LE CRDP DE BRETAGNE AVEC LE SOUTIEN

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LE CRDP DE BRETAGNE AVEC LE SOUTIEN
DE LA REGION BRETAGNE
ET DE L’UNION EUROPEENNE
DANS LA COLLECTION GENS DE BRETAGNE
Marc Jaubert
Je suis né le 30 avril 48 à Neuilly. Mes parents habitaient à La Frette dans le Val d’Oise. Moi, j’étais le
fils aîné, j’ai un frère qui est venu 15 mois après moi et un autre frère qui est venu 18 mois après le
deuxième. Il y avait un grand terrain très long avec pas grand monde autour donc s’était un peu le bout
du monde dans le fond du jardin. Après, il y avait une pente qui descendait le long de la Seine qui était
couverte de lilas où il y avait même une maison abandonnée. Donc, c’était un endroit où on jouait
beaucoup avec mes frères. On montait dans les arbres aussi pas mal et on faisait des cabanes, on
faisait du feu. J’ai commencé tout petit à faire des cabanes, j’ai pas vraiment arrêté. Education à
l’ancienne, tout était interdit globalement. Interdit de sortir, interdit de ceci, interdit de cela, as-tu fait tes
devoirs ? etc. L’évasion c’était les colos parce mes parents sont devenus protestants quand j’étais
vraiment très très jeune donc on avait l’échappatoire, c’était un peu les colonies de vacances, les
camps de jeunes, les rencontres, donc ça s’était très sympa et s’était vraiment des moments très
agréables de relative liberté.
Dans la famille de mon père, ils sont tous profs. Les réunions de famille s’étaient des discussions sur la
pédagogie etc., ça ma pas incité à faire ça. La logique aurait été peut être que je fasse des études de
maths et que je sois prof de maths. Voilà, donc j’ai fait de la médecine un peu, un petit peu par défi. J’ai
deux filles, 29 et 31 ans. Il y en a une qui est née à Bobigny parce que j’ai habité 3 ans à Bobigny avant
de venir, avant de venir en Bretagne. Donc, je me suis marié. En plus ma femme est originaire, sa
famille est originaire de Moncontour, juste à côté ici, voilà. C’est pour ça que je suis arrivé par là quand
j’ai cherché où implanter un cabinet médical. Je suis arrivé en avril 76, l’année de la sécheresse.
Itinéraire d’un médecin
Donc il y a 30 ans, moi quand je me suis installé, les médecins généralistes on faisait tout. On faisait
les accouchements, on faisait les plâtres, on suturait les gens. On faisait tout et on se débrouillait tout
seul et puis bon sur 30 ans, les moyens d’investigation, de diagnostic se sont développés. On a vu
l’échographie arrivée, des tas de moyens techniques. La médecine s’est beaucoup spécialisée et
l’activité des médecins libéraux est devenue plus de l’orientation et du suivi de traitement qu’ont été
souvent instaurés par d’autres. Il y a un hôpital local à 15 kms, Lamballe, donc un hôpital local, c’est
surtout des lits d’hébergement pour personnes âgées. En 98, on m’a demandé, il y a eu une création
d’un service de soins de suite et de réadaptation, donc une espèce de convalescence. On m’a
demandé de m’en occuper. C’est à cette occasion que j’ai rencontré Cathy, qui est actuellement ma
compagne qui m’a contaminé soins palliatifs. C’était un truc qui me posait des questions, sur lequel
j’étais en train de réfléchir. Donc, j’ai fait une formation soins palliatifs à cette occasion en 99/2000 et
puis en 2002, j’ai abandonné mes activités à Lamballe pour aller faire mon mi-temps à Saint-Brieuc, à
l’unité mobile de soins palliatifs où je me suis retrouvé en charge de mener le projet du réseau de soins
palliatifs ville-hôpital. Donc, j’ai arrêté mon activité libérale en juin 2004 pour me consacrer
complètement, donc un mi-temps pour le réseau et un mi-temps à l’hôpital. Donc, je suis uniquement
salarié.
La fin de vie
Par palliatif, on entend, quand il n’y a plus de traitement curatif pour en particulier en cancérologie,
quand la chimiothérapie est en échec, quand la radiothérapie est en échec, on dit, le patient qui était
dans une phase curative, on espérait soigner et guérir ou stabiliser sa tumeur, il est en échappement
thérapeutique, il n’y a plus que du palliatif. Le palliatif c’est tout ce qu’il y a à faire quand il n’y a plus rien
à faire pour essayer de sauver ou de guérir le patient atteint d’une maladie grave.
