Petit guide, à destinations des banques, pour tuer l’économie réelle Fin 2008, la crise financière a fait partir en fumée près de 30 000 milliards $ de capitalisation boursière, soit une chute moyenne de 50% de la valeur de l’ensemble des actions échangées sur les marchés boursiers mondiaux, et tout ça en à peine quelques mois. Pour certains adeptes de la méthode Coué, il s’agit d’un retournement sévère mais inattendu faisant suite à un enchainement d’incidents de parcours ; cela ne remettant pas en cause le modèle financier en tant que tel. A l’inverse, notre analyse nous donne plutôt à penser que cette correction majeure est le résultat de l’éclatement d’une bulle spéculative elle-même créée par le comportement habituel et rationnel du marché. Dès lors que cette crise est le résultat du fonctionnement de la société, il importe de clarifier tant le contexte de base que les mécanismes qui nous ont menés jusque là et d’agir en profondeur afin de réformer un système que l’on peut qualifier de « prédateur ». Le contexte 1) La forte progression des excédents commerciaux asiatiques (principalement chinois) et des pays producteurs de gaz et de pétrole a mis sur le marché mondial une épargne abondante qui cherche un endroit pour être placée. Rien qu’entre 2000 et 2008, l’excédent commercial cumulé de ces pays sur les USA et l’UE s’élève à près de 6 000 milliards $. Déficit com m ercial de l'UE envers certains pays en m illiards € Déficit com m ercial des USA envers certains pays en m illiards $ 0 0 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 -100 -50 -200 -100 -300 -150 -400 -200 -500 -250 -600 -300 -700 -350 -800 Asie Brésil Pays énergétiques Opep EU Alena Asie 2) Suite à l’éclatement de la bulle internet (2000) et au fort ralentissement économique américain (2001), la banque centrale américaine (Fed) a mené une politique monétaire expansionniste (c'est-à-dire d’augmentation de la masse monétaire) grâce à des taux d’intérêt très faibles. Notons que la réactivité et l’audace de la Fed était alors encensée à travers le monde. 3) L’Euro s’est largement apprécié depuis le début des années 2000. Cela a renchéri les exportations européennes et, à l’inverse, encourager les importations. Cette baisse de compétitivité a freiné la croissance de bon nombre d’entreprises européennes. Cela a, en outre, découragé les investissements industriels sur le sol européen notamment pour des produits réservés à l’exportation. Dès lors, la Banque Centrale Européenne (BCE) a dû maintenir un écart de taux d’intérêt (spread) relativement faible par rapport à celui des Etats-Unis de peur d’assister à un afflux massif de capitaux vers la zone Euro, ce qui aurait encore renforcé sa monnaie. 1 Spread entre les taux d'intérêt US et Euro Com paraison des taux d'intérêt aux USA et en zone euro 4% 7% 3% 6% 5% 2% 4% 1% 3% 0% 1999 -1% 2% 2001 2003 2005 2007 2009 1% 0% 1999 -2% 2001 2003 Taux Fed 2005 2007 Taux BCE 2009 -3% -4% D’un coté, il y a donc beaucoup d’argent disponible à placer et ce d’autant plus qu’emprunter ne coûte rien. De l’autre coté, la faiblesse des taux d’intérêt rend les bons et obligations peu intéressants. De même, la force de l’euro décourage l’investissement (étranger) productif en Europe. Les financiers vont dès lors se tourner vers d’autres types de placement plus rémunérateurs. Ca sera l’immobilier aux Etats-Unis et les grandes fusions et acquisitions à l’échelle mondiale. L’allumette Tout petit, on se faisait gronder lorsqu’on jouait avec des allumettes ; encore plus en présence de produits inflammables. C’est la leçon que semblent avoir oubliés les financiers qui ont monté les subprimes. Mais au fait c’est quoi un subprime ? A la base, c’est tout simplement un crédit hypothécaire à taux variable. En contrepartie du crédit immobilier, le créancier (généralement une banque) prend en gage le logement acheté par l’emprunteur. Si ce dernier ne peut rembourser, le logement laissé en garantie est saisi et revendu par le créancier afin de récupérer sa mise de base. A priori, il s’agit donc d’un crédit immobilier classique. Toutefois, les subprimes ont quelque chose de particulier par rapport aux autres crédits hypothécaires : c’est qu’ils sont destinés à des emprunteurs à la situation financière plus délicate que la moyenne, voire très délicate. Sans subprimes, ces ménages peu solvables n’auraient jamais pu acquérir leur logement. Aucun créancier n’aurait pris le risque de leur prêter l’argent nécessaire vu la faiblesse de leurs rentrées financières. C’est donc en grand bienfaiteur libéral de l’humanité que le président Sarkozy s’est, à l’époque, prononcé pour l’instauration d’un mécanisme identique en Europe. Selon lui, les subprimes étaient LA solution pour améliorer l’ordinaire de millions de citoyens. On voit maintenant où cela nous aurait amené, alors que les politiques de logement sociaux ont fait leurs preuves et que, comme nous le réclamons depuis de nombreuses années, ce n’est pas de dettes dont ont besoins les travailleurs mais bien d’une juste rémunération ! Les subprimes sont dès lors des crédits à risque ; la probabilité de non-remboursement étant plus forte. Le taux d’emprunt est supérieur à celui d’un crédit hypothécaire classique. Il inclut en