Alors l’Epiphanie selon Matthieu que la liturgie nous donne ce matin et que
l’Occident a privilégiée, avec le récit des mages, donne à cette fête une double
couleur, une double teneur que je voudrais brièvement commenter...et méditer
avec vous.
-Tout d’abord il s’agit pour ces mages d’un itinéraire, placé au seuil de
l’Evangile de Matthieu comme une matrice, un ensemble de balises offertes au
lecteur pour l’éclairer dans son itinéraire de foi. Ils viennent de loin, ces mages,
ils se mettent en route, sur un signe par ailleurs assez faible mais qui fait sens
pour eux, une étoile. Ils continuent leur marche alors même que le signe,
l’étoile, a disparu ; sa réapparition suscite en eux une grande joie, enfin ils font
la rencontre de Celui que le signe indiquait et ils repartent, nous dit le texte,
par un autre chemin. Cette histoire est notre histoire....A nous aussi Dieu
envoie des signes, à la fois discrets mais donnés pour faire sens pour nous,
comme l’étoile n’a pas été choisie par hasard pour ces hommes, des
astrologues habitués à scruter le ciel. Comme eux, nous sommes invités à les
reconnaitre, ces signes et à nous mettre en route, sur la foi d’un signe. Et
parfois le signe disparait ; dans notre vie aussi il y a ces passages à vide, ces
nuits au creux desquelles Dieu semble si loin, ou si absent....et nous sommes
invités comme les Mages à la fidélité, à la persévérance, sur la foi du signe
initial, dans et malgré la nuit. Puis vient le temps du retour du signe, et celui de
la joie, et aussi celui de la rencontre, de la rencontre avec Dieu que nous
sommes invités à adorer. Adorer : une attitude d’humble émerveillement
devant tant de grandeur donnée dans tant d’humilité. Il nous faut aussi
apprendre, réapprendre peut-être à adorer, c’est-à-dire à s’émerveiller avec un
sens de la grandeur de ce Dieu qui nous fait signe, à nous qui sommes si peu de
choses. « Qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui ? » se demande le
psalmiste. Et pourtant, « tu l’as fait un peu moindre qu’un Dieu ». Et alors,
transformés, nous ne pouvons pas repartir par le même chemin. Quand on a
fait une vraie rencontre du Christ, on ne peut pas vivre comme avant, le chemin
de notre vie est fondamentalement un autre chemin, illuminé par la mémoire
vive de la rencontre, une rencontre qui est là, longtemps présente, pour
continuer à illuminer notre route quotidienne. Ainsi l’itinéraire de ces mages
nous est proposé comme matrice de notre propre itinéraire spirituel. Comme
pour les Mages, c’est Dieu qui toujours prend l’initiative, l’initiative de nous
faire signe...Mais à partir de là, nous sommes invités à répondre, à donner une
quadruple réponse, qui dépend entièrement de nous : reconnaitre le signe,
nous mettre en marche, demeurer fidèle dans notre quête même si le signe
semble s’être éclipsé, consentir à adorer Dieu quand nous le
rencontrons.....ainsi et ainsi seulement le chemin de nos vies sera transformé
et, comme celui des Mages, il deviendra vraiment un autre chemin.