Michel Ducharme Titre : Pour une histoire du concept de liberté au Canada-Uni (1837-1867) 1. Résumé de la recherche Ce projet de recherche a pour ambition et objectif d’éclairer sous un nouveau jour les fondements idéologiques et politiques de l’État moderne au Canada-Uni entre l’échec des rébellions de 1837 et la Confédération de 1867 en abordant la question à partir du concept de liberté et en resituant l’histoire canadienne dans le cadre atlantique. La notion de liberté est une des questions les plus importantes et les plus débattues dans le monde atlantique au XVIIIe et au XIXe siècles. Ce principe remplace alors progressivement les autres formes de légitimation sur lesquelles reposent les relations de pouvoir. Comme le Canada n’a pas été submergé par une vague révolutionnaire ni à la fin du XVIIIe siècle ni en 1848, les historiens n’ont jamais étudié son histoire à l=aune de la liberté. Tout se passe comme si la colonie était demeurée en marge des grands débats qui ébranlaient alors les assises du monde atlantique. Or, le développement du Canada a été tributaire de ces débats concernant la nature de la liberté. Ce projet s’inscrit dans la mouvance du renouveau en histoire intellectuelle et politique dans le monde atlantique. Au cours des dernières décennies, des historiens ont renouvelé ce champ en questionnant l’influence de John Locke sur les mouvements d’opposition au XVIIIe siècle et ont mis en lumière l’importance du républicanisme comme idéologie de contestation aux XVIIe et XVIIIe siècles. Leurs travaux ont permis de dépasser l’opposition traditionnelle entre torysme/conservatisme et whiggisme/libéralisme en proposant de réinterpréter l’histoire intellectuelle et politique du monde atlantique au siècle des Lumières comme le fruit de l=opposition entre « républicanisme » et « commercialisme ». Si le paradigme des historiens du monde atlantique opposant « républicanisme » et « commercialisme » constitue un bon point de départ pour réévaluer l’histoire canadienne, il demeure anachronique pour étudier le deuxième tiers du XIXe siècle. En le re-conceptualisant à partir du concept de liberté, il est néanmoins possible de l’adapter au contexte du XIXe siècle canadien. À partir de cette nouvelle grille d’analyse, il s’agit d’évaluer la présence et l’influence de différents concepts de liberté au Canada-Uni et d’étudier leur évolution dans le temps. Il s’agit également de voir comment ces différents concepts, qu’ils aient une connotation individuelle ou collective, se sont complétés ou opposés. Parallèlement, il s’agit d’analyser l’impact de ces différents concepts sur le développement des institutions politiques canadiennes. À cette fin, trois questions politiques précises seront étudiées : le rapport entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif dans les colonies dans les années 1840, la composition de la Législature provinciale, autant à la Chambre d’Assemblée qu’au Conseil législatif durant les années 1850 et la nature idéologique de la Confédération négociée dans les années 1860. Novateur par la manière d’aborder son objet d’étude et d’en mettre à jour les fondements, le présent projet, en situant la question dans le cadre du monde atlantique, entend apporter une contribution significative à l’état des connaissances dans le domaine de l’histoire intellectuelle et politique, aussi bien au Canada que dans le monde atlantique. D’une part, il ouvrira de nouvelles pistes de recherche pour l’histoire canadienne. D’autre part, il réintégrera cette histoire dans le cadre atlantique et en élargira la portée, en y ajoutant l’histoire d’une colonie qui n’a pas été examinée dans ce contexte à ce jour. 10 Michel Ducharme 2. Description détaillée 2.1. Objectif de la recherche L’objectif de ce programme de recherche est d’éclairer sous un nouveau jour les fondements idéologiques et politiques constitutifs de l’État moderne au Canada-Uni entre l’échec des rébellions de 1837 et la Confédération de 1867, en les resituant dans le cadre du monde atlantique. A. 1837-1867 : Une période charnière dans l’histoire canadienne La période comprise entre 1837 et 1867 constitue une charnière dans l’histoire politique du Canada. Durant cette trentaine d’années, les Canadiens français abandonnent leur rêve d’indépendance et apprennent à collaborer avec les Canadiens anglais au sein d’un État multiethnique en voie d’élaboration. C’est