FICHE DE LECTURE
PENSER LE MANAGEMENT
EN ACTION SOCIALE ET MEDICO-SOCIALE
Jean-René Loubat
Edition DUNOD
1. Présentation de l’auteur
Jean-René LOUBAT est psychosociologue, docteur en sciences humaines, consultant libéral
auprès des établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux. Il est l’auteur de divers
ouvrages dont Résoudre les conflits dans les établissements sanitaires et sociaux, (1999) et
Instaurer la relation de service en action sociale et médico-sociale (2002), chez Dunod.
2. Résumé du livre
De la gérance au management, de l’institutionnalisation à la professionnalisation, la clé d’un
changement annoncé.
« Le terme de management fait parti de ces « gros-mots » que les secteurs social et médico-
social ont longtemps rejetés de leur glossaire pour les assigner au purgatoire de leur système
de valeurs, puis accueillis de manière controversée, parce qu’appartenant à un univers qu’ils
jugeaient résolument étranger. »
Le management souffre encore d’une incompréhension sur nos secteurs d’activité car elle est
associée à une discipline issue d’un univers industriel et capitaliste.
Jusqu’au milieu des années 80, les structures sociales et médico-sociales connaissaient un
« management invisible » qui obéissait à des modèles de direction et de gestion des RH
paternalistes, traditionnels et personnels (à l’inverse du secteur sanitaire, organisation
militaro-bureaucratique).
C’est l’inscription plus affirmée des secteurs qui nous intéressent dans la société environnante
(professionnalité croissante, exigences gestionnaires, évolution des mentalités et des attentes
des consommateurs…) qui devait les conduire à une inévitable mutation structurelle,
culturelle et opératoire et du coup à mettre en œuvre une gestion moins empirique.
Cette mutation s’inscrit dans des logiques repérables :
1. Economique
Rationalisation des objectifs et des dépenses
Optimisation des moyens dévolus
Logique qui se traduit par l’élaboration de schémas, la concentration des pôles ressources,
l’amélioration de la productivité…
2. Culturelle
Participation sociale des personnes en situation de handicap
Reconnaissance de leur citoyenneté, de leurs droits
Normalisation des relations prestataires/bénéficiaires
Par ailleurs, les autorités de contrôle et de tarification exigent :
Une meilleure lisibilité
Des projets plus explicites, mieux formalisés « de véritables contrats d’objectifs à
durée déterminé ».
Un ensemble de documents de communication pour clarifier l’offre de service à leurs
bénéficiaires.
Une traçabilité
Une évaluation de la qualité de leurs prestations et de leurs fonctionnements.
Ces nouvelles orientations des pratiques amènent les opérateurs sociaux et médico-sociaux à
réinterroger leur positionnement et à devoir anticiper l’avenir et élaborer une stratégie de
développement. Elles génèrent de la crainte et de l’engouement (peur du changement ?).
Loubat : « n’est-ce pas plutôt la faiblesse congénitale du management dans de tels secteurs qui
rend le changement peu lisible, improbable et donc inquiétant ? » Lorsque le projet est flou, le
contexte peu repérable, les fonctions et procédures mal définies, tout changement est alors
redouté parce qu’il remet en cause de façon insupportable toutes les micro-organisations
quotidiennes patiemment mises en place par les acteurs au fil du temps.
L’une des vocations du management est la maîtrise de l’action collective. C’est le manque de
projets véritables appelants à des résultats identifiés qui explique le fait que le management
n’est pas constitué la préoccupation centrale de nos établissements.
« L’action sociale et médico-sociale a davantage poursuivi des finalités lointaines qui
n’appelait aucun résultat patent ni de sanction de l’environnement. Le sens de l’action s’est
trouvé renvoyé aux intimes convictions de chaque acteur et à son engagement personnel
évacuant ainsi la question du projet d’entreprise. »
En somme et en une formule, il s’agit de passer d’un management empirique qui privilégie le
contrôle et la conservation à un management repérable qui privilégie l’efficacité et la qualité
de service. Loubat parle de « moment clé », du passage d’une institution qui se gouverne à
une entreprise qui se conçoit. Le management apparait comme une discipline à part entière et
s’impose comme une pragmatique des systèmes d’actions collectives.
La distance entre les entreprises de service ordinaire et les entreprises des secteurs sanitaires
et médico-sociaux se réduisent considérablement.
Loubat souligne qu’il est indispensable que l’entreprise des secteurs sanitaires et médico-
sociaux cherche à caractériser et à qualifier son management. Il est également question de
réfléchir sur les différents modes de management pratiqués et souhaités. Le management
participatif, par exemple, exige l’intercompréhension et la motivation de tous, la consultation,
la négociation, la responsabilisation et la délégation.
« Le management est le bras armé du projet d’entreprise»
Cet ouvrage tend à développer une réflexion managériale sur le fonctionnement des
établissements et services et à explorer des applications spécifiques inspirées du management
des organisations en prenant en compte des réalités objectives.
