Tumeurs œsophage (152) 1
MODULE 10
CANCER DE L’OESOPHAGE
J.P. PALOT - O. BOUCHE
Voir aussi le chapitre anapath du poly +++
Le cancer de l’oesophage est en France au 7eme rang des cancers chez l’homme (après le
cancer de prostate, des poumons, du colon et du rectum, de l’oropharynx, de la vessie et de
l’estomac = 3eme cancer digestif.
Il s’agit le plus souvent d’un carcinome épidermoïde mais l’adénocarcinome devient plus
fréquent. Le cancer de l’oesophage tire son extréme gravité :
- de sa révélation souvent tardive.
- de l’atteinte constante et rapide de l’état général en rapport avec l’altération de la
fonction alimentaire.
- du terrain souvent altéré sur lesquels il survient.
- de sa situation anatomique profonde et de ses rapports étroits avec les organes de
voisinage.
I - EPIDEMIOLOGIE
A) EPIDEMIOLOGIE DESCRIPTIVE .
L’incidence du cancer de l’oesophage est en France de 7 à 15 pour 100 000 habitants du Sud-
Est au Nord-Ouest soit environ 5 000 cas/an. Il est beaucoup plus fréquent chez l’homme que
chez la femme mais on assiste depuis quelques années à une baisse globale de l’incidence
chez l’homme et à une légère augmentation chez la femme. Il est fréquemment associé à un
cancer ORL (10% de cancers métachrones, 8 à 10 % de cancer synchrones) (sex ratio : 12)
B) EPIDEMIOLOGIQUE CAUSALE
1) Facteurs exogènes :
- Consommation d’alcool et de tabac : en France 90% des cas sont
imputables à une consommation d’alcool et de tabac. Le risque est dose-
dépendant, augmentant nettement en cas d’intoxication mixte.
- Irritation thermique : par boissons chaudes comme le thé chaud, la
pollenta
- Radiations ionisantes : dont le rôle est suggéré par risque plus élevé
chez les survivants de l’explosion atomique d’Hiroshima et s’il y a antécédent
d’irradiation médiatinale (maladie de Hodgkin, cancer du sein)
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2) Facteurs endogènes :
Certaines lésions chroniques de l’oesophage prédisposent au cancer de l’oesophage et son
retrouvées dans environ 10 % des cas, il s’agit :
- des lésions cicatricielles après brûlure caustique ou après radiothérapie
surtout en cas de sténose nécessitant des dilatations multiples ;
- L’endobrachy-oesophage qui comporte un risque de dégénérescence
en adénocarcinome de l’ordre de 15% : c’est un mode de réparation inhabituel
de l’oesophagite peptique par reflux ; dans l’EBO, les cardias anatomiques et
muqueux ne coïncident plus par remplacement cicatriciel de la muqueuse
malpighienne par de la muqueuse glandulaire.
- Le méga-oesophage (ou achalasie) par oesophagite chronique due à la
stase. - La dysphagie sidéropénique (ou syndrome de Plummer-Vinson)
- Le risque de dégénérescence n’est pas prouvé dans les tumeurs
bénignes, les diverticules, l’oesophagite par reflux sans endobrachy-oesophage.
II - ANATOMIE PATHOLOGIQUE
A) ASPECT MACROSCOPIQUE
Le cancer peut se présenter sous trois formes :
formes bourgeonnantes
formes ulcérées
formes infiltrantes.
La forme habituelle est ulcéro-bourgeonnante (également dénommée ulcéro-végétante) .
B) SIEGE
Le cancer peut être situé au niveau de l’oesophage cervical, thoracique ou abdominal. Au
niveau de l’oesophage thoracique on distingue :
- Le cancer du 1 /3 supérieur (20% des cas) sitau dessus de la crosse
aortique, est le plus rare. C’est le moins accessible à la chirurgie, car il est situé
dans une zone l’oesophage est à l’étroit, au contact de la trachée et masqué
par les gros vaisseaux.
- Le cancer du 1/3 moyen (50% des cas) situé au niveau de la crosse
aortique est en rapport avec la carène et les deux bronches souches.
- Le cancer du 1/3 inférieur (30% des cas) est au dessous de la crosse et
est en rapport avec le coeur et le péricarde. C’est le plus accessible à la
chirurgie.
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C) HISTOLOGIE
Le type épidermoïde (malpighien) représente 70 à 80% des cas : il est bien ou peu
différencié ; il existe des formes rares à cellules fusiformes : pseudosarcomes.
L’adénocarcinome est plus rare ( 20 à 30% des cas) : issu de la dégénérescence d’un
endobrachy-oesophage, il est parfois difficile à différencier d’un cancer du cardia infiltrant
l’oesophage ; il existe des formes mixtes muco-épidermoïde ou adénoïde kystique.