aussi l’époque où la colonie acquiert une plus grande autonomie au sein de l’Empire et où les assises institutionnelles de l’État moderne sont posées. Si le développement des institutions a été bien étudié par les historiens intéressés par la formation de l’État (Fecteau, 2004; Curtis, 2001 et 1992; Young, 1994; Greer et Radforth, 1992), les fondements idéologiques de cet État n’ont pas été analysés avec la même attention. Dans ce contexte, un réexamen des fondements intellectuels et politiques du Canada, qui dépasse l’opposition traditionnelle dans l’historiographie entre conservatisme et libéralisme, s’impose. Le présent projet de recherche entend ainsi contribuer à une meilleure compréhension de la nature idéologique et politique de l’État canadien, qui plus est en abordant la question selon une perspective transnationale. B. Pour une approche atlantique de l’histoire du concept de liberté au Canada Inspiré des tendances récentes de la recherche, ce programme vise à revisiter l’histoire intellectuelle et politique du Canada-Uni et à la réintégrer dans le cadre atlantique, à partir de la question de la liberté. La notion de liberté, en effet, est une des questions les plus importantes et les plus débattues dans le monde atlantique au XVIIIe et au XIXe siècles. À cette époque, ce principe remplace progressivement les autres formes de légitimation sur lesquelles reposent les relations de pouvoir. Ce processus de reconfiguration du pouvoir autour de la notion de liberté est au cœur de la vague révolutionnaire qui secoue l=Europe et l=Amérique entre 1776 et 1838 (Jourdan, 2004; Langley, 1996; Rodríguez O., 1994; Godechot, 1963; Palmer, 1959). La notion de liberté est aussi au centre des luttes qui agitent l’Europe entre 1848-1851 (Fortescue, 2005; Evans et von Strandmann, 2002; Dowe et al., 2001; Sperber, 2000). Comme le Canada n’a participé à aucun de ces mouvements révolutionnaires, les historiens ne l’ont jamais étudié à l=aune de la liberté. Tout se passe comme si la colonie était demeurée en marge des débats sur la liberté qui ébranlaient alors les assises du monde atlantique. Mon projet de recherche vise à remédier à la situation en étudiant l’histoire idéologique et politique du Canada-Uni entre l’échec des rébellions canadiennes de 1837-38 et la Confédération de 1867, à partir du concept de liberté. Concrètement, il s’agit d’analyser la nature du concept (ou des concepts) de liberté existant dans la colonie pour ensuite étudier son impact sur la vie politique coloniale. 2.2. Contexte Il est désormais convenu de dire que la Confédération canadienne de 1867 a d’abord et avant tout été le fruit d’un compromis entre politiciens et hommes d’affaires pragmatiques. S’il est indéniable que les Pères de la Confédération ont travaillé à protéger leurs intérêts lors de la création du nouveau Dominion et que les débats au Canada-Uni sur les résolutions de Québec ne 11 Michel Ducharme sont guère comparables aux grands débats constitutionnels en Europe ou en Amérique aux XVIIIe et XIXe siècles, il est tout de même abusif d’affirmer que la Confédération ne reposait sur aucun principe intellectuel (Ajzenstat, 2007; Ajzenstat, Romney, Gentles, Gairdner, 2000; Romney, 1999). Si les fondements idéologiques du Canada sont difficiles à trouver dans les débats de 1865, c’est principalement que les négociations entourant la naissance au pays n’ont pas eu lieu à ce moment. De fait, les fondements du Canada se précisent au cours des multiples compromis négociés, depuis les rébellions canadiennes de 1837 jusqu’à la Confédération de 1867. Et tous trouvent leurs racines dans une certaine conception de la liberté. À maints égards, on peut dire que ces trente années sont au Canada ce que la convention constitutionnelle de 1787 est aux États-Unis. C’est de cette manière que je compte analyser cette période cruciale de l’histoire politique canadienne. A. L’historiographie canadienne et l’histoire intellectuelle du monde atlantique Mon programme de recherche s’inscrit directement dans la mouvance du renouveau en histoire intellectuelle et politique dans le monde atlantique. Au cours des dernières décennies, des historiens ont renouvelé ce champ en questionnant l’influence de John Locke et du « libéralisme », comme inspiration des mouvements d’opposition au XVIIIe siècle, et mis en lumière l’importance du républicanisme comme idéologie de contestation