effet une prime qui rémunère le créancier contre le risque plus élevé de défaut de remboursement. A priori, le subprime est donc un crédit cher. Pour que le crédit reste attirant pour l'emprunteur, les créanciers ont dû utiliser plusieurs astuces. Généralement, ils ont appâté les clients en retardant de quelques années le début du remboursement du crédit. « Achetez maintenant et ne remboursez que dans deux ans ! » Autre cas classique, ils ont 2 exigés des clients qu’ils placent une certaine somme d’argent dans un produit financier géré par le créancier. Ce sont les gains enregistrés par ce produit financier qui auraient dû permettre une réduction des mensualités… à condition que le marché financier soit orienté à la hausse. Enfin, n’oublions pas également que le taux était variable, ce qui permettait d’emprunter à un taux moindre que pour du fixe et surtout de brusquement l’augmenter par la suite. Pour les créanciers, les subprimes étaient considérés comme individuellement risqués mais globalement sûrs et rentables. Si un emprunteur ne pouvait payer, le prêteur récupérerait son logement et le revendrait. Or, comme les prix de l’immobilier progressaient rapidement, le risque de moins-value était donc inexistant… en théorie. Néanmoins, il y avait un tout petit problème. Vu que les prêts étaient proposés par des courtiers en crédit rémunérés à la commission, ceux-ci se sont véritablement décarcassés pour vendre un maximum de crédits… jusqu’à falsifier les documents attestant de la capacité d’emprunt des ménages. Aussi, ces mêmes courtiers ont également proposé à des propriétaires d’augmenter le montant de leur crédit en cours sur le simple fait que le prix de leur logement grimpait. On a donc assisté à une explosion du nombre de dossier de subprime jusqu’au jour où des ménages n’ont plus su rembourser. La multiplication de ces défaillances marque l’éclatement de la bulle financière des subprimes. Les banques régionales américaines qui au travers des courtiers ont prêtés de sommes importantes d’argent à des ménages peu solvables, veulent récupérer les sommes avancées et vont dès lors saisir bon nombre de logements. Dans certains quartiers, plusieurs maisons sont saisies et mises en vente. Le problème est qu’il n’y a pas suffisamment de candidats acheteurs. L’offre immobilière excède la demande et, inévitablement, les prix diminuent. Constant leurs pertes, les banques ont voulu compenser ces dernières en accroissant les taux d’intérêt. Les augmentations de mensualité se sont soldées par de nouvelles cessations de paiement, de nouvelles saisies et par conséquent de nouvelles baisses des prix immobiliers. On estime que 3,1 millions de procédures de saisies immobilières ont été engagées ou ont abouti en 2008 aux Etats-Unis. On en arrive à parler de prêts « prédateurs ». L’allumette et la poudrière Tout ceci n’aurait dû rester qu’une crise immobilière. L’allumette aurait causé des dégâts limités à l’économie américaine sans dommages collatéraux majeurs, mais les banques ont titrisé leurs créances, créant de la sorte une véritable poudrière. Il ne manquait aucun ingrédient pour que cela explose. Mais au fait, c’est quoi la titrisation ? C'est une technique financière qui consiste à transformer des actifs en titres financiers négociables sur le marché boursier. Lorsqu’une banque prête de l’argent, on dit qu’elle détient une créance. Ces créances sont des actifs financiers inscrits dans le bilan de la banque. La titrisation va dès lors consister à transformer ces créances en titres de manière à pouvoir les vendre à un autre opérateur économique. En théorie, on pourrait transformer toutes les créances et tous les autres actifs qui génèrent un revenu récurent en titres financiers. Ainsi, une entreprise pourrait titriser ses factures émises ou même ses prévisions de revenus. A la limite, un Etat pourrait titriser ses recettes fiscales encore à percevoir. Dans le cas qui nous occupe, les banques régionales américaines ont transformé des crédits immobiliers en produits financiers. La technique la plus classique pour une banque consiste à vendre un portefeuille d’actifs peu liquides comme ses crédits immobiliers à une entité intermédiaire spécialement créée pour la cause qu’on appelle « véhicule spécial » (SPV ou SVI). Cette société intermédiaire, 3 généralement localisée dans un paradis fiscal, fait en réalité partie de la banque mais dispose d’une comptabilité indépendante. Son rôle est de découper le portefeuille en tranches sur base de la probabilité de défaut de remboursement. Elle va ainsi séparer les bons risques, des moins bons risques et des crédits pourris, c'est-à-dire ceux pour lesquels la probabilité de remboursement est la plus faible. Elle va ensuite créer des produits financiers (CDO) correspondant à chaque tranche qu’elle va proposer sur le marché boursier. La vente de ces titres lui permet de financer l’achat des créances à la banque. Ces titres sont garantis par le fait que les créances de la banque seront remboursées à terme par les emprunteurs. En outre, la société intermédiaire va généralement y adjoindre une assurance « défaut de payement » (CDS) de sorte que les agences de notations jugeront que ce produit est sûr et lui donneront par conséquent