La préoccupation de Loubat est double :
- Eviter le transfert pur et simple de recettes provenant de » grandes entreprises
individuelles.
- Contester la « sociale attitude » qui lui parait contraire aux intérêts des bénéficiaires,
des structures et de leurs professionnels.
Les secteurs sociaux et médico-sociaux représentent un des importants secteurs de l’économie
française donc aujourd’hui un enjeu majeur et mérite mieux qu’un management intuitif et
empirique. La fonction de gérance ne suffit plus, il faut authentifier un véritable management,
le penser, le projeter.
Pour Loubat, le management et la gestion sont deux termes qi pourraient s’équivaloir. Gérer
pour ce qui concerne la bonne utilisation et la comptabilité des ressources (matériel et
humain) et manager pour la mise en œuvre d’un projet ou d’une stratégie d’atteinte de
résultats.
Pour ce même auteur, le management est indispensable parce que tout organisation est une
« fiction collective », une construction sociale, qui aspire à une certaine stabilité et
pacification des rapports, afin de se projeter et projeter ses acteurs des soubresauts passionnels
des relations humaines ; mais aussi parce qu’elle est une communauté d’action visant
l’atteinte d’objectifs rationnels et devant se doter de procédures convenues. Bref,
l’organisation est la forme rationnalisée et finalisée d’une communauté humaine.
Le manager vise l’accompagnement d’un projet opérationnel et l’atteinte d’objectifs
quantifiables.
Par la théorie des systèmes, le management est perçu comme la conduite d’un système
d’action c'est-à-dire d’un ensemble de ressources mises en cohérence, de méthodes et de
techniques déployées au service d’objectifs de transformation. Une entreprise est un système
qui exprime un projet et maintient un structure dans un environnement en mouvement : son
identité.
J.J.Servan, lui, conçoit le management comme une méthode permettant l’adaptation des
organisations aux changements de l’environnement.
Loubat définit le management comme « l’art de mobiliser des énergies en vue d’atteindre un
objectif commun, un ensemble de savoir faire au service d’une œuvre ». Le management
appartient aux disciplines opératoires qui visent un résultat par l’expérience. Le management
est une ingénierie et non une science. Il possède un objectif pluridisciplinaire (ensemble des
sciences humaines et sociales) et une double dimension (technique et humaine). Le
management est un tout organisé et intégré dans une théorie des systèmes. Le triptyque du
management comprend la stratégie, l’organisation et la mobilisation. Ces volets renvoient
eux-mêmes à trois préoccupations l’adaptation, la performance et la cohérence.
Stratégie l’adaptation la dimension situationnelle
L’organisation la performance la dimension organisationnelle
La mobilisation la cohérence la dimension institutionnelle
Loubat revisite la question du management au fil des décennies : du taylorisme (concepteur de
l’organisation scientifique du travail) ; au rapport de recherches de Kahn et Katz (années 50)
qui confirme les théories de la motivation (notions de chef d’équipe, de planification du
travail, de délégation, de cohésion autour d’un but commun) ; à l’approche psychosociale et
psychologique (année 60-70) qui viennent relayer le discours charitable, la participation ; aux
années 80 la culture d’entreprise s’affirme et s’inspire du Japon en développant une série
d’initiatives dans le sens du patriotisme ; aux années 90 le management est stratégique,
opérationnel et situationnel avec l’apparition de nouveaux concepts comme projets, qualité,
adhésion, motivation, gratification individuelle et psychologique, un résultat commun. Le
manager donne une cohérence et une ligne de conduite.
Loubat présente les implications culturelles et politique du management :
Management et culture : une société fonctionne avec une culture partagée qui permet
une synchronisation des valeurs, des sentiments, des rituels et des comportements de
ses membres, ainsi qu’un élan commun.
Management et leadership : le manager amène une organisation c'est-à-dire un
système d’actions finalisé à la réalisation d’un projet.
Management et pouvoir : le pouvoir est définit comme une possibilité de faire
(pouvoir instrumental) ou de faire faire (pouvoir social). Il sous entend une interaction
asymétrique. Le pouvoir se dégage d’une situation, d’un jeu : « c’est le jeu qui définit
la nature du pouvoir et l’accès au jeu confère du pouvoir »
Management et autorité : à la différence du pouvoir, l’autorité revêt « un rôle ». Elle
détermine un ensemble d’interactions des divers rôles et situations. Qui dit autorité dit
soumission.
Management et contrôle : le contrôle c’est la maîtrise. Loubat pose la question du
statut du contrôle.
Management et participation : la force d’une entreprise est l’adhésion forte à un projet
que Loubat qualifie de « communauté de destin ». La participation vise à rendre
efficace ce paradoxe : conjuguer l’initiative individuelle et l’action collective. Elle
vise également à responsabiliser davantage les acteurs, à améliorer leur force de
proposition, à garantir une grande fiabilité dans la compréhension et l’application des
décisions.
