Envoyé par Karell
Parcours de L'ESTHETIQUE THÉATRALE
CATHERINE NAUGUETTE
Nathan université
PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE DE L'ESTHÉTIQUE THÉATRALE
Historique du mot "esthétique"
Aisthèsis = le sensible, ce que l'on peut percevoir par les sens
Esthétique employé par Baumgarten au XIIIè = investigation théorique sur l'art. science de l'art est alors
science du beau.
Cette nouvelle définition fait aujourd'hui référence.
Kant s'intéresse au goût esthétique, comment juger du beau de manière à la fois subjective et objective?
Hegel = l'art est à mi-chemin entre la pensée pure et l'immédiateté sensible.
L'esthétique théâtrale en question : le texte et la scène
Le théâtre repose sur une dualité fondamentale entre l'écriture et la représentation.
Longtemps le théâtre n'a été défini que comme texte. La Poétique d'Aristote est à l'origine de cette conception
littéraire du genre qui a perduré pendant très lgtps :
"quant au spectacle, qui exerce la plus grande séduction, il est totalement étranger à l'art et
n'a rien à voir avec la poétique, car la tragédie réalise sa finalité même sans concours et sans
acteurs." Aristote
les théories esthétiques du XVIIè ne visent pas à instaurer un système nouveau, à fonder une esthétique originale
(même si c'est ce à quoi elles aboutissent en définitive). Leur projet commun est d'analyser, de comprendre la
Poétique d'Aristote. Il ne leur viendrait pas à l'idée de rompre avec lui pour jeter les fondements d'une nouvelle
esthétique.
Le théâtre est, à cette époque, totalement assimilé à la poésie classique.
Textes importants pour l'histoire de l'esthétique du théâtre :
- préfaces de Racine à ses tragédies
- discours sur la tragédie, discours sur la poésie dramatique de Voltaire
- Racine et Shakespeare, Stendahl
- Préface de Cromwell, Hugo
Pendant tout le XVIIIè et la majeure partie du XIXè, l'esthétique théâtrale concerne exclusivement le texte
dramatique.
Premier texte cpdt qui s'intéresse au comédien : le Paradoxe sur le comédien, Diderot, écrit au XVIII mais publié
seulement en 1830.
1887 André Antoine crée le Théâtre Libre au sein duquel pour la première fois il exerce une fonction de second
créateur : celui de metteur en scène. La mise en scène devient artistique.
Nouvelle définition du théâtre :
Le mouvement, le décors et la voix.
"J'entends par mouvement, le geste et la danse qui sont la prose et la poésie du mouvement.
J'entends par décors, tout ce que l'on voit […]
J'entends par voix, les paroles dites ou chantées en opposition aux paroles écrites; car les
paroles écrites pour être lues et celles écrites pour être parlées sont de deux ordres
entièrement distincts.
Craig, 1905
L'esthétique théâtrale moderne est issue à la fin du XIXè siècle de l'apparition de la mise en scène.
Dans un premier temps, elle désigne l'ensemble des réflexions théoriques concernant le phénomène théâtral, qu'il
s'agisse du texte ou de la scène. Son champ d'application est donc très étendu : il comprend tous les éléments
constitutifs du théâtre : le lieu, l'architecture, le texte, la mise en scène, l'acteur, la lumière, le costume… il
recouvre également tout le processus de création et de réception ainsi que les instances impliquées : l'auteur,
l'acteur, le metteur en scène et le spectateur.
Enfin, l'esthétique théâtrale s'occupe du rapport du théâtre avec les autres arts : cinéma, musique, peinture…
Auparavant, elle se confondait avec l'esthétique classique et les différents discours philosophiques sur l'art. elle
était essentiellement concentrée sur le texte.
Définir l'esthétique théâtrale aujourd'hui, c'est essayer de saisir la notion de sa double dimension, diachronique
et synchronique, ainsi que son rapport avec les autres sciences de l'art ou de la littérature. En qq sorte mettre la
notion d'esthétique théâtrale au pluriel.
LE THÉATRE, LE RÉEL ET LE TEXTE
La narration par l'imitation, la mimèsis, c'est la théâtre.
La première grande pensée occidentale sur le théâtre est négative : Platon condamne violemment la mimésis
= imitation
Il existe toute une filiation platonicienne autour du refus idéologique du théâtre qui tire son origine des effets
néfastes de la mimésis sur l'homme.
A notre époque, l'assimilation du fait théâtrale à une maladie ne peut faire penser qu'à Artaud et à la conception
épidémiologique du théâtre qu'il décrit dans Le Théâtre et la peste. Mais les valeurs sont alors inversée et Artaud
revendique cette contagion du théâtre sur l'homme.
La mimésis aristotélicienne est différente de celle de Platon. Certains traducteurs de sa Poétique traduisent
d'ailleurs mimésis non pas par imitation, mais par représentation.
L'imitation selon Platon est simple reflet des choses. Aristote, lui, distingue 3 manières de représenter les
choses : - simple reflet
- représentation des choses tel qu'on les dit ou qu'elles semblent être. L'artiste prend alors acte de la
part subjective de la perception du réel
- représentation des choses telles qu'elles doivent être. La représentation agit sur le réel.
