
approche participative associant secteur privé et pouvoirs publics n’a pas toujours été de soi
. A
partir des années 70 et plus encore dans les années 80, l’interaction entre l’État et le secteur privé a
été largement abordée par les sciences économique et politique à travers le prisme de l’analyse de
la « recherche de rente », de la collusion et de la corruption. Dans ces conditions, l’interaction
État/secteur privé était considérée avec suspicion et en termes pratiques, cette vision a longtemps
plaidé en faveur à la fois d’une réduction drastique du rôle de l’État dans l’économie et,
concomitamment, d’une insularisation de la bureaucratie vis-à-vis de la société au sens large, et en
particulier à l’égard des milieux d’affaires.
L’analyse, au début des années 90, des conditions et facteurs de succès de certaines
économies du Sud-est asiatique a contribué à remettre en cause ce type d’analyse, qu’il s’agisse du
rôle de l’État dans l’économie, ou du rôle des interactions, en l’espèce des plus fécondes sur le
plan économique, entre les élites politiques, la bureaucratie, et le secteur privé. L’influence de plus
en plus grande d’acteurs issus de la « société civile » non seulement dans les pays industrialisés,
mais également dans certains pays émergents et moins avancés, n’a fait que conforter cette
évolution : qu’on défende une conception restrictive ou extensive de son rôle, il est de plus en plus
clair que l’État, qu’il s’agisse de la bureaucratie ou du personnel politique au pouvoir, ne peut
élaborer ses politiques publiques en étant coupé de ses administrés et des acteurs sociétaux, à
commencer, lorsqu’on aborde le champ des politiques économiques, par les milieux d’affaires.
L’enjeu est autant politique, celui de la légitimité des politiques publiques, qu’économique et
social, la légitimité d’une politique publique conditionnant à bien des égards son efficacité sur le
plan socio-économique. Comment un État, fut-il démocratique, peut-il prétendre imposer des
politiques publiques à une société ? Cette dernière est loin de se résumer à un agrégat d’
‘individus-citoyens’ (et parfois électeurs) isolés les uns des autres dans un face à face avec l’État :
elle est traversée d’allégeances multiples dont même un système de démocratie représentative ne
saurait saisir la complexité. Ce contexte, pas tout à fait nouveau mais qui a pris un relief
particulier au cours de la dernière décennie, plaide pour une approche consultative de
l’élaboration des politiques publiques, en particulier des stratégies économiques… avec à la clé
une association des milieux d’affaires à leur conception comme à leur mise en œuvre.
Faut-il dès lors voir dans le dialogue public-privé une nouvelle « recette miracle » au
service du développement des pays les moins avancés ? Ce Document de travail montre à quel
point une telle ambition serait excessive. Comme souvent lorsque émerge une approche nouvelle
et (relativement) novatrice, les vertus qui ont pu être associées à la promotion du dialogue public-
privé ont parfois été surestimées et les risques qu’elle comporte partiellement occultés. La volonté
d’utiliser et de promouvoir cet instrument dans un contexte où les problématiques de
gouvernance et de développement du secteur privé s’imposaient comme des priorités, ont parfois
débouché sur une appréciation erronée des conditions requises pour mettre en œuvre un dialogue
public-privé sain et fructueux qui aboutisse réellement à une amélioration de l’environnement des
affaires.
La tendance actuelle constitue de ce point de vue un « retour en grâce » : les approches associant le
secteur privé à l’élaboration des politiques caractérisaient les expériences de développement en Asie du
Sud-est ainsi que la planification indicative dans certains pays industrialisés (en France par exemple - cf.
Meisel, 2004)