Management et éthique : le point commun des établissements maltraitants peut se
résumer à une opacité du fonctionnement rendue possible par un type et style de
management dont les caractères sont connus.
Le management des services est confronté à la problématique du changement.
Aujourd’hui, manager c’est gérer des ressources puisque une organisation c’est une
concentration de ressources. C’est assurer une transformation visant à générer de la valeur
ajoutée. Mais c’est aussi prendre des décisions, gérer le changement et permettre l’adaptation.
Le vrai défi du management est de parvenir à faire effectuer un mouvement à une forme ou de
faire bouger une forme sans trop la former. Si on la déforme trop, elle éclate et perd son
identité mais dans le même temps, si on ne la déforme pas du tout, elle ne s’adapte pas _ d’où
la notion de réforme. Le management c’est l’art de faire en sorte que des entreprises puissent
s’adapter à une nouvelle donne.
Dans cet ouvrage, Loubat nous présente comment les fonctions des professionnels vont être
bouleversées (« l’empowerment » ou l’enrichissement des fonctions et des postes).
Il est question également de l’importance d’un management associatif. Pour résumer, l’un des
principaux paradoxe de la gestion associative des services et des établissements d’ASMS tient
au fait que nombre d’associations survivent que par leur fonction de gestionnaire, tandis que
cette gestion devient de plus en plus complexe et qu’elle nécessite des projets forts, des
capacités stratégiques d’anticipation, de négociation, d’ingénierie, ce qui constitue le point
faible de très nombreuses petites associations ne possédant ni les moyens ni les compétences
en ces domaines. Les associations sont donc confrontées à un problème de pérennité et la
question qui se pose est d’ordre technique et politique.
Loubat nous présente par la suite le rôle des dirigeants et des cadres. Il affirme
qu’aujourd’hui, manager c’est être « un coach » sachant : concevoir et réaliser un projet
d’entreprise ; établir un casting ; mobiliser et tirer un meilleur parti des compétences des
acteurs ; gérer des effets de climats et concilier les effets de divers groupes ; contrôler les
opérations ; injecter de la méthode, se doter de tableau de bord. Le manager doit faire preuve
d’anticipation, de communication, de mobilisation, d’organisation et posséder une vision
d’ensemble du champ d’opération.
Loubat décrit plusieurs styles de manager en s’appuyant sur différentes typologies (Miramon,
Cauet, Paturet, Lefèvre, Blake et Mouton,… Loubat, lui, s’appuie sur les trois dimensions
citées au préalable et précise que le dirigeant aujourd’hui est plus sollicité sur le plan
stratégique (gestion des interactions avec l’environnement, promotion d’image, plus de temps
avec l’association gestionnaire). Ce phénomène d’aspiration entraine la naissance des cadres
intermédiaires « pris entre le marteau et l’enclume » avec pour champ d’action, l’organisation
et la gestion des RH. A l’aube d’une vaste reconfiguration des secteurs sociaux et médico-
sociaux qui se traduit par une concentration (absorption, fusion…), cela nécessite de clarifier
et dynamiser la relation avec l’employeur, de restructurer l’organigramme, de repenser les
statuts et les fonctions. Nous allons vers un management entrepreneurial, confronté à une
recherche d’efficacité. Le management est légitimé par l’atteinte des buts, centré sur les
compétences et la valorisation des compétences, l’attribution des « champs de compétences »
aux acteurs, la constitution d’un staff de pilotage (moteur de la politique et des stratégies de
l’entreprise en travaillant la mise en place d’outils et d’indicateurs. Les principes de
fonctionnement sont l’affirmation d’une équipe de direction générale, l’organisation par
niveau de responsabilités, la concertation par niveau et empêchement des courts-circuits et
l’équipe considérer comme un espace positif. Les champs de préoccupation du manager
doivent avoir pour cible un positionnement stratégique :
- Le positionnement dans l’environnement de l’organisation pour conforter l’utilité de
cette dernière et en pérenniser l’action (surfer sur la dynamique des besoins…)
- La gestion administrative, économique, financière et juridique (efficacité des
dispositifs par une évaluation du rapport coût/résultats, mise en place d’outils pour
rationnaliser les dépenses et optimiser les ressources dans l’atteinte des objectifs
d’utilités sociales repérées et non plus seulement justifier l’utilisation des fonds
alloués).
- La maîtrise de l’organisation (ressources pertinentes, organisation adhoc, contrôle de
la qualité).
- La gestion des ressources humaines. Définir, évaluer et gérer des compétences vont
constituer le grand défi des RH de la décennie à venir. Il s’agit d’optimiser les
compétences (la pratique de « l’empowerment », de « l’assessment », remédié à
l’absence de gestion de carrière…).
Loubat présente aussi l’importance de la question de la mobilisation du personnel.
« Si la motivation est une affaire personnelle, la mobilisation est l’art et la manière de la
susciter… la mobilisation crée de la conviction » (p.225). La perte du sens partagé entraine
chez les acteurs déprime, absentéisme, marasme, conflits, relations détestables, baisse de la
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