaissent des problèmes technologiques. En effet, souvent la gravure SiC a
été employé pour atteindre la couche de la gâchette et pour la mise en place
de la protection périphérique mesa/JTE qui est la structure la plus souvent
utilisé ici. La métallisation sur l’anode (type P) de mauvaise qualité engendre
également une chute de tension importante à l’état passant donc des pertes
élevées.
3.2.8. Résumé
Les différents démonstrateurs réalisés sont conformes aux prévisions
données par les propriétés du SiC. Ainsi les limitations au développement de
ces composants sont souvent d’ordre technologique. La première est surtout
liée à la qualité des matériaux, les recherches actuelles sur les technologies de
croissance sont très avancées. Elles permettront dans un avenir proche la
possibilité de réaliser des composants larges pour atteindre des courants
élevés. Il subsiste également des zones d’ombre dans la technologie de
fabrication. Notamment un contact ohmique sur le type P de bonne qualité
reste encore difficile à réaliser. Ce paramètre est important puisque les
résistances différentielles des composants bipolaires sont faibles (quelques
milli-ohms). Un contact ohmique avec une résistance spécifique plus faible
d’au moins une décade est donc préférable pour optimiser les pertes. De plus
la gravure est une étape indispensable dans la plupart des réalisations et doit
être optimisée également.
INSA Lyon – Laboratoire Ampère / Institut Saint-Louis
45
Optimisation des étapes technologiques pour la fabrication
des composants de puissance en SiC
Les nouveaux composants de puissance en SiC présentent des nouvelles
propriétés spécifiques. Ainsi, les diodes Schottky SiC remplaceront les diodes
Si bipolaires dans la gamme de tension de 0 à 2-3 kV. L’avantage indéniable
est un temps de recouvrement quasi inexistant par rapport aux diodes
bipolaires rapides. De cette manière, lors des phases de commutation les
pertes sont réduites et les interrupteurs n’ont alors plus besoin d’être
surdimensionnés. La diode bipolaire SiC sera surtout inévitable pour des
tensions de 2-3 kV jusqu’à 20 voir 30 kV. Son mode de conduction qui
implique les porteurs minoritaires permet de moduler la résistance des
couches et les pertes à l’état passant seront plus faibles que ceux de la diode
Schottky.
Pour les interrupteurs les applications hautes tensions (1 à 10 kV) n’étaient
possibles qu’avec des IGBT Si et des thyristors Si. Dans le futur, les MOSFET
SiC pourront être utilisés dans cette gamme de tension et ouvrir la voie vers
des applications hautes tensions et hautes fréquences (<1 MHz). Pour les
applications très hautes tensions (>10 kV), les thyristors SiC seront les
composants les mieux adaptés. De par leur mode de conduction, il sera
possible d’atteindre des courants très importants. Cette perspective ouvre de
nouvelles voies dans le contrôle d’énergie électrique dans les réseaux de
distribution. Enfin l’IGBT SiC restera un bon compromis entre le MOSFET et
le thyristor pour les applications (10-20 kV) avec la possibilité de fonctionner
à fréquence élevée (300 kHz).
Dans le paragraphe suivant, un état de l’art des systèmes d’électronique de
puissance hybride Si/SiC et/ou uniquement avec des composants SiC est
présenté. Les résultats démontrent la supériorité des composants SiC pour ce
type d’applications.
4. Systèmes d’électronique de puissance en SiC
Depuis l’apparition sur le marché des premiers composants en carbure de
silicium (les diodes Schottky SiC) l’intérêt pour cette nouvelle technologie est
croissant. Ainsi, le premier circuit de démonstration hybride associant un
interrupteur silicium et une diode Schottky SiC a démontré les avantages des
composants SiC pour la réduction des pertes. Ce premier montage était un
circuit PFC [Coya 01][Li 04] qui est présenté sur la Figure 24. Les
performances mêmes ne sont que sensiblement améliorées puisque avec
seulement des composants Si le rendement est déjà élevée. Par contre
l’optimisation se fait concernant la réduction de l’encombrement par la
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Heu VANG / thèse en génie Electrique
Chapitre 1
Le SiC pour l’électronique de puissance
suppression de composants. En effet, lors des commutations, le courant
inverse de recouvrement de la diode provoque des surtensions aux bornes de
l’interrupteur et une surintensité. Un circuit « snubber » est alors nécessaire
pour réduire ces phénomènes non désirables. Ainsi avec l’utilisation d’une
diode Schottky, il n’y a plus de courant inverse lorsque l’interrupteur se
ferme, donc les circuits snubbers n’ont plus lieu d’être [Jova 05]. De plus, en
l’absence de temps de recouvrement, la fréquence du système peut être plus
élevée pour réduire encore davantage la taille des composants passifs tels que
la bobine et le condensateur de sortie.
