Vers une quantification de la dominance oculaire pour une

Journal
français
d’ophtalmologie
(2015)
38,
322—332
Disponible
en
ligne
sur
ScienceDirect
www.sciencedirect.com
ARTICLE
ORIGINAL
Vers
une
quantification
de
la
dominance
oculaire
pour
une
meilleure
prise
en
charge
des
pathologies
de
l’œil
Quantification
of
ocular
dominance
for
better
management
of
eye
disease
R.
Chaumillona,
N.
Alahyaneb,
P.
Senotb,
J.
Vergneb,
C.
Lemoineb,
K.
Doré-Mazarsb,c,
J.
Blouina,
D.
Vergilino-Perezb,c,
A.
Guillaumea,,d
aCNRS,
UMR
7291,
FR
3C
FR
3512,
laboratoire
de
neurosciences
cognitives,
Aix
Marseille
université,
3,
place
Victor-Hugo,
13331
Marseille
cedex
3,
France
bEA
7326,
laboratoire
de
vision,
d’action
et
de
cognition,
IUPDP,
INC,
université
Paris
Descartes,
sorbonne
Paris
Cité,
92774
Boulogne-Billancourt,
France
cInstitut
universitaire
de
France,
23,
quai
de
Conti,
75270
Paris,
France
dDepartment
of
psychology,
New
York
university,
6,
Washington
Place,
10003
New
York,
États-Unis
Rec¸u
le
1er aoˆ
ut
2014
;
accepté
le
24
octobre
2014
Disponible
sur
Internet
le
1
avril
2015
MOTS
CLÉS
Dominance
oculaire
;
Substrats
neurophysiologiques
;
Quantification
;
Neuro-ophtalmologie
Résumé
Introduction.
Notre
œil
dominant
est
celui
que
nous
choisissons
inconsciemment
lorsque
nous
avons
à
réaliser
des
tâches
monoculaires.
Dans
le
domaine
de
la
clinique
neuro-
ophtalmologique,
il
est
démontré
que
la
dominance
oculaire
(DO)
joue
un
rôle
de
premier
plan
dans
bon
nombre
de
pathologies
de
l’œil.
Par
ailleurs,
la
quantification
précise
de
cette
DO
s’avère
être
primordiale
dans
le
cadre
de
certaines
techniques
chirurgicales.
Cependant,
l’intensité
de
la
DO
ne
peut
pas
être
évaluée
par
les
tests
classiquement
utilisés
en
préopéra-
toire.
Matériel
et
méthodes.
Pour
mieux
comprendre
ce
phénomène
de
DO,
nous
étudions
ses
conséquences
sur
les
plans
comportemental
et
neurophysiologique
(expérimentations
1
et
2).
À
partir
de
ces
nouvelles
connaissances,
nous
suggérons
une
méthode
permettant
de
mieux
quantifier
la
DO
(expérimentation
3).
Résultats.
Nous
mettons
ici
en
évidence
une
influence
de
la
DO
au
niveau
de
la
motricité
de
la
main,
ainsi
qu’au
niveau
de
la
vitesse
des
transferts
interhémisphériques.
De
plus,
nous
Cet
article
a
fait
l’objet
d’une
présentation
orale
lors
du
congrès
de
la
Société
franc¸aise
d’ophtalmologie
2014.
Auteur
correspondant.
Adresse
e-mail
:
(A.
Guillaume).
http://dx.doi.org/10.1016/j.jfo.2014.10.009
0181-5512/©
2015
Elsevier
Masson
SAS.
Tous
droits
réservés.
Vers
une
quantification
de
la
dominance
oculaire
323
montrons
qu’une
analyse
de
la
dynamique
des
saccades
oculaires
permet
d’aboutir
à
une
détermination
plus
précise
de
l’intensité
de
la
DO
(marquée,
non
marquée).
Conclusion.
Dans
l’ensemble,
cette
meilleure
compréhension
du
phénomène
de
DO
couplée
à
l’analyse
de
la
dynamique
des
saccades
pourrait,
à
court
ou
moyen
terme,
conduire
à
la
mise
en
place
d’une
batterie
de
tests
rapides
et
relativement
simples
permettant
d’attribuer
à
chaque
patient
un
degré
de
DO.
