Les logiques associatives
les cahiers
mystère, jusque là absente. Elles se placent sous le
patronage d'un saint protecteur des travaux des
champs - St Vincent - ou d'un saint guérisseur
- St Roch -, mais aussi de la vierge Marie, les
confréries du Rosaire, manière de répondre aux
protestants qui nient la dévotion à Marie. La
confrérie s'inscrit alors dans la stratégie de l'Église
post-tridentine de contrôle des âmes et des corps
et l'action charitable est souvent liée à une bonne
pratique de la religion. À cette époque, les
confréries perdent, surtout en milieu urbain, leur
dimension communautaire, pour revêtir un aspect
sexué avec la congrégation des Messieurs ou les
confréries du Saint-Sacrement fortement
féminisées. Cependant, leur démocratisation, au
cours du XVIIIe siècle, amène l'abandon de ces
structures de sociabilité par les notables qui se
tournent alors vers les loges maçonniques.
Au cours du XVIIIe siècle, les confréries subissent
donc, excepté dans quelques régions où la foi est
ardente, une crise, même si, certaines à l'image de
l'Association des Hospitaliers de Lyon
, créée au
milieu du XVIIIe siècle sous l'égide des Jésuites,
savent résister, grâce à la vitalité de la foi, à la fin de
l'Ancien Régime. Le but des membres de celle-ci
est, avant comme après 1789, de servir Jésus Christ
en s'occupant des bonnes oeuvres 8. L'étude de
Michel Vovelle sur la Provence est là pour nous
prouver que la pratique religieuse diminue, que les
confrères se font plus rares, bref qu'une nouvelle
sociabilité, plus individualiste est en train de se
mettre en place. Les premières loges maçonniques
sont créées en France vers 1725 par des sujets
britanniques. À la veille de la Révolution, le Grand
Orient en recense plus de 700 et la Grande loge
dite de Clermont, une autre obédience, en compte,
200, le tout dans 400 sites, particulièrement dans le
grand Sud-Est. En revanche, le grand Ouest est peu
couvert en loges et riche en confréries. Ces
associations d'un nouveau genre, malgré leur
sélection sociale comme l'a confirmé l'étude de
Daniel Roche sur les loges parisiennes, sont des
filles de l'esprit des Lumières, puisqu'elles
défendent les idées d'égalité entre frères, de
justice, de fraternité et de progrès. Quand les
confréries sont interdites par la Législative le 6 avril
1792, elles ne sont plus représentatives de l'esprit
du temps, même si après la Révolution, certaines
confréries renaissent visant à conserver, au sein d'un
monde nouveau, leur dualité spirituelle et
charitable. Quant aux loges maçonniques, après un
passage difficile sous la Terreur et sous l'Empire,
elles connaissent un développement d'abord
clandestin puis officiel à l'époque contemporaine,
développement lié à la républicanisation de la
France.
Les élites, elles, fréquentent au XIXe siècle cercles
et clubs à l'anglaise, les sociétés savantes et les
amicales d'anciens élèves. À Lyon, le quatuor
lyonnais des cercles lyonnais est formé par
le Cercle
du commerce
, le plus ancien, qui accueille plus de
500 membres sous le Second Empire, le
Jockey-
Club
, le plus ouvert socialement, fondé en 1839, le
Cercle du Divan
, le plus prestigieux, qui est autorisé
en 1843 à la suite d'une demande émanant de
jeunes gens des meilleures familles lyonnaises,
parmi lesquelles les Morel de Voleine, les
Bellescize, les Chaponay, les Payen, les Saint-Olive,
et enfin le
Cercle de Lyon
, le plus fermé, crée en
18689.
De la corporation au syndicat
Les origines des corporations sont indissociables de
celles des confréries. Elles apparaissent au même
moment et pour des raisons analogues. Peu à peu
cependant une distanciation, puis un certain
partage des tâches s'opèrent entre elles. La
corporation répond à un besoin économique en
structurant les communautés d'arts et de métiers
urbains. Au départ moins suspectes aux yeux du
pouvoir que les confréries, puisque leur action n'est
pas sociale, elles vont, avec le renforcement du
pouvoir monarchique, être de plus en plus
contrôlées et soumises à des règles strictes qui
reproduisent la hiérarchie sociale de l'Ancien
Régime avec les apprentis, les compagnons et les
maîtres. Cette organisation, à la fois sociale et
économique, est loin d'être un monde sans conflits,
comme nous le rappelle la Fabrique lyonnaise10,
mais offre une ébauche de protection sociale dans
un monde extrêmement dur, puisque le maître doit
le gîte et le couvert, en période de croissance, à ses
compagnons et apprentis.
Comme les corporations se montrent incapables
Grand Lyon Mission Prospective et Stratégie d’agglomération
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8 - Anne-Marie Gutton, "Les laïcs et les oeuvres à Lyon au XVIIIe siècle : l'association des hospitaliers", dans Société française
des hôpitaux, n° 63-64, pp. 33 à 37. L'association porte actuellement le nom des Hospitaliers-Veilleurs.
9 - L'étude approfondie a été menée par Jean-Luc Pinol, Mobilités et et immobilismes d'une grande ville : Lyon de la fin du XVIIIe
siècle à la seconde guerre mondiale, Thèse de doctorat, sous la direction d'Yves Lequin, Lyon 2, 1898, 760 p. ; Catherine
Pellissier, Les sociabilités patriciennes à Lyon du milieu du XIXe siècle à 1914, Thèse de doctorat sous la direction d'Yves Lequin,
Lyon 2, 1993, 1223 p.
10 - Voir Bruno Benoit, L'identité politique de Lyon. Entre violences collectives et mémoire des élites, Paris, L'Harmattan, 1999,
242 p.
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