Aristote : c'est dans la vraisemblance que la représentation construit son rapport au réel. Cette notion de
vraisemblance donne au poète une marge de liberté.
La tragédie et la catharsis
"la tragédie est la représentation d'une action noble, menée jusqu'à son terme et ayant une
certaine étendue, au moyen d'un langage relevé d'assaisonnements d'espèces variées, utilisés
séparément selon les parties de l'œuvre ; la représentation est mise en œuvre par les
personnages du drame et n'a pas recours à la narration ; et, en représentant la pitié et la
frayeur, elle réalise une épuration de ce genre d'émotions"
Aristote, Poétique
La catharsis est l'effet propre au genre de la tragédie, soulage le spectateur de ses maux.
C'est une notion liée au plaisir.
Le plaisir mimétique est un plaisir noble qui naît du regard et s'élabore dans un processus d'intellection. Il
est d'un autre ordre que l'émotion immédiate, on peut donc le rapporter à des choses pénibles.
La mimésis est "moins relative à la psychologie du spectateur qu'à la composition intelligible
de la tragédie"
Paul Ricoeur
Le texte d'Aristote ignoré jusqu'au XVIIè où il est alors surtout lu par des auteurs de théâtre que par des
philosophes. Passage d'une poétique philosophique à une poétique dramaturgique.
Le théâtre classique ne fait sens que par rapport au texte d'Aristote.
Malgré (ou grâce) à la présence d'une doctrine contraignante, d'un afflux de règles et de modèles placés sous
l'autorité d'Aristote, on assiste au déploiement d'une pensée active, imaginative, toujours en mouvement, sur le
théâtre et ses enjeux.
La querelle du Cid de Corneille ou le triomphe des règles aristotéliciennes.
Le fait que la pièce de Corneille n'obéisse pas strictement aux règles aristotéliciennes provoque un véritable
scandale . le beau en matière de théâtre se juge par rapport aux règles érigées par Aristote.
Surinterprétation de la Poétique fait que les règles d'Aristote deviennent une véritable doctrine.
Le siècle classique radicalise l'esthétique théâtrale. Le théâtre antique leur pose à cet égard de nombreux
problèmes puisque, notamment, il ne respecte pas du tout la règle de bienséance, bien au contraire, c'est un
théâtre très violent.
"Andromaque, dans Euripide, craint pour la vie de Molossus, qui est un fils qu'elle a
eu de Pyrrhus.[…] ici il ne s'agit point de Molossus. Andromaque ne connaît point
d'autre mari qu'Hector ni d'autre fils qu'Astyanax. J'ai cru en cela me conformer à
l'idée que nous avons maintenant de cette princesse."
Racine
Le public s'impose comme le critère de l'esthétique théâtrale, ce qui fait de la réception un point fondamental
de la question de l'esthétique dramaturgique du XVII.
Les récits tragiques sont un recours à ce qu'on ne peut montrer sur scène, les récit de combat, de massacres sont
donc à étudier de très près.
"Une des règles du théâtre est de mettre en récit les choses qui ne peuvent se passer
en action."
Racine, préface de Britannicus
La vraisemblance est l'essence même du poème dramatique et sans laquelle il ne peut
rien se faire ni se dire sur la scène.
D'Aubignac
Toute l'entreprise de codification du théâtre classique repose sur la notion de vraisemblance.
Pour Aristote le point central était l'action.
Le vraisemblable contre le vrai impossible à représenter sur scène exclut les sujets historiques à la fois vrais et
incroyables.
Alors qu'Aristote acceptait la représentation du possible, les théoriciens classiques le rejette au même titre que le
vrai.
La vraisemblance au XVII ce n'est plus ce qui pourrait avoir lieu, mais ce qui devrait avoir lieu.
La mimésis correspond à un processus de recréation du réel, dont le critère est celui de la subjectivité.
Instruire et plaire
"La principale règle est de plaire et de toucher. Toutes les autres ne sont faites que
pour arriver à cette première
Racine, préface de Bérénice
"Les passions n'y sont présentée aux yeux que pour montrer tout le désordre dont elles
sont la cause : et le vice y est peint partout avec des couleur qui en font connaître et
haïr la difformité."
Racine, préface de Phèdre
A la période classique, la catharsis perd tout son sens esthétique pour devenir purement morale.
La catharsis est progressivement écartée. Dans rénice, Racine y substitue la notion de tristesse majestueuse :
Ce n'est point une nécessité qu'il y ait du sang et des morts dans une tragédie; il suffit
que l'Action soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soient
excitées, et que tout s'y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout la plaisir de
la Tragédie.
Racine
VERS UNE POÉTIQUE DE LA SCÈNE
Critique et dépassement du modèle classique
A l'apogée même de la doctrine classique, les 3 auteurs principaux de théâtre se livrent à une critique interne du
système dramaturgique. :
- ils ne veulent rien devoir aux doctes qui n'écrivent pas de théâtre.