©
2015
Elsevier
Masson
SAS.
Tous
droits
réservés.
KEYWORDS
Ocular
dominance;
Neurophysiological
substrates;
Quantification;
Neuro-ophthalmology
Summary
Introduction.
The
dominant
eye
is
defined
as
the
one
we
unconsciously
choose
when
we
have
to
perform
monocular
tasks.
In
the
field
of
clinical
neuro-ophthalmology,
it
is
well-established
that
ocular
dominance
plays
a
key
role
in
several
eye
diseases.
Furthermore,
the
accurate
quan-
tification
of
ocular
dominance
is
crucial
with
regard
to
certain
surgical
techniques.
However,
classical
preoperative
tests
cannot
determine
the
amount
of
ocular
dominance.
Materials
and
methods.
In
order
to
obtain
further
insight
into
the
phenomenon
of
ocular
domi-
nance,
we
study
its
influence
at
behavioral
and
neurophysiological
levels
(experiments
1
and
2).
Based
on
these
new
data,
we
suggest
a
method
to
improve
quantification
of
ocular
dominance
(experiment
3).
Results.
We
demonstrate
that
ocular
dominance
has
an
influence
on
hand
movements
and
on
interhemispheric
transfer
time.
Moreover,
we
show
that
an
analysis
of
the
dynamics
of
saccades
allows
us
to
sort
out
participants
with
strong
or
weak
ocular
dominance.
Conclusion.
In
conclusion,
this
better
understanding
of
the
phenomenon
of
ocular
dominance,
coupled
with
the
analysis
of
saccadic
dynamics,
might,
in
the
short
or
medium
term,
lead
to
the
establishment
of
a
quick
and
straightforward
battery
of
tests
allowing
determination
of
the
amount
of
ocular
dominance
for
each
patient.
©
2015
Elsevier
Masson
SAS.
All
rights
reserved.
Introduction
La
plupart
des
individus
ont
tendance
à
interagir
avec
leur
environnement
en
utilisant
préférentiellement
un
côté
de
leur
corps.
Ce
phénomène
de
latéralisation,
qui
se
traduit
par
une
meilleure
habilité
et
dextérité,
est
fortement
visible
lorsqu’il
s’agit
de
dominance
manuelle
ou
podale.
Cepen-
dant,
il
est
aujourd’hui
bien
établi
que
le
système
visuel
n’échappe
pas
à
cette
règle
et
que
chez
la
majorité
des
humains,
des
phénomènes
de
dominance
oculaire
(DO)
sont
également
présents
[1].
Il
existe
en
fait
trois
grandes
caté-
gories
de
DO
que
la
majeure
partie
des
auteurs
considèrent
comme
étant
indépendantes
les
unes
par
rapport
aux
autres
[2,3].
D’après
la
terminologie
utilisée
par
Coren
et
Kaplan
[4],
on
peut
définir
:
la
DO
sensorielle
(sensory
dominance)
qui
se
réfère
à
l’œil
qui
domine
dans
une
situation
de
conflit
lorsque
des
stimulations
visuelles
divergentes
sont
fournies
à
chaque
œil
(paradigme
de
rivalité
binoculaire),
la
DO
d’acuité
(acuity
dominance)
qui
se
réfère
à
l’œil
ayant
la
meilleure
acuité
visuelle
et
possédant
donc
les
meilleures
capacités
de
discrimination
et
enfin,
la
DO
d’alignement
(sighting
dominance)
qui
définit
l’œil
dominant
(OD)
comme
étant
celui
que
nous
choisissons
inconsciemment
lorsque
nous
avons
à
effectuer
une
tâche
monoculaire
comme,
par
exemple,
aligner
un
objet
placé
dans
l’espace
péripersonnel
avec
une
cible
plus
lointaine.
Le
présent
article
est
focalisé
sur
ce
troisième
type
de
DO
(DO
d’alignement).
Concernant
cette
DO
d’alignement
(ci-après
dénommée
simplement
dominance
oculaire
DO),
Bourassa
et
al.
[5]
ont
réalisé
une
méta-analyse
leur
permettant
de
conclure
que
66
%
des
individus
ayant
une
dominance
manuelle
droite
ont
un
OD
droit
et
que
60
%
des
gauchers
ont
un
OD
gauche.
