Exemple traité du ralliement de Saint-Pierre-et-Miquelon par

Exemple traité du ralliement de Saint-Pierre-et-Miquelon par les FNFL
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On connaît la valeur des symboles dans la lutte que mène les Forces Françaises Libres
contre l’ennemi fasciste. Leur contribution concrète est une goutte d’eau noyée dans l’océan
d’une guerre mondiale aux proportions démesurées, pourtant la valeur morale de leur combat
est essentielle -voire salutaire- pour la renaissance de la République, de la démocratie et des
valeurs universelles de la France d’après guerre. Dès lors, l’épisode du ralliement de Saint-
Pierre-et-Miquelon ne doit pas être envisagé comme le rattachement insignifiant d’un
minuscule bout de France à l’autorité du général de Gaulle mais comme « une victoire de la
force de volonté et de l’esprit d’indépendance » pour reprendre une expression de l’historien
anglais Philip Bell.
Ce petit bout de terre, perdu aux confins du vaste empire français (cf. annexes C1 et
C2) a son histoire liée à la couronne de France depuis 1536, date à laquelle Jacques Cartier y
débarque ; il s’étonne d’ailleurs d’y trouver « tant de navires de France et de Bretagne ».
Depuis la fin du XVème siècle, les basques et les bretons fréquentent en effet les îles en
secret, pour ne pas révéler l’existence de la zone de pêche locale et en garder l’exclusivité.
Les racines de ces deux peuples dans les îles sont fortes, tout comme leur attachement à la
lointaine métropole. Aussi, elles constituent un modèle de patriotisme et malgré l’exemption
de mobilisation dont elles bénéficient, leurs maigres ressources démographiques sont
lourdement mises à contribution pendant la première guerre mondiale. L’entre deux guerres
voit l’avènement d’une période de prospérité qui vient chasser le chômage et la morosité :
Saint-Pierre-et-Miquelon profite énormément de la prohibition américaine pour devenir une
plate forme florissante du commerce d’alcool. Ce commerce, légal dans les eaux françaises,
alimente la contrebande à destination des Etats-Unis. Mais en 1933, la fin de la prohibition
plonge les îles dans une grande détresse économique et sociale : faute de matière imposable,
l’Etat se désengage en remplaçant le gouverneur par un administrateur et réduit l’état-major
local à sa plus simple expression. La misère s’installe, l’émigration vers le Canada
s’intensifie. C’est dans cette situation que Saint-Pierre-et-Miquelon entre dans la seconde
guerre mondiale, pourtant peut-être avec plus d’acuité qu’ailleurs, c’est une profonde
consternation, mêlée d’humiliation qui traverse la population lorsque arrivent les nouvelles de
l’armistice. Dès la première heure, la centaine de membres des anciens combattants, fort d’un
soutien populaire répond à l’appel du 18 juin.
Pourtant, du côté de la France libre, les priorités sont d’abord bien éloignées de Saint-
Pierre-et-Miquelon : il faut s’organiser, former une structure administrative, diplomatique et
surtout militaire cohérente avant de songer à mener la campagne du ralliement de l’empire.
On songe plus à l’Afrique, aux possessions d’Asie qu’à ces îles minuscules. Chez les FNFL
pourtant, le projet aux contours encore flou d’un ralliement de Saint-Pierre-et-Miquelon se
dessine très rapidement. s lors, l’amiral Muselier n’a de cesse d’y penser, et multiplie les
préparatifs et les discussions avec l’amirauté britannique en vue d’une telle expédition :
longtemps reportée pour des raisons tantôt militaires, tantôt politiques, elle parait devenir en
1941 plus judicieuse avec l’apparition du corps de corvettes FNFL qui escorte les convois
dans l’Atlantique nord. En décembre 1941, c’est dans un contexte international agité (attaque
de Pearl Harbour, entrée en guerre des Etats-Unis) que le Comité National Français reprend
l’affaire en main et décide d’agir de façon autonome et unilatérale : le ralliement de Saint-
Pierre-et-Miquelon par les forces navales de l’amiral Muselier le 24 décembre devient le
déclencheur d’une crise diplomatique aux proportions démesurées.
