ERYTHEME NOUEUX DEFINITION Dermo-hypodermite nodulaire aiguë, localisée essentiellement aux jambes, d'évolution 'contusiforme' et résolutive. INTERET L'érythème noueux est une symptomatologie uniforme pouvant relever de multiples étiologies qui font le pronostic de l'affection. PHYSIOPATHOLOGIE L'atteinte initiale d'une hypodermite se fait au niveau des cloisons interlobulaires du tissu graisseux sous-cutané. L'atteinte du derme sus-jacent fait parler de dermo-hypodermite. Dans le cas de l'érythème noueux, l'affection est une réaction tissulaire non-spécifique à un processus pathologique siégeant à distance. L'affection atteint préférentiellement la femme jeune CIRCONSTANCES DE DECOUVERTE 1) Phase pré-éruptive L'éruption est précédée soit par: - une infection des voies aériennes supérieures 1 à 2semaines avant, - une altération de l'état général avec asthénie, perte de poids et toux, pendant une période plus longue. Des arthralgies existent dans la moitié des cas, des douleurs abdominales plus rarement. 2) Phase éruptive: le diagnostic est souvent évident dès l'inspection a) Signes fonctionnels Les nodules érythémateux apparaissent aux faces antéro-internes des jambes le long de la crête tibiale, et en regard des chevilles et des genoux: les lésions siègent 'là où l'os est superficiel'. Les localisations aux cuisses et à la face postérieure des bras et des avant-bras sont plus rares, celles de la face et du cou exceptionnelles. b) Signes généraux La fièvre à 38-39°C avec malaise général et myalgies précède de peu l'éruption. c) Signes physiques Les caractères de cette éruption sont les suivants: - taille comprise entre 1 et 4cm - nombre de l'ordre d'une douzaine, de 2 à 50, voire plus - les lésions sont arrondies ou ovalaires, saillantes, fermes, roses ou rouge vif, chaudes, sensibles à la palpation et mobiles sur les plans profonds. Elles sont séparées par des intervalles de peau saine. - leur répartition est bilatérale et symétrique. L'affection évolue sur 2 ou 3 poussées étalées sur 10 jours. 3) Phase régressive Les lésions prennent successivement les couleurs de la biligénie pour disparaître en 2 à 3 semaines: c'est l'évolution contusiforme de la définition. Une évolution prolongée est possible. Il n'y a ni suppuration, ni ulcération, ni nécrose, ni cicatrice. La guérison est complète sans séquelle, accélérée par le repos et le traitement symptomatique. Cependant des récidives peuvent survenir pendant plusieurs semaines faisant alors coexister des lésions d'âges différents. Examens à metre en oeuvre et DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL Il existe habituellement un syndrome inflammatoire. La biopsie n'a aucun intérêt si ce n'est celui du diagnostic différentiel, surtout chez l'adulte: en effet, le diagnostic d'érythème noueux est essentiellement clinique. Elle montre un infiltrat inflammatoire polymorphe riche en polynucléaires neutrophiles de l'hypoderme, prenant parfois un aspect tuberculoïde. En aucun cas, elle ne permet le diagnostic étiologique. a) L'érythème induré de Bazin Cette affection survient chez les jeunes femmes atteintes d'érythrocyanose. Les nodules au sein de nappes violacées siègent au 1/3 inférieur de la jambe et peuvent s'ulcérer. b) Les vascularites nodulaires Ce sont essentiellement la périartérite noueuse, la maladie de Liebow et le syndrome de Churg et Strauss. D'autres signes dermatologiques tels qu'un purpura, un livedo, une gangrène ou des ulcérations coexistent. c) Les thrombophlébites nodulaires Les nodules sont alignés sur un trajet veineux et la palpation d'un cordon induré entre 2 nodules est très évocatrice. d) Les panniculites Le prototype en est la maladie de Weber-Christian (panniculite nodulaire aiguë fébrile, récidivante et non-suppurative). Les nodules peuvent siéger n'importe où sur les membres inférieurs, ont une taille>40mm et évoluent vers l'atrophie en laissant une dépression cutanée cupuliforme. DIAGNOSTIC ETIOLOGIQUE 1) Les infections streptococciques En dehors des causes indéterminées, c'est la cause la plus fréquente avec la sarcoïdose dans nos pays surtout chez l'adulte mais affirmer une origine streptococcique est parfois difficile: Le caractère très inflammatoire de l'érythème noueux, son caractère mal limité, la récidive, une desquamation à la phase résolutive et la possible association à des arthralgies sont de bons arguments d'orientation clinique. L'existence d'une infection par le streptocoque b-hémolytique du groupe A (angine, sinusite, infection dentaire), une sérologie streptococcique à titre élevé ou une hypersensibilité cutanée aux antigènes streptococciques font le diagnostic étiologique. Par contre, l'isolement du germe sans infection est sans valeur du fait d'un possible portage sain. Il convient dans ce cas de: - vérifier l'absence de protéinurie au décours de l'épisode infectieux traité par Péni ou macrolide - de rechercher et d'éradiquer tous les foyers infectieux latents ou patents. 