Bien
que
la
DO
ait
intéressé
de
nombreuses
générations
de
scientifiques,
ses
bases
physiologiques
et
ses
conséquen-
ces
sensorimotrices
restent
encore
aujourd’hui
mal
connues
[6].
Pourtant,
ce
phénomène
a
de
nombreuses
implications
au
niveau
de
la
clinique
neuro-ophtalmologique,
puisqu’il
joue
un
rôle
de
premier
plan
dans
certaines
pathologies
de
l’œil
[3].
Par
exemple,
Coren
et
Duckman
[7],
dans
une
expérimentation
menée
sur
258
amblyopes,
ont
montré
que
l’OD
est
moins
susceptible
de
développer
une
amblyo-
pie
que
l’œil
non
dominant.
Par
la
suite,
Cheng
et
al.
[8]
ont
mis
en
avant
le
fait
que
chez
des
personnes
souf-
frant
d’anisomètropie
myopique,
l’OD
présente
un
degré
de
myopie
plus
élevé
comparé
à
l’œil
non
dominant.
Waheed
et
Laidlaw
[9]
ont,
quant
à
eux,
démontré
que
les
per-
sonnes
souffrant
d’un
trou
maculaire
de
pleine
épaisseur
présentent
un
handicap
visuel
plus
important
lorsque
celui-
ci
touche
l’OD
plutôt
que
l’œil
non
dominant.
Un
point
primordial
concernant
la
DO
pour
le
domaine
de
la
clinique
neuro-ophtalmologique
réside
dans
la
quan-
tification
de
celle-ci.
En
effet,
cette
quantification
est
un
facteur
déterminant
dans
le
traitement
d’anomalies
de
la
vision
binoculaire
[3]
mais
aussi
dans
le
succès
de
certaines
324
R.
Chaumillon
et
al.
techniques
chirurgicales
telles
que
la
technique
monovision
[2,10].
Par
exemple,
cette
dernière,
basée
sur
une
correc-
tion
différenciée
de
l’OD
et
de
l’œil
non
dominant,
présente
un
taux
de
succès
variable
[11]
qui
pourrait
s’expliquer
par
le
fait
que,
comme
pour
toute
latéralité
du
corps
humain,
l’intensité
de
la
DO
varie
selon
les
individus.
Cependant,
à
l’heure
actuelle,
l’intensité
de
la
DO
d’alignement
(sighting)
reste
difficile,
voire
impossible,
à
déterminer
(contraire-
ment
à
la
dominance
sensorielle
[sensory]
pour
laquelle
des
techniques
de
quantification
ont
déjà
été
proposées
[12]).
En
effet,
les
tests
classiquement
utilisés
en
préopératoire
(test
du
hole-in-card
ou
near-far-alignment)
qui
obligent
à
faire
inconsciemment
un
choix
entre
les
deux
yeux
ne
peuvent
donner
qu’un
résultat
binaire
(OD
gauche
ou
droit).
Ce
dernier
constat
met
en
évidence
l’importance
clinique
de
la
mise
en
place
d’une
quantification
précise
de
la
DO.
De
plus,
la
nature
de
l’association
entre
DO
et
pathologies
de
l’œil
reste
encore
mal
connue
[8]
et
beaucoup
d’auteurs
s’accordent
à
dire
qu’elle
est
trop
peu
étudiée.
Pour
tenter
de
comprendre
le
fondement
de
cette
association
entre
DO
et
pathologies
de
l’œil,
plusieurs
auteurs
se
sont
attachés
à
étudier
les
éventuelles
différences
structurelles
et
anato-
miques
qui
pourraient
exister
entre
OD
et
œil
non
dominant
sans
toutefois
trouver
de
différences
consistantes
[13].
Cet
ensemble
de
zones
d’ombre
soulève
la
question
de
la
fia-
bilité
de
la
détermination
de
la
DO
pour
le
domaine
de
la
clinique
neuro-ophtalmologique.
En
effet,
dans
une
revue
sur
la
technique
monovision,
Evans
[11]
pointe
la
multitude
de
tests
utilisés
pour
déterminer
la
DO
et
la
variabilité
des
résultats
obtenus
qui
aboutissent
à
une
grande
difficulté
pour
les
praticiens
à
prendre
une
décision
[14].