une bonne note. Dans le chef de la banque, le crédit hypothécaire ou créance se transforme en nouvelles liquidités disponibles pour de nouveaux prêts. Ces créances sont dès lors sorties du bilan de la banque. Notons que le mécanisme décrit ci-avant donne les grandes lignes mais qu’il peut certainement être complexifié. Les nouveaux titres financiers sont acquis par des investisseurs institutionnels (banques d’investissement, fonds de pension, fonds commun de placement, assureurs…) qui en assument le risque. Ces derniers sont rémunérés grâce au payement des mensualités par les emprunteurs. Les titres les plus sains sont évidemment les moins rémunérés. A l’autre bout de l’échelle, les titres les plus pourris, c'est-à-dire ceux pour lesquels le risque de non remboursement est plus élevé, sont ceux qui rapportent le plus. Ils seront revendus soit à des investisseurs prêts à assumer de gros risques contre un taux d’intérêt élevé, soit garder au sein du véhicule spécial avec des gros intérêts à la clé. En résumé, la banque vend ses crédits hypothécaires à un intermédiaire. Ce dernier crée et vend un nouveau produit financier à des clients investisseurs. Ce produit financier est garanti par le remboursement des emprunts hypothécaires que la banque a elle-même consenti et par une assurance « défaut de payement ». Cette méthode comporte de nombreux avantages : 1) Elle permet à la banque de se « débarrasser » d’un risque en le cédant à un ou plusieurs autres opérateurs. En fin de compte, les vrais détenteurs du crédit hypothécaire sont ceux qui ont achetés les nouveaux titres. En cas de défaut de remboursement du crédit, ce sont ces investisseurs, dont probablement pour partie le véhicule spécial, qui ne récupéreront pas leur mise. 2) En schématisant, on peut dire qu’une banque collecte de l’épargne à court terme et qu’elle prête à plus ou moins long terme. Elle doit cependant garder une certaine quantité de liquidités pour faire face à des imprévus et pour assurer à ses épargnants qu’elle peut les rembourser (solvabilité). Dans le cadre des accords Bâle II, la somme des crédits octroyés par une banque est limitée par le montant de ses fonds propres (ratio McDonough). En titrisant, la banque vend un portefeuille de crédits et n’est donc plus tenue de respecter cette règle prudentielle. Elle récupère une marge de manœuvre pour compenser de nouveaux prêts. 3) La revente de titres à une société intermédiaire débouche sur un apport de capital frais dans la banque. Ces nouvelles liquidités pourront évidement être prêtées ou investies ce qui augmentera le futur chiffre d’affaire de la banque. 4) Dans le cas où la banque rachète les créances les plus pourries (donc les plus rémunératrices) ou que l’autorité de régulation exige que les comptes du véhicule spécial soient consolidés dans celui de la banque, la revente de la partie la moins risquée du portefeuille de crédit (en principe la moins rémunératrice) permet à la banque d'augmenter la rentabilité de ses capitaux propres, ce qui pourrait attirer de nouveaux 4 investisseurs. Toutefois, les exigences en termes de solvabilité seront plus importantes. La banque devra dès lors détenir plus de fonds propres en contrepartie de ces titres. 5) Dans le cas où la banque rachète des titres avec une meilleure notation que l’ensemble des titres qu’elle a vendu, elle doit détenir moins de capitaux propres pour assurer sa solvabilité. En effet, les accords de Bâle II prévoient que le pourcentage de fonds propres nécessaire est modulable en fonction de la notation du produit dans lequel, ils sont investis ou prêtés. Une banque qui prête une somme X doit généralement détenir l’équivalent de 8% de cette somme en fonds propres. Une banque qui place un même somme dans des titres côtés AAA ne doit détenir que 1,6%. Cette différence peut rapidement chiffrer lorsque l’on parle de millions d’euros placés ou prêtes. 6) La banque et la société intermédiaire localisée dans un paradis fiscal ne font en réalité qu’un, bien que leur comptabilité soit séparée. On dit dès lors de ces opérations qu’elles sont « hors bilan » puisqu’elles ne rentrent pas dans l’activité normale d’une banque c'est-à-dire collecter de l’épargne et accorder des prêts. Cette opacité permet aux banques de masquer leurs résultats effectifs, voire même de les manipuler de manière à n’afficher que les résultats flatteurs. Toutefois, il arrive que l’autorité de régulation exige que des banques qu’elles intègrent dans leurs comptes consolidés les résultats de leurs activités hors bilan. C’est le cas en Belgique depuis l’automne passé... du moins le temps que cette crise passe. Au final, le mécanisme de titrisation est devenu un outil classique de la gestion bancaire. Dans le cas de la crise des subprimes, il a clairement montré ses effets pervers. Le bon sens aurait voulu que les titres vendus ne soient composés que des crédits de même type, en l’occurrence uniquement des crédits immobiliers, que les risques soient correctement évalués et que tout ceci soit transparent. Cela n’a pas été le cas. Des sociétés intermédiaires ont cru bon de mélanger des créances de tout horizon (hypothécaire, consommation…) et de toute qualité. Puis, les sociétés d’investissement qui ont achetés