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I. L'origine du texte
1. Au commencement...
C'est la traduction la plus courante et la plus connue. Cependant, cette traduction rencontre deux
difficultés. La première, c'est la contradiction avec le verset suivant, car il serait assez délicat d'affirmer
que Dieu aurait créé le chaos, ce qui est peu compatible avec l'expression « le ciel et la terre ». De plus, le
« ciel » n'apparaît que le deuxième jour et la « terre », le troisième.
La seconde difficulté est d'ordre grammatical. En s'appuyant sur la vocalisation massorétique1, le premier
mot de la bible traduit couramment par « au commencement » devrait plutôt être traduit « dans un
commencement » – l'article défini étant absent (au = à + le).
Cette traduction a néanmoins une large audience car elle suppose une création ex nihilo, c'est-à-dire à partir
de rien qui convient à l'idée de la puissance de Dieu que l'on se fait. Mais ce concept est assez tardif dans
l'AT.
Il existe au moins deux autres façons de comprendre ce verset qui ne se heurtent pas à des objections aussi
radicales.
1) Le verset 1 est en fait un titre annonçant le thème de l'ensemble. C'est un acte absolu que le langage
commande ensuite de décrire progressivement.
2) Cette interprétation fait du verset un complément circonstanciel : « Quand Dieu créa le ciel et la
terre... », et fait une seule phrase de l'ensemble des versets 1 à 3. Mais là aussi, la vocalisation
massorétique1 doit être corrigée pour obtenir un infinitif au lieu d'un accompli pour le verbe
« créer ».
Ces deux dernières interprétations se rejoignent sur un point : la création n'est pas ex nihilo. Elle est plutôt
décrite comme une victoire sur le chaos, un acte de salut en quelque sorte. Il s'agit là d'un principe
concernant la personne de Dieu. D'ailleurs, le terme « commencement » désigne en hébreu le principe.
1 L'hébreu biblique n'écrit pas les voyelles. Une tradition de lecture multiséculaire a néanmoins été fixée au début du moyen
âge grâce à un système d'indication des voyelles qui ne touche pas aux consonnes du texte. Ce texte ainsi vocalisé est appelé
« massorétique ».
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2. Structure de 1,3-2,3
Introduction :
terre tohu-bohu : ténèbre, abysse, vent
Jour Œuvre Cadre : immobilier Peuplement : mobilier Œuvre Jour
I
v.3-5
1 Lumière
Séparation jour et nuit
[ténèbre]
Luminaires
séparation jour et nuit / Calendrier
5 IV
v.14-19
II
v.6-8
2 Séparation eaux en haut et en bas
voûte céleste
[abysse]
Animaux du ciel et de l'eau
poissons
oiseaux
6 V
v.20-23
III
v.9-13
3
4
Séparation terre sèche et mers
plantes de la terre
[terre]
Animaux de la terre
humanité
plantes = nourriture
7
8
VI
v.24-31
Conclusion
Jour VII (2,1-3): Dieu achève son œuvre
3. Genèse 1 est une construction littéraire
Au vu des deux premiers points, nous pouvons aisément comprendre que ce texte est une
construction littéraire très précise, un vrai travail d'orfèvre.
Il nous faut accepter que les récits bibliques sont des constructions littéraires qui, si ils ne sont pas
exacts du point de l'histoire, ne sont pas dépourvus toutefois de vérité en ce qui concerne la foi, l'être
humain et sa relation à Dieu. Quand on nous apprend à écrire une dissertation, l'un des points de méthode
consiste en ceci : c'est à la fin et à la fin seulement qu'on écrit l'introduction, une fois que l'on a l'ensemble
des éléments à sa disposition.
Il est nécessaire ensuite de rappeler ceci : le rapport entre récit (langage) et histoire (réalité) peut
varier beaucoup. Ce rapport évolue surtout en fonction de l'intention de l'auteur, du contexte et des sujets
traités.
En effet, que pouvons-nous savoir de la création ? Pas grand chose, car aucun témoin n'était présent
avant et pendant cet événement. Les premiers à en parler sont venus bien après, après même l'apparition du
genre humain. La question de savoir ce qui s'est passé au moment de la création ne se formule pas à partir
du moment même de la création, mais bien après coup. Autrement dit, le discours sur la création ne part
pas de l'origine, mais du résultat. Ce n'est pas un récit qui déroule la ligne du temps, mais au contraire qui
la remonte. C'est à partir de ce que l'homme a sous les yeux (terre, mer, animaux, des genres (masculin et
féminin), la végétation) qu'il extrapole pour comprendre et reconstituer les origines du monde.