aux XVIIe et XVIIIe siècles. Leurs travaux ont permis de dépasser l’opposition traditionnelle entre torysme/conservatisme et whiggisme/libéralisme en proposant de revoir l’histoire intellectuelle et politique du monde atlantique au siècle des Lumières comme le fruit de l=opposition entre « républicanisme » et « commercialisme » (Small, 2002; Skinner, 1998; Gelderen, 1992; Baker, 1990; Pocock, 1975; Wood, 1969; Bailyn, 1967). Inspirés par ces travaux, certains chercheurs canadiens ont cherché à réinterpréter l’histoire canadienne dans ce cadre (Ajzenstat, 2005; Harvey, 2005; Kelly, 2001 et 1997; Ajzenstat et Smith, 1995; Stewart, 1986). Néanmoins, étant donné que leur cadre d’analyse a été développé pour les XVIIe et XVIIIe siècles et non le XIXe, plusieurs chercheurs, influencé par l’historiographie américaine, ont transformé le paradigme original en opposant le républicanisme et le libéralisme. Ces travaux ont donc participé à la redécouverte l’influence du libéralisme dans l’histoire canadienne au cours des vingt dernières années. Plusieurs historiens (Girard, 2004; Lamonde, 2000; McCulloch, 1991; Roy, 1988; Ajzenstat, 1988; Errington, 1987; Young, 1986 et 1981) ont en effet remis en cause la prégnance du conservatisme au Canada et au Québec au XIXe siècle pour mieux mettre en lumière l’importance des principes libéraux dans la pensée de différents acteurs politiques et économiques jusque-là considérés comme des conservateurs (Wise, 1993; Mills, 1988). Parallèlement, certains historiens du social et du politique ont cherché à évaluer l=influence et l’importance du libéralisme dans la formation de l=État canadien moderne, en s’inspirant en partie des historiens britanniques Derek Sayer et Philip Corrigan et du philosophe/ historien français Michel Foucault (Fecteau, 2004; Curtis, 2001 et 1992; Young, 1994; Greer et Radforth, 1992). Ces historiens ont soutenu qu’une révolution culturelle a affecté la manière de conceptualiser et d’organiser les relations sociales dans les colonies de l=Amérique du Nord britannique au milieu du XIXe siècle. Inspirée du libéralisme, une nouvelle façon de concevoir les relations entre les individus, les groupes et l=État s=est institutionnalisée à travers des réformes juridiques, municipales, scolaires, administratives et politiques des décennies 18401870. 12 Michel Ducharme Il est indéniable que la redécouverte de l’influence du libéralisme dans l’histoire canadienne a donné un nouveau souffle à l’histoire intellectuelle et politique canadienne. Néanmoins, force est de constater que la définition donnée au libéralisme n’est pas constante dans cette nouvelle historiographie. De plus, si certains chercheurs ont emprunté et retravaillé la grille d’analyse développée par les historiens du monde atlantique, ils n’ont jamais vraiment connecté l’histoire canadienne à ce dernier. Ce sont ces deux problèmes que ce programme propose de résoudre pour la période allant de 1837 à 1867. En abordant l’évolution du Canada à partir de la question de la liberté, je pourrai tirer profit de l’historiographie sur le libéralisme sans m’y limiter. De la même manière, je pourrai mieux situer l’expérience canadienne par rapport à celle du monde atlantique en fonction d’un principe essentiel à la culture politique de l’époque aussi bien en Europe qu’en Amérique. B. Repenser l’histoire de la liberté au Canada dans le cadre atlantique Mon projet de recherche s’inscrit en continuité avec mes recherches doctorales et postdoctorales. Intitulée Aux fondements de l’État: le concept de liberté au Canada de 1776 à 1841, ma thèse examine l’histoire intellectuelle canadienne entre la révolution américaine et l’union des deux Canadas, en traitant de l=importance du concept de liberté dans le développement de l=État au Haut et au Bas-Canada entre 1776 et 1841. À la suite de l=appel lancé par Allan Greer (1995), j=ai cherché à décloisonner l=histoire des Canadas, encore trop souvent menée en parallèle, en les embrassant dans une perspective (1) comparative, (2) soucieuse de s=inscrire dans le cadre de l=histoire intellectuelle du monde atlantique. Proposant un nouveau cadre d=analyse pour comprendre l=histoire politique de la fin du XVIIIe siècle et de la première moitié du XIXe, ma thèse montre que, dès 1791, les deux Canadas se sont développés suivant un idéal de liberté qui, tout en étant différent de la liberté à l=œuvre au sein