À
notre
sens,
le
fait
qu’aucune
différence
structurelle
entre
les
deux
yeux
n’ait
été
mise
en
évidence
souligne
le
fait
qu’il
est
important
de
considérer
les
tenants
neurophy-
siologiques
de
la
DO.
Plusieurs
travaux
ont
déjà
proposé
que
la
DO
pouvait
avoir
des
conséquences
sur
les
étapes
ulté-
rieures
du
traitement
de
l’information,
et
notamment
quand
celle-ci
est
utilisée
pour
la
production
de
mouvements
[15,16].
Ces
premiers
éléments
concernant
l’influence
de
la
DO
dans
les
transformations
visuomotrices
soutiennent
l’intérêt
de
poursuivre
cette
exploration
fonctionnelle
de
la
DO
et
de
l’organisation
du
système
visuel
sous-jacente
à
cette
latéralisation.
Nous
pensons
particulièrement
à
l’intégration
différentielle
au
niveau
cortical
des
infor-
mations
en
provenance
de
chaque
œil.
Plusieurs
travaux
apportent
déjà
des
éléments
sur
les
substrats
neurophysio-
logiques
de
la
DO.
En
classant
les
participants
selon
leur
DO
(sighting
dominance),
Seyal
et
al.
[17]
ont
montré,
par
la
technique
des
potentiels
évoqués,
que
l’activation
cérébrale
est
plus
rapide
et
plus
importante
lorsqu’une
stimulation
visuelle
monoculaire
est
délivrée
à
l’OD
par
rap-
port
à
l’œil
non
dominant.
Ces
résultats
ont
été
confirmés
par
des
études
plus
récentes
en
imagerie
par
résonance
magnétique
fonctionnelle
(IRMf)
:
les
activations
enregis-
trées
dans
les
aires
visuelles
sont
plus
importantes
lorsque
les
stimulations
sont
délivrées
à
l’OD
[18].
De
fac¸on
inté-
ressante
et
relativement
inattendue,
cette
sur-activation
semble
se
produire
dans
l’hémisphère
ipsilatéral
à
l’OD,
ce
qui
a
mené
les
auteurs
à
formuler
l’hypothèse
d’une
rela-
tion
privilégiée
entre
l’OD
et
son
hémisphère
ipsilatéral
[19].
Par
conséquent,
bien
que
certaines
inconnues
soient
encore
présentes,
la
plus
grande
et
plus
rapide
activation
visuelle
observée
suite
à
la
stimulation
de
l’OD
pourrait
principale-
ment
concerner
l’hémisphère
ipsilatéral
à
l’OD,
qui
rec¸oit
les
entrées
visuelles
en
provenance
de
l’hémirétine
tempo-
rale
de
l’OD.
Cette
observation
nous
a
conduit
à
émettre
l’hypothèse
que
la
relation
spécifique
entre
l’OD
et
son
hémisphère
ipsi-
latéral
pourrait
donner
un
avantage
temporel
à
l’hémichamp
visuel
controlatéral
à
l’OD.
En
effet,
en
situation
bino-
culaire,
lorsqu’une
cible
est
présentée
dans
l’hémichamp
visuel
controlatéral
à
l’OD,
elle
stimule
l’hémirétine
tem-
porale
de
celui-ci
qui,
du
fait
de
l’organisation
du
système
visuel,
achemine
de
l’information
vers
l’hémisphère
ipsila-
téral
à
l’OD
(Fig.
1).
Il
est
à
noter
que
dans
ce
cas
précis,
l’hémirétine
nasale
de
l’œil
non
dominant
achemine
égale-
ment
de
l’information
vers
l’hémisphére
ipsilatéral
à
l’OD.
Cependant,
Shima
et
al.
[19]
ont
montré
qu’il
n’y
avait
aucune
différence
(en
termes
de
rapidité
ou
d’amplitude
d’activation)
entre
l’hémirétine
nasale
de
l’OD
et
de
l’œil
non-dominant.
Par
ailleurs,
étant
donné
la
nature
croi-
sée
des
voies
neurales
motrices
et
visuelles,
un
avantage
pour
l’hémichamp
visuel
controlatéral
à
l’OD
n’aurait
pas
les
mêmes
conséquences
pour
les
deux
mains.
