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Sabina ALKIRE identifie les forces et les limites de l’IPM. La mesure reste assez
rudimentaire mais elle a l’avantage d’être opérationnelle ; de plus, il en découle un indice
agrégé susceptible d’être ventilé par indicateurs et par sous-groupe révélant ainsi la structure
de la pauvreté chez différentes populations. L’importance d’un tableau de bord des indicateurs
(dashboard) n’est pas remise en cause ; la construction d’une mesure de la pauvreté
multidimensionnelle apporterait une valeur ajoutée. Ces deux outils ne s’évincent pas, ils se
complètent en cela qu’une mesure agrégée permet une estimation globale de la pauvreté. En
revanche, l’IPM reste fortement contraint par les données issues des enquêtes ménages
(nécessité de disposer d’indicateurs internationalement comparables ; les cadres
d’échantillonnage, la périodicité et la qualité des enquêtes auprès des ménages diffèrent entre
les pays ; la profondeur de la privation pour chaque dimension n’est pas exprimée ; les
données qualitatives ne sont pas prise en considération, telles que la violence). Les méthodes
de combinaison des données individuelles et des données au niveau des ménages sont à
approfondir puisqu’elles introduisent des biais. Outre l’information disponible au niveau des
ménages, il y a la nécessité de disposer de données sur différentes dimensions au niveau
individuel. Des interrogations liées à l’agrégation, aux pondérations et aux seuils émergent.
Même si des recherches ont été effectuées en amont permettant de conclure que les
pondérations pour chaque dimension de l’IPM et que la détermination des seuils de privation
sont robustes, il convient de poursuivre les travaux sur les méthodologies et leur mise en
œuvre pratique. De même, il s’agit de mieux comprendre la relation qu’entretiennent les
mesures de la pauvreté multidimensionnelle avec les mesures de pauvreté monétaire. Les
mesures de la pauvreté multidimensionnelle doivent inciter à étudier plus avant les
interconnexions entre les dimensions. Une meilleure compréhension des phénomènes peut
contribuer à créer des instruments de politique publique utiles.
Alemayehu SEYOUM TAFFESSE, le discutant de la séance, souhaite d’abord remercier les
auteurs pour la qualité de leur article. Ces derniers y proposent non seulement un nouvel
indicateur, le MPI, mais ont également pour ambition d’alimenter une réflexion plus générale
sur l’utilisation des indicateurs multidimensionnels. Les auteurs ont déjà eux-mêmes relevé un
certain nombre des limites du MPI, qui mériteraient d’être approfondies dans des travaux
ultérieurs. Ainsi, après avoir brièvement rappelé le contenu de l’article, M. Taffesse propose
de concentrer ses commentaires sur la valeur ajoutée des indicateurs multidimensionnels.
L’article ne paraît pas à vrai dire pas complètement convaincant sur ce sujet. Les auteurs
défendent en effet l’idée que les indicateurs multidimensionnels sont nécessaires pour
appréhender le niveau de pauvreté dans un pays. Ils n’apportent cependant pas de réponses
claires à la question « clé » : l’utilisation d’un seul indicateur multidimensionnel est-il
préférable à une batterie d’indicateurs unidimensionnels ? Une discussion autour de trois
justifications du recours aux indicateurs multidimensionnels aurait pu contribuer à alimenter
efficacement ce débat :
1. les indicateurs unidimensionnels sont limités. Les auteurs identifient des écarts importants
entre différents indicateurs de pauvreté unidimensionnels et considèrent ce résultat comme
une justification de leur propre indicateur. Cet aspect n’est toutefois pas précisément
détaillé. Il aurait ainsi été utile de préciser la taille de ces écarts, et à quels risques
d’erreurs de politique économique les indicateurs unidimensionnels pouvaient conduire. A
l’inverse, les bénéfices du MPI doivent être mis en balance avec le coût et les défis
associés à sa construction, plus importants que dans le cas d’indicateurs unidimensionnels.
2. les indicateurs multidimensionnels sont utiles pour recentrer l’action sur des dimensions
de la pauvreté souvent négligés. On pourrait penser qu’un des principaux apports des
indicateurs multidimensionnels, davantage que leur fiabilité, est de déplacer les termes du
débat politique sur la lutte contre la pauvreté, du revenu vers les questions d’éducation et
de santé. Mais, grâce à l’IDH notamment, cet objectif paraît déjà atteint. De ce point de
vue, le MPI ne constitue pas un apport additionnel.