des mouvements révolutionnaires, n=en était pas moins issu des Lumières. Elle réintègre parallèlement l’histoire des rébellions de 1837 dans le cadre des révolutions atlantiques qui secouent l=Europe et l=Amérique entre 1776 et 1838. J’ai aussi amorcé, lors de mon stage post-doctoral, une étude de l’histoire du concept de liberté dans les provinces maritimes (1752-1867), qui m’a permis d’acquérir une vue d’ensemble de la question de la liberté en Amérique du Nord britannique. Il me semble néanmoins que ce soit vers le Canada-Uni que doivent porter mes nouvelles recherches puisqu’il s’agit de la colonie la plus importante et la plus complexe en Amérique du Nord britannique. Mon postdoctorat m’a aussi permis de réfléchir à la proposition de Ian McKay de réinterpréter l’histoire canadienne comme celle du déploiement d’un ordre libéral dans les colonies britanniques de l’Amérique du Nord, puis au sein de la fédération canadienne, entre 1840 et 1940 (McKay, 2000). Mon programme de recherche s’inscrit dans la foulée de cette démarche, à la différence que je ne cherche pas à réinterpréter l’histoire canadienne comme celle de l’établissement d’un ordre libéral grâce à la théorie de l’hégémonie d’Antonio Gramsci, mais à vérifier à partir d’une grille d’analyse distincte basée sur le concept de liberté si l’hypothèse de McKay se vérifie au Canada-Uni. J’ai déjà organisé un symposium en mars 2006 portant sur cette thématique de l’ordre libéral. J’ai aussi dirigé avec Jean-François Constant un ouvrage qui inclura une version remaniée des articles présentés lors du symposium de 2006. L’ouvrage sera publié par University of Toronto Press en 2008. 13 Michel Ducharme C. L'importance, l'originalité, la contribution et l’approche ou le cadre théorique Ce programme se situe à la pointe des travaux en histoire intellectuelle en ce qu’il s’inspire des plus récentes tendances dans l’historiographie du monde atlantique. Au-delà de l’objectif qui consiste à examiner la période cruciale des années 1837-1867 en la resituant dans le cadre atlantique, mon projet s’appuie sur la notion de la liberté plutôt que sur les idéologies, ce qui lui donne beaucoup de flexibilité. En effet, l’approche idéologique implique l’étude de structures de pensée, approche qui met en relief ce qui oppose les différentes idéologies et groupements politiques, mais cache ce qu’elles partagent entre elles. Fondé sur le concept de liberté, mon cadre d’analyse permet d’aller au-delà des groupes politiques (conservateurs et réformistes) en faisant ressortir le fait que certains groupes défendant, des idéologies très différentes, partageaient parfois des principes importants alors que d’autres, semblant promouvoir le même genre de politiques, se basaient sur des principes très différents, voire incompatibles. Ce projet est fortement susceptible d’enrichir l’historiographie canadienne et ce, à un triple niveau : en proposant une réflexion théorique sur le concept de liberté, en repensant l’histoire canadienne en dépassant les oppositions partisanes qui ne sont pas nécessairement les plus utiles pour comprendre cette histoire, et en réintégrant les débats canadiens dans le cadre atlantique. La liberté : un nouveau cadre théorique Si le paradigme des historiens du monde atlantique opposant « républicanisme » et « commercialisme » constitue un bon point de départ pour réévaluer l’histoire canadienne à la fin du XVIIIe siècle, son utilisation demeure problématique pour le XIXe siècle, compte tenu des transformations idéologiques ayant eu lieu à la faveur des Révolutions atlantiques. Il importe donc de le re-conceptualiser à partir d’un dénominateur commun, valable pour le XIXe siècle. Le concept de liberté est ce dénominateur. Il me semble que le paradigme des historiens intellectuels du monde atlantique gagne à être amendé, et surtout adapté pour le contexte canadien, à partir des réflexions de Constant (1819), de Berlin (1958) et de Taylor (1978) qui opposent deux formes de liberté : la liberté moderne et la liberté républicaine. En reformulant le cadre atlantique à partir de la question de la liberté, j’élaborerai une nouvelle grille interprétative de l=histoire canadienne opposant la liberté républicaine, fruit d=une relecture égalitariste de la théorie des droits naturels basée sur une éthique de la vertu, la participation politique des citoyens ainsi que la souveraineté du