cyclique proche de l'optimum ou si elles y ont fait obstacle.
Une question de ce genre ne peut rester longtemps sans susciter de réponse, laquelle survint dans un
compte rendu du livre de Milton Friedman et d'Anna Schwartz, A Monetary History of the United States,
1867-1960( 8 ), à l'occasion du trentième anniversaire de sa parution. L'auteur en était Robert E. Lucas Jr.,
un des principaux tenants de l'approche monétaire des cycles économiques et récent lauréat du prix No-
bel d'économie. Lucas saisit cette occasion pour retracer l'importance de ce livre quant aux développe-
ments ultérieurs de la macroéconomie et vers la fin de son compte rendu, il évaluait la théorie des cycles
réels à la lumière de A Monetary History.
Contrairement à d'autres critiques de la théorie des cycles réels, Lucas en accepte la conclusion centrale, à
savoir que les chocs de PTF peuvent conduire à "une variabilité de la production d'une amplitude sensi-
blement semblable à celle observée aux États-Unis dans la période d'après-guerre" et peuvent expliquer
de façon réaliste le comportement des autres variables. Point capital, il réconcilie cette conclusion avec les
leçons du livre de Friedman en notant qu'on peut penser de la théorie des cycles réels qu'elle fournit "une
bonne approximation des événements lorsque la politique monétaire est bien menée et une mauvaise
dans le cas contraire". Il poursuit : "Vu sous cet angle, le succès relatif de la théorie quant à l'explication de
l'expérience de la période d'après-guerre peut simplement s'interpréter comme une preuve que la poli-
tique monétaire de cette époque a induit un comportement proche de l'efficacité et non comme une
preuve que la monnaie n'entre pas en ligne de compte". Plus simplement, l'argument de Lucas est que,
puisque la théorie des cycles réels peut expliquer les cycles économiques de l'après-guerre sans invoquer
les perturbations monétaires et financières, la politique monétaire après 1946 a dû se montrer plus effi-
cace que celle de la période d'avant-guerre étudiée par Friedman et Schwartz.
Cette réconciliation opérée par Lucas de la théorie des cycles réels et de l'histoire monétaire américaine
suggère la réponse suivante à la question posée plus tôt sur l'aspect positif ou négatif de l'impact des poli-
tiques de stabilisation sur l'économie américaine : l'économie américaine de l'après-guerre peut imiter
une économie de marchés parfaits en partie parce que la politique monétaire et les autres politiques de
stabilisation après 1946 ont empêché l'instabilité monétaire et financière de dominer les fluctuations de
l'activité. Il est toutefois possible qu'au lieu de guider l'économie américaine vers un comportement opti-
mal, ces politiques aient été à l'origine de l'écart entre le comportement réel et le comportement optimal.
Pour soutenir de manière convaincante que les politiques de stabilisation de l'après-guerre ont eu un
impact positif, nous devrions donc également expliquer la façon dont elles ont amélioré le comportement
cyclique de l'économie et fournir des preuves que tel a bel et bien été le cas.
Marchés financiers et politiques de stabilisation
Le cadre légal et réglementaire, dans lequel s'inscrivent les politiques de stabilisation de l'après-guerre,
date des années qui ont suivi la crise de 1929, dont l'occurrence désastreuse a incité à l'adoption de me-
sures réglementant de nombreux secteurs de l'économie américaine. Les politiques les plus pertinentes en
matière de neutralisation des cycles économiques concernent les marchés bancaires et financiers.
Les marchés financiers ont historiquement témoigné d'une tendance à réagir de façon disproportionnée à
une détérioration des conditions de l'activité économique. En période de récession, les intermédiaires
financiers ont coutume de rendre plus strictes leurs conditions de crédit et les investisseurs peu portés
sur les risques de convertir leurs actions et leurs obligations en argent liquide et en valeurs de l'État.
Ces réactions réduisent le montant du crédit consenti au secteur privé non financier et font monter les
taux d'intérêt des prêts. Le resserrement du crédit ne provoque généralement pas de catastrophe finan-
cière importante malgré des cas de faillites d'entreprises (et de ménages). Ces faillites peuvent cependant
s'avérer nombreuses si cette restriction est sévère et causer à leur tour celles d'intermédiaires financiers,
entraînant un resserrement accru du crédit et un nombre plus élevé de faillites. Cette spirale de resserre-
ment du crédit et de faillites mène à une crise financière, avec pour conséquence de bas niveaux de pro-
duction, des chiffres élevés de chômage et un très faible niveau d'investissement.
Les raisons pour lesquelles un ralentissement de l'activité se mue en une crise financière pleine et entière
restent en partie obscures mais il est évident que le pessimisme des investisseurs joue un grand rôle dans
ce processus. Si un nombre suffisant de personnes pense qu'une phase de contraction de l'activité est sur
le point de dégénérer en crise financière et agit en conséquence, cette crise se matérialisera bel et bien.
Les investisseurs, redoutant une crise financière, peuvent retirer suffisamment d'argent liquide auprès
des banques et des autres établissements de dépôt pour aller jusqu'à conduire des instituts financiers
sains à se trouver à court de liquidités et à faire faillite. De plus, une économie qui subit une crise finan-
cière tend à devenir plus vulnérable à ce type de crise du fait de la réaction de peur des investisseurs de-
vant chaque ralentissement de l'activité, ce pessimisme et ces craintes faisant plus souvent dégénérer des
ralentissements en crises. Face à ce type de situation, des mesures de stabilisation peuvent restaurer la