ces titres les ont ellesmêmes découpés pour les mélanger avec d’autres morceaux créant de la sorte des nouveaux produits financiers et ainsi de suite… Progressivement, plus personne ne savait ce que représentaient réellement ces titres écoulés par milliards à travers le monde. Toutefois, malgré cette opacité, les agences de notation continuaient à donner de bonnes cotes à ces produits financiers, renforçant la confiance des investisseurs. Comment les si sérieuses agences de notation ont-elles pu donner de bonnes cotes à des produits financiers sans savoir ce qu’il y avait dedans ? • Les agences de notation ont pour but de donner une indication sur le risque de perte pour les investisseurs. Elles estiment un produit sur base de critères objectifs vérifiables. Elles ne vont donc pas retourner le produit sous toutes ses coutures dans le cadre d’une investigation poussée mais bien utiliser des batteries de tests ou des grilles d’analyses standardisées. Dans le cas des subprimes, elles ont ainsi considéré que le risque de non recouvrement était limité à un maximum 2%, comme pour un crédit hypothécaire classique. A l’évidence, cela n’a pas été le cas. Autre exemple, si un titre est garanti par une réserve de fonds propres destinée à absorber les premières pertes (mécanisme de tampon) ou par une assurance, alors pourquoi ne mériterait-il pas une note excellente ? Les titres issus des subprimes étaient dans ce cas sauf que ni les intermédiaires, ni les assureurs n’ont eu les reins assez solides pour couvrir les défauts de payement, un risque statistiquement improbable… et pourtant. • Les agences de notation sont financées par les entreprises qu’elles notent ou dont elles notent les produits financiers. Une note insuffisamment flatteuse pourrait se répercuter par la perte de futurs marchés. Force est de constater que les agences de notation ne sont pas indépendantes. Cette partialité envers les entreprises qu’elles analysent montre 5 que les rouages de ce mécanisme sont corrompus. Il est dès lors urgent de rendre ces agences de notation véritablement indépendantes, par exemple, en ramenant leur financement dans le giron public. Mais revenons un peu à notre histoire. Lorsque les défaillances de remboursement de crédits immobiliers se sont multipliées au Etats-Unis, les investisseurs (dont des banques d’investissement) qui avaient acheté les créances les plus pourries ont directement enregistré des pertes importantes. Constatant que leurs dividendes seraient réduits à leur minimum, voire inexistants, ces actionnaires avertis se sont débarrassés de leurs actions, entamant la dépréciation des cours boursiers de ces fonds d’investissement. Mais les risques avaient largement été sous-estimés. Les défaillances de remboursements n’ont pas permis de payer les intérêts et encore moins de rembourser les actifs pourtant qualifiés de sûrs qui circulaient sur les marchés financiers. Ce n’était à priori pas bien grave puisque ces titres étaient couverts par une assurance « défaut de payement », sauf que l’onde de choc fut telle que ces assurances étaient elles aussi dans l’incapacité d’honorer les crédits des particuliers. Dès lors, ce fût la panique ! Les spéculateurs, qui jouent généralement sur des produits risqués ont rapidement revendu ce qui pouvait l’être au point de précipiter la chute du prix de ces actifs. Les investisseurs « en bon père de famille » se sont rendus compte, un peu tard, que certains produits « sûrs » allaient se casser la figure. Ils ont donc naturellement revendu, entretenant de la sorte la chute vertigineuse des cours boursiers. L’explosion Début 2008, la banque d’investissement Bear Sterns qui a subit de lourdes pertes à cause des subprimes voit son cours dévisser de 80%. A ce prix, c’est une opportunité exceptionnelle pour ses concurrents. Elle est rachetée en un rien de temps par la JP Morgan Chase. Quelques mois plus tard, Fannie Mae et Freddie Mac, les deux principaux assureurs de prêts hypothécaires sont au bord de la faillite. Ils sont nationalisés. Mais cela ne s’arrête pas en si bon chemin et c’est en octobre que tout va définitivement basculer. L’annonce de la faillite de Lehman Brothers, l’une des plus importantes banques d’investissement américaines, va déclencher une succession d’événements : 1) Tous les cours plongent plusieurs journées de suite. 2) L’assureur AIG est laminé. Il a en effet couverts bon nombres de titres « pourris ». Contrairement à Lehman Brothers, le gouvernement américain y injecte 170 milliards $ et nationalise AIG de facto. 3) La banque d’investissement Merrill Lynch se fait absorber par Bank of America, tandis que d’autres devenues suspicieuses, comme Morgan Stanley et Goldman Sachs, changent leur statut pour se mettre sous protection de l’Etat. 4) Des banques et caisses d’épargne, parmi les plus importantes des Etats-Unis, sont prises dans la tourmente. Washington Mutual (6ème banque et 1ère caisse d’épargne US) tombe en faillite et est racheté illico par JP Morgan Chase. C’est la plus grosse faillite bancaire de l’histoire aux Etats-Unis. Un autre mastodonte bancaire (Wachovia) est sur le fil du rasoir. Le gouvernement US n’a plus le choix. Il met en place une « caisse de défaisance » dotée de 700 milliards de Dollars pour absorber les titres toxiques. 