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Coburn, W.J.(2002). A World of Systems : the Role of Systemic Patterns of Experience in
the Therapeutic Process. Psychoanalytic Inquiry, 22(5) : 655-677
Un monde de systèmes…
Traduit et résumé par Annette Richard
Un thème central de cet article : la distinction cruciale de deux niveaux conceptuels pour
comprendre les phénomènes psychologiques et l’action thérapeutique =
Il est important de noter que nous ne faisons pas nécessairement l’expérience du monde de la
manière qu’il semble fonctionner…. Il y a une division conceptuelle importante entre les
systèmes vivants qui s’interpénètrent (niveau conceptuel explicatif de l’expérience) et
l’expérience vécue individuelle actuelle (niveau conceptuel descriptif de l’expérience). (Pp. 10 et
12)
Introduction
Les théoriciens parlent moins maintenant de la transformation des principes organisateurs « à
l’intérieur » du patient, mais mettent l’accent davantage sur la coalescence et l’évolution des
principes organisateurs dont l’auteur et le propriétaire est la dyade analytique ou le système.
On parle des phénomènes psychologiques comme étant de propriété ambiguë, qui
se manifestent au niveau local de l’esprit individuel (rêves, fantaisies, etc.); une
perspective anti-« représentation mentale ».
On reconsidère ici l’idée de l’exploration du monde subjectif du patient. La
question est posée : c’est quoi exactement qui est « analysé » et potentiellement
transformé?
1er thème de l’article : élaboration de la théorie des systèmes intersubjectifs plus spécifiquement
en tant qu’appliquée aux concepts de contexte et d’interpénétration des systèmes. Cette
élaboration met en lumière la tension perceptuelle persistante dans la théorie psychanalytique
dans les tentatives de comprendre les phénomènes psychologiques par l’utilisation des modèles à
1 ou 2 personnes en alternance avec l’utilisation d’une lentille de mise en contexte ou de
systèmes, selon les besoins momentanés et particuliers du théoricien. Une tension due en large
part à la confusion entre les deux niveaux :
explicatifs (de l’expérience)
phénoménologiques (descriptifs de l’expérience)
dans les concepts clés, tels que self, transfert, processus intrapsychiques, individualité,
autonomie, représentation de soi et des objets et autres réifications (prendre la description d’une
expérience pour une chose qui explique l’expérience) de l’expérience personnelle vécue.
2e thème de l’article: l’idée des principes organisateurs dérivés des systèmes.
Utilité clinique de comprendre et d’articuler ces principes de cette manière :
la conceptualisation des patterns d’expérience qui sont réitérés ou « distribués » à
travers des mondes expérientiels multiples dans la vie du patient;
et la conceptualisation des phénomènes psychologiques en tant qu’émergents non
pas seulement à l’intérieur d’un contexte du système non linéaire (ou dynamique),
mais aussi à l’intérieur d’un supra système de systèmes(ou mondes subjectifs)
multiples qui s’interpénètrent, lesquels vont et viennent sans cesse et de manière
continue en relation les uns aux autres,
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mènent à un élargissement de nos idées au sujet du changement en thérapie.
De la structure à la complexité : une perspective de systèmes complexes en développement
Intersubjectivité
N’est pas une catégorie spécifique d’expérience
Mais réfère au contexte plus large de l’action perceptuelle, de l’interaction et de
l’experiencing humains. Un contexte qui est une précondition sans laquelle
aucune expérience ne peut exister.
Principes fondateurs de la théorie des systèmes intersubjectifs :
1. l’étude de la subjectivité et de l’expérience subjective;
2. le concept du champ intersubjectif : le phénomène psychologique ne peut être compris en
dehors du contexte intersubjectif dans lequel il se cristallise;
3. l’idée que nous, humains, avons tendance à organiser des stimuli non familiers en patterns
d’expériences significatives et ensuite à concrétiser ces patterns à travers la vie de tous les
jours = les principes organisateurs invariants (ou les structures psychologiques) qui
organisent l’expérience de soi et du monde. Le transfert= l’activité organisatrice.
4. La centralité de l’affect : l’organisation des patterns significatifs d’expérience se
développe via les régulations de soi et interactive, mutuelles et réciproques qui mènent à
l’organisation de patterns relationnels spécifiques.
5. L’accent mis sur l’interaction entre ressemblances humaines et différences humaines = les
conjonctions et disjonctions intersubjectives.
6. Le concept des trois domaines de l’inconscient, i.e. le préréflexif, le non validé, et le
dynamique.
7. La présence des fondements philosophiques spécifiques : l’existentialisme , la
phénoménologie, le structuralisme et l’herméneutique.
