dissimule mon bonheur sous un air renfrogné ? »
Le monastère Saint-Antoine fait aujourd'hui l'objet de travaux d'agrandissements : de nouvelles
cellules pour les moines (ils sont 160 à vivre ici, auxquels s'ajoute une dizaine de novices), des
hébergements pour les pèlerins coptes qui affluent tout au long de l'année, des réfectoires, des
parkings. C'est aussi le cas dans tous les autres monastères et couvents coptes d'Égypte qui
connaissent, depuis une trentaine d'années, un regain de vitalité : moines et novices sont de plus
en plus nombreux - et de plus en plus jeunes ; les fidèles ne rechignent pas à traverser des
centaines de kilomètres pour des retraites d'un jour ou d'une semaine, ou pour des promenades
familiales qui sont l'occasion de recueillir des baraka, les bénédictions d'un moine, d'un saint ou
d'un ange.
Le tout petit couvent de Deir el-Hamam, implanté trois cents kilomètres plus loin, en bordure du
Nil, n'échappe pas à ce mouvement. Comme dans d'autres monastères, l'afflux des pèlerins a été
attisé par les découvertes récentes de reliques miraculeuses de martyrs chrétiens des premiers
siècles de l'Église, dont l'authenticité a été reconnue par les autorités ecclésiales. Ici, il s'agit de
deux mains calcinées, sauf au niveau d'un poignet où se détache la croix copte que se font
traditionnellement tatouer les chrétiens d'Égypte.
Messes angéliques et miracles
Kyrillos, un étudiant en médecine, fidèle visiteur du couvent, égrène les miracles accomplis par
ces mains depuis leur apparition, le 22 août 1992 - jour de la fête de la Vierge chez les coptes :
cancers résorbés, dialyses devenues inutiles, aveugles recouvrant la vue. Il dit aussi avoir été le
témoin d'une messe angélique, servie par douze êtres de lumière vêtus de blanc. À ses côtés, un
moine confirme, des fidèles écoutent avant de l'interrompre, pour raconter encore d'autres
miracles, d'autres apparitions, d'autres épisodes merveilleux. Le moine, frère Fadel, profite de
l'assistance pour donner un petit cours de catéchisme, axé sur l'omniprésence angélique dans les
écrits des premiers Pères de l'Église. Il égrène les noms des sept archanges retenus par l'Église
copte : Michael, Gabriel, Raphaël, Suriel (ou Uriel), Sakakaël, Sarataël, Ananaël. Demande à
ses ouailles de les implorer, de les prier, de les honorer : « Ils vous aideront à tous les moments
de votre vie », insiste-t-il.
Ici, nul fidèle ne met en doute ces récits merveilleux qu'attestent moines et prêtres. Naïveté ? Le
jésuite Nabil Gabriel, directeur général de Caritas-Égypte et excellent connaisseur du monde
copte, oppose « la pauvreté théologique de l'Église copte et son immense richesse spirituelle
encadrée et entretenue par la hiérarchie ». Puis il revient sur le mot « pauvreté » : « En fait, la
pensée théologique s'arrête aux cinq premiers siècles de l'Église, aux écrits des saint Athanase
ou saint Cyrille qui sont donnés pour des acquis théologiques et ne suscitent pas de réflexion
intellectuelle. L'Église copte se donne pour mission de perpétuer et transmettre cet héritage en
son état originaire, sans rien y ajouter ni rien en retirer ». La formation des clercs consiste
d'ailleurs essentiellement à lire, relire et méditer d'abord la Bible, ensuite les écrits des premiers
Pères : « Une lecture approfondie qui aboutit littéralement à une imprégnation par les mots, par
les phrases, explique le moine Wadid Morcos. Quant aux commentaires ultérieurs de ces écrits,
il est vrai que nous ne nous y attachons pas. »
La transmission : telle est la fonction dévolue au pape copte. Comme ses prédécesseurs,
Chenouda III, « pape d'Alexandrie et patriarche de la prédication de saint Marc » (dont il est le
171e successeur) se doit d'assurer le maintien d'une tradition remontant aux apôtres. Ce qui lui
interdit de convoquer des conciles à la manière de Vatican II, ou de réaliser des réformes portant
sur le dogme. Le grand chantier de Chenouda III, dès son accession à la papauté, en 1971, a été
un recentrage sur la vie spirituelle : les écoles coptes ont été fermées, une vitalité nouvelle a été