5) C’est au tour des banques et assurances européennes d’être touchées comme Fortis en Belgique, Bradford & Bingley en Grande-Bretagne, Hypo Real-Estate AG en Allemagne et bien d’autres. Comment des banques classiques américaines, puis européennes sont elles entrées dans la danse ? D’abord, il importe de repréciser que les banques qui ont conclus des subprimes aux Etats-Unis n’ont pas spécialement été inquiétées par cette crise. Elles avaient évacué une grande partie du risque vers des sociétés intermédiaires qui, elles-mêmes, l’avaient 6 refilé à des investisseurs institutionnels. Il est donc normal que ce soient les banques d’investissement qui ont été les premières et les plus durement touchées. Toutefois, la frontière entre banque d’investissement et banque de dépôt, malgré le fait qu’elle soit inscrite dans la loi, n’a jamais vraiment existé. C’est donc au travers de leurs investissements que les banques européennes et les autres investisseurs ont bu le bouillon. En fait, les banques se sont retrouvées face à trois difficultés majeures : une dépréciation de leurs actifs, des ratios de solvabilité à respecter et une crise de liquidité due à une perte de confiance. 1) L’impact de la dépréciation des actifs bancaires Jusqu’il y a peu, c'est-à-dire avant l’introduction des normes comptables IFRS applicables à l’ensemble des sociétés, les actifs étaient enregistrés dans le bilan à leur valeur d’acquisition ou prix d’achat. Ce n’était que lorsque ces actifs étaient revendus que l’entreprise enregistrait soit une plus-value, soit une moins-value, selon que le prix de revente était supérieur ou inférieur au prix d’achat. Si l’entreprise gardait cet actif bien au chaud pendant 50 ans, la valeur bilantaire de cet actif était la valeur d’achat d’il y a un demi-siècle. En résumé, on peut dire que les actifs étaient enregistrés à leur valeur historique. Ceci a profondément changé avec l’introduction des normes IFRS. Dorénavant, les actifs et les passifs sont enregistrés dans le bilan à leur juste valeur ou valeur négociable actuelle. Cela signifie que si une entreprise achète pour 1 milliard € de titres et que leur cours vient à doubler, le bilan de l’entreprise doit désormais refléter la détention d’un portefeuille de 2 milliards €. A contrario, si le prix vient à se contracter, l’entreprise doit comptabiliser un portefeuille moins élevé. Ces normes comptables ont été introduites début des années 2000 dans le but d’améliorer la comparaison internationales des données financières des sociétés. Force est de constater qu’elles tiennent compte prioritairement de la vision de l’investisseur sur la vision de l’entrepreneur. La comptabilité sert désormais moins de tableau de bort à l’entreprise qu’aux financiers. Cet état d’esprit explique bien des choses ; notamment le fait que les employeurs préfèrent des stratégies orientées sur les résultats financiers de court terme en lieu et place du développement de projets industriels à moyen-long terme. Aussi, on doit se rendre à l’évidence que les normes IFRS n’ont pas été neutre dans la crise. Lorsque les cours boursiers ont plongé, toutes les sociétés qui détenaient des titres ont dû revoir à la baisse la valeur de ces actifs au sein de leur bilan. Or, tout débutant en comptabilité sait que la somme des actifs (ce qui est détenus par l’entreprise) doit impérativement être égale à la somme des passifs (les moyens grâce auxquels l’entreprise détient des actifs). Ces sociétés ont dès lors dû procéder à des réductions de valeur de leur passif en ajustant la valeur de leurs capitaux propres, soit directement via un compte de capital (possible uniquement pour les banques), soit via une moins value au compte de résultat ce qui pèse sur le résultat annuel. Ceci est particulièrement problématique dans le cas de banques. 2) Le ratio de solvabilité Dans le cadre des accords de Bâle II, les banques européennes doivent détenir en fonds propres une certaine proportion des sommes qu’elles ont prêtées (ratio McDonough) de manière à assurer leur solvabilité. Cette proportion varie en fonction du profil de risque des emprunteurs ; ce dernier étant déterminé par les agences de notations. Or, lorsque les cours boursiers baissent, la banque qui détient ces actifs doit déprécier ses capitaux propres directement via un compte de capital. Il est alors probable que cette banque ne détienne plus suffisamment de fonds propres pour respecter les accords de Bâle II. Deux possibilités s’offrent à elle, soit elle revend massivement des titres de manières à 7 récupérer des liquidités, soit elle doit procéder à une augmentation de capital, difficilement réalisable en période de tempête financière. Dès lors, les banques n’ont eu d’autre choix que de revendre massivement les titres qu’elles détenaient non seulement pour arrêter l’hémorragie de moins-values mais également pour récupérer des liquidités. Cet afflux massif de titres sur les marchés financiers a précipité encore un peu plus la chute de ces derniers. Notons aussi que lorsqu’une agence de notation revoit à la baisse la note d’un client ou d’un produit dans laquelle la banque avait placé ses trésorerie, alors non seulement les marchés s’affolent et les