Chapitre 2 : Les guerres au XXème siècle La Première Guerre mondiale I/ Les grandes phases de la guerre 1) 1914 : les débuts de la guerre Le 28 juin 1914, l'archiduc d'Autriche-Hongrie, François-Ferdinand, est assassiné par un étudiant Serbe à Sarajevo. En réaction, l'Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie, alliée de la Russie. Par les jeux d'alliance, la Triple Entente et la Triple Alliance se trouvent plongées dans la guerre, malgré les mises en garde de penseurs pacifistes, tels Jean Jaurès en France, assassiné peu avant le début de la guerre. L’Allemagne, croyant qu'une victoire rapide était possible, lance une offensive par la Belgique, violant ainsi sa neutralité, les troupes françaises étant stationnées sur la frontière Est. C'est le début de la première phase de la guerre : la guerre de mouvement. En effet, les armées tentent des offensives, se déplacent énormément, sans parvenir à prendre le dessus. L'offensive allemande amène l'alliance à menacer directement Paris (les troupes allemandes ne sont alors qu'à 40 km), mais les troupes françaises, dirigées par le général Joffre, lancent la contre-offensive de la Marne et chassent les troupes allemandes. Sur le front Est, les Russes tentent une offensive en direction de l'Allemagne mais sont stoppés lors de la bataille de Tannenberg. L'empire ottoman rejoint le camp de l'Allemagne en octobre 1914, et l'Allemagne perd ses colonies en Afrique (Togo et Cameroun). Avec l’arrivée de l'hiver en Europe et au vu de l’épuisement des soldats, les fronts finissent par se stabiliser et les hommes s'enterrent dans des tranchées. 2) 1915-1917 : La guerre des tranchées En 1915, l'Italie, jusque là restée en dehors des combats, change de camp et se range du coté des alliés de la France. Les lignes de front étant stabilisées, des réseaux de tranchées sont mis en place afin de protéger les soldats et les lignes d'approvisionnement. Les combats restent pourtant féroces, les tranchées sont très régulièrement pilonnées par des tirs d'artillerie lourde (obus), et l'essentiel des tentatives de percée du front ennemi se soldent toujours par des échecs sanglants, provoquant la mort de centaines de milliers de soldats. Trois grandes batailles marquent cette phase de la guerre. En 1916, les Allemands tentent de percer le front français à Verdun. Cette bataille, qui a duré presque une année complète, a provoqué la mort de près de 300.000 hommes, sans permettre à l'Allemagne de prendre l'avantage. Le général Pétain dirigeait alors les troupes de Verdun. La même année, les Anglais tentent également une percée, mais échouent lors de la bataille de la Somme, bataille qui provoque la mort de près de 450.000 soldats. Enfin en 1917, les troupes françaises, dirigées par le général Nivelle, attaquent les lignes allemandes dans l'Aisne. C'est la bataille du Chemin des Dames, et c'est une nouvelle fois un échec complet. Suite à cette série de massacres, les soldats se révoltent contre leur hiérarchie, se mutinent, et entonnent des chants anti-militaristes, tels la chanson de Craonne. Dans le même temps, l'Entente tente d’établir un blocus naval contre l'Allemagne, et commence alors une guerre sous-marine à outrance. C'est dans ce cadre qu'est coulé en 1915 un paquebot britannique, le Lusitania, navire qui transportait à son bord de nombreux passagers américains. Cet événement amène les Allemands à stopper leurs torpillages en 1916, mais les opérations reprennent en 1917. Les Américains voyant dans ce procédé une grave atteinte à la liberté des échanges, ceux-ci, sous la direction du président Woodrow Wilson, décident d'entrer en guerre à leur tour aux côtés de l'Entente. La Russie quant à elle quitte le camp des alliés français suite aux révolutions de février et octobre 1917, et elle signe une paix séparée avec l'Allemagne en 1918. 3) La fin de la guerre En 1918, les troupes allemandes du front russe sont redéployées à l'ouest, et les Allemands, profitant du fait que les troupes américaines n’étaient pas encore déployées, tentent une nouvelle offensive, qui est de nouveau stoppée sur la Marne. Le général Foch lance la contre-offensive, appuyé par les troupes américaines et les chars. Les troupes allemandes reculent, les Italiens remportent une victoire décisive sur l'Autriche-Hongrie en octobre 1918, et l'empire ottoman s'effondre. Face à la perte de ses alliés et à l'agitation interne qu'elle connaît (la République est proclamée à Berlin), l'Allemagne décide, avant d’être envahie, de capituler. L'armistice est signé le 11 novembre 1918 à Rethondes, en forêt de Compiègne, et les combats prennent ainsi fin. Il faudra attendre 1919 pour qu'un traité de paix, le traité de Versailles, mette un terme définitif à la guerre. C'est un triomphe à la fois politique et militaire des puissances démocratiques