Voilà, donc le soin palliatif, c’est de l’accompagnement du patient, de sa famille, éventuellement du
soutien des équipes. C’est un autre versant qui est très technique parce qu’on est formé à manipuler les
morphiniques, les traitements pour la douleur. On a une grosse formation douleur et puis sur tout ce
qu’on appelle les soins de confort, on a des tas de recettes pour l’encombrement, pour les gens qui sont
en occlusion à des stades terminaux etc., pour assurer le confort physique des gens et puis il y a le
soutien psychologique. On travaille quasi systématiquement avec des psychologues et puis on a aussi
une formation à l’écoute. C’est tout un ensemble de choses finalement qui sont assez variées. Il y a du
technique et il y a du relationnel et puis il y a aussi, on s’occupe aussi de tout le versant social des
gens, de leur cadre de vie. Même si les gens ont plus beaucoup de quantité de vie devant eux, on parle
de leur qualité de vie dans l’instant et de leurs projets même si c’est des projets à court terme mais il y a
des gens qu’ont le projet de retourner chez eux voir leurs fleurs, qu’ont le projet d’atteindre les fêtes de
fin d’année où de voir le baptême de leur petit-fils. Donc on est aussi d’essayer de voir quel est le sens
de la fin de vie des gens et qu’elles sont, s’ils ont encore des choses à réaliser. On s’engage à être là et
on dit : on va vous accompagner jusqu’au bout et même s’il y a des symptômes très pénibles, on
essayera de mettre en place, au besoin on vous endormira si vraiment il y a des choses intolérables en
fin de vie. Donc, je pense que la demande numéro 1 des gens, c’est de ne pas avoir mal et d’être
entouré.
Le travail que l’on fait aussi bien à l’hôpital où je travaille dans tous les services, aussi bien que pour le
réseau où je travaille à l’extérieur en ville, j’ai pas une fonction de prescripteur, j’ai une fonction de
conseil en fait pour que tout le monde apprenne et acquiert des connaissances nouvelles et puis cette
façon différente de voir les choses. Donc, ça a un côté sympathique parce que c’est très relationnel et
puis ça a un côté difficile parce que tout le monde n’est pas forcément dans cet optique et il y a des
gens avec qui c’est facile de discuter, éventuellement d’apporter des conseils, il y en a d’autres c’est
plus difficile. Mais c’est très intéressant et c’est valorisant parce que c’est sûr qu’on apporte, c’est pas
parfait ce qu’on fait, mais souvent on apporte quand même du mieux au patient ne serait-ce que par la
prise en charge de la douleur où le fait qu’il ne se sente pas abandonné, qu’il y a des gens qui soient là.
La place des familles n’est pas toujours facile par rapport aux soignants. En fin de vie, il y a des familles
qui veulent être, qui sont aussi dans le technique un peu. C’est aussi un mécanisme de défense, de
s’occuper à faire quelque chose de technique. Plus facile d’être dans un acte technique que d’être là les
mains vides, je dirai face à quelqu’un qui va mourir. C’est aussi, pour les soignants, aussi c’est difficile.
Les gens sont souvent réticents, il faut des fois négocier les aides les uns après les autres. La plupart
du temps, une fois que c’est en place, ça fonctionne bien parce qu’en fait les professionnels quand
même savent, savent se comporter avec les patients. Et souvent, il se crée tout un petit groupe autour
du patient.