cours de ces produits baissent mais en outre, la banque est obligée d’accroitre sa proportion de fonds propre pour compenser le risque accru alors que c’est à ce moment qu’elle aurait le plus besoin de se refaire une santé en accordant des prêts à de bons projets. Les accords de Bâle II ont dès lors un effet pro-cyclique dans le sens où ils accentuent le mouvement alors même que la confiance disparait et que les vannes du crédit interbancaire se ferment. Notons que la Banque Centrale d’Espagne a mis en place un mécanisme dynamique ou contra-cyclique par lequel la proportion réservée augmente en cas de bonne conjoncture de manière à freiner le crédit et baisse en cas de faible conjoncture. Un mécanisme d’une relative efficacité dont il faut savoir s’inspirer à l’échelle européenne. 3) La crise de liquidité Comme nous l’avons vu, les plus grande banques américaines et européennes se sont retrouvées au bord de la faillite suite à des réductions de valeurs gigantesques enregistrées sur leurs actifs. Les accords de Bâle II ont rajouté une couche en obligeant les banques à respecter des rations peu réalistes en temps de crise. Les opérations hors bilan qui sont, par nature, peu transparentes ont encore aggravé la perte de confiance entre acteurs. Peut-être allait-on découvrir des morts dans le placard ? Les banques qui, habituellement, se prêtent entre elles ont pris peur. Elles n’avaient évidemment pas envie de prêter de l’argent à une banque qui, demain, pourrait connaitre des difficultés de remboursement ou pire, déposer le bilan. Dès lors, elles ont revus leurs prix et leur conditions de prêt à la hausse ce qui a fait grimper le taux d’intérêt interbancaires. Les banques les plus faibles (dont certains grands noms) n’ont pas survécu à cette asphyxie de liquidité. Dans le meilleur des cas, elles se sont faites rachetées. C’est tout bénéfice pour les banques qui disposaient de liquidités à placer. Dès lors, puisque les banques avaient besoin d’argent et qu’elles n’étaient pas disposées à se prêter mutuellement, ce sont le Etats ou les Banques Centrales qui ont dû intervenir. Aux Etats-Unis, la Banque Centrale (Fed) a créé de la masse monétaire en faisant tourner la planche à billets. Puis, elle a prêté, à court terme (généralement 1 à 2 mois), ces sommes d’argent aux banques qui étaient au bord de l’asphyxie contre la remise des titres pourris en garantie de non remboursement. Si la banque n’honorait pas sa dette envers la Fed, alors les titres seraient saisis et vendus pour récupérer des liquidités… enfin, pour peu qu’ils valent plus que de la poussière. Toutefois, vu que cette mesure ne semblait pas calmé les marchés et que les banques étaient de plus en plus nombreuses à avancer vers le gouffre, le gouvernement américain a du passé à la vitesse supérieure en mettant au point un plan colossale doté de 700 milliards $. A la base, ce plan Paulson devait n’être qu’une caisse de défaisance c'est-à-dire un fonds permettant au Trésor d’acheter les titres pourris des banques à un prix supérieur à celui du marché, sans aucune contrepartie. Cela aurait probablement constitué le plus grand hold-up de tous 8 les temps. Heureusement, les critiques ont fusé et le plan Paulson a été nettement amendé. Dans sa nouvelle mouture, l’Etat achète toujours les titres pourris dont personne ne veut mais, en échange, il reçoit des titres de propriété dans les banques aidées. Si les institutions financières se redressent, le Trésor touchera les bénéfices, voire revendra à profit ses titres ce qui permettra de réduire la facture pour le contribuable mais probablement pas de l’annuler. Les pertes sont bel et bien socialisées. Dans l’UE, le peu de coordination entre Etats membre n’a pas permis la création d’un plan similaire au niveau européen. A la place, diverses initiatives nationales ont vu le jour. L’Irlande, particulièrement touchée, a octroyé une garantie gouvernementale illimitée à ses principales banques et a mis sur pied un grand plan de relance économique. D’autres Etats lui ont emboité le pas sur les garanties ou sur le plan de relance alors que d’autres ont préféré jouer les passagers clandestins en profitant des plans de leurs voisins ou n’ont tout simplement pas eu les reins suffisamment solides pour mettre en place de telles politiques. C’est particulièrement le cas des nouveaux Etats membres mais c’est aussi le cas d’Etats membres moins mis sous pression par la crise. La propagation à l’économie réelle Tous les ingrédients étaient présents pour que cela explose. Il suffisait de l’allumette. Le système bancaire a été déstabilisé et l’onde de choc a atteint l’économie réelle. La propagation a été fulgurante mais n’a pas touché tous les Etats et tous les secteurs avec la même intensité. Certains passent mieux que d’autres à travers cette crise. Le vecteur le plus marquant qui explique cette diffusion rapide est l’accroissement du nombre de ménages insolvables. Aux Etats-Unis et dans les pays « clones » européens (Espagne, Irlande et Royaume-Uni), un ménage qui a vu son immeuble saisi a perdu bien plus que son logement. Suite à l’effondrement des prix de l’immobilier, la vente forcée a rapporté moins que le montant initial du prêt. Dès lors, ce ménage devra supporter