J’ai pu constater au cours de mon premier semestre aux urgences, lorsque des personnes âgées étaient admises aux urgences, une liste de médicaments à rallonge… Je voulais donc évoquer la poly-médication notamment chez les sujets âgés et montrer que certains médicaments comportaient plus de risques que de bénéfices. Pour commencer, une première partie avec une définition et quelques chiffres concernant la polymédication, puis nous verrons a travers un exemple les effets « néfastes » de la polymédication et enfin les moyens de lutter contre la poly-médication. La polymédication: définition et contexte Pas de consensus sur la définition: - approche quantitative: à partir de 5 médicaments - approche qualitative: utilisation d’un nombre de médicaments plus élevé que cliniquement indiqué. Aujourd’hui, les personnes âgées de plus de 65 ans représentent 16 % de la population française et environ 40 % de la consommation de médicaments en ville. - Les sujets de 65 ans et plus vivant à domicile consomment en moyenne 3,9 médicaments différents en une journée, et ceux de 80 ans et plus: 4,4. - La consommation pharmaceutique est dominée par les médicaments à visée cardiovasculaire. Viennent ensuite ceux de l’appareil digestif, de l’appareil locomoteur et les psychotropes - Les généralistes sont les principaux prescripteurs chez les sujets âgés. La polypathologie conduit à une polymédication. Le taux de consommateurs de médicaments augmente de façon considérable lorsque l’état de santé se dégrade Le taux d’observance des traitements varie de 26 % à 59 % Si le médicament apporte, en principe, un bénéfice certain au sujet âgé, la polypathologie fréquente engendre une polymédication qui n’est ni sans risque pour sa santé ni sans surcoût financier. Retenu comme objectif prioritaire dans la loi de santé publique du 9 août 2004, l’amélioration de la prescription médicamenteuse chez le sujet âgé est un enjeu de santé publique. Dans le cadre de l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP), désormais rendue obligatoire, la Haute autorité de santé (HAS) vient de mettre à disposition des prescripteurs un premier programme d’EPP “Prescription médicamenteuse chez le sujet âgé”. La iatrogénie médicamenteuse, fréquente et grave chez le sujet âgé, a un coût humain et économique très élevé. Si chez le sujet âgé polypathologique, la polymédication est le plus souvent légitime, celle-ci majore le risque iatrogénique : 10 % des hospitalisations de sujets âgés et près de 20 % de celles des octogénaires lui seraient ainsi imputables. L’évaluation du rapport bénéfice/risque d’un médicament chez le sujet âgé est difficile car: - peu d’inclusion de patients de plus de 75 ans dans les essais cliniques - sujets inclus non poly-pathologiques donc peu de co-médication Donc difficulté d’extrapolation à la pratique médicale Quelques exemples a travers des médicaments fréquemment retrouvés sur les ordonnances. Le VASTAREL (ou trimétazidine) utilisé comme (selon le Vidal) : - Traitement prophylactique de la crise d'angine de poitrine. - Traitement symptomatique d'appoint des vertiges et des acouphènes. - Traitement d'appoint des baisses d'acuité et des troubles du champ visuel présumés d'origine vasculaire. Arguments contre la prescription 1- Effets indésirables nombreux : mentionnés par le vidal Notamment vertiges, soit parfois l’indication retenue pour instaurer ce traitement Mais également hypotension orthostatique avec risque de chute! Ne vaut-il mieux pas l’abstention de traitement dans certains cas plutôt que de risquer la chute et ses conséquences lourdes (fracture du col du fémur ) 2 - En terme d’efficacité: Selon la commission de transparence de l’AFFSSAPS, une étude dont la méthodologie n’est pas décrite, repose sur une épreuve d'effort standardisée réalisée 12 heures après la prise de VASTAREL 35mg ou d'un placebo dans une population ayant par ailleurs un traitement de fond par beta-bloquant. Cette étude randomisée montre un allongement statistiquement significatif du délai d'apparition de sous-decalage du segment ST En pratique, quelle est l’implication de l’allongement du délai d’apparition du sous décalage de ST, Est-ce pertinent pour le patient? De plus patient ayant comme traitement de fond les béta-bloquant qui est le traitement de référence n’Est-ce pas l’effet du béta-bloquant lui-même Enfin, aucune étude n’est mentionné concernant les deux autres indications. 