Les champs magnétiques solaires
Jean-Marie Malherbe, Octobre 2008
Introduction : les taches solaires
La mesure des champs magnétiques résolus
- La polarisation de la lumière et les paramètres de Stokes
- La mesure des paramètres de Stokes
- La décomposition spectrale des paramètres de Stokes
- L’effet Zeeman
- Décomposition Zeeman et transitions quantiques
- Effet Zeeman « normal » et effet Zeeman « anormal »
- La mesure par décalage Zeeman des champs longitudinaux
- La mesure du champ vectoriel sur les profils de Stokes
- A quelles régions solaires l’effet Zeeman peut-il s’appliquer ?
La mesure des champs magnétiques faibles ou non résolus
- La polarisation de résonance
- L’effet Hanle
- Le « second spectre solaire »
L’extrapolation des champs magnétiques en altitude
Les manifestations des champs magnétiques
- Les filaments et protubérances
- Les éruptions et boucles magnétiques instables
- Les éjections de masse coronale
Introduction
Dès le XVII
ème
siècle, on a commencé à étudier, sans le savoir, les champs magnétiques du
Soleil par la simple observation des taches. En 1611, Fabricius met en évidence des taches sombres
à la surface du Soleil. Galilée, en 1613, parvient à observer les taches solaires grâce à la lunette
qu’il vient d’inventer quelques années plus tôt. L’observation des taches n’a pas cessé depuis.
Rotation des taches
solaires
passage d'un groupe de
taches sur le disque
solaire du 11 au 23
mai 1625
© Observatoire de Paris
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Mais pour mesurer les champs magnétiques, il faudra attendre bien d’autres découvertes !
En 1672, Isaac Newton décompose la lumière solaire au travers d'un prisme et admire pour la
première fois le spectre solaire. Les raies spectrales d’absorption, très fines, ne seront mises en
évidence que beaucoup plus tard, par Joseph von Fraunhofer en 1817. Ces raies caractérisent les
éléments chimiques présents dans l’atmosphère du Soleil (Hydrogène, Hélium, éléments
métalliques en traces). Ce n’est qu’en 1891 qu’Henri Deslandres met au point, indépendamment de
George Hale aux USA, le spectrohéliographe, spectrographe qui permet par décomposition de la
lumière d’étudier dans les détails les profils des raies spectrales. C’est ensuite Pieter Zeeman,
physicien hollandais, qui découvre en 1896 que les raies des atomes plongés dans un champ
magnétique se scindent en plusieurs composantes polarisées dont l’écartement est proportionnel au
champ magnétique. Enfin George Hale comprend en 1908 que des champs magnétiques intenses
sont associés aux taches solaires. Puis la polarimétrie, technique permettant d’analyser la
polarisation de la lumière, donc d’exploiter l’effet Zeeman, prend son essort en France avec
Bernard Lyot dans les années 1940.
Les découvertes scientifiques successives (spectres des atomes, effet Zeeman) conjugées aux
progrès technologiques (spectrographes, polarimètres) seront perfectionnées au cours de la seconde
moitié du XX
ème
siècle, dont l’aboutissement est la mise en service du télescope optimisé THEMIS
(http://www.themis.iac.es) aux Canaries (Tenerife) en l’an 2000.
Effet Zeeman sur une
tache solaire
Cliché pris à Meudon par
Raymond Michard à
l’aide de la grille de Hale
dans les années
1950/1960. Ce sont des
spectres alternés en
polarisation circulaire
droite ou gauche
© Observatoire de Paris
Taches solaires
Observées à la fin du
XIXème siècle p
ar Jules
Janssen, fondateur de
l’observatoire de Meudon,
dans la raie G de
l’aide des premières
plaques photographiques
au collodion iodo-
bromuré
© Observatoire de Paris
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L’observation assidue des taches solaires, qui constituent le meilleur indicateur des champs
magnétiques solaires, a permis, grâce à leur observation systématique depuis près de 4 siècles, de
mettre en évidence le cycle d’activité du Soleil et ses fluctuations.
Taches observées à la Tour Nombre de taches solaires (dit de Wolf) en fonction
Solaire de Meudon du temps ©Global Warming Art / Wikipedia
© Observatoire de Paris
En examinant le nombre de taches, ou groupes de taches, au fil des années, les astronomes
ont trouvé un cycle de durée moyenne de 11 ans, qui présente une alternance de périodes sans
taches (le minimum solaire) et de périodes actives tachées (le maximum solaire). La mesure des
champs magnétiques a permis d’établir au XX
ème
siècle que le cycle magnétique dure en réalité 22
ans avec un renversement de la polarité des deux hémisphères solaires tous les 11 ans. La figure ci
dessus montre que la cyclicité de 11 ans est bien régulière dans le temps. Mais il existe des périodes
de cycles forts consécutifs (autour de 1770, 1850, 1950) qui alternent avec des périodes de cycles
faibles, comme les minima de Mauder au siècle de Louis XIV, ou de Dalton sous Napoléon
Bonaparte. Nous n’en connaissons pas encore les mécanismes.