Dans
une
première
expérimentation,
nous
utilisons
un
paradigme
de
Poffenberger
[20]
qui
nous
permet
de
contraster
les
deux
hémichamps
visuels
(champ
visuel
controlatéral
et
ipsila-
téral
à
l’OD)
et
les
mains
utilisées
pour
répondre
à
la
stimulation
visuelle.
Classiquement,
ce
paradigme
montre
que
l’on
met
sensiblement
plus
de
temps
à
répondre
quand
la
main
que
nous
utilisons
pour
répondre
se
trouve
du
côté
opposé
à
l’hémichamp
visuel
dans
lequel
apparaît
la
stimu-
lation
que
lorsque
la
stimulation
et
la
main
sont
du
même
côté
[21,22].
En
effet,
dans
la
condition
la
stimulation
visuelle
et
la
main
utilisée
pour
répondre
sont
du
même
côté
(appelée
condition
non-croisée),
le
traitement
de
l’entrée
sensorielle
et
l’organisation
de
la
réponse
motrice
se
déroulent
au
sein
du
même
hémisphère.
À
l’inverse,
si
la
stimulation
visuelle
et
la
main
utilisée
pour
répondre
ne
sont
pas
du
même
côté
(appelée
condition
croisée),
un
transfert
interhemisphérique
à
partir
de
l’hémisphère
qui
rec¸oit
l’entrée
sensorielle
vers
l’hémisphère
qui
contrôle
la
réponse
motrice
est
nécessaire
[21,22].
Ce
transfert
interhé-
misphérique
supplémentaire
intervenant
au
niveau
du
corps
calleux1conduit
à
des
temps
de
réaction
(TR)
plus
longs
dans
la
condition
croisée
que
dans
la
condition
non
croisée
[20,24].
Cependant,
à
la
relation
privilégiée
qui
pour-
rait
exister
entre
l’OD
et
son
hémisphère
ipsilatéral,
la
DO
pourrait
substantiellement
affecter
ce
patron
de
résultats
en
donnant
un
avantage
temporel
aux
cibles
présentées
dans
l’hémichamp
visuel
controlatéral
à
l’OD
(i.e.
lorsque
l’hémirétine
temporale
de
l’OD
est
stimulée).
Dans
une
seconde
expérimentation,
afin
de
mieux
comprendre
les
substrats
neurophysiologiques
de
la
DO,
nous
évaluons
un
éventuel
impact
de
la
relation
privilégiée
entre
l’OD
et
son
hémisphère
ipsilatéral
sur
les
processus
de
trans-
fert
d’information
entre
les
hémisphères.
Nous
focalisons
1La
démonstration
de
l’implication
du
corps
calleux
dans
ce
paradigme
découle
d’expérimentations
ayant
montré
que
les
dif-
férences
entre
les
TR
obtenus
dans
les
conditions
croisées
et
non
croisées
sont
considérablement
allongées
en
cas
d’agénésie
ou
d’ablation
du
corps
calleux
[23].
Vers
une
quantification
de
la
dominance
oculaire
325
Droitiers OD droit
C
CV Controlateral
CV Ipsilateral
Droitiers OD gauche
Main ipsi Main contro
Moyenne des médianes de TR (ms)
ab
270
265
260
255
250
245
240
235
230
270
265
260
255
250
245
240
235
230 Main ipsi Main contro
Moyenne des médianes de TR (ms)
Figure
1.
Moyenne
des
médianes
des
temps
de
réaction.
L’analyse
statistique
a
mis
en
évidence
un
effet
principal
de
l’hémichamp
visuel
de
présentation
montrant
que
les
stimulations
présentées
dans
l’hémichamp
visuel
(CV)
controlatéral
à
l’œil
dominant
(points
verts)
conduisent
à
des
TR
plus
rapides
que
celles
présentées
dans
l’hémichamp
visuel
ipsilatéral
à
l’œil
dominant
(points
marrons).
De
plus,
les
différences
significatives
entre
les
deux
hémichamps
visuels
de
stimulation
sont
observées
uniquement
lorsque
les
réponses
ont
été
données
avec
la
main
controlatérale
à
l’OD.