Enfin, pour la majorité des chercheurs, le texte de Genèse 1 a été conçu et écrit pendant ou
immédiatement après l'exil (586-538 av. J.-C.). Les arguments de cette hypothèse sont très solides. Notons
l'influence de la mythologie mésopotamienne dans ce récit : le seul fait de décrire un chaos primordial
aquatique, c'est-à-dire un monde complètement immergé sous les eaux, est typique de la Mésopotamie,
plaine traversée par deux grands fleuves, le Tigre et l'Euphrate.
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II. Qui est Dieu
1. Elohim / YHWH
Elohim est un nom commun au pluriel désignant des êtres supérieurs. Genèse 1-2,4 n'emploie que
cette seule appellation pour désigner Dieu, un mot qui peut être traduit dans n'importe quelle langue, il
existera toujours un équivalent. Le premier mot qu'Elohim utilise – yehî –, c'est le verbe être, conjugué à
une forme exprimant la volonté. La volonté divine est donc « que soit »! Le verbe être est utilisé 26 fois
dans le récit de création proprement dit (1,3-31). 26, c'est la somme des valeurs numériques des lettres du
nom YHWH (Y=10 ; H=5 ; W=6)2. Certes, ce premier chapitre ne mentionne pas le nom divin. Est-il
possible que l'auteur ait caché ce nom au cœur même de ce texte ?
Allons un peu plus loin.
« Dieu dit » v. 3 (premier jour) ; 6 (deuxième jour) ; 9 et 11 (troisième jour) ; 14 (quatrième jour) ; 20
(cinquième jour) ; 24, 26, 28 et 29 (sixième jour). Par dix fois, l'expression revient dans le texte. 10 prises
de parole, 10 paroles : cela ne vous rappelle-t-il rien ?
« Dire » est donc le premier verbe de la création. Et si on le ramène aux 10 autres paroles que nous
connaissons dans la Bible (Ex20 ; Dt5), la création apparaît sous l'angle du salut. Si chronologiquement,
Dieu apparaît d'abord comme créateur, logiquement, il est avant toute chose le Dieu sauveur. Autrement
dit, la figure du dieu créateur est une construction après coup dont les fondements se situent dans la figure
du Dieu sauveur. Nous confessons le Dieu du commencement et du recommencement toujours possible
plutôt que le dieu des origines
2. Où est Dieu ?
Quand on pense à la création, on y pense de prime abord en terme spatial. Le récit de la création
accorde de la place à cette dimension, en racontant l'agencement des différents éléments qui plantent le
décor. Cependant, le récit de la Genèse fait une place plus grande encore à un autre élément. D'ailleurs,
Dieu au septième jour déserte l'espace pour s'installer dans cet autre élément. Quel est cet élément ?
Il s'agit du temps. Le « jour un » est noté de manière singulière. Il n'est pas appelé le premier jour, à
l'instar du deuxième, du troisième, etc. le « quatrième » est à une place stratégique dans l'ensemble Gn1,3-
31 qui compte 413 mots : il se situe exactement à la 207ème place, c'est-à-dire à l'exact milieu. Ces deux
jours ont un point commun avec le septième : il parle du temps. Et c'est cet élément en particulier que Dieu
va habiter. Le premier jour parle de l'alternance quotidienne du jour et de la nuit. Le quatrième rappelle
cette alternance et rajoute celle des saisons – le calendrier est l'une des plus importantes découvertes de la
Mésopotamie. Le septième jour marque une rupture : il consacre un rythme hebdomadaire qui n'est pas
déductible du mouvement des astres, qui provient d'un choix arbitraire. Ainsi, le rythme n'est pas dicté par
les astres mais bien par Dieu, qui a délégué aux astres le soin de gouverner la scansion du temps (v.17-18).
Remettons-nous dans l'état d'esprit d'un petit peuple arraché à sa terre, peut-être même sur le point
d'y retourner mais il n'y trouvera plus le temple, demeure de son Dieu, qui a été détruit. Ce récit a pour
intention d'affirmer ceci : Dieu habite le temps, l'histoire, il n'habite plus une terre, une région, une terre en
particulier.
3. Toute-Puissance
Tout ce qui appartenait au chaos primordial (terre, ténèbre, abysse), hostile à la vie, n'est pas détruit mais
cantonner. Dieu leur fixe une limite et leur donne une place dans le cadre du monde. La puissance divine
apparaît donc comme une maîtrise qui s'exerce sans destruction, sans violence.