face aux empires autoritaires. II/ Les violences de guerre 1) Une expérience combattante d'un genre nouveau La première guerre mondiale a été, jusqu'à la deuxième, le conflit le plus meurtrier de l'histoire de l’humanité : 18 millions de victimes (morts) sont à déplorer, dont environ la moitié de civils. L'utilisation d'un armement de guerre de plus en plus perfectionné en est la cause : artillerie lourde, chars, lance-flamme, gaz de guerre, mitrailleuses, mines, bombes à sous-munitions (shrapnels). Les combats se déroulent majoritairement au sol, et la stratégie adoptée est basique : avant une offensive, la tranchée ennemie est pilonnée par l'artillerie, puis les soldats montent à l'assaut, à découvert. Il s'agit là d'une stratégie extrêmement peu efficace, et surtout extrêmement meurtrière, car les tranchées étant conçues pour résister à l'artillerie et organisées en réseaux, les assaillants rencontrent toujours une importante résistance lors de l'attaque. Parfois, un travail de sape consistant à creuser un tunnel permettant de placer des explosifs sous la tranchée ennemie est effectué (comme à La Boisselle en Picardie), mais les résultats d'une telle tactique sont rarement efficaces. La violence sans précédent de ces combats donne régulièrement lieu à des scènes d'horreur : les corps des soldats tombés dans le no man's land ne pouvant la plupart du temps pas être récupérés dans l’immédiat, ceux-ci sont laissés à pourrir sur place, parfois entiers, parfois totalement démembrés. Certains soldats sont littéralement enterrés vivants à cause des projections de terre dues aux obus. Encore aujourd'hui, lorsque des travaux d’aménagement sont entrepris sur ces anciennes zones de combat, il n'est pas rare de retrouver des corps de soldats tombés lors de la Première Guerre mondiale, souvent non identifiables. Lors de la guerre et de l’après-guerre, des ossuaires ont été mis en place afin de regrouper les corps des soldats non-identifiés. En plus des morts, la première guerre mondiale engendre un très grand nombre de blessés et d'invalides, dont les gueules cassées (environ 8 millions). Les conditions de vie des Poilus dans les tranchées sont extrêmement rudes : ils doivent faire face au froid, à l’humidité, à la boue, à la vermine, aux maladies et à l'absence d’hygiène. De plus leurs rations quotidiennes sont de piètre qualité, et les correspondances qu'ils entretiennent avec leurs familles restées à l’arrière sont compliquées par une importante censure du courrier. Dans ces conditions, le moral des troupes repose essentiellement sur un esprit de camaraderie extrêmement développé. 2) La violence envers les populations civiles Comme c'est le cas dans toutes les guerres, les populations civiles sont très durement touchées par le conflit, mais la Première Guerre mondiale est le premier affrontement qui voit la mort d'autant de civils que de soldats. C'est à partir de ce conflit que le rapport entre soldats et civils tués s'inverse, les civils représentant depuis lors les victimes les plus nombreuses des guerres. A cause du principe de guerre totale, les populations civiles deviennent des cibles prioritaires dans le but d'affaiblir l'ennemi par tous les moyens. Dans les zones envahies et occupées les populations civiles subissent des violences : exécutions, déportations et travaux forcés, viols, pénuries alimentaires, etc... De plus les premiers bombardements urbains apparaissent (Paris et Londres), soit réalisés par l'artillerie, soit par voie aérienne (zeppelins et avions légers, bombardiers à partir de la fin de la guerre). Les populations belges et du nord de la France subissent cette violence de plein fouet, ainsi que les populations allemandes, qui souffrent de graves pénuries en raison du blocus naval des alliés. La première guerre mondiale a également été le théâtre d'un génocide extrêmement violent : le génocide arménien, perpétré par le gouvernement ottoman en 1915-1916. Les Arméniens, qui étaient une minorité chrétienne de Turquie, représentaient depuis longtemps un peuple mal intégré à l'empire Ottoman, régulièrement persécuté par les musulmans extrémistes. Lors de la Première Guerre mondiale, alors que l'attention se porte sur les zones de combat, les autorités ottomanes, affaiblies par la guerre, profitent de l'occasion pour accuser les Arméniens de conspirer avec les Russes. Ces accusations sans fondement aboutissent à un effroyable massacre : partout dans le pays, les Arméniens sont capturés puis assassinés ou déportés. Ceux qui survivent à des conditions de déportation extrêmement rudes (pas d'eau ni de nourriture), sont la plupart du temps conduits dans des centres de massacre où ils sont exécutés. Ce génocide provoque la mort d'environ 1,2 million de personnes – les deux tiers de la population arménienne d'Anatolie – et