Figure 24. Schéma d’un circuit PFC monophasé à base d’un MOSFET Si et d’une diode
Schottky SiC.
Un onduleur triphasé hybride de 55 kW pour l’alimentation d’un moteur a
été réalisé en utilisant des IGBTs Si et des diodes Schottky SiC [Ozpi 06]. Ces
dernières étaient des diodes de 600 V – 75 A fabriquées par Cree. Pour une
puissance de sortie de 22 kW, le montage hybride permet une réduction des
pertes d’environ 33 % avec seulement l’utilisation de diodes Schottky SiC à
la place d’une diode Si ! L’utilisation du composant SiC permet également de
réduire les surtensions sur l’interrupteur. Il serait également possible
d’augmenter la fréquence de découpage de l’onduleur.
Le JFET SiC étant l’interrupteur le plus avancé, et même en étape de précommercialisation a ouvert la porte à des systèmes de puissance complet en
SiC. Bergogne et al. [Berg 06] ont ainsi réalisé à partir de JFET SiC
normalement fermés de SiCED (Infineon), un bras d’onduleur sans diodes de
roue libre pouvant fonctionner à 300°C (Figure 25). Cette expérience tend à
montrer la qualité et les performances des composants de puissance SiC pour
l’électronique haute température.
a)
b)
Figure 25. a) Montage du bras d’onduleur et b) photo du montage réalisé par Bergogne.
INSA Lyon – Laboratoire Ampère / Institut Saint-Louis
47
Optimisation des étapes technologiques pour la fabrication
des composants de puissance en SiC
Toujours à partir de JFET SiC normalement fermé avec une diode
Schottky SiC, Kelley [Kell 06] a démontré que dans un montage hacheur
dévolteur (Figure 26), l’utilisation de ce composant ne pose pas de problème
de sécurité. Le montage est également performant à haute température
puisque le rendement est de 95 % à 225°C. La limitation de la température
vient de la diode Schottky SiC. A haute température, le courant inverse
augmente ainsi que la résistance à l’état passant.
Figure 26. Montage du hacheur dévolteur réalisé par Kelley.
Hopkins [Hopk 06] a aussi réalisé un onduleur triphasé avec uniquement
des JFETs SiC normalement fermés. Tout comme Bergogne et al., aucune
diode de roue libre n’est nécessaire. Elle est présente dans la structure même
du composant. Son montage avec un packaging spécialement étudié (Figure
27) permet de fonctionner en continue à 350°C avec une puissance de sortie
de 60 kW sans circuit de refroidissement. Son comportement reste très fiable.
Le rendement du montage s’élève à 97.5 %.
Figure 27. Packaging optimisé par Hopkins pour permettre à un onduleur SiC de fonctionner
à 350°C sans circuit de refroidissement.
Plus récemment Miura, qui a fabriqué un MOSFET SiC avec une très
faible résistance RDSON a réalisé un onduleur triphasé 3,7 kW sur une
topologie SiC [Miur 06] en utilisant son interrupteur avec des diodes
Schottky SiC. En comparaison avec un IGBT Si, les pertes en commutation
sont réduites de manière significative. A la fermeture, la réduction est d’un
facteur 2 contre 5 pour l’ouverture. L’amélioration en phase de fermeture
s’explique surtout par l’utilisation de la diode Schottky qui ne présente pas de
courant inverse de recouvrement.