Ainsi, on peut se demander comment le CNF, pris au milieu d’une tempête
diplomatique aux enjeux d’envergure internationale qui le dépassent, parvient néanmoins à en
sortir renforcé dans son pouvoir et sa souveraineté.
Pour répondre à cette question, nous étudierons donc dans une première partie la
genèse de l’opération chez les Forces Française libres, puis les détails de la crise diplomatique
qu’elle provoque, pour enfin nous intéresser à la réhabilitation de l’île et sa participation à la
guerre.
I] Le ralliement de Saint-Pierre-et-Miquelon : un objectif essentiel de la France libre
A. Une action prévue de longue date
La perspective d’un ralliement des îles par la France libre remonte à ses tout débuts :
elle est évoquée pour la première fois officiellement lors de la réunion entre l’ amiral Muselier
et le First Sea Lord, Sir Dudley Pound le 19 septembre 1940. Elle naît d’une part de la
réponse empressée du comité des anciens combattants de Saint-Pierre-et-Miquelon à l’appel
du 18 juin, ainsi que du contexte d’euphorie qui voit des pans entiers de l’empire français
défaire leurs dernières attaches avec le régime de Vichy pour rejoindre spontanément le
général de Gaulle : en Afrique, d’abord le Tchad de Félix Eboué, puis du 27 au 29 août les
ralliements du Cameroun, du Congo et de l’Oubangui-Chari ; mais aussi les Nouvelles-
Hébrides, la Polynésie le 2 septembre, les sept établissements français d’Inde, la Nouvelle
Calédonie le 20, tous ces territoires viennent asseoir le socle géographique de la France libre.
L’échec de Dakar, bien qu’imminent n’a pas encore entaché cette heureuse et pacifique série
de ralliements et c’est donc tout naturellement que le cas de Saint-Pierre-et-Miquelon est
évoqué ouvertement à l’amirauté britannique.
Un premier projet d’opération est ainsi élaboré par les FNFL le 11 octobre 1940 :
fondé sur la surprise et la rapidité, il dresse un rapport assez complet de la situation politique
des îles, de l’état d’esprit de la population et des moyens militaires à mettre en œuvre. Ce
rapport, qui donne une marche à suivre assez précise concernant les étapes de la prise de
possession amène deux enseignements principaux. D’abord, il trahit un état d’esprit empreint
de prudence, voire de méfiance et de doute. Bien que la population soit qualifiée de « mûre »
pour l’opération, des interrogations subsistent quant au vrai visage politique de
l’administrateur de Saint-Pierre et de son gouvernement, apparemment pétainistes. L’épisode
malheureux de Dakar a durablement marqué les esprits et le rapport préconise en premier lieu
l’emploi de méthodes de pression économique (l’île étant sous perfusion financière) et de
coercition pour rallier la population : selon l’amiral Muselier, l’occupation du gouvernement
devrait amener l’ensemble des habitants à se ranger derrière la France Libre en évitant toute
effusion de sang. Nous sommes ni plus ni moins dans l’état d’esprit d’un siège à tenir, seule
alternative envisageable aux risques de combats fratricides. Ensuite, le deuxième
enseignement que l’on pourrait tirer de ce rapport initial, c’est son approximation. Il montre à
quel point les FNFL ne connaissent pas encore réellement à cette date la situation politique de
Saint-Pierre-et-Miquelon.
