HEC E2 2012/2013
AEHSC
DEVOIR N° 2
PROPOSITION DE CORRIGÉ
Sujet
En quoi les crises économiques majeures marquent-elles une étape dans le dévelop-
pement économique et social ?
(HEC 2002)
LES CORRIGÉS DES AUTRES
« Réussir l’écrit et l’oral d’économie aux concours des grandes écoles » - Nathan
corrigé complet p. 51
Axe de plan
1- La crise majeure comme condition de poursuite de la croissance
A- L’histoire économique depuis deux siècles est scandée par des crises majeures de régulation
du système
B- La crise inévitable ?
2- Les transformations du concept de développement comme fondement des crises majeures de la
croissance
A- Le concept de développement économique et social s’est élargi au cours des deux siècles de
croissance
B- Cet élargissement du concept de développement économique et social conduit à une crise
majeure du concept de croissance
le plus : importance forte donnée à la notion de développement
le moins : la deuxième partie correspond-elle au sujet ?
« Croissance et crises » - Pierre Robert Pearson disponible en ligne :
http://www.cap-
prepa.pearson.fr/libre/analyse/ressources/croissance/corriges/chap09.pdf
Axe de plan
1- Les crises sont effectivement des étapes marquantes du processus de destruction créatrice
A- Cela se traduit dans l’ordre technologique
B- La destruction créatrice concerne aussi les institutions
2- On peut donc contester que les crises soient des étapes sur la voie du progrès
A- Les crises sont des accidents
B- La dynamique du développement dépend d’autres forces
les moins : la première partie privilégie la référence à la destruction créatrice au détriment d’autres
lectures ; la deuxième partie ne correspond pas au sujet (« En quoi » induit que l’on a pas à discuter mais à
expliciter la thèse proposée)
« Méthodologie d’AEHSC » Pierre Robert Pearson corrigé complet p. 87
Axe de plan
1- Au 19ème siècle, les crises changent de nature. On tend à les interpréter comme des purges généra-
trices indispensables à la poursuite de la croissance
A- Les crises changent de nature
B- La recherche de la cause de la crise conduit à voir dans la crise une étape
2- La crise de 1929 peut être interprétée aussi bien en termes de rupture que d’tape du processus de
la croissance économique moderne
A- La crise de 1929 peut être vue comme une étape du développement des économies avancées
B- Mais plus qu’une étape, elle est une rupture aux aspects catastrophiques
3- Les crises de nos économies, complexes et de plus en plus financiarisées, sont plus des accidents
que des étapes
A- Les crises sont des accidents
B- Le cours du processus dépend d’autres forces. Les crises qu’il est réducteur de théoriser à
partir d’un concept unique n’en sont pas des étapes.
PROPOSITION DE CORRIGÉ
Introduction
accroches possibles variées : analyse de la période actuelle ou, peut être plus perti-
nent, référence à la crise de 29
définir ce que l'on entend par "crise majeure" : différenciation de la récession et de la
crise récurrente du cycle de Juglar ; définition est essentiellement historique (identi-
fication de trois crises majeures)
souligner le paradoxe entre la vision des crises comme perturbation, dysfonction-
nement et l'analyse qu'implique le sujet qui met en avant les mutations induites par
les crises et le lien avec le développement (connotation positive)
référence à la notion d'étape souligne l'ouverture d'une phase nouvelle, une inflexion
de tendance (cf. notion d'étapes de la croissance de Rostow)
cadrage du sujet : depuis le 19ème siècle, dans le cadre des pays développés
A- LES CRISES MAJEURES RÉVÈLENT LES LIMITES D'UNE DYNAMIQUE DE DÉ-
VELOPPEMENT
1) Si pour les libéraux les crises majeures permettent de purger des déséqui-
libres accumulés durant les périodes de croissance
lecture privilégiée ici est l'analyse libérale (Robbins, Friedman) : processus de crois-
sance génère des déséquilibres (liés essentiellement à des perturbations des mar-
chés) qui en s'accumulant dégradent les conditions de fonctionnement de l'économie
jusqu'à rendre la crise inéluctable (crise de 29 et les logiques spéculatives, crise de
74 et les excès de l'intervention publique dans différents domaines)
crise apparaît alors comme le moyen de retrouver un profil de croissance équilib
pour les économies : il s'agit d'une étape au sens où l'on peut ensuite repartir dans
une direction plus efficace
2) elles révèlent également des déséquilibres dans la dynamique de l'accumu-
lation
idée que la dynamique de l'accumulation s'essouffle progressivement (Schumpeter
et l'épuisement d'une vague d'innovation, Marx et la dégradation de la rentabilité du
capital)
crise est alors une pause (forcée) dans la dynamique de croissance à partir d'une
double fragilisation de la rentabilité et de l'investissement qui en découle (dans le
schéma marxiste, on a un processus d'aggravation progressive des crises avec la
montée des contradictions du système)
3) Les crises majeures font apparaître les contradictions et les limites des lo-
giques de régulation
analyse régulationniste met l'accent sur les composantes d'un mode de régulation
qui permet de garantir une dynamique de croissance et de développement à diffé-
rentes phases de l'histoire
dans ce cadre, si les "petites crises" permettent de retrouver un équilibre en effaçant
