DES CLES POUR… MICHE ET DRATE

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DES CLES POUR… MICHE ET DRATE
Mercredi 4 novembre à 18h30, jeudi 5 novembre à 10h et 14h, vendredi 6 novembre à 10h.
Création – durée estimée 1h - à partir de 7 ans.
Qu’est-ce ?
Miche et Drate, paroles blanches est un texte publié pour la première fois en 1996 par le
dramaturge, metteur en scène et pédagogue suisse Gérald Chevrolet. Il est mis en scène par
Charlotte Blanchard, de la compagnie La Question du Beurre, en résidence au TCM1.
Composé de 24 scènes qui jamais n’excèdent deux pages, Miche et Drate est à l’origine une
affaire de famille : Gérald Chevrolet l’a en effet rédigé pour tenter de désaltérer la soif de jeu et de
questions de son tout jeune filleul, et a prêté aux deux héros éponymes des traits de caractère
empruntés à son frère et à lui-même (« lui le Drate fonceur et instinctif, moi le Miche penseur et
diplomate »2).
Succession de vignettes à destination du jeune public tantôt ludiques, tantôt graves, toujours
profondes, jamais doctes, Miche et Drate met en scène et face à face deux personnages qui
interrogent le monde et ses évidences, l’autre et ses replis, le théâtre et ses virtualités, avec une
poésie et une humilité accessibles tout autant que nécessaires.
Que proposer en amont ?
Peut-être peut-on partir du titre :
- qu’entendre par l’expression « paroles blanches » ? Après que les élèves auront proposé
quelques pistes, on leur fait connaître et on leur explique la définition qu’en donne
Gérald Chevrolet : « Au théâtre, on dit à l’acteur de parler "en voix blanche" lorsqu’il doit
1
Le principe de la résidence d’artiste repose sur la mise à disposition d’un lieu, d’une assistance technique
et/ou financière, à un artiste, pour que celui-ci effectue un travail de recherche et de création tout en faisant
partager sa démarche artistique, en développant les liens avec le territoire et l’environnement local.
2
Gérald Chevrolet, Miche et Drate, paroles blanches, Postface, p.62, éditions Théâtrales Jeunesse (2006).
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chuchoter quelque chose, détimbrer la voix pour exprimer la confidence, le secret ou la
tendresse. En "voix blanche", le comédien doit parler plus lentement, articuler plus,
habiter très fortement ses répliques. Paroles blanches est ainsi une indication de jeu, non
pas pour détimbrer mais pour trouver quelque chose de cette idée de délicatesse et de
précision dans la transmission3 » ; afin qu’ils puissent éprouver leur compréhension de
cette définition et goûter à cette qualité de profération, on leur soumet par exemple la
première scène (cf. annexe 1), qui semble se prêter particulièrement bien à l’exercice ;
quid de ces étranges prénoms, « Miche » et « Drate » ? quels horizons d’attente
soulèvent-ils ? qui peuvent-ils être, ces personnages sans âge ni sexe a priori précisés ?
Les idées fuseront, convergentes ou divergentes, et il serait alors intéressant d’initier les
élèves aux essentielles et inépuisables polysémies du texte, de la lecture et de la
représentation, en leur faisant mesurer les écarts entre leurs propres interprétations,
celle de Gérald Chevrolet - pour qui « Miche est le rond, l’harmonie, la réflexion, la
pensée, la miche de pain. Drate est le carré ou la flèche, l’instinct, la ligne droite. Miche
et Drate sont les deux parties du cerveau qui dialoguent au bord du monde4 », et celle de
la metteure en scène Charlotte Blanchard, qui instaure un lien père-fils entre l’un et
l’autre.
Un travail d’écriture peut également être envisagé ; afin de familiariser les élèves avec les
enjeux de la pièce (la transmission, la séparation, l’éducation, l’amour à l’épreuve de la distance) et la
forme dialogique adoptée par Gérald Chevrolet (chaque scène repose sur un échange souvent limité
à 6 ou 7 répliques denses, concentrées, rayonnantes de plusieurs niveaux de lecture), on les invite à
rédiger un dialogue entre Miche et Drate : la scène 1 (annexe 1) peut servir de modèle, de textesource, et l’imaginaire se nourrir des titres des 23 autres scènes ("Moi en tout cas", "La recette
d’amour", "Le jour où mon ennemi viendra", "Le cadeau de l’oiseau", "L’Ennui"…).