peuple, et la liberté moderne, idéal basé sur le respect de certains droits individuels souvent réduits au triptyque « liberté, propriété, sécurité ». La liberté comme concept intellectuel Avec l’échec des rébellions en 1837, les défenseurs de la liberté moderne triomphe des promoteurs de la liberté républicaine (Ducharme, 2007 et 2005; Harvey, 2005). Malgré cette défaite, la conception républicaine de la liberté ne disparaît pas de la scène politique canadienne avant les années 1870. Les Rouges du Canada-Est et la première génération des Clear Grits du Canada-Ouest, souvent présentés comme des libéraux (Lamonde, 2000 et 1994; Romney, 1999; Bernard, 1971), sont en fait des républicains, et les héritiers directs des patriotes bas-canadiens et des radicaux haut-canadiens. Partant, il faut non seulement réévaluer l’importance de la liberté républicaine au Canada, mais aussi celle du concept moderne de liberté, aussi bien dans sa forme réformiste (Bédard, 2004; Monet, 1969) que dans sa forme tory (McNairn, 1996). Concrètement, il s’agit de revisiter la transition survenue entre le patriotisme (basé sur l’idéal républicain de la liberté) d’avant 1837 et le nationalisme canadien-français (qui accepte la liberté moderne) d’après 1840 au Canada-Est, une transition qui, à ce jour, est demeurée en grande partie 14 Michel Ducharme inexpliquée. Cette transition pose aussi la question du rapport entre la liberté individuelle moderne et la liberté collective nationale. La manière dont ce rapport s’établit au Canada-Uni doit être mise en perspective avec le Printemps des peuples de 1848 puisque les mêmes questions (le droit des nationalités à l’auto-détermination et la légitimité des relations entre les pouvoirs exécutif et législatif) sont débattues aussi bien au Canada qu’en Europe au même moment. De plus, il s’agit de mieux comprendre la transition qui affecte la pensée de plusieurs leaders Canadians entre le torysme francophobe d’Ancien Régime qui triomphe en 1837 et un conservatisme plus modéré qui émerge en 1854. Cette transition, essentielle en ce qu’elle permet la réorganisation des alliances politiques dans les années 1850, sera aussi examinée dans le présent projet. Institutionnaliser la liberté Parallèlement, j’entends apporter une contribution à l’histoire politique en analysant la manière dont est mise en pratique le principe de la liberté moderne dans les institutions canadiennes. J’étudierai trois questions politiques précises afin de mieux comprendre la nature de l’État canadien et l’influence du concept de liberté dans sa création. La première concerne le rapport entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif dans les colonies. Il s’agit de scruter la transition qui survient dans la décennie 1840 entre le gouvernement mixte existant dans la colonie et le gouvernement responsable. Malgré quelques études plus récentes (Vaughan, 2003, Buckner, 1985), cette question a peu intéressé les historiens. Cette réforme marque pourtant une rupture (une certaine révolution) dans l’histoire canadienne en ce qu’elle a consacré la défaite des forces constitutionnelles ayant remporté la victoire en 1837. Cette question doit être abordée dans le cadre impérial britannique et mise en rapport avec ce qui se passe dans les autres colonies britanniques de l’Amérique du Nord. La seconde question étudiée porte sur la composition de la Législature provinciale, autant à la Chambre d’Assemblée qu’au Conseil législatif durant les années 1850. La dernière question concerne la nature idéologique de la Confédération. Le Canada-Uni comme objet d’étude Ce programme de recherche concerne le Canada-Uni. Depuis Careless (1967) et Morton (1964), aucun historien n’a abordé le Canada-Uni comme une entité en elle-même. Les historiens ont préféré concentrer leurs efforts sur une des deux sections de la colonie : sur le Canada-Ouest (Ont.) ou le Canada-Est (Qc). Cette approche, qui anticipe la création des provinces centrales et respecte les idéaux nationaux contemporains, impose à l’histoire de la période un cadre d’analyse tronqué. Le développement des différentes conceptions de la liberté au Canada a été marqué par la rencontre et l’affrontement entre les Canadiens anglais et des Canadiens français. Il est impossible de comprendre la complexité de l’histoire canadienne (incluant les spécificités ontarienne et québécoise) sans aborder les deux sections de manière concomitante. C’est la raison pour laquelle mon programme entend aborder la question de la liberté de manière ou bien comparative (Bouchard, 1995) ou bien intégrée dans le cadre de la canadianité (Létourneau, 2000), selon les questions étudiées. 