- Aller directement au texte d'Aristote lui-même.
Vous êtes de plaisantes gens avec vos règles, dont vous embarrassez les ignorants et
nous étourdissez tout les jours. Il semble à vous ouïr parler, que ces règles de l'art
soient les plus grands mystères du monde ; et cependant ce ne sont que quelques
observations aisées, que le bon sens a faites sur ce qui peut ôter le plaisir que l'on
prend à ces sortes de poèmes ; et le même bon sens qui a fait autrefois ces mêmes
observations, les fait aisément tous les jours, sans le secours d'Horace et d'Aristote. Je
voudrais bien savoir si la plus grande de toutes les règles n'est pas de plaire, et si une
pièce de théâtre qui a attrapé son but n'a pas suivi un bon chemin.
Molière, Dorante, scène 6 de la Critique de l'école des
femmes
La critique de Corneille :
Corneille lui milite pour un assouplissement des règles et pour une séparation moins nette entre les genres.
C'est paradoxalement l'apogée de l'âge classique, et par l'un de ses plus éminent représentant, cad
Corneille, que furent jetées les bases du drame bourgeois.
Premier Discours "de l'utilité et des parties du poème dramatique", Corneille
Il ne peut pas renverser les règles du théâtre classique, mais cherche à les comprendre en revenant à la source,
cad La Poétique d'Aristote que les doctes ont érigé comme modèle en écartant les doctes eux-mêmes.
L'argumentation de Corneille part d'un constat simple : les règles gênent les auteurs.
L'unité d'action revue par Corneille :
Ce mot d'unité d'action ne veut pas dire que la tragédie n'en doive faire qu'une sur le
théâtre. Celle que le poète choisit pour son Sujet doit avoir un commencement, un
milieu, une fin, et ces parties non seulement sont autant d'actions qui aboutissent à la
principale, mais en outre chacune d'elles en peut contenir plusieurs avec la même
subordination.
Il opère même élargissement pour chacune des règles des 3 unités.
Corneille revendique une liberté artistique. Pour cela il compare le théâtre au roman qui permet bien plus de
libertés.
Le roman a le temps et l'espace que le théâtre n'a pas.
Il défend aussi l'usage des didascalies.
La comédie-héroïque selon Corneille :
La définition de la comédie d'Aristote "avait du rapport à l'usage de son temps où
l'on ne faisait parler dans la Comédie que des personnes d'une condition très
médiocre ; mais elle n'a pas une entière justesse pour la nôtre, où les rois même y
peuvent entrer, quand leurs actions ne sont point au-dessus d'elles.
Corneille
De même il milite pour des personnages de basse condition dans la tragédie en s'appuyant sur la notion de
catharsis : "La tragédie doit exciter la pitié et la crainte, et cela est de ses parties essentielles,
puisqu'il entre dans sa définition. Or, s'il est vrai que ce dernier sentiment ne s'excite
en nous par sa représentation que quand nous voyons souffrir nos semblables, et que
leurs infortunes nous en font appréhender de pareilles, n'est-il pas vrai aussi que qu'il
y pourrait être excité plus fortement par la vue des malheurs arrivés aux personnes de
note condition…"
La critique de Molière :
Il milite pour une reconnaissance de la comédie.
Car, enfin, je trouve qu'il est bien plus aisé de se guinder sur de grands sentiments, de
braver en vers la fortune, accuser les destins, et dire des injures aux dieux, que
d'entrer comme il faut dans le ridicule des hommes, et de rendre agréablement sur le
théâtre les défauts de tout le monde. Lorsque vous peignez des héros, vous faites ce
que vous voulez. Ce sont des portraits à plaisir, où l'on ne cherche point de
ressemblance; et vous n'avez qu'à suivre les traits d'une imagination qui se donne de
l'essor, et qui souvent laisse le vrai pour attraper le merveilleux. Mais lorsque vous
peignez les hommes, il faut peindre d'après nature. On veut que ces portraits
ressemblent ; et vous n'avez rien fait si vous n'y faites reconnaître les gens de votre
siècle. En un mot, dans les pièces sérieuses, il suffit, pour n'être point blâmé, de dire
des choses qui soient de bon sens et bien écrites ; mais ce n'est pas assez dans les
autres, il faut y plaisanter ; et c'est une étrange entreprise que celle de faire rire les
honnêtes gens.
Molière, La Critique de l'école des femmes, Dorante
Molière applique à la comédie le principe Plaire et instruire.
Les avancées de Diderot
1757 Le Fils naturel suivi d'Entretiens sur le Fils naturel
1758 Le Père de famille suivi de Discours sur la poésie dramatique
ces deux pièces, plus que de véritables chef-d'œuvres sont des terrains d'expérimentation pour cette nouvelle
approche du théâtre.
Le respect aveugle des règles héritées du XVIIè siècle constitue pour Diderot la raison principale de la
médiocrité dans laquelle est tombée le théâtre de son époque.
L'esthétique de Diderot tient en une formule : il faut imiter la nature.
Pour Diderot, imiter veut dire Révéler et non pas refléter.
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