certains déséquilibres, les "grandes crises" révèlent les failles d'un mode de régula-
tion (mode de régulation concurrentiel butant sur les forces déflationnistes à la fin
du 19ème siècle, inachèvement de la régulation fordienne dans les années 20, épuise-
ment du keyneso-fordisme dans les années 70)
les crises majeures soulignent alors des faiblesses cruciales de la dynamique de
développement qui bloquent la croissance et entraînent des déséquilibres (de na-
ture différente selon les périodes historiques) mais peuvent également générer des
évolutions significatives
B- LES CRISES MAJEURES PERMETTENT DE FAIRE ÉMERGER DE NOUVELLES
LOGIQUES DE DÉVELOPPEMENT
1) Les crises majeures amènent des mutations de la pensée économique
crises majeures permettent de révéler les limites de certains modes de pensée éco-
nomique : croyance dans le caractère auto-rééquilibrant du marché avant la crise de
29, pratiques keynésiennes jugées responsables de l'inflation dans les années 70
de nouveaux courants peuvent alors apparaître (réflexion de Keynes dans les années
30) ou retrouver de l'importance et de l'influence (analyse monétariste et plus lar-
gement libérale à partir du milieu des années 70)
ces transformations ont ensuite un impact sur les politiques économiques mises en
œuvre et donc sur la dynamique du développement
2) Les crises majeures peuvent d'analyser comme une des modalités des mu-
tations des systèmes productifs
crise majeures ne renvoient pas uniquement à l'essoufflement d'une logique d'accu-
mulation mais rendent possibles l'émergence d'innovations (Schumpeter), l'affirma-
tion de nouveaux secteurs moteurs (Landes)
principe de "destruction créatrice" ou de "fins de siècle"
3) Les crises majeures font évoluer les conditions sociales de la croissance
crises s'accompagnent de tensions sociales (chômage, question de la dynamique des
revenus, crises sociales et politiques) mais débouchent également sur des transfor-
mations significatives
- rôle croissant des syndicats, évolution des droits sociaux à partir de la Grande
Dépression
- affirmation progressive d'un "État social" dans les années 30 et surtout dans
l'après-guerre
- importance accrue des principes libéraux dans la période actuelle
analyses précédentes mettent l'accent sur une logique conjointe d'essoufflement
d'une dynamique qui suppose une réorientation pour redynamiser la croissance et
le développement mais elles présentent un caractère trop "automatique" pour être
pleinement satisfaisantes
C- LE DÉBOUCHE DES GRANDES CRISES N'EST PAS DÉTERMINE A L'AVANCE
1) La question de l'intervention de l'État
crises majeures posent la question des politiques économiques : causes de la crise
selon certaines analyses, elles apparaissent aussi comme une condition de sa sortie
(une des dimensions essentielles de la crise majeure est l'impossibilité de retrouver
la dynamique de croissance de manière "spontanée")
si l'intervention de l'État est systématique dans les crises majeures (même dans la
période de la grande dépression avec la réactivation de logiques protectionnistes),
elle prend des formes nettement différenciées selon les périodes et les pays (cf.
exemple des années 90 dans les pays occidentaux)
2) Crises et conflits
la place des crises majeures dans la dynamique économique et sociale renvoie éga-
lement aux conflits sociaux et politiques : crises peuvent être marquées par une exa-
cerbation des conflits même si ce n'est pas le cas dans la période récente -, et par
des perturbations politiques particulièrement notables dans les années 30
ces conflits déboucheront des solutions nationales différentes (cf. Allemagne et
Etats-Unis dans les années 30)
3) Les dimensions internationales dans les crises majeures
crises majeures entraînent une reconfiguration des relations économiques interna-
tionales : logique de protectionnisme qui se développe à partir des années 1880 et
surtout dans les années 30, rééquilibrage des puissances à l'intérieur du monde oc-
cidental dans les années 90
crises majeures peuvent également générer des tensions internationales : les deux
guerres mondiales peuvent être considérées comme liées à des tensions écono-
miques conséquences des périodes de crise
Conclusion
Il est incontestable que les crises majeures représentent une étape dans le développe-
ment économique et social, à la fois parce qu'elles révèlent des limites fondamentales
d'un mode de croissance et parce qu'elles favorisent l'émergence de nouvelles logiques
d'organisation et de dynamique des économies et des sociétés.
Il convient cependant de se garder de tout déterminisme dans ce domaine : l'importance
des facteurs sociaux et politiques dans la dynamique de sortie de crise, la diversité des
trajectoires nationales incitent à la prudence.
La période actuelle souligne bien cette ambiguïté : si l'essoufflement d'un système in-
dustriel ayant marqué le 20ème semble difficilement discutable dans les pays occidentaux,
les premières années du 21ème siècle sont marquées par la diversité des expériences et la
montée d'interrogations sur la dynamique de croissance et de développement. Ainsi
l’ampleur et la diversité des formes que prend la crise actuelle interdisent aujourd’hui
de discerner clairement ce que pourrait être une nouvelle étape de la dynamique du ca-
pitalisme.
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