La vie de l’autre
Alors l’euthanasie, ce qui est important c’est de donner une définition parce que sans ça il y a des
euthanasies. On rajoute des tas d’adjectifs après passive, active, ceci, cela. En soins palliatifs, on est je
dirai quasiment jamais concerné par des patients qui demandent qu’on les aide à mourir. Il y a des gens
qui disent : c’est plus possible parce que je souffre tellement mais en général quand la douleur et les
soins de confort ont été pris en charge, on n’a pas vraiment de demandes. Alors, ce qu’on appelle nous
l’euthanasie c’est plutôt quand la famille où une équipe soignante demande : c’est plus possible l’agonie
d’un tel il serait mieux mort et ils mettent en place ce qu’il faut pour que ça s’accélère. La plupart du
temps d’ailleurs sans que le patient ait rien demandé où rien écrit avant. Même si on comprend pas
toujours le sens, il y a des gens qui ont des agonies assez longues dans des états semi comateux et on
se demande à quoi ils se raccrochent et quel est le sens, quel sens ça a. Mais je pense qu’on est pas,
c’est pas ma fonction de dire : la vie de ce Monsieur qui est semi comateux, qu’on réveille que quelques
minutes par jour ne vaut plus le coup d’être vécue et c’est moi qui vais le tuer. Ca me paraît, ça me
parait difficile comme position. Un patient alzeihmer son fils disait, son fils disait, c’était son fils qui
disait : les mecs comme ça on devrait les tuer qu’il disait en parlant de son père. Mais alors, est-ce que
l’on tue tous les alzeihmer, les gens qui sont paralysés d’un côté, est-ce qu’il faut tuer etc. Enfin, on se
lance dans des débats après ça dérape sur l’eugénisme qu’on a vu à la fin du 19 ème siècle où on a fait
pas mal, où on a commis pas mal d’atrocités.
Soi et la mort
On n’est pas des robots. Autrefois, on disait aux gens quand vous êtes dans votre vestiaire, c’est
terminé, vous laissez tout à l’hôpital, enfin c’est pas vrai. On est toujours lié avec les patients. Il y en a
avec qui on a aucun atome crochu, il y en a d’autres avec qui on a, nous on parle d’empathie, de la
juste distance sachant que c’est quelque chose d’un peu illusoire. Il y a des gens avec qui il se crée des
liens même si on les accompagne pas très longtemps. Des gens qui nous paraissent sympathiques où
qui nous rappellent notre frère, notre sœur, notre mère etc. enfin c’est sûr. Nous ce qu’on demande pas
aux gens, on ne leur demande pas d’être insensibles mais de se rendre compte de la distance qu’ils
ont, des éventuelles évolutions un petit peu vers du fusionnel où du transfert auprès des patients pour
s’en rendre compte, d’en discuter en équipe éventuellement puis de se dire attention je vais, je vais me
faire mal. Je pense que pour bien soigner les gens il faut que les équipes aillent bien.
C’est très interpellant parce que la mort de l’autre c’est aussi notre mort est rappelée, le fait qu’on soit
mortel et puis l’histoire de l’autre qui peut éventuellement nous rappeler notre histoire aussi parce qu’on
se trouve souvent dans l’environnement du patient, les relations familiales, le fonctionnement de son
entourage, donc ça peut, c’est très interpellant pour les équipes. Disons que j’ai une culture protestante
de la, la mort est très présente, c’est quelque chose qu’était souvent rappelé le fait qu’on était mortel. Il
y a des gens qui sont croyants dans nos équipes. Je ne le suis pas. Je pense que la vie n’a pas de sens
et qu’il n’y a rien après. Donc, c’est à nous de créer du sens mais.
Ce qui se trouve dans les équipes de soins palliatifs, c’est qu’on n’est pas en première ligne. On est
quand même nettement moins exposé que les soignants. On est en conseil en deuxième ligne. Les
patients ce qui pas nous, qui allons faire les toilettes trois fois et en plus on travaille en équipe. On est
quasiment jamais seul. On travaille avec une infirmière, une psycho. On a de très nombreux moment où
on échange sur ce qui se passe, sur la relation, sur la distance. Et puis le fait de ce qu’on amène, on
amène du confort aux gens ça a un côté comme je le disais valorisant. Dès le début, les gens on sait
que le pronostic est très mauvais. On se trouve au bout de la chaîne et on est déjà dans la fin de vie.
Retraite
Ca me plaît de travailler, ça m’amuse bien. Non mais j’ai pas un plan, un plan de retraite pour l’instant.
Je dis souvent ça dans la vie, ce qui m’intéresse c’est de faire des choses marrantes avec des gens
sympas où des choses sympas avec des gens marrants. Je ne pense pas que ce sera un souci, pour
l’instant j’ai pas mal de terrain à entretenir là. La jungle autour de moi et puis bon je voyage beaucoup
depuis quelques années. J’étais à la Réunion il n’y a pas longtemps, on va au Vietnam en novembre,
j’ai été un petit peu partout, Zanzibar, la Namibie, j’ai été dans le Sinaï, j’aime bien les déserts, dans le
sud du Maroc, dans le sud de la Tunisie. Donc, j’aime bien me balader oui.
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