il reste encore aujourd'hui non reconnu officiellement par les autorités turques. III/ Une guerre totale Lors de la Première Guerre mondiale, la mobilisation des troupes est totale. En effet, les affrontements se déroulent majoritairement en Europe, mais les puissances coloniales ont pour certaines recours aux troupes coloniales, comme les Français avec les tirailleurs sénégalais ou les zouaves (environ 600.000 soldats). En revanche, d'autres puissances coloniales, notamment la Grande-Bretagne, craignent d'armer des troupes coloniales, et utilisent donc cette masse humaine pour recruter de la main d’œuvre. Outre les soldats européens, d'autres nations participent également aux combats. C'est le cas des Américains dès 1917, ou encore des soldats issus des dominions britanniques (Canadiens, Australiens, Néozélandais). Mais l'effort de guerre ne passe pas uniquement par une mobilisation importante de troupes (environ 12 millions). Dans un contexte de guerre totale, il s'agit de mobiliser la totalité des forces disponibles, et notamment la population civile. 1) Des sociétés tournées vers la guerre Pendant la 1ère Guerre Mondiale, toute la société est mobilisée dans l'effort de guerre. En effet, celle-ci est tellement longue, bien plus que la plupart des guerres précédentes, que la société civile est mobilisée de manière très importante. A l’arrière, une véritable économie de guerre se met en place : les usines sont reconverties en usines d'armes (exemple de Citroën et Renault), les femmes, qu'on appelle les munitionnettes, et les enfants sont appelés à y travailler pour remplacer les hommes partis au combat, et les colonies fournissent également une importante main d’œuvre. Les femmes et les enfants sont également appelés à remplacer les hommes aux champs pour assurer les récoltes, et donc le ravitaillement des troupes. Avoir une économie forte est capital pour prendre l'avantage sur le champ de bataille. C'est dans ce cadre qu'un très important blocus maritime est mis en place afin d'asphyxier économiquement l'Allemagne, blocus auquel les Allemands répondent par une guerre sous-marine à outrance. Enfin les états empruntent de l'argent à la fois à leur population et à la fois à des puissances étrangères. Les emprunts contractés auprès de la population prennent la forme de bons de la Défense ou de « War Stamps » aux USA, et ils sont assimilés à un investissement. C'est dans le cadre des emprunts contractés auprès des puissances étrangères que les stocks d'or européens changent de main. Les belligérants ont également recours à la création de devises, ce qui provoque une importante inflation. 2) La culture de guerre Lors de la Première Guerre mondiale, on assiste à la naissance d'une véritable culture de guerre, un phénomène qui touche toutes les couches de la société. Derrière l’élaboration de cette morale se cache une propagande omniprésente, bien plus que lors des conflits précédents, et une menace qui s’instille dans tous les esprits : il faut procéder à l’anéantissement total de l'ennemi, sans quoi l'on risque d’être soi-même anéanti. L’État joue donc un rôle clef dans la mise en place de cette culture de guerre. La censure des journaux et des courriers des soldats est constante et sévère, celle-ci visant à minimiser voire taire les mauvaises nouvelles et à exagérer les succès. Ainsi la presse se voit interdire la publication d'informations militaires sans l'aval du gouvernement, et les journaux peuvent être suspendus en cas d'infraction. En réaction apparaissent les journaux des tranchées, qui sont lus uniquement par les soldats, et présentent un regard beaucoup plus critique, voire satirique, sur la guerre. La propagande diffusée par les journaux, principal media de l’époque, par les affiches et cartes postales, s'attache également à diaboliser l'ennemi, quitte à publier de fausses rumeurs d’atrocités (les Allemands couperaient les mains des petites filles par exemple). Elle touche aussi les enfants, qui sont, dans le cadre de l’école, exposés au quotidien au « bourrage de crâne ». Tout est fait pour qu'ils embrassent la culture de guerre et participent à l'effort en étant économes et, pour les plus vieux, en se préparant à aller au front prochainement. La propagande met en valeur la nécessité d’économiser les ressources (nourriture et énergies notamment). Enfin, un autre de ses axes majeurs est l'heroïsation des soldats du front. Dans le cadre de la Première Guerre mondiale, certains historiens parlent de brutalisation des sociétés par la normalisation de la violence. Pour ceux-ci, la culture de violence et de haine serait une des explications de la violence des affrontements sur le front, et elle aurait une part de responsabilité dans la persistance des violences dans la société civile de l’après-guerre (surtout en Allemagne).