Pourtant, très rapidement, des signes très encourageants se multiplient : une
déclaration publique et télégraphiée des anciens combattants de l’île qui garantit le soutien de
l’ensemble de l’île au mouvement du général de Gaulle, mais aussi et surtout les rapports des
agents consulaires britanniques, en particuliers de dominions tels que Terre-Neuve. Vite repris
par les services français dans le courant du mois d’octobre 1940, ils font état d’une réalité
sociopolitique Saint-Pierraise bien tranchée. En effet, l’administrateur, et la frange aisée de la
population (à part les banquiers) sont clairement en faveur de Vichy. En revanche, l’écrasante
majorité de la population aux revenus modestes, les équipages de chalutiers soutiennent
fermement le général de Gaulle et les valeurs qu’il représente. Ce clivage peut s’expliquer
principalement par des raisons économiques : la partie aisée de la population possède des
fonds français et craint de voir le franc s’effondrer dans le cas l’île rejoindraient la France
libre. De plus, elle a peur de voir les chalutiers immobilisés dans le port être réquisitionnés et
voir l’une de ses principales sources de revenus se tarir. Pourtant, nous l’avons vu, la base
populaire penche très nettement en faveur de la France libre : les émissions de radio (seul
vecteur d’information sur le monde extérieur) de la BBC où elle peut en suivre les succès sont
écoutées avec beaucoup d’intérêt, alors que Radio-Paris est largement boudée. La fracture
entre la classe dirigeante locale et l’opinion publique ne tarde donc pas à se manifester de
façon ponctuelle mais marquante : une manifestation éclate le 8 septembre 1940, au cours de
laquelle les prisonniers gaullistes ont été libérés de prison au chant de la Marseillaise et sous
les « Vive De Gaulle ! ». D’autres incidents surviennent, entre le comité des anciens
combattant et l’administrateur et lors d’une campagne d’affichage de propagande vichyste (les
affiches sont arrachées ou couvertes de croix gammées).Tout au long de l’année 1941, des
signaux positifs se manifestent et viennent consolider la défiance de la population envers
Vichy : tout le courrier en provenance de Saint-Pierre tend à prouver que la situation
économique dans les île est lamentable, que le chômage devient insupportable, tout comme
l’oisiveté malsaine qui est réservée à la jeunesse. En clair, la situation à Saint-Pierre-et-
Miquelon devient idéale en vue d’une intervention facile : le mouvement du général de Gaulle
y a pour ainsi dire tout à gagner et rien à perdre.
En effet, les îles présentent un intérêt multiple pour les forces françaises libres. Depuis
l’armistice, 12 gros chalutiers avec mille marins y sont venus trouver refuge et y attendent
dans l’indécision une solution à leur sort : il y aurait donc intérêt pour les FNFL de
réquisitionner le matériel et de rallier le personnel, d’autant que la pénurie de marins qualifiés
pénalise fortement les forces de l’amiral Muselier. La réquisition aurait de plus un double
avantage : celui bien sûr de voir le nombre de patrouilleurs armés augmenter, mais aussi
l’occasion de voir la nouvelle fonction de ces bâtiments libérer une bonne partie des
équipages. De plus, disposer d’une base FNFL avancée au large de Terre-Neuve conférerait
un avantage tactique non négligeable : les convois et les escorteurs passent assez près de
Saint-Pierre-et-Miquelon et pourraient s’y ravitailler, voire s’y faire réparer. Dans un contexte
la bataille de l’Atlantique s’intensifie et gagne les abords du continent américain, l’intérêt
stratégique des îles est bien perçu par l’amirauté britannique et le Comité National Français.
Mais il ne faut pas s’y tromper : les répercussions principales que l’on attend d’un éventuel
ralliement sont avant tout symboliques et morales. Il s’agit de laver l’échec de l’expédition de
Dakar, et d’intégrer au mouvement gaulliste ce petit bout du territoire qui est resté si attaché
aux valeurs universelles de l’ancienne République. L’enjeu sur le moral des français libre est
capital, il est amplifié par l’occasion qui se présente pour le général De Gaulle de légitimer un
peu plus sa position aux yeux de ses alliés.
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