Dans le cas contraire, c’est l’oubli même des
inventions, des découvertes, voire des révolutions qui est
en jeu au profit d’un engouement toujours insatiable
pour ce qui est actuel.
Dans le domaine de l’art, les conséquences ne sont
pas forcément regrettables car l’apparition de nouveaux
mouvements, de nouvelles œuvres bouleverse certes
l’histoire des formes mais n’efface pas les œuvres pour
autant. Picasso et Bacon revisitent Velasquez ; mais la
valeur de Velasquez persiste à travers ces peintres. Aussi,
des pratiques différentes et opposées peuvent coexister,
voire se méconnaitre ou se combattre, mais sans
nécessairement produire un abandon de certaines d’entre
elles. C’est que tout simplement, le réel, dans l’art, est au
cœur de la perception de l’œuvre et qu’il incombe, de
manière renouvelée, à chaque artiste, dans son procès de
création, d’en frayer l’accès pour chacun d’entre nous.
Il n’en reste pas moins que la création artistique, la
nouveauté dans l’art, ne procède pas uniquement de
manière endogène à son discours, autrement dit n’est pas
qu’une affaire de poétique. Il existe toujours un contexte
social et politique qui favorise ou qui, au contraire,
entrave l’innovation. Quand en 1929, Eisenstein réalise
La Ligne Générale, il est déjà l’un des plus originaux
créateurs du montage cinématographique, comme il est
l’un des chantres de la révolution d’Octobre. Pourtant
Staline n’aimera pas le film, demandera au cinéaste de
refaire certaines scènes et rebaptisera le film d’Eisenstein :
L’Ancien et le Nouveau. Comme quoi, quand le politique
décrète qu’il y a quelque part du « nouveau» on peut
penser qu’il y a surtout, de sa part, du contrôle…
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