Autre aspect de sa puissance, c'est sa générosité. En effet, il ne garde pas pour lui la fécondité, ni même de
contrôle sur elle, mais donne les moyens de reproduction à toutes les végétaux et à tous les animaux et les
invite à se multiplier. Il donne la maîtrise du temps aux astres. Et enfin l'espace terrestre est confiée à la
2 La gématrie (forme d'exégèse propre à la Bible hébraïque dans laquelle on additionne la valeur numérique des lettres et des
phrases afin de les interpréter) est propice à de nombreuses arnaques. Méfiez-vous. Surtout si on vous demande de l'argent !
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responsabilité l'homme, plus précisément à sa « domination ». La question reste à savoir quelle est la
nature de cette domination.
III. Qui est l'homme
1. « à l'image et à la ressemblance »
Que recèle cette expression. Remarquons la reprise qu'en fait le narrateur : « Dieu a créa l'homme à son
image, il le créa à l'image de Dieu, il le créa mâle et femelle. » Deux remarques :
L'insistance de l'image. Par deux fois, la même chose est dite. De plus, la différence des sexes est
mentionnée. Il s'agit d'affirmer ceci : un être humain ne compose pas à lui tout seul l'image de Dieu.
L'enjeu de cette image réside dans la différence des sexes, plus généralement dans la différence,
dans le fait qu'on est pas être humain tout seul, mais seulement en relation, et en relation à l'autre.
Comment l'exprimer de la manière la plus totale si ce n'est en renvoyant à cette différence
irréductible que celle des sexes ? Être image de Dieu, c'est accepter que je ne suis qui je suis qu'en
relation à l'autre. Ce qui est dit de l'homme est vrai pour Dieu : Dieu en soi n'est rien d'autre que le
produit de notre spéculation. Le témoignage biblique qu'il n'y a de Dieu que dans la relation. La
réponse que donne la Bible à longueur de pages n'est pas la réponse à la question de savoir si Dieu
existe. Non, la Bible propose la réponse à deux questions suivantes qui n'en forment en fait qu'une :
Qui est Dieu pour toi ? Qui es-tu pour Dieu ? Autrement dit, devant quel Dieu te tiens-tu ?
L'autre élément, c'est l'absence de « la ressemblance » dans cette reprise narrative. Par deux fois,
l'image est évoquée, mais la question de la ressemblance n'est pas reprise. Qu'est-ce à dire ?
Cependant, Dieu reprend la parole et ouvre à un projet : « Soyez féconds, multipliez, remplissez la
terre et assujetissez-la ; et dominez... » Peut-être se trouve ici la réponse à notre question sur la
ressemblance. Si l'image est un don (l'enjeu en est la dignité de chaque être humain), la
ressemblance est un projet. Comment Dieu est-il fécond ? En faisant don de la fécondité. Comment
Dieu a-t-il assujetti le chaos ? Comment domine-t-il ? Par la parole, en ne détruisant pas, mais en
fixant des limites dans la douceur.
2. Une seule espèce
En ce qui concerne les végétaux et les animaux, l'expression « selon leur espèce » est récurrente (v.
11;12;21;24...). Cette expression ne revient pas pour l'être humain. Dieu ne créé pas plusieurs espèces
humaines mais une seule. Contrairement aux cultures contemporaines de l'écriture de ce texte, le Dieu
d'Israël n'est pas le dieu d'une identité nationale – si vous me permettez cet anachronisme.
IV. Divers
1. Le mal n'est pas à l'origine
Gardons l'état d'esprit de ces hébreux déportés. Le désespoir les consume, ou comme on dit aujourd'hui, ils
perdent la foi. Le récit de Gn1 montre que le mal ne fait pas partie du projet divin. Gn1 ne contient aucune
négation. Bien plus, Dieu répète par sept fois que ce qu'il voit est bon et, même la dernière fois, il
surenchérit en un très bon. Cela signifie que tout est bon au début. Le mal vient ensuite, dans un second
temps.
2. Intention de l'auteur
Contrairement à de nombreuses traditions mythologiques, le début de l'histoire de l'univers et des hommes
coïncide avec la création. En effet, de nombreuses traditions relatent en préalable à la création l'histoire des
dieux. Leur histoire a conduit à créer l'univers et les hommes pour répondre à leur besoin. Ici, Dieu ne
révèle aucun besoin le poussant à créer l'univers. N'y aurait-il pas là la première trace d'un geste gratuit sur
lequel repose toute notre conception de l'être humain et de son existence ? Oui c'est par grâce que nous
vivons.
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ANNEXES
1. Traduction d'André WÉNIN
1 1 Quand Elohim3 commença à créer les cieux et la terre 2 – or la terre était tohu et bohu4,
et ténèbre sur la face d'un abysse, et vent d'Elohim remuant sur la face des eaux –, 3 et
Elohim dit : « Que soit lumière », et fut lumière. 4 Et Elohim vit la lumière : que c'est bien !