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Heu VANG / thèse en génie Electrique
Chapitre 1
Le SiC pour l’électronique de puissance
Dernièrement, Cree a indiqué sur son site Internet [Cree 06] avoir réalisé
avec Kansai Corp un onduleur SiC ayant une puissance de sortie de 110 kVA.
Le système est composé de thyristors SiC 4,5 kV – 100 A couplés à des diodes
PiN SiC. La fréquence de découpage est de 2 kHz. D’après leur estimation,
l’utilisation de composants SiC peut permettre une réduction des pertes
jusqu’à 50 % par rapport à l’utilisation des composants en silicium.
5. Conclusion
Les premiers systèmes de puissance à base de composants SiC ont
démontré des avantages réels. Ils permettent de réduire de manière
considérable les pertes à l’état passant pour les hautes tensions et surtout les
pertes en commutation. Bien que les premières diodes Schottky SiC soient
disponibles sur le marché, leur pénétration reste toutefois timide. L’intérêt
des composants SiC est grandissant et l’expansion sera d’autant plus
conséquente avec la disponibilité d’un interrupteur SiC. De cette manière,
des systèmes entièrement basés sur des composants SiC permettront de
mettre en valeur les atouts du SiC surtout concernant le fonctionnement en
haute température.
Aujourd’hui, le développement des composants de puissance en SiC reste
limité par la qualité des substrats et les progrès récents permettent
d’envisager un essor dans un avenir proche. Au-delà de la qualité des
substrats, la technologie de fabrication n’est pas encore mature. Des efforts
restent encore à faire notamment sur le dopage localisé au moyen de
l’implantation ionique, sur l’interface isolant/SiC, sur la gravure du SiC, sur la
métallisation en terme de stabilité en haute température et notamment les
performances du contact ohmique sur type P et, enfin, sur la passivation.
Les besoins des applications de l’ISL pour les modules de puissance sont
des composants capable de bloquer de hautes tensions (>10kV) et d’assurer
des courants impulsionnels importants (>100 kA). Le MOSFET SiC et l’IGBT
SiC pourraient être des composants viables mais les difficultés rencontrées
dans leur fabrication limitent encore leurs possibilités. Par contre, le
thyristor de par sa conduction bipolaire est sans doute le composant le plus
adaptés pour cette application avec un calibre en courant important et des
pertes à l’état passant minimisées.
Dans l’optique de la réalisation d’un démonstrateur pour les applications
impulsionnelles de puissance de l’ISL, deux premières thèses [Arssi 02][Bros
04] ont permis la conception d’un thyristor SiC 5 kV. La première structure
INSA Lyon – Laboratoire Ampère / Institut Saint-Louis
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Optimisation des étapes technologiques pour la fabrication
des composants de puissance en SiC
nécessitait plusieurs étapes de gravure et la plus grande problématique était
alors la difficulté de la formation du contact sur plusieurs niveaux. Ainsi dans
la seconde étude, une structure présentant des électrodes (anode et gâchette)
sur le même niveau était proposée. Lors de la réalisation de ces deux
structures, la gravure du SiC était un des points importants notamment pour
la mise en place de la protection périphérique. Les résultats présentaient alors
une faible tenue en tension en partie à cause d’une surface gravée très
rugueuse. Puis la métallisation sur le type P pour contacter l’anode ne
présentait pas une résistance faible ce qui induisait des pertes à l’état passant
importantes et un calibre en courant faible.
Dans la continuité de ces premiers résultats, les travaux de cette thèse sont
focalisés sur les aspects de la technologie de fabrication pour les composants
de puissance en SiC (diodes bipolaires et thyristors). Le travail portera sur la
technologie de fabrication des composants de puissance en SiC et plus
particulièrement la gravure et la métallisation sur le type P. La gravure sera
employée pour la mise en place de la protection périphérique mesa. Elle sera
optimisée de manière à obtenir la meilleure efficacité de la protection.
Ensuite la métallisation sur le type P qui présente aujourd’hui encore une
réelle difficulté sera étudiée pour réaliser des composants bipolaires
performants.
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