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faible que la productivité des parcelles précédentes. Quant à Walras, en
sus du calcul différentiel, on lui reprocha son goût impénitent des
systèmes d'équations simultanées: il est en effet le premier économiste à
s'en servir pour résumer l'interaction des offres et des demandes
lorsqu'elles proviennent d'agents très nombreux. Aujourd'hui comme
hier, ces critiques paraissent faciles à récuser: la loi "marginale" de
Jevons est, grâce au formalisme retenu, à la fois plus générale et plus
facile d'emploi que son expression trop concrète chez Ricardo; et
personne aujourd'hui, même parmi les adversaires de l'économie néo-
classique, ne conteste la puissance des systèmes d'équations
simultanées pour représenter les interactions économiques; nous y
revenons plus bas avec d'autres exemples.
Quoi qu'il en soit de ces objections dépassées, il faut rappeler que le
troisième fondateur de la théorie, Menger, n'était pas, comme les deux
autres, un apôtre de la mathématisation. Il est à l'origine du courant dit
"autrichien", toujours vivace même s'il est minoritaire, qui utilise les
grands concepts néo-classiques - offres, demandes, concurrence,
anticipations, équilibre, dynamique, optimalité - sans pour autant leur
faire correspondre un symbolisme. Si, malgré le nom illustre de Hayek,
on jugeait cette école insuffisamment représentative, il ne serait pas
difficile de citer des économistes contemporains de premier plan, qui se
rattachent peu ou prou à l'école néo-classique et, pour autant, ne
mathématisent pas leurs conceptions, ou le font avec parcimonie.
Les mathématiques de l'"école de Chicago" excèdent de peu celles de la
classe terminale: on peut penser à Stigler, Friedman et même Becker.
Mais le meilleur exemple qu'offre cette école reste sans doute Coase,
hissé après les autres au pinacle suédois pour avoir établi un "théorème"
qui s'écrit … sans une seule ligne de mathématiques! Coase affirme en
substance que, sous certaines conditions, des parties qu'on laisse libres
de s'entendre parviendront à un accord mutuellement avantageux, et –
l'observation paraîtra plus surprenante - que la répartition des
ressources physiques découlant de cet accord ne dépendra pas des
droits initialement conférés aux parties. Celles-ci seront, par exemple,
une entreprise A dont l'usine pollue un cours d'eau, et le propriétaire B
d'un terrain situé sur le cours d'eau en aval de l'usine. Admettons qu'il
soit techniquement possible d'éliminer la pollution par deux procédés
d'épuration que mettraient en œuvre, respectivement, A et B. Par
hypothèse, le procédé de A coûte 1 million d'euros et celui de B,
seulement 500.000 euros, ce qui est inférieur à l'estimation monétaire du
dommage causé à B. Si le tribunal reconnaît à l'entreprise A le droit de
polluer la rivière, on peut conclure que B mettra en œuvre son procédé