Et Elohim sépara la lumière et la ténèbre. 5 Et Elohim appela la lumière « jour », et la
ténèbre il appela « nuit ». et il y eut un soir et il y eut un matin. Jour un.
6 Et Elohim dit : « Que soit une voûte au milieu des eaux et qu'elle sépare les eaux
des eaux. » 7 Et Elohim fit la voûte et il sépara les eaux qui sont en dessous de la voûte des
eaux qui sont au dessus de la voûte. Et ce fut ainsi. 8 Et Elohim appela la voûte « cieux ». et
il y eut un soir et il y eut un matin. Jour deuxième.
9 Et Elohim dit : « Que s'assemblent les eaux d'en dessous des cieux en un lieu et que
soit vue la sèche. » et ce fut ainsi. 10 Et Elohim appela la sèche « terre », et le
rassemblement des eaux il appela « mers ». Et Elohim vit : que c'est bien !
11 Et Elohim dit : « Que la terre fasse pousser une pousse5, une herbe semant
semence, un arbre à fruit faisant fruit selon son espèce dont la semence est en lui sur la
terre. » Et ce fut ainsi. 12 La terre fit sortir une pousse, une herbe semant semence selon son
espèce et un arbre faisant fruit dont la semence est en lui selon son espèce. Et Elohim vit :
que c'est bien ! 13 Et il y eut un soir et il y eut un matin. Jour troisième.
14 Et Elohim dit : « que soit6 des luminaires en la voûte des cieux pour séparer le jour
et la nuit, et qu'ils soient pour signes, et pour des convocations et pour des jours et des
années7. 15 Et qu'ils soient pour luminaires en la voûte des cieux pour illuminer la terre. »
Et ce fut ainsi. 16 Et Elohim fit les deux grands luminaires, le grand luminaire pour
gouvernant du jour et le petit luminaire pour gouvernant de la nuit, et les étoiles. 17 Et
Elohim les donna8 en la voûte des cieux pour illuminer sur la terre 18 et pour gouverner le
jour et la nuit et pour séparer la lumière et la ténèbre. Et Elohim vit : que c'est bien ! 19 Et il
y eut un soir et il y eut un matin. Jour quatrième.
20 Et Elohim dit : « Que grouillent les eaux, grouillement d'être vivant, et le volatile,
qu'il vole sur la terre, sur la face de la voûte des eaux. » 21 Et Elohim créa les grands
monstres marins9 et tout l'être vivant rampant10 dont grouillent les eaux selon leur espèce et
tout volatile à aile selon son espèce. Et Elohim vit : que c'est bien ! 22 Et Elohim les bénit en
disant : « Fructifiez et multipliez et emplissez les eaux dans les mers, et que le volatile
multiplie dans la terre. » 23 Et il y eut un soir et il y eut un matin. Jour cinquième.
24 Et Elohim dit : « Que la terre fasse sortir un être vivant selon son espèce, bétail et
rampant et vivant de terre selon son espèce. » Et ce fut ainsi. 25 Et Elohim fit le vivant de la
3 Pas de traduction des noms divins. Transcription seulement. Le tétragramme (YHWH) sera rendue par Adonaï, selon l'usage
massorétique.
4 Les mots sont transcris de l'hébreu ; ils évoquent un chaos inhabitable.
5 Ce texte recourt de façon systématique au singulier collectif pour les créatures, y compris les humains.
6 L'accord du verbe au singulier avec un sujet pluriel est calqué sur l'hébreu. Cet ordre ye me'orot reprend littéralement, au
singulier, le premier impératif du texte, yehî 'ôr, « que soit lumière ».
7 Le mot « convocations » rend un terme hébreu signifiant à la fois l'endroit et le temps d'un rendez-vous ; en particulier, il
désigne des assemblées liturgiques. L'expression « les jours » s'emploie pour un temps indéterminé, par exemple une saison.
8 Le verbe utilisé ici signifie couramment « donner », sans exclure le sens de « placer ».
9 En hébreu, tannîn, terme désignant monstres marins (Es27, 1 ; Ps 74, 13), serpents (Ex 7,9 ; Ps 91, 13), dragons (Jr51, 34) ou
encore crocodiles (Ez29, 3)
10 Utilisé sept fois dans ce texte, le verbe ramas est traduit ici par « ramper ». En hébreu, il n'est pas réservé aux reptiles, mais
sert pour beaucoup d'autres animaux. Il décrit un mode de déplacement assez lent.
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