Le désordre social, réflexions sur le sens et la mesure____________________________________
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par rapport aux modalités de fonctionnement de la société globale. Cette
autonomisation s’accompagne d’un « allongement de la jeunesse », dans la mesure où
les limites de l’entrée dans la vie active et d’indépendance financière sont en recul. En
l’absence d’une prescription sociale forte, le mode de construction de l’identité ne se
ferait alors plus par identification, mais par expérimentation.
¾ La seconde a trait aux caractéristiques de la « culture jeune ». Face au vide statutaire
décrit précédemment, et en particulier à l’absence d’identification dans des modèles
familiaux stables, s’instaurent des espaces de socialisation « jeunes », espaces en
particulier marqués par des conduites d’expérimentation et notamment à risques3.
¾ La troisième est relative aux comportements festifs des jeunes, et au sens que revêt la
fête : d’une part les accidents de la route impliquant des jeunes sont fréquemment des
accidents de nuit, en particulier de fin de semaine. D’autre part les pratiques de loisirs
des jeunes sont marquées par les sorties entre amis4. Pour les jeunes, ces sorties sont
marquées par l’importance de la fête, qui, pour certains, est indissociable de la
consommation « d’auxiliaires », tels qu’alcool ou drogues douces. De nombreux
sociologues, tels que Michel Maffesoli5 par exemple, relient la fête à la recherche de la
dissolution du sujet dans le collectif. Bruno Ribes6 insiste sur « l’investissement dans
l’immédiat ».
Ces différents constats et hypothèses ne portent cependant pas sur une jeunesse homogène. Si
on peut supposer que tous les jeunes sont concernés par cet allongement de la jeunesse et par
l’absence de rôle social clairement défini, tous ne le sont pas de la même façon et tous ne
réagissent pas de la même façon. L’enquête quantitative réalisée auprès de 700 jeunes âgés de
15 à 25 ans a alors eu pour objectif de valider les hypothèses précédentes. Plus précisément, il
s’agissait de mesurer de quelle façon il était possible de relier cette « anomie statutaire », pour
reprendre le terme employé par François Dubet, aux comportements traduisant à la fois la
prise de risques sur la route, à une prise de risques plus « sociale » constituant un ensemble de
comportements «à risques » voire déviants.
3 Laurence Roulleau Berger parle ainsi de « culture de l’aléatoire », c’est à dire de l’émergence d’une manière
commune de penser et d’agir fortement marquée par l’aléa. C’est alors dans des groupes de jeunes en difficultés
d’insertion qu’apparaît une telle culture, qui serait à reliée à la précarité des conditions d’insertion. David Le
Breton relie également relie également les comportements à risque à l’inadéquation des modes de socialisation.
Cf. Roulleau-Berger L. « Jeunesses et cultures de l’aléatoire. De l’emploi précaire à la socialisation
professionnelle » GLYSI, 1991.
Le Breton D. « la sociologie du risque », Paris, PUF, 1995.
4 Comme le montrent en particulier les statistiques du Ministère de la Culture. Cf .Donnat O. « l’univers culturel
adolescent », In Adolescences plurielles, Paris, Éditions du CFES, 1996.
5 Maffesoli M. « L’ombre de Dionysos », paris, Méridiens-Kliencksieck, 1985.
6 Ribes B. « Les jeunes dans leur temps », in Revue Française des Affaires Sociales, Paris Masson, hors série,
décembre 1987.