La théorie de l’intersubjectivité telle que formulée comme un structuralisme moderne
(Atwood et Stolorow, 1984) dans les années 80 : anticipait l’esprit de la théorie des systèmes
dynamiques non linéaires :
Le structuralisme implique d’abord un intérêt pour les relations entre les
phénomènes explorés plutôt que pour un phénomène pris isolément.
…n’est pas préoccupé par l’identification des connexions cause à effet, mais
cherche à comprendre les interrelations qui lient les différents phénomènes en
unités ou totalités structurales.
Les structures n’ont pas d’existence en dehors des phénomènes dans lesquels ils
sont discernés…
Le champ empirique d’une exploration structuraliste ne possède pas les
caractéristiques d’un système causal fermé et peut de fait être ouvert et donc,
imprévisible de façon inhérente. (pp.31-32)
Visions des systèmes complexes :
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La structure ou le pattern est vue comme émergeant des « processus auto organisateurs des
systèmes vivants continuellement actifs » (Thelen et Smith, 1994). La formation de la structure
émergente à l’intérieur d’un système dynamique se développe à partir de l’inter coordination ou
de l’interaction coopérative de ses éléments ou sous- systèmes quand ils se regroupent en pattern
auto organisateur.
Propriétés globales des systèmes complexes (Thelen et Smith) :
On différencie les systèmes ouverts et les systèmes fermés (équilibre entropique
stable).
Les systèmes ouverts : « stables mais loin de l’équilibre thermodynamique »; une
condition « maintenue par le flot continuel d’énergie et de matière libres dans et
hors du système ». …lorsque suffisamment d’énergie est pompée dans ces
systèmes, de nouvelles structures ordonnées peuvent spontanément apparaître
alors qu’elles n’étaient pas visibles au préalable ».
Il y a interaction non linéaire et non homogène entre les éléments. Cependant, les
éléments peuvent se stabiliser temporairement dans un pattern nouveau= le
système arrive alors à un état attracteur… (ex.: les personnes qui se placent dans
la même position après être passées d’une salle à une autre…).
Le développement et la transformation des systèmes ouverts : fluide, dynamique,
désordonné (messy), sensible au contexte, relativement imprévisible,
apparemment chaotique, apparemment au hasard.
Donc, le changement est émergent et sans plan a priori :
les apparences et la trajectoire du développement d’un système sont
déterminées par les composantes mutuellement organisatrices de ce
système et leurs configurations continuellement changeantes;
les résultats de ce processus non linéaire et dynamique du système
enfreignent les attentes de développement linéaire, ordonné, qui ont été
longtemps soutenus par les théories du développement qui présumaient une
progression téléologique et épigénétique.
Description de la complexité (ou des systèmes complexes) par Cilliers emprunté à Edelman (sa
description des réseaux neuroniques du cerveau) et à Prigogine:
La difficulté du projet d’un modèle des systèmes : le modèle doit être aussi complexe que l’objet
du modèle…
Une vision de systèmes « dans laquelle il y a plus de possibilités que ce qui peut être actualisé ».
Ses caractéristiques :
1. les systèmes complexes (SC) comprennent un grand nombre d’éléments (aspect
nécessaire mais non suffisant).
2. Les éléments doivent interagir d’une manière dynamique : pas nécessairement physique
mais pouvant impliquer un transfert d’informations d’un élément à l’autre;
3. De telles interactions doivent être riches (tout élément dans le système influence et est
influencé par plusieurs autres).
4. Les interactions sont non-linéaires (petite cause= grand résultat et vice versa).
5. Les interactions non linéaires ont souvent une portée réduite : mais même si elles sont
limitées à un effet immédiat proximal, elles ont une influence plus large aussi sur les
éléments plus distants.
6. Les éléments dans un SC partagent une qualité de récurrence, un effet de feedback.
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7. Les SC sont ouverts c.a.d. capables d’interagir avec leur environnement.
8. L’étendue d’un système est déterminé par le cadrage de l’observateur ou par le but de la
description du système. Le cadrage : une manière de définir des systèmes spécifiques
comme étant un système, un sous système, ou un supra système selon la perspective de
l’observateur.
9. Les SC ouverts fonctionnent dans des conditions éloignées de l’équilibre. L’équilibre
équivaut à la mort.
10. Les SC ont une histoire : leur passé est co responsable de leur comportement présent (Vs
naïveté du ici et maintenant).
11. Nature des SC est telle que « chaque élément dans le système est ignorant du
comportement du système dans son entier; il répond seulement à l’information qui est
disponible localement…. » (sinon toute la complexité devrait être présente dans cet
élément).
La pertinence de la complexité pour comprendre les phénomènes psychologiques et l’action
thérapeutique
Contradictions dans les formulations de la TI des années 80 :
Est-ce l’organisation de l’expérience du patient qui est saisie et articulée ou sont-
ce les configurations expérientielles dérivées du système qui sont explorées?