le restant de sa dette encore un bon bout de temps. Aussi, n’oublions pas que certains ménages, pour alléger leurs mensualités, avaient dû placer leurs maigres épargnes auprès du prêteur. Tout ceci a évidemment disparu. Le nombre de ménages qui basculent dans l’insolvabilité augmente ce qui induit une réduction de la consommation de biens et services de base. Deuxièmement, pour une partie de la classe moyenne et surtout pour les classes aisées, on assiste à un effet de richesse négatif. La chute des prix immobiliers et des titres cotés en bourse ont parfois prodigieusement creusé le patrimoine de ces ménages. Moins riches, ils devraient limiter leur consommation et réallouer leur épargne vers des produits moins risqués. Il faut cependant nuancer cet effet car les prix de l’immobilier sont loin de s’être écrasés partout dans le monde. En Belgique, on enregistre un tassement de tout au plus quelques pourcent, ce qui devrait avoir peu d’effet significatif sur les ménages de la classe moyenne ; leur logement constituant la très grande part de leur patrimoine. Quand à l’effondrement général des marchés boursiers, il touche exclusivement une minorité de ménages qui dont la capacité financière leur permettait de placer et qui ne vont probablement pas réduire leur consommation pour la cause. Ainsi, si l’indice de confiance des consommateurs belges est en net repli début 2009 ce n’est pas parce que ces derniers sentent que leur situation financière ou que leur capacité d’épargne se dégradent mais exclusivement par peur du chômage et des pertes de pouvoir d’achat attachées. Au final, la menace pesant sur l’ensemble de l’activité économique semble se renforcer, non pas à cause d’une baisse significative et générale de la consommation belge, sauf dans certains secteurs, mais bien à cause d’autres éléments tous liés à l’extrême prudence, pour ne pas dire méfiance, des acteurs économiques. Les 9 banques resserrent leurs conditions de crédit de peur de ne pas être remboursées, ou peutêtre plutôt de manière à augmenter leurs marges. Les entreprises limitent leurs investissements de peur de perdre leurs réserves de liquidité, de peur de ne pas trouver de moyens pour les financer et de peur que ces investissements ne soient pas rentables dans un délai raisonnable, c'est-à-dire à court terme. Les particuliers, du moins les plus faibles, sont prudents dans leurs achats face au chômage croissant. Pourquoi les banques limitent-elles le crédit ? Officiellement, les banques ont peur de prêter. Elles relèvent leurs taux et resserrent leurs conditions pour opérer une sélection naturelle parmi les emprunteurs potentiels, ce qui, par ricochet, décourage bon nombre de porteurs de projets. Elles sont d’ailleurs d’autant plus frileuses que les projets pour lesquels elles sont sollicitées sont importants. En ces temps difficiles, on risque moins sur un petit projet que sur un grand. Cette méfiance justifiée fait toutefois l’impasse sur une autre explication potentielle : il est plus aisé de s’octroyer des marges généreuses quand les marchés et les actionnaires vous poussent à faire la fine bouche que lorsqu’ils vous poussent à vendre à tout va. En effet, en haute conjoncture, les analystes, la presse économique et in fine les investisseurs encensent ceux qui font du chiffre. Ne voulant pas être le mouton noir et dès lors être sanctionnées par le marché, les banques se lancent dans la compétition en baissant leurs marges mais parfois aussi en fermant les yeux sur la qualité de leurs produits et de leurs clients. C’est typiquement ce qui s’est passé aux Etats-Unis et, dans une moindre mesure, en Europe. A l’inverse, lorsque les marchés sont sur le point de se casser la figure, les actionnaires échaudés changent radicalement de comportement en revendant leurs titres potentiellement rémunérateurs mais risqués contre des titres moins rentables mais plus sûrs. Les banques n’ont d’autre choix que de s’adapter en adoptant un profil moins agressif, du moins en apparence, de manière à rassurer leurs actionnaires. Cela montre à quel point la séquence d’avidité puis de besoin de sécurité des actionnaires influence le comportement des institutions financières et, en cascade, la fluidité et la santé de l’économie réelle. Répétons que ce sont biens des comportements habituels et rationnels de court terme dans un marché libre, pas des accidents de parcourt, ni des déviances. Quelle qu’en soit la raison, le fait est que les banques ne prêtent plus où à un coût démesuré. Les entreprises qui ont des besoins de trésorerie ou qui doivent absolument procéder à des investissements qu’elles ne peuvent autofinancer peuvent être mises en sérieuses difficultés. Le risque croissant de défaillances raidit encore un peu plus la position des banques. Le critère de solvabilité, c'est-à-dire la capacité de remboursement des dettes, revient dès lors au premier plan lorsqu’il s’agit d’octroyer un prêt. Or, dans leur ensemble, les grandes entreprises américaines et européennes ont largement augmenté leur endettement vis-à-vis d’organismes de crédit ces dernières années. Cette progression massive de l’endettement avait pour but de maintenir une politique généreuse de versement de dividendes tout en n’oubliant pas d’investir