INSA Lyon – Laboratoire Ampère / Institut Saint-Louis 21
Chapitre 1
Le SiC pour l’électronique de puissance
Le carbure de silicium
pour l’électronique
de puissance
L’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (ISL) s’intéresse
aux circuits électriques impulsionnelles de très fortes puissances pour des
applications militaires. Les tensions appliquées sont supérieures à 10 kV et les
courants dépassent les 100 kA. Actuellement, les composants actifs utilisés
dans ces systèmes sont des composants en silicium.
Les composants en silicium permettent d’obtenir de très bonnes
performances en basse tension (<1 kV). En haute tension (>5 kV), les pertes à
l’état passant deviennent importantes, les dispositifs chauffent et de gros
systèmes de refroidissement sont indispensables au bon fonctionnement. Le
silicium atteint aujourd’hui ses limites dans nos besoins.
Le carbure de silicium est un semi-conducteur à large bande interdite. Ses
propriétés physiques exceptionnelles laissent présager des possibilités plus
étendues que le silicium (Si) pour l’électronique de puissance. Dans les hautes
tensions (>10 kV), plusieurs composants en silicium doivent être mis en série
ce qui est le cas à l’ISL, alors qu’avec le SiC, il sera alors théoriquement
possible de réduire considérablement le nombre de composants. De plus ses
capacités à fonctionner à haute température permettent d’envisager de
nouvelles applications mais également de réduire l’encombrement des
systèmes de refroidissement. En recherche, plusieurs démonstrateurs ont été
réalisés et ils démontrent un avenir prometteur pour les composants de
puissance en SiC. Les premiers composants SiC sont commercialisés depuis
2002 sous la forme de diodes schottky.
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22 Heu VANG / thèse en génie Electrique
Optimisation des étapes technologiques pour la fabrication
des composants de puissance en SiC
Des systèmes à base de ces composants ont permis de mettre en évidence
ses atouts avec, à la clef, une réduction des pertes très conséquente. Ces
encourageantes démonstrations de l’utilisation des composants en SiC
permettent de motiver d’avantage l’intérêt de l’ISL pour les applications
impulsionnelles de puissance.
Le but de ce premier chapitre est de montrer vers quels types de
composants il est nécessaire de se tourner pour l’application visée. Après la
justification du choix du carbure de silicium comme semi-conducteur nous
ferons un état de l’art des composants ayant fait l’objet de publications ou
étant commercialisés ou en passe de l’être. Cet état mettra aussi en évidence
les étapes de fabrication qui restent encore à maîtriser pour améliorer les
caractéristiques des dispositifs finaux.
1. Les applications de l’ISL
A l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis, le groupe de
recherche EHI (Elektrische Hochleistungsimpulsanlagen : Alimentations
électriques impulsionnelles) travaille sur les circuits électriques permettant
de générer des impulsions électriques de très forte puissance [Lehm 03]. Une
des applications visée est la protection active (Figure 1).
Figure 1. Schéma de fonctionnement du dispositif de la protection active [Lehm 03].
C’est un système de défense qui permet de dévier un projectile. Une
détection radar permet de déterminer la trajectoire du projectile.
L’information est traitée et permet de calculer la position d’interception avec
une plaque blindée. Une commande est alors générée pour propulser la
plaque dans la direction voulue. Ainsi, la génération d’impulsions (<1 ms)
électriques de puissance permet de projeter cette plaque en question. Etant
donné le poids important de la plaque, la vitesse et la distance de projection,
des puissances très importantes sont nécessaires. Les tensions sont de l’ordre
de 10 kV et les courants sont supérieurs à 100 kA. Les interrupteurs du
circuit électrique de puissance doivent pouvoir contrôler de telles grandeurs.
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Chapitre 1
Le SiC pour l’électronique de puissance
Une autre application de ces circuits impulsionnels de puissance est le
lanceur à rail (Figure 2). Le système permet de propulser un projectile à l’aide
d’énergie électrique. Le projectile est placé sur un rail composé de deux
barres conductrices sur lesquelles on vient connecter plusieurs électrodes
couplées à des alimentations qui génèrent des impulsions électriques de
puissance. La première impulsion propulse le projectile. Ensuite les autres
impulsions, réparties tout le long du rail, permettent de l’accélérer. La vitesse
du projectile en sortie du rail peut atteindre 3 km/s. Sur le plus grand
démonstrateur dénommé Pegasus, le rail possède une longueur de 6 mètres et
permet de propulser un projectile de 1 kg, l’énergie totale utilisée est de 10
MJ.
Figure 2. Schéma de fonctionnement du lanceur à rail [Lehm 03].
