Calédonie le 20, tous ces territoires viennent asseoir le socle géographique de la France libre.
L’échec de Dakar, bien qu’imminent n’a pas encore entaché cette heureuse et pacifique série
de ralliements et c’est donc tout naturellement que le cas de Saint-Pierre-et-Miquelon est
évoqué ouvertement à l’amirauté britannique.
Un premier projet d’opération est ainsi élaboré par les FNFL le 11 octobre 1940 :
fondé sur la surprise et la rapidité, il dresse un rapport assez complet de la situation politique
des îles, de l’état d’esprit de la population et des moyens militaires à mettre en œuvre. Ce
rapport, qui donne une marche à suivre assez précise concernant les étapes de la prise de
possession amène deux enseignements principaux. D’abord, il trahit un état d’esprit empreint
de prudence, voire de méfiance et de doute. Bien que la population soit qualifiée de « mûre »
pour l’opération, des interrogations subsistent quant au vrai visage politique de
l’administrateur de Saint-Pierre et de son gouvernement, apparemment pétainistes. L’épisode
malheureux de Dakar a durablement marqué les esprits et le rapport préconise en premier lieu
l’emploi de méthodes de pression économique (l’île étant sous perfusion financière) et de
coercition pour rallier la population : selon l’amiral Muselier, l’occupation du gouvernement
devrait amener l’ensemble des habitants à se ranger derrière la France Libre en évitant toute
effusion de sang. Nous sommes ni plus ni moins dans l’état d’esprit d’un siège à tenir, seule
alternative envisageable aux risques de combats fratricides. Ensuite, le deuxième
enseignement que l’on pourrait tirer de ce rapport initial, c’est son approximation. Il montre à
quel point les FNFL ne connaissent pas encore réellement à cette date la situation politique de
Saint-Pierre-et-Miquelon.
Pourtant, très rapidement, des signes très encourageants se multiplient : une
déclaration publique et télégraphiée des anciens combattants de l’île qui garantit le soutien de
l’ensemble de l’île au mouvement du général de Gaulle, mais aussi et surtout les rapports des
agents consulaires britanniques, en particuliers de dominions tels que Terre-Neuve. Vite repris
par les services français dans le courant du mois d’octobre 1940, ils font état d’une réalité
sociopolitique Saint-Pierraise bien tranchée. En effet, l’administrateur, et la frange aisée de la
population (à part les banquiers) sont clairement en faveur de Vichy. En revanche, l’écrasante
majorité de la population aux revenus modestes, les équipages de chalutiers soutiennent
fermement le général de Gaulle et les valeurs qu’il représente. Ce clivage peut s’expliquer
principalement par des raisons économiques : la partie aisée de la population possède des
fonds français et craint de voir le franc s’effondrer dans le cas où l’île rejoindraient la France
libre. De plus, elle a peur de voir les chalutiers immobilisés dans le port être réquisitionnés et
voir l’une de ses principales sources de revenus se tarir. Pourtant, nous l’avons vu, la base