Les
barres
d’erreur
représentent
les
écart-types
des
moyennes
et
les
astérisques
montrent
un
effet
significatif
(p
<
0,05).
notre
analyse
sur
le
transfert
interhémisphérique
des
infor-
mations
visuelles
se
réalisant
au
niveau
du
splénium.
Pour
étudier
les
aspects
temporels
de
ce
transfert
interhémis-
pherique,
nous
avons,
lors
des
sessions
expérimentales
de
la
première
expérimentation,
enregistré
l’activité
cérébrale
par
électroencéphalographie
(EEG).
En
effet,
si
la
cible
est
présentée
dans
l’hémichamp
visuel
gauche
d’un
parti-
cipant,
les
aires
visuelles
corticales
de
l’hémisphère
droit
vont
être
activées
en
premier
mais
cette
activation
sera
très
rapidement
suivie
par
une
activation
des
aires
visuelles
de
l’hémisphère
gauche.
Ce
transfert
interhémisphérique
est
automatique
et
se
fait
par
des
connections
homoto-
piques
entre
les
aires
visuelles
(splénium,
partie
postérieure
du
corps
calleux)
[25]2.
Ces
enregistrements
électrophysio-
logiques
permettent
de
déterminer
précisément
le
temps
de
transfert
interhémisphérique
(TTIH)
en
comparant
la
latence
des
activations
dans
chaque
hémisphère
suite
à
la
stimulation
visuelle
(voir
partie
calcul
du
TTIH
ci-après).
L’utilisation
de
cette
méthode
par
des
études
antérieures
a
conduit
à
la
proposition
selon
laquelle,
chez
les
droitiers,
le
temps
de
transfert
interhémisphérique
est
plus
rapide
de
droite
à
gauche
que
de
gauche
à
droite
[27,28].
Cepen-
dant,
une
grande
variabilité
interindividuelle
a
souvent
été
2Ce
transfert
des
informations
visuelles
a
également
été
mis
en
évidence
par
le
fait
que
l’onde
ipsilatérale
à
la
stimulation
n’est
pas
observée
chez
les
personnes
souffrant
d’agénésie
ou
d’ablation
du
corps
calleux
[26].
mise
en
évidence
au
sein
de
ces
études.
Par
ailleurs,
Bou-
rassa
et
al.
[5]
ont
montré,
dans
une
méta-analyse,
que
66
%
des
droitiers
ont
un
OD
droit.
Nous
suggérons
que
la
varia-
bilité
observée
pourrait
être
la
conséquence
directe
de
la
non-prise
en
compte
de
la
DO
dans
la
grande
majorité
de
ces
études.
En
d’autres
termes,
nous
émettons
l’hypothèse
que
la
DO
pourrait
avoir
une
influence
sur
le
TTIH.
Si
tel
est
le
cas,
l’asymétrie
classiquement
reportée
(i.e.
un
TTIH
plus
rapide
de
droite
à
gauche)
serait
en
fait
le
reflet
de
ce
que
l’on
peut
observer
chez
les
droitiers
OD
droit,
qui
sont
surreprésentés
au
sein
de
populations
aléatoires.
Ainsi,
en
séparant
les
participants
sur
la
base
de
leur
DO,
nous
serons
en
mesure
de
montrer
un
éventuel
impact
de
la
DO
sur
le
TTIH.
Enfin,
il
est
fort
probable
que,
comme
pour
toute
autre
latéralisation,
la
DO
ne
soit
pas
un
phénomène
répondant
à
une
loi
du
tout
ou
rien
mais
plutôt
un
phé-
nomène
montrant
différents
degrés
d’intensité.
Toutefois,
le
test
classiquement
utilisé
pour
identifier
la
DO
(le
test
du
hole-in-card),
qui
est
également
utilisé
en
clinique
neuro-ophtalmologique,
ne
permet
d’obtenir
qu’un
résultat
binaire
(gauche
ou
droit)
et
ne
permet
donc
aucune
quan-
tification
de
la
DO.
Si
notre
hypothèse
de
variation
dans
l’intensité
de
la
DO
est
valide,
une
méthode
de
quantifi-
cation
de
cette
DO
est
nécessaire.