Pourquoi ne pas faire jouer la classe ? La forme brève permet une mémorisation rapide ; une
même scène peut être confiée à des duos différents afin que les élèves saisissent clairement l’idée
que jouer, c’est forcément choisir (un angle, un parti-pris, un sens…) ; quant aux rétifs timides, une
initiation à la direction d’acteurs (entrée/sorties, déplacements, débit et volume de la voix, regard…)
et/ou à la mise en scène (occupation de l’espace, gestion des accessoires, pertinence des costumes,
rapports scène-salle…) les tentera certainement. On trouvera en annexes 2 et 3 deux scènes
susceptibles de les intéresser5.
Comment poursuivre en aval ?
Le spectacle aura sans nul doute fait naître maintes questions que le bord-plateau n’aura
peut-être pas toutes étanchées. Aussi peut-on tâcher de revenir et de réfléchir en classe sur
quelques-uns des enjeux de la représentation :
3
Gérald Chevrolet, Miche et Drate, paroles blanches, p.8, éditions Théâtrale Jeunesse (2006).
Ibid.
5
Les enseignants souhaitant travailler sur d’autres scènes peuvent réclamer le texte au TCM ; s’adresser à
Diane Reichart et/ou Adeline Stoffel. Le texte est également disponible à la médiathèque Voyelles.
4
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la distance : quel était son motif ? comment était-elle visible sur le plateau ?
qu’empêchait-elle ? que permettait-elle ?
la famille : quelle place pour la figure de la mère (il sera peut-être utile d’informer les
élèves que le jeune Victor Peltier est le fils, et le moins jeune Dominique Wittorski le
compagnon, de la metteure en scène) ? une famille, est-ce forcément un foyer ?
le recours à la vidéo : ses avantages pratiques (scolarité de Victor Peltier, lois relatives au
travail des enfants), sa portée symbolique (présence-absence de Drate, plateau et vidéo
– père et fils - dialoguent comme deux modes d’être au monde à la fois différents et
complices).
Le retour sur le spectacle peut également prendre une forme écrite voire plastique :
- quel moment les élèves ont-ils préféré ? sauraient-ils le décrire et expliquer leur
prédilection ? sauraient-ils le dessiner ou le peindre (de façon figurative ou plus abstraite,
selon qu’ils souhaitent uniquement pointer une situation précise, ou préfèrent rendre
compte de l’émotion qu’elle a suscitée en eux) ?
- ont-ils préféré un personnage ? lequel ? sur quels arguments établissent-ils cette
distinction ?
- on peut leur soumettre les questions « qu’est-ce qu’être loin ? », « qu’est-ce qu’être un
père ? », « qu’est-ce qu’être un fils ? », et les laisser opter pour une réponse plastique ou
écrite (sous forme d’anaphore, par exemple : « Etre un fils, c’est …… »).
Afin de s’assurer que la classe a compris que le texte de théâtre appelle de tous ses vœux
l’ordalie du plateau, les imaginaires divers, l’œil du metteur en scène et le corps de l’acteur, des
aperçus d’autres mises en scène6 seraient les bienvenus : les élèves exerceraient leur esprit critique
en les comparant aux choix de Charlotte Blanchard, découvriraient davantage encore toute la
richesse herméneutique du texte et des personnages de Gérald Chevrolet, et comprendraient qu’un
spectacle ne clôt pas un texte, jamais ne l’achève ni ne l’accomplit.
La découverte du théâtre contemporain pour le jeune public peut enfin se poursuivre avec 2
lectures abordant les mêmes enjeux que ceux soulevés par Miche et Drate, paroles banches : Moman
de Jean-Claude Grumberg (2015, éditions Heyoka Jeunesse) présente l’infatigable Louistiti, qui sans
cesse interroge sa mère sur la guerre, l’amour, l’avenir, la mort… ; Le Petit Poucet de Caroline
Baratoux (2008, éditions Heyoka Jeunesse) permet de dépasser l’angoisse primale de l’abandon en
démontrant les vertus de l’autonomie et de la réflexion .