3- Pas d’amélioration du service médical rendu dans les deux indications principales selon la commission de transparence de l’AFSSAPS 4 - d’autres classes thérapeutiques sont connues comme référence Dans le traitement préventif des crises d’angor d’effort, les béta-bloquants sont le traitement de référence (effet préventif établi sur la mortalité après infarctus du myocarde). Les inhibiteurs calciques sont une alternative aux béta-bloquants. Le vastarel apparaît comme un traitement d’appoint chez les patients ayant des crises résiduelles. Traitement symptomatique d’appoint des vertiges et des acouphènes : AGYRAX,TANGANIL… 5 - risque pour le patient âgé de confusion entre les différents médicaments, le patient peut alors croire que le vastarel est le traitement pour le cœur et le privilégier au Kardégic! D’autres exemples pourraient être donnés notamment les médicaments de l’Alzheimer… Comment lutter contre la poly-médication? Quelque part la poly-médication ne peut être totalement évitée car elle est la conséquence de la poly pathologie, mais on peut limiter les nombre de médicaments par pathologie car cette poly-médication est la source de poly-iatrogénie. 1) information du patient: Première personne concernée donc première personne à informer sur les bénéfices risque du médicament. Lors d’une consultation, le patient qui rapporte un symptôme est en attente d’un ou plusieurs médicament (effet placebo de la prescription), or, quelquefois la balance bénéfice/risque n’est pas en faveur de la prescription, ce qui peux ne pas être compris par le patient Si une abstention de médicament est retenue, expliquer au patient pourquoi, cela pourrait lui permettre de mieux accepter l’absence de prescription 2) respecter les recommandations de bonne pratique et éviter la prescription de médicaments n’ayant pas fait l’objet d’études chez les plus de 75 ans, afin d’éviter l’underuse le mesuse et l’overuse. 3) lors du renouvellement d’ordonnance, se poser à nouvelle fois la question du bénéfice/risque du médicament et ne pas hésiter à contacter le prescripteur Reprendre sur une même ordonnance l’ensemble des médicaments prescrits y compris celle des confrères spécialistes, en notant également ceux que le pharmacien n’a pas besoin de délivrer (car en quantité suffisante au domicile du patient) : noter 0 boites en face du médicament Noter nom commercial + DCI Toutes ces mesures permettent d’éviter la confusion 4) généraliser l’utilisation des piluliers en proposant aux pharmaciens ou médecins généralistes de le fournir systématiquement à partir d’un certain nombre de médicaments 5) fournir les compte rendus aux patients et prévenir le médecin généraliste le jour de sa sortie afin de revoir rapidement le patient et s’assurer de la bonne compréhension de l’ordonnance 6) rechercher une alternative aux traitements médicamenteux Synthèse En conclusion, la lutte contre la poly-médication est un enjeu de santé publique. Avec le vieillissement de la population, la poly-médication va s’accroître, le^médecin généraliste est au cœur de cette problématique, il doit donc au cours de chaque consultation prendre le temps de réévaluer l’ordonnance et toujours penser au bénéfice/ risque de chaque médicament. L’éducation du patient et la communication entre médecin de ville et hospitalier sont deux facteurs clés dans la lutte contre la poly-médication et de ce fait de la poly-iatrogènie. Bibliographie - Vidal - Credes, Enquête ESPS 2000 - commission de transparence de l’HAS du 5 Juillet 2005 concernant le vastarel - société française de médecine générale de mars 2005 n 60 - Soins Gérontologie Vol 11, N° 57 - février 2006 - Minerva 2005; 4(8): 115-116 revue d’évidence based medecine