Dans les années 90 :
Une mise en contexte plus radicale : le sujet de la psychanalyse= les patterns
d’expériences dérivées du système qui semblent souvent se manifester au niveau
local de l’individu. L’intrapsychique - le niveau local- mis en contexte.
Autres contradictions (Trop et al. 1999) :
L’utilisation du structuralisme dans l’idée des structures ou principes invariants.
Ils proposent à la place : « patterns expérientiels perçus » (concept plus près de
l’expérience) ou « états attracteurs » (concept plus loin de l’expérience, plus
abstrait) VS « structures de subjectivité » et « principes organisateurs »(concepts
réifiants).
Mais perçus par qui? Comment exactement, les contours de l’expérience sont-
elles explorés, et comment le patient et l’analyste arrivent-ils collaborativement à
des visions consensuelles de l’expérience et des significations (Coburn, 2001)?
D’autres applications de la théorie des systèmes ouverts non linéaires à la psychanalyse :
Arnetoli (1999) » le connexionnisme, le processing parallèle distribué, et le
concept du réseau empathique…
Sucharov (2002): concept de contact empathique…
Essentiellement, ces perspectives comprennent les phénomènes psychologiques sous toutes leurs
formes (rêves, expérience émotionnelle, etc,) comme étant distribués à travers un réseau duquel
l’individu n’est qu’une partie. Les phénomènes psychologiques sont ainsi conceptualisés
comme potentiellement émergent au niveau local (i.e. dans le domaine
expérientiel, peut-être, mais pas nécessairement d’une personne seulement),
et comme un événement également généré de manière dyadique ou par le
système.
EX : Selon le cadrage, le phénomène psychologique peut être conçu comme distribué à travers le
réseau neuronal (plutôt que localisé à l’intérieur d’un neurone spécifique ou d’un ensemble de
neurone) d’un cerveau singulier, à travers de multiples réseaux neuronaux (par opposition à
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localisé) dans un cerveau singulier, OU à travers de multiples systèmes de réseaux neuronaux
(par opposition à un seul système dyadique ou un champ intersubjectif). Dans l’esprit de la TC,
ces phénomènes sont compris
comme émergeant des interactions auto organisatrices non linéaires entre
l’histoire du système
l’état actuel du système
et l’environnement du système.
Les phénomènes psychologiques sont vus (à travers la TC) comme étant de propriété ambiguë :
Anetoli : ils sont localisés et subjectifs mais aussi systémiques et
distribués parallèlement.
Sucharov : l’interpénétration de l’expérience dans la rencontre
analytique déloge l’expérience de son compartiment bien défini de
l’espace intrapsychique pour le répandre à travers le champ
relationnel.
Illustration par Ringstrom : l’expérience émergente, spontanée de la
relation improvisée…
Ces expansions récentes de la Théorie des systèmes intersubjectifs (TSI), en mettant l’accent sur
l’exploration des origines de l’expérience subjective, commencent à clarifier une vision plus
spécifique et moins contradictoire des ORIGINES de l’expérience subjective, et particulièrement
en ce que cette vision s’applique à notre compréhension de L’ACTION THÉRAPEUTIQUE :
Un concept de systèmes qui s’interpénètrent, un construit hypothétique qui vise à
conceptualiser un cadre de référence plus large et nécessairement plus complexe
pour comprendre l’expérience émotionnelle et le changement émotionnel (thème
élaboré plus loin).
Donc, le sujet de l’exploration thérapeutique pourrait être revu comme incluant, non seulement
l’expérience vécue subjective du patient, mais aussi les interactions systémiques qui constituent
la forme de cette expérience. Voici une distinction importante :
Ces modalités de mises en pattern (auto-organisation) de l’expérience (i.e. les
interactions systémiques) ou les « contours de l’expérience » n’opèrent pas en
arrière plan pour faire surgir l’expérience personnelle elle-même, mais elles
SONT l’expérience émergente, unique, actuelle et proximale.
Il est utile sur un plan conceptuel de ne pas dichotomiser les patterns de
l’expérience (les contours) et les expériences elles-mêmes…(ce ne sont pas
comme la rivière et ses rives, deux entités distinctes). L’expérience émotionnelle
et ses contours spécifiques sont inséparables, ils sont une seule et même chose.
Les contours de l’expérience ne résident pas dans l’inconscient du patient ou
celui du thérapeute, mais plutôt à l’interface des myriades de composantes auto
organisatrices dont le patient et le thérapeute n’en représentent que quelques-
unes.
Alors, qu’est ce qui suscite l’expérience subjective vécue? Quelles sont les origines de
l’expérience personnelle vécue?
Une réponse prometteuse : la compréhension de l’activité/capacité auto organisatrice d’une
multitude de systèmes complexes qui s’interpénètrent et leurs composantes variées.
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