Les préconditions du développement économique du Japon

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Démographie II.
Exposé dans le cadre du cours "Histoire économique A" du
25.03.2003
Fréderic Payot
Stefano Chiesa
Anton Rachinski
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Première partie: Les préconditions du
développement économique du Japon
I. Introduction
Comme chacun le sait et comme indiqué dans le livre d'Angus Maddison "L'économie
mondiale-Une perspective millénaire", le Japon est le seul pays asiatique faisant partie du
groupe A. Et ceci s'explique entre autres par une formidable expansion économique qui se
manifeste aujourd'hui par un PIB nominal par habitant quasi égal à celui des Etats-Unis (cf.
annexe 3).
On peut dès lors se demander pourquoi n'y a-t-il pas d'autres pays asiatiques dans ce fameux
groupe de tête, pourquoi le Japon a-t-il connu un développement si différent de ses confrères
continentaux?
Il est clair que la réponse à cette question n'est pas simple et qu'elle nécessite des recherches
approfondies. C'est donc par le biais de cet essai que je vais tenter d'y répondre en me basant
sur une période bien particulière de l'histoire du Japon: l'ère Edo qui se déroula de 1603 à
1868 sous le règne de la famille des Tokugawa. Mon travail va donc consisté à analyser
successivement deux périodes de prospérité bien distinctes de cette ère sous des aspects
sociaux, culturels, politiques, économiques et légaux afin de montrer quelles sont les
préconditions de l'expansion économique Japonaise.
Mais avant cela, il me semble nécessaire de poser le contexte historique ainsi qu'une brève
description du fonctionnement de la société sous le régime des Tokugawa.
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II Contexte historique et politique de l'ère Edo
Dès la fin du VIe siècle, les pouvoirs de l'empereur, qui siégeait à Nara, puis à Kyoto, furent
limités par le développement de la féodalité: un ou plusieurs chefs militaires détenaient la
réalité du pouvoir et leur autorité était déléguée en province à des gouverneurs, les daimyô.
Jusqu'au XVIe siècle, plusieurs familles se partagèrent ainsi le pouvoir: les Fujiwara, les Taira
et les Minamoto.
En 1600, le daimyô d'Edo (aujourd'hui Tokyo), Tokugawa Ieyasu (1543-1616), défit tous ses
opposants à la bataille de Sekigahara et pris pour lui seul le titre de shogun (général en chef).
Il unifia le Japon sur lequel sa famille maintiendra sa domination jusqu'en 1868, l'empereur ne
conservant uniquement ses fonctions spirituelles de grand prêtre du shintô (religion indigène
du Japon de type chamanique, vénérant les forces de la nature).
La dictature des Tokugawa fut marquée par la stabilité du régime pendant deux siècles et
demi: gouvernement fort et centralisé à Edo, hiérarchie sociale très rigide, fermeture du Japon
aux influences extérieures et la bourgeoisie commerçante prospérant, l'art se développa en se
dégageant de l'influence chinoise.
Au XIXe siècle, cet isolationnisme se heurta à la pression grandissante des Etats-Unis et des
pays européens, soucieux d'ouvrir le Japon à leur commerce. En 1854, le commodore
américain Perry, commandant une escadre de la marine de guerre, fit ouvrir sous la menace
deux ports japonais (Shimoda et Hakodate). En quelques années, le Japon se trouva ouvert à
tous les pays étrangers et l'empereur Mutsuhito (1867-1912) prit la tête d'un mouvement
national qui obligea le dernier shogun, Tokugawa Yoshinobu (1837-1913), à se retirer le 9
novembre 1867. La monarchie fut rétablie, et la capitale Edo, rebaptisée Tokyo.
A partir de 1868, l'ère Meiji (ère des lumières) mit un terme à l'ère Edo en abolissant la
odalité, à laquelle succéda un Etat centralisateur, gouverné par une monarchie
constitutionnelle, qui ouvrit le Japon au monde moderne.
III. Les préconditions du développement économique
1. Première période: de 1600 à 1750
1.1 Facteurs sociaux:
a) Les théories sociales du confucianisme:
Le confucianisme n'est pas une religion, mais plutôt un code moral pour la vie en société avec
une perspective humaniste. Il n'existe de dévotion à aucun dieu, mais un respect d'une
hiérarchie stricte pour permettre un fonctionnement optimal et sans conflit de la société.
L'individu se doit de rechercher le perfectionnement personnel, en tentant de devenir meilleur,
en étudiant et en perfectionnant ses relations suivant cinq principes:
Relations de prince à ministre
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Relation de père à fils (principe de pouvoir)
Relation de femme à mari
et de cadet à aîné (principe de respect)
Relation d'ami à ami (principe de loyauté)
Ce qui signifie en clair qu'on doit respect et obéissance à celui dont la situation sociale est
plus élevée.
