La monnaie est-elle neutre ?
La monnaie est un instrument d’échanges permettent l’achat immédiat de biens et
services sans coûts de transaction ou coûts de recherche, et qui conserve sa valeur entre deux
échanges.
Mais comme à chaque fois, les économistes s’opposent, et un passionnant débat sur la
qualité de la monnaie s’ouvre alors à nos cerveaux ébahis…
La monnaie est-elle « neutral » comme dirait van Damme ? Est-elle endogène ou
exogène à l’activité économique ? Ou encore, pour dire la même chose (mais différemment :),
la monnaie peut-elle être désirée pour elle-même ?
La réponse est capitale, car elle conditionne toute éventuelle politique monétaire.
1. La monnaie n’est qu’ un « voile » (Say)
Depuis Aristote, on considère 3 fonctions de la monnaie : unité de compte (fonction
d’étalon), intermédiaire unique dans les échanges (monnaie véhiculaire), et réserve de valeur.
La théorie classique ne retient que les 2 premières. Les prix relatifs ne dépendent que des
coûts relatifs exprimés en heures de travail (Ricardo) ou de l’utilité relative des différents
produits (Say) : la monnaie est donc neutre, et ne peut dès lors être demandée pour elle-
même.
Cette approche dichotomique (séparation nette entre sphères réelle et monétaire) confère
tout de même un rôle à la monnaie. Parler d’un « voile » semble ainsi trop fort, et on préférera
l’image de « simple lubrifiant » (David Hume) qui facilite les échanges. John Stuart-Mill,
dans ses Principes d’économie politique (1873), écrit « Il n’est pas dans l’économie d’une
société une chose moins importante en elle-même que la monnaie. ».
L’affirmation de la neutralité de la monnaie suit en droite ligne la thèse de
l’impossibilité des crises de surproduction. Say n’établit pas de différence entre une économie
monétaire et une économie basée sur le troc, c’est le sens de la formule « les produits
s’échangent contre des produits », que l’on comprend mieux en lisant la suite : « lorsque le
dernier producteur a terminé son produit, son plus grand désir est de le vendre pour que la
valeur de ce produit ne chôme pas entre ses mains. Mais il n’est pas moins empressé de se
défaire de l’argent que lui procure sa vente pour que la valeur ne chôme pas non plus. »
Ainsi, l’épargne est à la fois un renoncement à la consommation et un achat de biens de
production : elle est donc toujours égale à l’investissement (équilibre I = S ex ante), et
constitue un phénomène réel sur lequel la monnaie n’a aucune prise (pas d’épargne monétaire
ni d’encaisse oisive).
De là naît la théorie quantitative de la monnaie : si la monnaie est neutre, il faut tout
faire pour conserver cette neutralité, autrement dit il est nécessaire de préserver un rapport
entre la quantité de monnaie en circulation et le volume des biens échangés. De là la fameuse
équation générale des transactions de Newcomb, vulgarisée par Fisher (1911) : MV = PT
M : masse monétaire ;
V : vitesse de circulation de la monnaie ;
P : niveau général des prix ;
T : volume général des transactions.
V et T sont stables (du moins à court terme). P est donc déterminé par M, et M n’a
d’influence que sur P.
2. Ce que le voile nous voile (avis aux amateurs !)
La théorie classique, si tout le monde sait pertinemment qu’elle traduit les faits
marquants des économies développées depuis la 2e guerre mondiale (euh…), est cependant
affaiblie par le mécanisme de l’effet de richesse, qui appelle une vision plus endogène de la
monnaie.
L’effet de richesse, ou effet de patrimoine, est un défaut dans l’effet d’encaisses réelles
(ce dernier mécanisme mis en évidence par Pigou, qui n’est pas keynésien mais néo-
classique). En théorie, quand le montant des encaisses réelles des agents augmente (exemple :
baisse des prix), ceux-ci sont tentés de s’en débarrasser en augmentant leur consommation. Le
plein emploi étant supposé, les prix augmentent car l’offre de biens est rigide à court terme :
le niveau des encaisses réelles finit par se rétablir. Or, selon Pigou, ce retour peut être entravé
par le désir des agents de maintenir le pouvoir d’achat de leur épargne, en diminuant leur
consommation.
Selon Don Patinkin, ce fait induit un biais dans la théorie classique de la monnaie. En
effet, si la monnaie peut modifier le comportement des agents (en termes de consommation),
elle n’est pas neutre !
De là les théories selon lesquelles on peut utiliser la monnaie dans la stimulation de la
croissance. La monnaie peut alors être désirée pour elle-même. Ainsi notre ami Keynes parle-
t-il d’une préférence pour la liquidité : les agents préfèrent garder une partie de leur
patrimoine sous forme de monnaie, car celle-ci est l’actif liquide par excellence (Keynes
distingue 3 motifs à ce fait : régler les dépenses courantes, faire face à l’imprévu et pouvoir
spéculer au bon moment). Pour Keynes toujours, la monnaie est endogène à l’économie car
sa présence est liée aux nécessités de la production (le besoin de financement des agents
détermine le niveau du crédit, et donc l’émission de monnaie).
Milton Friedman rompt lui-aussi avec le dogme classique de la dichotomie réel-
monétaire en considérant que la politique monétaire est utile à court terme…
Conclusion : L’importance actuelle de la politique monétaire, ainsi que l’évolution du
système bancaire sont directement liés au conflit théorique : il semble évident que la monnaie
n’est pas neutre, même si on aurait tous préféré le contraire parce que c’était plus simple. Le
passage du currency principle au banking principle fool of a Tooke !) en est l’illustration
historique…
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