Nous
avons
récemment
démontré
qu’au
sein
d’un
groupe
de
participants
ayant
la
même
DO,
déterminée
par
le
test
du
hole-in-card,
des
différences
apparaissent
au
niveau
des
mouvements
oculaires
qui
peuvent
être,
à
notre
avis,
reliées
326
R.
Chaumillon
et
al.
à
l’intensité
de
la
DO
[29].
Cette
expérimentation
avait
pour
but
d’étudier
les
asymétries
«
droite-gauche
»
au
niveau
du
système
saccadique.
Nous
avons
comparé
précisément
le
pic
de
vitesse
des
déplacements
de
chaque
œil
lorsqu’un
par-
ticipant
produisait
des
saccades
horizontales
dirigées
vers
des
cibles
apparaissant
sur
la
gauche
ou
sur
la
droite,
à
différentes
excentricités
d’un
point
de
fixation
central.
Les
résultats
ont
montré
que
chaque
groupe
de
DO
pouvait
être
séparé
en
deux
sous-groupes
distincts.
Un
premier
groupe
montrait
toujours
un
pic
de
vitesse
plus
élevé
pour
l’œil
abducteur,
c’est-à-dire
l’œil
gauche
lorsque
la
saccade
était
dirigée
vers
la
gauche
et
vice-versa.
Cette
tendance
avait
déjà
été
observée
[30]
et
a
été
rapprochée
du
concept
d’asymétrie
nasotemporale
[31,32].
Par
contre,
le
second
groupe
montrait
toujours
un
pic
de
vitesse
plus
élevé
dans
la
direction
ipsilatérale
à
l’OD
et
ce,
quel
que
soit
l’œil
enregistré.
Nous
suggérons
que
les
participants
montrant
des
résultats
compatibles
avec
une
asymétrie
nasotempo-
rale
auraient
une
DO
non
marquée
tandis
que,
chez
les
autres
participants,
une
DO
plus
marquée
prendrait
le
pas
sur
cette
asymétrie
nasotemporale.
Afin
de
tester
cette
hypothèse
de
dominance
mar-
quée/non
marquée
ainsi
que
la
pertinence
de
l’utilisation
d’un
test
basé
sur
la
dynamique
des
saccades,
nous
repro-
duisons,
dans
une
troisième
expérimentation,
un
paradigme
de
Poffenberger,
en
séparant
chaque
groupe
de
DO
en
deux
sous-groupes
(DO
marquée/DO
non
marquée)
à
partir
de
la
mesure
des
pics
de
vitesse
des
saccades
oculaires
de
chaque
participant
(cf.
ci-dessus).
Nous
présentons
donc
ici
les
résultats
d’un
ensemble
de
3
expérimentations
qui
nous
ont
permis
d’explorer
plus
avant
les
substrats
neurophysiologiques
de
la
DO
et
les
conséquences
de
cette
dominance
sur
les
transformations
visuomotrices.
Nous
examinons
l’effet
de
la
DO
sur
les
TR
manuels
(expérimentation
1)
et
sur
la
vitesse
du
trans-
fert
inter-hémisphérique
(expérimentation
2).
Puis,
l’aspect
quantification
de
la
DO
est
abordé
(expérimentation
3).
Ces
contributions
expérimentales
ont
pour
objectif
de
mieux
comprendre
la
DO
et
ainsi,
à
terme,
de
permettre
une
mise
en
place
de
la
quantification
de
celle-ci.
Matériel
et
méthode
Expérimentation
1
:
dominance
oculaire
et
motricité
manuelle
Nous
étudions
ici
l’influence
de
la
DO
sur
les
réseaux
visuo-
moteurs
impliqués
dans
la
motricité
de
la
main
en
utilisant
un
dispositif
expérimental,
permettant
de
calculer
préci-
sément
les
TR
manuels
en
réponse
à
des
cibles
visuelles
latéralisées
dans
un
contexte
binoculaire.
Participants
Vingt-deux
participants
droitiers
(âge
moyen
=
25,8
±
5,6
ans
;
12
femmes)
ne
présentant
aucun
signe
de
troubles
neurologiques
et
une
vision
normale
ou
corrigée
à
la
normale
ont
été
recrutés
pour
cette
expérimentation.
La
DO
de
chaque
participant
a
été
testée
avant
la
ses-
sion
d’enregistrement
par
le
test
du
hole-in-card
[33]
répété
trois
fois.