2.3. Méthodologie Ce projet de recherche s’appuie sur un riche corpus d’archives, composé de sources officielles canadiennes et britanniques, d’archives extraparlementaires, essentiellement les journaux, et des archives personnelles de certains des principaux acteurs de l’époque. La première année du projet sera consacrée au dépouillement des sources officielles canadiennes et britanniques parmi lesquelles : les documents officiels coloniaux (résolutions, pétitions, adresses, 15 Michel Ducharme lois adoptées par la Législature), les documents métropolitains (lois anglaises dont les constitutions canadiennes, dépêches des ministres, correspondance entre les autorités londoniennes et les gouverneurs, rapports d=enquêtes). Malgré les travaux de Buckner et Francis (2004), Perry (2001), Martin (1995) et Buckner (1985) entre autres, l’appartenance du Canada à l’Empire britannique a été négligée aussi bien par les historiens canadiens que par les historiens de l’Empire au cours des dernières années (Hall, 2002). Pourtant, les décisions importantes se prenaient à Londres de 1837 à 1867. Une relecture des sources britanniques s’avère donc essentielle. Les sources canadiennes et britanniques seront mises en rapport avec les débats auxquels elles ont donné lieu au sein des institutions politiques, à Londres comme dans la colonie. C=est au cours de ceux-ci que les hommes politiques ont rendu explicite ce qui était implicite dans les résolutions et les lois. Les débats britanniques sont rapportés dans le Hansard. De leur côté, les débats coloniaux ont été en partie reconstitués dans les Debates of the Legislative Assembly of United Canada et dans les Parliamentary Debates on Confederation. Les discours des parlementaires, qu=ils soient dans l=opposition ou au pouvoir, constituent des témoignages de première importance quant à la notion de liberté. La deuxième année sera consacrée à dépouiller les sources extraparlementaires : pamphlets, tracts et livres, publiés dans la colonie entre 1837 et 1867. Quelques journaux seront aussi dépouillés autour de certains débats précis : Le Canadien, La Minerve, L’Avenir, Le Pays, The Montreal Gazette, The Examiner, The Toronto Patriot, The North American, The Globe. Ces derniers sont riches en débats, en écrits polémiques et aussi en nouvelles internationales, ce qui permet de mieux situer l=expérience canadienne dans le cadre du monde atlantique et de l’Empire britannique. La correspondance de certains leaders importants comme Louis-Hippolyte LaFontaine, Robert Baldwin, George Brown et John A. Macdonald sera également consultée afin de confronter les discours publics et privés. Ces sources sont susceptibles d’apporter un éclairage nouveau aux débats et un supplément d’informations sur la pensée des politiciens. Puisque ces sources sont plus difficiles à analyser, je me réserverai ce dépouillement, tandis que j’aurai recours à des assistants étudiants pour les autres sources. Toutes ces sources seront dépouillées et analysées en fonction de ma grille d’analyse basée sur la liberté. Une attention particulière sera apportée à différencier les principes défendus par les différents protagonistes et les idéologies articulées à partir de ces principes. Une analyse de contenu de ces sources à partir de la question de la liberté permettra de mieux comprendre les positions des divers acteurs et de les réintégrer dans le cadre atlantique. La troisième année sera consacrée au croisement des données, à l’analyse et à la présentation des résultats. 2.5. Diffusion des résultats Je compte présenter les résultats mes recherches dans des forums d’échanges internationaux sur le monde atlantique, milieu que j’ai commencé à fréquenter (American Antiquarian Society, Society for Historians of the Early American Republic). Ces forums me permettront à la fois de confronter mes analyses et d’intégrer le Canada dans ce contexte, ce qui est rarement fait. Je présenterai aussi mes résultats à des rencontres scientifiques canadiennes. Par ailleurs, je compte publier les résultats de mes recherches dans des revues internationales avec comité de lecture comme Journal of the History of Ideas, Modern Intellectual History, Atlantic Studies et des revues canadiennes comme la Canadian Historical Review ou la Revue d’histoire de l’Amérique française. 