Il est à noter que recevoir du respect signifie en contrepartie être digne de lui et se comporter
de manière droite et juste, c'est-à-dire éviter les abus de pouvoir.
En se basant sur ces théories, les Tokugawa créèrent une hiérarchie sociale à quatre échelons.
Au sommet viennent les guerriers administrateurs, puis les paysans, les artisans et enfin les
marchands. Le premier ordre reproduit les grandes lignes de l'organisation militaire de la
période féodale; c'est une nouvelle aristocratie constituée de samouraïs (bushi en japonais) qui
n'ont pas le droit de se mêler aux autres couches de la société et qui portent, comme signe
distinctif, deux sabres. Malgré leur influence sur la vie économique et culturelle du pays, les
marchands viennent en bas de l'échelle sociale.
b) Les rapports sociaux:
La féodalité décentralisée, l'empereur restant en marge de tout lien féodal, présentait une
particularité: les rapports sociaux y étaient réglés par la morale et le devoir l'emportait sur le
droit. Le despotisme du supérieur ne s'exprimait pas à travers un absolutisme personnel. Le
rôle du chef était de légitimer les décisions prises par un consensus élaboré en dessous de lui.
Le devoir de loyauté du féal s'accompagnait aussi du devoir de reprendre éventuellement ses
supérieurs fautifs.
c) La motivation des paysans:
Au début du XVIIe siècle, alors que les paysans devaient payer des droits de propriété
excessifs pour pouvoir exploiter des terres, ils firent preuve d'une motivation exceptionnelle.
Augmenter leur productivité et donc leur volume de production leur permettrait d'acquérir une
indépendance certaine se manifestant ainsi par une possibilité d'acheter des terres et donc de
ne plus devoir payer de taxes. On a pu donc observé à cette époque, non seulement une
croissance de la production, mais aussi une croissance du nombre de ces paysans
indépendants. Et cette motivation grandissante joua un rôle essentiel dans la révolution
agricole du début du XVIIe siècle et qui sera expliquée plus loin.
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1.2 Facteurs culturels:
a) Recherche de l'harmonie et du compromis:
Les japonais ont toujours tentés de domestiquer leur nature tumultueuse et violente par la
recherche de l'harmonie à travers l'agencement des espaces ainsi que par la recherche du
compromis. A ceci s'ajoute la rigueur de la culture du riz, ressource initiale essentielle, qui
exigeait un dur travail communautaire dans les rizières où est né le sens du groupe consensuel.
Et la prééminence de cette notion de groupe, qui s'appuyait sur la solidarité entre les membres
et leur dévouement total, reste toujours le fondement du corps social.
b) Le pragmatisme des japonais:
Le relativisme pratiqué par les japonais explique aussi leur très grand pragmatisme qui les
conduit à séparer l'apparence de la réalité et à absorber les cultures et les technologies venues
de l'extérieur, mais aussi à résister à des religions et à des idéologies considérées comme trop
absolues.
c) Rejet de la religion chrétienne:
Les Tokugawa n'ignoraient pas les progrès de l'expansion coloniale européenne en Asie du
Sud-Est et ils savaient que les missionnaires chrétiens avaient souvent ouvert la voie à la
pénétration militaire et à la conquête. Les autorités japonaises eurent peu à peu la conviction
qu'il importait de bannir le christianisme pour assurer la stabilité politique et la sécurité du
pays. De plus, le christianisme présentait une caractéristique différente des religions déjà
existantes, celle d'être fondée sur l'individualisme et d'être ainsi en rupture avec la conscience
de groupe. Tokugawa Ieyasu lança alors des édits qui interdirent le christianisme et
menacèrent de mort les convertis qui refusaient d'abjurer.
1.3 Facteurs politiques:
a) L'unification politique du Japon:
Les Tokugawa mirent en place, dès le début du XVIIe siècle, une solide administration
centrale capable de gérer le pays tout entier et qui se signalait par son double caractère
bureaucratique et collégial. En dépit du contexte social typiquement féodal, les conditions de
recrutement des fonctionnaires étaient régies par des procédures bureaucratiques. Si le statut
héréditaire limitait le choix des postes auxquels chacun pouvait prétendre, le talent individuel
restait, à l'intérieur de ces limites, la clé des carrières, principalement pour l'accès aux emplois
supérieurs. Le second trait caractéristique était la collégialité des décisions. Dans tous les
domaines, la responsabilité collective primait l'autorité individuelle.Les détenteurs des
fonctions officielles ne jouaient qu'un rôle de figurants et la réalité du pouvoir appartenait à
des conseils et à des fonctionnaires travaillant par paires.
b) la police secrète de Edo:
Le gouvernement de Edo institua une catégorie spéciale de fonctionnaires - les metsuke -
faisant à la fois office de censeurs chargés de dénoncer les mauvais serviteurs de l'Etat et de
mouchards préposés à la surveillance des hommes et des groupes suspects au régime. Ainsi, le
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