pour l’avenir. Dans les faits, les investissements se sont, la plupart du temps, résumés à des mégafusions et acquisitions plutôt qu’à de grands projets de développements industriels ou de services. Les sommes dépensées ont été astronomiques, au seul bénéfice des actionnaires des entreprises rachetées, pas des consommateurs et encore moins des travailleurs. Une gestion d’entreprise en bon père de famille aurait probablement limité les dividendes et les investissements à un niveau plus en rapport avec capacité d’autofinancement ou d’augmentation des fonds propres des entreprises. Au contraire, les plus grandes entreprises se sont précipitées vers l’endettement, notamment aux travers de LBO (Leverage Buy Out), c'est-à-dire des rachats d'entreprises effectués grâce à un recours massif à l'emprunt. Cette préférence s’explique exclusivement par un mécanisme financier : 10 l’effet de levier. Ce dernier mesure l’impact de l’endettement sur la rentabilité financière de l'entreprise. Si la rentabilité économique (performance de l’entreprise par rapport à l’ensemble des fonds utilisés) est supérieure aux taux d’intérêt sur le marché, alors il est préférable pour l’entreprise de s’endetter pour procéder à des investissements. Ainsi, elle améliore mathématiquement sa rentabilité financière (performance de l’entreprise par rapport à l’ensemble des capitaux propres), c'est-à-dire celle des actionnaires. Ce recourt massif à l’endettement ne semble cependant pas avoir touché la Belgique. L’effet de levier est relativement faible et même décroissant. En outre, le ratio de solvabilité des entreprises belges s’améliore d’année en année. Leur taux d’endettement baisse régulièrement. Il y a quelques temps, certaines entreprises ont pourtant été tentées de s’endetter pour racheter des concurrents, mais sans suite. L’exemple de Belgacom est à cet écart criant puisque certains membres du CA ont mis sous pression l’administrateur général qui refusait de racheter une entreprise à l’étranger via à un LBO. L’histoire lui aura donnée raison. Conclusions Les crises successives et particulièrement la dernière montrent à souhait que les bénéfices supposés de la libération financière n’étaient que du vent. Là où on devait s’attendre à une meilleure allocation de l’épargne disponible, il n’est apparu que des bulles à n’en plus finir qui non seulement détournaient l’épargne d’un investissement réellement productif et qui en plus ont généralement terminé en crises. Là où nous avait promis une meilleure répartition des risques, il n’y a eu opacité telle que certains acteurs se sont fait piégés, fragilisant tout le système financier. Les pertes sont socialisées et c’est le contribuable qui va payer pour les risques insensés pris par les banques. Il n’y a malheureusement pas d’autres solutions à court terme. Toutefois à plus long terme, il serait inconcevable que rien ne change. Il faut sévèrement encadrer la finance. Cela signifie clairement qu’elle fera moins de bénéfices et qu’elle aura une place moins prépondérante tant en terme de valeur ajoutée que d’emplois. Il faut également saisir l’opportunité actuelle, née de la mise en difficulté de plusieurs établissements, pour recréer un contrepouvoir public sur les marchés financiers. Plutôt que d’aider les banques en garantissant leurs actifs ou en créant une caisse de défaillance, il faut les nationaliser et créer une véritable banque publique. L’idéologie libérale est encore actuellement trop prégnante. Elle tente de faire croire que le public serait mauvais gestionnaire. Un comble après les événements récents ! Elle tente de faire croire qu’à moyen ou long terme, il faut libérer les forces du marché en revendant les banques pour l’instant nationalisées. Il n’y aucun fondement d’efficience pour justifier cela. Il faut au contraire changer les méthodes du passé. En finir avec ce libéralisme. La crise actuelle est une chance unique de recréer un système bancaire dont le but n’est pas le profit mais bien le service à la population et aux entreprises. Cela pourrait se réaliser par la mise en place d’une banque publique qui servirait d’aiguillon notamment dans la fixation des taux et des conditions sur le marché. Une banque publique garantissant avant tout la sécurité des placements serait de nature à rendre confiance aux acteurs de l’économie réelle et pourrait même améliorer la compétitivité de notre économie sans pour autant dégrader la demande intérieure. Le rôle du secteur public doit également être accru sur les marchés boursiers. Certaines opérations très spéculatives doivent être simplement interdites. La séparation entre banque 11 d’affaire et caisse d’épargne doit être effective. Les agences de notations doivent être mises sous la tutelle de l’Etat. Enfin, il est temps de repenser le système économique mondial dans son ensemble. Les bénéfices des entreprises privées doivent être limités et les rémunérations de leurs gestionnaires également. Le protectionnisme s’il est peu souhaitable au niveau européen, n’est pas une idée à balayer d’un simple revers de la main au niveau international. Il peut protéger les travailleurs et les employeurs d’une concurrence insoutenable généralement teintée de dumping social, fiscal, monétaire… 12