16 Michel Ducharme 3. Bibliographie sélective Ajzenstat, Janet. The Once and Future Canadian Democracy. Montréal, 2003. Ajzenstat, Janet. The Political Thought of Lord Durham. Montréal, 1988. 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Description de l’équipe de recherche : non applicable B. Description de la stratégie proposée de formation des étudiants Ce programme de recherche participera à la formation d’étudiants aux cycles supérieurs (maîtrise et doctorat). Je prévois embaucher deux assistants en confiant à chacun le dépouillement de sources, dont certaines se rapportant au Canada-Est, d’une part, et au CanadaOuest, d’autre part. Ces étudiants contribueront activement à la recherche bibliographique, au repérage systématique des débats dans les journaux ainsi qu’au dépouillement des journaux et des sources officielles aussi bien britanniques que canadiennes, à partir de la grille d’analyse basée sur la liberté. J’ai déjà fait le repérage pour ces sources officielles. Les assistants participeront aussi à la pré-analyse du corpus. Je compte organiser des réunions de travail et des séminaires de manière à leur offrir une occasion de communiquer les premiers résultats de la recherche et d’échanger avec des chercheurs ou des étudiants des cycles supérieurs. Ce programme sera d’autant plus formateur pour les assistants qu’ils vont être conviés à concevoir leur travail dans une perspective comparative et transnationale. Il les encouragera en outre à échanger entre eux sur leurs méthodes de travail, les difficultés que pose le dépouillement de certaines sources, les choix adoptés, les changements à apporter par rapport au protocole de recherche préalablement défini. Pour accomplir ces tâches, il est prévu d’embaucher deux étudiants à raison de 7 heures par semaine durant les trimestres d’automne et d’hiver 2008, 2009 et 2010, et de 28 heures par semaine, durant 14 semaines dans les trimestres d’été 2008 et 2009. Le troisième été, les assistants travailleront 20 heures semaines pendant 10 semaines. Ainsi, les assistants demeureront actifs durant toute la durée du projet. C. Résultats des recherches les plus récentes ou en cours : aucune recherche précédente ou en cours. 20 Michel Ducharme 5. Justification du budget : 93 949 $ A. Frais de personnel (salaires et avantages sociaux des étudiants) : 74 244$ J’ai prévu un budget de 74 844$ pour embaucher deux assistants de recherche au cours des trois années que durera le projet. Les étudiants seront payés à raison de 20 $/ heure plus 15% pour les avantages sociaux. Ils travailleront sept heures par semaine durant les sessions d’automne et d’hiver et 28 heures durant l’été. Année 2008-2009 : 2 assistants X 7h/ sem. X 30 sem. X 23$ (incl. avantages) = 9 660$ Été 2009 : 2 assistants X 28h/ sem. X 14 X 23$ = 18 032$ Année 2009-2010 : 2 assistants X 7h/ sem. X 30 sem. X 23$ = 9 660$ Été 2010 : 2 assistants X 28h/ sem. X 14 X 23$ = 18 032$ Année 2010-2011 : 2 assistants X 7h/ sem. X 30 sem. X 23$ = 9 660$ Été 2011 : 2 assistants X 20h/ sem. X 10 X 23$ = 9 200 $ B. Frais de séjour et de déplacements : 15 100 $ Recherche Les principales sources dépouillées sont accessibles à Vancouver. Toutefois, les archives personnelles de personnages importants se trouvent à Ottawa et Montréal. 1. Visite à Bibliothèque et Archives Canada (Ottawa) 2 semaines la première année = 2150$ Transport en avion : 650$/ Hébergement et Per Diem : 1500$ 1 semaine la seconde année = 1650$ Transport en avion : 650$/ Hébergement et Per Diem : 1000$ 2. Visite aux Archives nationales du Québec 2 semaines la première année = 2150$ Transport en avion : 650$/ Hébergement et Per Diem : 1500$ 1 semaine la seconde année = 1650$ Transport en avion : 650$/ Hébergement et Per Diem : 1000$ Conférences 2008-2009 2009-2010 2010-2011 Conférences internationales Conférences nationales 1 000$ 1 000$ 1 500$ 2 000$ 2 000$ C. Matériel : 2 605$ 1 Portable (avec logiciel Office) : 1 500$ 1 Logiciel Microsoft Office : 175$ 1 Caméra numérique : 600$ 1 Office Access : 330$ 21 Michel Ducharme D. Autres dépenses : 2 000$ Dépenses courantes liées à la réalisation du projet : achat de documents spécialisés, photocopie, photographies, papeterie, frais de télécopieur : 2 000$ 22