Dix
participants
avaient
un
OD
gauche
et
12
avaient
un
OD
droit.
Dispositif
expérimental
Les
participants
étaient
confortablement
assis
dans
une
salle
faiblement
éclairée
devant
une
table
sur
laquelle
était
placé
un
bouton
de
réponse
aligné
dans
le
plan
sagittal.
Deux
diodes
blanches
(74
cd/m2,
1,2en
angle
visuel)
étaient
fixées
devant
eux,
à
80
cm
de
leurs
yeux.
Ces
diodes
étaient
placées
à
7vers
la
gauche
ou
vers
la
droite
d’une
diode
de
fixation
oculaire
située
droit
devant
(couleur
verte,
inten-
sité
6
cd/m2;
angle
visuel
0,4).
Chaque
essai
commenc¸ait
par
l’apparition
de
la
diode
de
fixation
centrale.
Ensuite,
après
un
délai
variable
(i.e.
de
600
à
1200
ms
par
paliers
de
200
ms)
une
des
deux
cibles
laté-
ralisées
était
présentée
pendant
100
ms.
Les
participants
avaient
pour
consigne
d’appuyer
le
plus
rapidement
possible
sur
le
bouton
de
réponse
dès
qu’ils
percevaient
l’apparition
d’une
cible
et
ce,
quelle
que
soit
sa
position.
Sur
10
blocs
de
100
essais
enregistrés,
4
conditions
expérimentales
incluant
224
essais
étaient
représentées
:
réponses
de
la
main
ipsila-
térale
à
l’OD
à
des
cibles
présentées
dans
le
champ
visuel
ipsilatéral
(condition
MI
CVI)
ou
dans
le
champ
visuel
contro-
latéral
à
l’OD
(condition
MI
CVC)
et
réponses
de
la
main
controlatérale
à
l’OD
à
des
cibles
présentées
dans
le
champ
visuel
ipsilatéral
(condition
MC
CVI)
ou
dans
le
champ
visuel
controlatéral
à
l’OD
(condition
MC
CVC).
Les
96
essais
res-
tants
étaient
répartis
sur
les
10
blocs
et
correspondaient
à
des
essais
pour
lesquels
aucune
cible
n’était
présentée
afin
de
réduire
l’anticipation
des
participants.
Analyse
statistique
Pour
chaque
participant,
la
médiane
des
TR
a
été
cal-
culée
dans
les
4
conditions
expérimentales.
Ces
médianes
ont
été
par
la
suite
soumises
à
une
Anova
mixte
:
2
(OD
:
gauche,
droit)
×
2
(main
:
controlatérale,
ipsilaterale
à
l’OD)
×
2
(hémichamp
visuel
:
controlatéral,
ipsilateral
à
l’OD)
avec
mesures
répétées
sur
les
deux
derniers
fac-
teurs.
Les
comparaisons
spécifiques
ont
été
effectuées
par
l’intermédiaire
de
tests
post-hoc
Newman-Keuls.
Expérimentation
2
:
dominance
oculaire
et
transfert
interhémisphérique
Des
enregistrements
électroencéphalographiques
(EEG)
ont
été
réalisés
durant
la
tâche
précédemment
décrite
(expéri-
mentation
1)
afin
d’étudier
l’influence
de
la
DO
sur
le
TTIH.
Les
participants
et
le
dispositif
expérimental
étaient
donc
identiques
à
ceux
présentés
dans
la
partie
précédente.
Suite
à
l’exclusion
d’un
participant
au
sein
de
chaque
groupe
de
DO
en
raison
d’ondes
EEG
trop
bruitées
pour
être
raison-
nablement
prises
en
compte,
les
analyses
comprenaient
les
résultats
obtenus
chez
9
droitiers
OD
gauche
et
11
droitiers
OD
droit.
Enregistrements
EEG
Les
signaux
EEG
ont
été
enregistrés
en
continu
par
64
électrodes
(Ag-AgCl
électrodes
;
BioSemi
ActiveTwo
sys-
tem
;
BioSemi,
Amsterdam,
Pays-Bas)
placées
sur
un
bonnet
(Fig.
2a).
Les
signaux
EEG
étaient
numérisés
à
une
fréquence
1 / 11 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !