Jean Tirole, et d'une thématique, la modélisation des comportements des agents sur les
marchés. L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), lui, créé en 1981
par Jean-Marcel Jeanneney pour éclairer le pouvoir socialiste néophyte, puis développé par
Jean-Paul Fitoussi, est plutôt l'héritier d'une filiation théorique keynésienne.
tradition marxiste très présente
Le paysage inclut également depuis longtemps une école " critique " née dans les années
1970 autour de brillants mathématiciens sortis de Polytechnique, comme Robert Boyer et
Michel Aglietta, passés par l'Ecole nationale de la statistique appliquée à l'économie (Ensae)
et néanmoins décidés à emprunter aux autres sciences sociales pour enrichir la
compréhension critique de l'économie. Une économie considérée comme la résultante
d'institutions politiques et de structures sociales, selon la tradition marxiste très présente en
France depuis l'après-guerre. C'est l'école dite " régulationniste ", dont l'héritier, créé en
1967, est le -Cepremap, dirigé aujourd'hui par Daniel Cohen et animé par Philippe
Askenazy.
Une autre branche " critique " regroupe des économistes comme Jean-Pierre Dupuy, Olivier
Favereau, André Orléan, Robert Salais, dans ce que l'on appelle l'économie des
conventions, créée dans les années 1980 en partant de l'analyse de la coopération entre
individus. André Orléan est le fondateur de l'Association française d'économie politique
(AFEP), qui se réclame d'une approche " pluraliste " et pluridisciplinaire de l'économie par
opposition à ce qu'il dénonce comme le prisme modélisateur et 100 % mathématiques des
économistes traditionnels.
Professeur à l'Ecole supérieure de commerce de Paris (ESCP), Jean-Marc Daniel, qui va
publier Trois Controverses de la pensée économique - travail, dette, capital (Odile Jacob),
propose une autre généalogie de la diversité des économistes français, qu'il scinde en trois
parties. La première, spécificité française, est " l'économie au pouvoir ", celle des experts de
la direction du Trésor, de la direction de la Prévision, de l'Insee et de la Banque de France.
Les économistes universitaires seraient quant à eux marqués par leur rattachement originel
aux facultés de droit : " L'économie est restée pour beaucoup en France une composante de
la réflexion générale sur la société. " C'est de cette tradition qu'est née, soutient Jean-Marc
Daniel, la participation directe des économistes aux débats politiques à travers les nombreux
think tanks qu'ils animent, d'Attac à Génération libre.
La troisième composante est celle des ingénieurs économistes, héritiers de Walras. Sous
l'égide de Maurice Allais (1911-2010), X-Mines et Prix Nobel d'économie en 1988, des
générations d'économistes ont été formées dans les grandes écoles d'ingénieurs françaises
grâce au triomphe des mathématiques sur les sciences sociales au sein de la science
économique mondiale, américaine en particulier, au début du XXe siècle.
Car un autre élément structure ce paysage. Les pays qui ne sont pas dominants en matière
de science économique, affirme Jean-Marc Daniel, survalorisent les approches "
hétérodoxes " et " critiques " ; ce fut le cas de l'université française face à la domination
anglaise et germanique à la fin du XIXe, et face à la domination américaine à partir de 1945.
D'où l'apparition du courant post-marxiste et post-keynésien de la théorie de la régulation
dans les années 1960-1970. " Leur force était d'être des mathématiciens, polytechniciens et
normaliens ", ce qui leur permettait d'être écoutés par la communauté internationale dans
leur volonté de dépasser le marxisme, mais aussi la pensée dominante anglo-saxonne.
C'est sous l'aile protectrice d'économistes comme François Perroux, à l'université, ou
Edmond Malinvaud, à l'Insee, que cette approche à la fois mathématique et critique a pu se
développer, avec d'un côté, les héritiers des deux Nobel Maurice Allais et Gérard Debreu,
comme Roger Guesnerie ou Jean Tirole, et de l'autre, les " régulationnistes " comme Robert