2) La sarcoïdose Le syndrome de Löfgren associe adénopathies médiastinales, érythème noueux et anergie tuberculinique acquise et constitue 1/3 des formes de début. Nous ne reviendrons pas sur les moyens de diagnostic de la sarcoïdose. 3) primo-infection tuberculeuse ou plus rarement la réaction au BCG Ces étiologies doivent être évoquées de principe chez certains groupes de population et chez l'enfant ou l'adolescent. Ici non plus, nous ne reviendrons pas sur la clinique et le diagnostic d'une primo-infection tuberculeuse. L'immunothérapie par BCG intravésical pour cancer de vessie peut aussi être en cause. 4) Les autres étiologies infectieuses a) Yersinioses Elles sont particulièrement fréquentes dans certaines régions françaises. S'y associe parfois un érythème polymorphe. Les arguments cliniques d'orientation sont un épisode diarrhéique ou un syndrome pseudo-appendiculaire par adénite mésentérique. La sérologie peut apporter des arguments en faveur d'une yersiniose, mais seul l'isolement de la bactérie dans les selles dans le cas de Yersinia enterolitica chez la femme, ou dans un gg pour Yersinia pseudo-tuberculosis chez l'enfant affirme le diagnostic. Ici, la guérison de l'affection est spontanée mais habituellement un traitement par cycline est recommandé. b) Lymphogranulomatose vénérienne et maladie des griffes du chat Dans le cas particulier de la maladie des griffes du chat, l'érythème noueux peut être tardif par rapport aux griffures. Le seul moyen de diagnostic est la positivité de l'IDR à un antigène spécifique. c) Chlamydia psittaci La notion d'un épisode bronchopulmonaire chez un sujet vivant au contact des oiseaux ou des volailles doit être recherché. d) Viroses, parasitoses et mycoses - hépatite B, EBV, VIH - paludisme, helminthiase, toxoplasmose - mycoses superficielles inflammatoires telles que celles dues à Trichophyton mentagrophytes ou sulphureum, ou profondes telles que la coccidioïdomycose, la blastomycose ou l'histoplasmose. 5) Les maladies digestives: rectocolite hemorragique et Crohn L'érythème noueux peut précéder la maladie digestive ou plus couramment être contemporaine d'une poussée. 6) Les hémopathies Les principales hémopathies s'accompagnant d'un érythème noueux sont: - la maladie de Hodgkin ou un lymphome malin non hodgkinien - la leucémie à tricholeucocytes ou autre - La biopsie est ici systématique car il faut distinguer une localisation spécifique de l'hémopathie d'un érythème noueux. 7) Les aphtoses Dans l'aphtose bipolaire et dans la maladie de Behçet, le diagnostic différentiel avec une vascularite nodulaire prend toute son importance. Dans la maladie de Behçet, l'érythème noueux peut être unilatéral. 8) Les causes médicamenteuses L'utilisation des sulfamides, de beta-lactamines, d'oestroprogestatifs (et la grossesse), d'Antiinflammatoires non stéroidiens et de sels d'or peut s'accompagner d'un érythème noueux. 9) Erythème noueux idiopathique (20%) Il est parfois nécessaire de répéter le bilan étiologique si les lésions récidivent ou persistent. NB: l'"Erythème noueux" de la lèpre est en fait une vascularite nodulaire. TRAITEMENT 1) Buts Le traitement d'un érythème noueux est stéréotypé. Si une cause est retrouvée, il se doit aussi d'être étiologique. 2) Moyens Le repos au lit. Le traitement médicamenteux à base d'aspirine, d'indométacine ou d'iodure de potassium. 3) Indications Le repos est indispensable. A la phase résolutive ou lorsque le repos est impossible, la contention est recommandée. Le traitement médicamenteux fait appel d'abord à l'aspirine, puis à l'indométacine en cas d'échec, puis à l'iodure de potassium. Les corticoïdes sont déconseillés et inefficaces. 4) Résultats Le traitement accélère la régression de la symptomatologie. 5) Surveillance C'est celle de la régression des lésions. Le patient sera revu quelques semaines plus tard car une étiologie spécifique peut être découverte à ce moment (sarcoïdose, tuberculose, hémopathie...). CONCLUSION L'érythème noueux est une affection bénigne en elle-même. Sa constatation doit entraîner une enquête étiologique plus ou moins exhaustive selon le contexte cherchant à éliminer une affection streptococcique ou une sarcoïdose, qui sont les causes les plus fréquentes sous nos climat. La pathologie en cause fait le pronostic de l'affection.