Actuellement, les composants actifs utilisés sont des diodes et des
thyristors en silicium. Les inconvénients sont l’assemblage de plusieurs
composants en série nécessitant une commande complexe et surtout un
système de refroidissement très imposant. Un module de 50 kJ utilisé dans les
circuits impulsionnels de puissance de l’ISL est présenté sur la Figure 3. En
arrière plan se trouve la capacité de stockage de l’énergie électrique, au
centre figurent les composants actifs (diodes et thyristors). La bobine du
circuit est au premier plan.
Figure 3. Module de commutation de 50 kJ réalisé par l’ISL pour les applications
impulsionnelles de puissance [Lehm 03].
L’ensemble pèse aux environs de 60 kg. Pour la protection active, le
nombre ces modules peut atteindre cinq unités, alors que le lanceur à rail
requiert 200 de ces modules. Le volume nécessaire pour stocker tous ces
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Optimisation des étapes technologiques pour la fabrication
des composants de puissance en SiC
équipements correspond à plusieurs milliers de mètres cube (Figure 4). Avec
un tel encombrement, il est donc inenvisageable pour le moment de pouvoir
réaliser un système transportable de ces dispositifs.
Figure 4. Photo du lanceur à rail Pegasus [Lehm 03].
L’objectif à terme est de pouvoir rendre ces applications mobiles. L’ISL
s’est alors intéressé au SiC pour l’optimisation de ses applications. En effet,
l’utilisation du SiC semble théoriquement pouvoir apporter une solution pour
les composants actifs du système en vue d’une réduction de l’encombrement.
Tout d’abord il serait possible de réduire de manière significative le nombre
de composants ce qui améliorera le rendement puis la commande sera
également simplifiée et l’encombrement s’en retrouvera réduit. La capacité
du SiC pour les hautes températures permettra d’augmenter la température
de jonction pour un fonctionnement en multi-coups puisque le système
actuel en raison de l’échauffement n’autorise que des « tirs » en mono-coup.
L’ensemble de tous ces avantages pourra à l’avenir permettre la mobilité des
différents systèmes étudiées par l’ISL.
Le paragraphe suivant donne les éléments justifiants l’intérêt de l’ISL pour
le SiC en vue de ses applications.
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Chapitre 1
Le SiC pour l’électronique de puissance
2. Pourquoi le SiC ?
2.1. Un peu d’histoire …
Les premières mentions du carbure de silicium (SiC) remontent à 1824,
cette découverte est attribuée à Berzelius. Sur Terre, ce matériau n’existe pas
sous forme naturelle, la plupart des échantillons naturels sont d’origine extra-
terrestre, apportés par des météorites. En 1905, Moissan découvrit un de ces
échantillons sur une météorite [Mois 05], d’où le nom donné par la suite :
moissanite pour nommer le SiC.
La première synthèse de cristaux SiC a été réalisée par Acheson en 1892
[Ache 92]. Le résultat est le fruit d’une tentative de synthèse accidentelle du
diamant. Dès 1907, Round réalisa la première diode électroluminescente en
SiC [Roun 07].
En 1955, Lely développa une méthode de synthèse de SiC mono-cristallin
[Lely 55]. Par la suite, cette méthode a été approfondie par Tairov et
Tsvetkov [Tair 78]. Leurs travaux permettent la croissance par sublimation
du SiC à partir d’un germe. Cette méthode fut nommée : méthode de Lely
modifiée.
Les principales applications de nos jours sont encore dans les machines
outils de découpe qui mettent en avant les propriétés mécaniques du SiC
(indice de dureté Mohs : 9.5) (diamant : 10). Sous sa forme mono-cristalline,
le SiC est un semi-conducteur à large bande interdite.
Depuis les travaux de Tairov et Tsvetkov, le SiC a eu un intérêt
grandissant dans la réalisation de composants de puissance grâce à ses
propriétés physiques exceptionnelles. La société américaine CREE [Cree 06],
aujourd’hui leader mondial de la fourniture de substrats de SiC
monocristallin, a vu le jour en 1987. La plupart des échantillons utilisés dans
la recherche mondiale sur le SiC proviennent de cette dernière. Plus
récemment, de nouveaux fabricants sont apparus comme SiCrystal [Sicr 06],
Norstel [Nors 06] ou encore II-VI Incorporated [ii-v 06].
2.2. Propriétés du SiC
2.2.1. Cristallographie
Bien que le carbure de silicium monocristallin se compose d’autant
d’atomes de silicium que d’atomes de carbone, il existe plusieurs structures
cristallines suivant la disposition des atomes sur la base de la liaison Si-C. On
parle alors de polytype. La Figure 5 représente un arrangement tétragonal
entre un atome de carbone et quatre atomes de silicium, la distance entre
deux atomes de silicium est de 3,08 Å, et alors qu’elle est de 1,89 Å entre un
atome de silicium et un atome de carbone.
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