Annexes
Annexe 1 : Miche et Drate, paroles blanches, scène 1.
LA PEUR
Miche et Drate sont absolument immobiles.
6
La mise en scène de Miche et Drate, paroles blanches par Philippe Cure (janvier 2014) est ainsi intelligemment
abordée sur http://www.theatre-video.net/video/Spectacle-jeune-public-Miche-et-Drate
DRATE. – Miche… Miche…
MICHE. – Quoi ?
DRATE. – J’ai peur. Il fait sombre. (Un temps) Miche ? Tu m’entends ?
MICHE. – Oui.
DRATE. – J’ai peur. Fais quelque chose, bon sang.
MICHE. – (soudainement en déséquilibre) Aïe, aïe, aïe ! Ouille ! Oooh !
DRATE. – Qu’est-ce qui t’arrive, Miche ?
MICHE. – Je tombe, Drate ! Je tombe !
DRATE. – Mais non, Miche, regarde, tu es simplement en déséquilibre. Reprends-toi !
MICHE.- (arrêtant son jeu) Voilà, elle a disparu.
DRATE. – Quoi, Miche ?
MICHE. – Ta peur, Drate. Ta peur a disparu.
DRATE. – C’est vrai, Miche. Comment est-ce possible ?
MICHE. Je t’ai montré une peur plus grande, et tu as oublié la tienne.
Il faut que tu connaisses la peur la plus grande, Drate, et alors toutes les autres disparaîtront.
Annexe 2 : Miche et Drate, paroles blanches, scène 10.
EST-CE QUE JE SUIS BEAU ?
Miche et Drate se peignent et ajustent leurs habits.
DRATE. – Miche ! (Miche se retourne) Miche, est-ce que je suis beau ?
MICHE. – Ça ira.
DRATE. – Je ne te demande pas pour ça. Je te demande si je suis beau… en général.
MICHE. – Je n’aime pas les généraux.
Presse-toi, Drate, ça va commencer.
DRATE. – Tu plaisantes avec moi, tu ne me regardes pas, tu ne me réponds pas.
MICHE. – Tu ferais mieux de te concentrer.
Et de te taire : ils sont là.
Drate et Miche prennent des positions d’acteurs.
MICHE. – (chuchotant, hors de son rôle) Vas-y, Drate !
DRATE. – (jouant) « Est-ce que je suis beau, Miche ? »
MICHE. – (jouant) « Oui, tu es beau, Drate ! »
Ils saluent leur public.
Ils sortent.
DRATE. – Tu crois que ça leur a plu, Miche ?
Annexe 3 : Miche et Drate, paroles blanches, scène 12.
L’ANNIVERSAIRE
Drate a les yeux fermés et trépigne d’impatience.
DRATE. – Alors, alors, alors… est-ce que je peux les ouvrir, Miche ?
MICHE. – Tu m’as dit quelque chose de grand ?
DRATE. – Oui.
MICHE. – Quelque chose de beau ?
DRATE. – Oui.
MICHE. – Quelque chose de précieux, quelque chose d’extraordinaire ?
DRATE. – Oui, oui !
MICHE. – Alors tu peux ouvrir les yeux, Drate, lentement.
Drate ouvre les yeux. Miche fait un grand geste devant lui.
MICHE. – Joyeux anniversaire, Drate !
DRATE. – Mais… je ne vois rien, Miche !
MICHE. – Regarde bien, Drate.
DRATE. – Je vois le pré et plus haut la montagne et encore plus haut le ciel.
Je vois la forêt.
Je vois la plage. La mer qui vient sauter contre le rocher…
MICHE. Le monde… Drate.
Est-ce qu’il n’est pas grand, et beau, et précieux, et extraordinaire ?
Drate reste pensif et regarde l’immensité devant lui.
DRATE. – Oh, si ! Merci, Miche. Merci.
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