Cycles de
11 ans
Clichés
pris à
Meudon
dans 3
domaines
spectraux
(Hα,
CaIIK3,
CaIIK1v)
montrant
les minima
et maxima
du cycle
solaire
minimum solaire actuellement en 2008, prochain maximum prévu en 2012
© Observatoire de Paris
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La mesure des champs magnétiques résolus
Nous allons commencer par expliquer ce qu’incarne la polarisation de la lumière, car on la
trouve à l’œuvre dans l’effet Zeeman, qui permet de mesurer les champs résolus, effet qu’on devra
savoir interpréter.
la polarisation de la lumière et les paramètres de Stokes
Rappelons que toute onde lumineuse qui se propage dans la direction Oz de la figure est
décrite par la vibration d’un champ électrique E dans un plan orthogonal xOy à la direction de
propagation Oz. La polarisation de la lumière se décrit par le formalisme des paramètres introduits
par Stokes sous la forme d’un vecteur S à quatre composantes. (I, Q, U, V). Décrivons le champ
électrique par le vecteur E = ( A e
i ωt
, B e
i ω t
, 0 ) où A et B sont des amplitudes complexes, qui
portent donc un terme de phase.
Si le vecteur E oscille le long d’une direction fixe, on dit qu’on a une polarisation linéaire.
Si l’extrémité du vecteur E décrit un cercle en tournant autour de l’axe Oz, on dit qu’on a une
polarisation circulaire. Dans le cas général, la polarisation est elliptique.
Le vecteur S = (I, Q, U, V) introduit par Stokes est défini par :
I est l’intensité lumineuse. Q et U servent à décrire la polarisation linéaire. Le paramètre V sert a
décrire la polarisation circulaire. Les polarimètres permettent de mesurer le vecteur de Stokes
incident S = (I, Q, U, V) au moyen d’un dispositif que l’on décrira un peu plus loin.
Polarisation linéaire : si ϕ est l’azimuth du vecteur E (angle avec l’axe Ox), alors on obtient avec E
module du vecteur E:
I = E
2
, Q = E
2
cos(2ϕ), U = E
2
sin(2ϕ), V = 0
La mesure de I permet de trouver l’amplitude du champ E; la mesure de Q et U son azimuth ϕ.
En particulier, on a ϕ = 1/2 arc tan (U/Q) et V est nul.
Polarisation circulaire : si de même E est le module du vecteur E, alors on obtient :
I = E
2
, Q = U = 0, V = ± E
2
, Q et U sont nuls
La mesure des paramètres de Stokes
C’est la fonction d’un dispositif appelé polarimètre. Ce dispositif optique est généralement
placé au foyer d’un télescope, dans le plan focal où se forme l’image, avant l’injection du faisceau
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lumineux dans le spectrographe qui permettra de décomposer la lumière, et ainsi d’examiner une
raie spectrale d’un atome bien déterminé (souvent des atomes de Fer).
Un polarimètre se compose d’un ou deux retardateurs optiques qui servent à introduire un
retard de phase par biréfringence entre deux axes propres bien déterminés, dits lents et rapides. Ces
retardateurs sont constitués de cristaux liquides, ou de spath ou encore de quartz. Ils sont suivis d’un
dispositif polarisant dont la fonction est de ne laisser passer que la projection de la vibration
lumineuse dans une direction particulière, dite direction d’acceptance (on a choisi l’axe Ox sur la
figure ci dessous). Avec deux retardateurs variables de 0 à 2π d’azimuth fixe (retard δ1 variable,
azimuth 0 et retard δ2, azimuth π/4), il est possible de mesurer le vecteur de Stokes S = (I, Q, U, V)
incident sans aucune pièce mécanique en mouvement :
L’intensité émergente du polarimètre est :
I
out
= ½ [ I + Q cos(δ
δδ
δ2) + sin(δ
δδ
δ2) ( U sin(δ
δδ
δ1) – V cos(δ1
δ1δ1
δ1) ) ]
Cette formule se réduit à :
Avec δ1 = 0, δ2 = 0, I
out
= ½ [ I + Q ]
Avec δ1 = 0, δ2 = π, I
out
= ½ [ I - Q ]
Avec δ1 = 0, δ2 = π/2, I
out
= ½ [ I - V ]
Avec δ1 = 0, δ2 = 3π/2, I
out
= ½ [ I + V ]
Avec δ1 = π/2, δ2 = π/2, I
out
= ½ [ I + U ]
Avec δ1 = π/2, δ2 = 3π/2, I
out
= ½ [ I - U ]
Avec 6 combinaisons (δ1, δ2) bien choisies, on constate donc qu’il est possible d’injecter
dans le spectrographe des combinaisons linéaires simples des paramètres de Stokes incidents qui
permettront ensuite par somme et différence d’obtenir I, Q, U et V.
La décomposition spectrale des paramètres de Stokes
C’est le but du spectrographe : on y injecte les combinaisons linéaires en lumière blanche ½
[ I ± Q ], ½ [ I ± U ], ½ [ I ± V ] issues du polarimètre, dans le but d’effectuer une décomposition
spectrale à l’aide d’un dispositif disperseur (en général un réseau de diffraction). L’enjeu est
d’obtenir, à la sortie du spectrographe, les variations de ½ [ I ± Q ], ½ [ I ± U ], ½ [ I ± V ] en
fonction de la longueur d’onde dans un domaine spectral étroit (quelques Angströms, 1 Å = 10
-10
m)
permettant d’isoler une raie spectrale et d’avoir une information détaillée sur son profil avec une
résolution spectrale (plus petits détails discernables en longueur d’onde) de l’ordre de 10 milli Å.
Une telle précision est requise pour l’étude de la polarisation des raies formées dans la photosphère
parce qu’elles sont très étroites (environ 0.2 Å pour les raies du Fer).
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