Les autres types sont exceptionnels : indifférenciés à petites cellules, sarcomes, lymphome,
mélanome, métastases...
D) MODE DE PROPAGATION :
1) l’extension locale se fait :
- En hauteur dans la sous muqueuse et les cellules néoplasiques peuvent
être retrouvées à plus de 5 ou 6 cm de la tumeur principale. Elles peuvent
s’extérioriser au niveau de la muqueuse sous la forme de nodule de perméation.
- Latéralement au travers des tuniques musculaires et atteint les organes
de voisinage : aorte, trachée, nerf récurrent gauche.
2) L’extension loco-régionale se fait par voie lymphatique :
- Vers le haut (ganglions cervicaux et sus-claviculaires) et vers le bas
(ganglions coronaires stomatiques et coeliaques). Cependant le drainage
lymphatique n’est pas systématisé : il existe une atteinte des ganglions
caeliaques dans 10% des cancers du 1/3 supérieur et dans 25% des cancers du
1/3 moyen de l’oesophage.
- Latéralement vers les groupes intertrachéo-bronchiques et récurrentiels
gauches.
3) L’extension générale
Elle se fait essentiellement par voie veineuse, vers le foie, les poumons, et l’os.
E) STAGING ET CLASSIFICATIONS A VISEE PRONOSTIQUE
Plusieurs ont été proposées :
hauteur tumorale radio-endoscopique (+ /- 5 cm)
diamétre tumoral au scanner (+ /- 3 cm)
TNM internationale (voir tableau) : où les ganglions sus-claviculaires et
coeliaques sont considérés comme des métastases (M+) pour les cancers intrathoraciques, et
où l’extension pariétale (T) est bien appréciée par l’échoendoscopie.
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T1 envahissement de la muqueuse ou de la sous-muqueuse.
T2 envahissement de la musculeuse
T3 envahissement de l’adventice
T4 envahissement des structures adjacentes
N1 envahissement des ganglions « régionaux » (médiastin et périgastrique)à
noter que les tumeurs intrathoraciques, les ganglions sus-claviculaires et
coeliaques sont considérés comme des métastases (M1) ; pour les tumeurs de
l’oesophage cervical, les ganglions sus-claviculaires sont considérés comme
ganglions régionaux et donc N1.
Métastase
III - DIAGNOSTIC
A) CLINIQUE :
Il faut insister sur le caractère asymptomatique des cancers au début et sur l’absence de
parallélisme anatomo-clinique.
C’est le stade utile où le traitement à une chance d’être efficace. C’est en général une
découverte fortuite par exemple chez un sujet ayant un cancer ORL ou lors de la recherche de
VO chez un cirrhotique. Il est possible qu’il y ait une dysphagie.
Tout signe d’appel oesophagien peut révéler un cancer.
Le signe le plus important est la dysphagie : sensation de gène ou d’arrêt survenant au cours
de la déglutition et traduisant l’existence d’un obstacle oesophagien ou cardial. Cette
dysphagie est d’apparition récente, discrète, intermittente, survenant par « à coups ». Elle est
élective pour les solides. Elle est rapidement évolutive.
D’autres signes sont moins évocateurs :
salves de hoquet au moment de la déglutition,
éructation,
sensation de gène rétrosternale.
douleurs thoraciques
dyspnée
dysphonie
toux : fistule, fausse route ou sténose 1/3 supérieur
syndrome Clause Bernard Horner (syndrome cérébral)
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Ces signes ont l’intérêt de faire prescrire une endoscopie s’accompagnant de biopsie et/ou de
brossage cytologique. Un transit oeso-gastro-duodénal normal n’élimine pas le diagnostic, et
peut montrer parfois des signes discrets : rigidité segmentaire minime ou simple accrochage
de la baryte sur le bord.
La dysphagie se complète progressivement et s’associe à des régurgitations, des fausses routes
responsables d’infections pulmonaires. Lorsqu’elle est complète, apparait la sialorrhée
(écoulement de salive par la bouche). L’état général est très altéré avec amaigrissement
pouvant atteindre 10 à 20 kg (cachexie).
Examen : palper : ganglion de Troisier, hépatomégalie
ausculter : frottement péricardique
examen de la cavité buccale
Le complications apparaissent ensuite, elles sont liées à l’extension loco-régionale : la tumeur
s’étend, s’accole aux viscéres adjacents puis se crose, provoquant une communication avec
les organes voisins :
envahissement du nerf récurrent gauche entraînant une dysphonie.
fistule aorto-oesophagienne entraînant un décès brutal par hémorragie
cataclysmique.
fistule oeso-trachéale responsable de quintes de toux et de pneumopathies.
B) EXAMENS COMPLEMENTAIRES
1) L’endoscopie digestive haute :
Réalisée en première intention, l’endoscopie digestive permet d’affirmer le diagnostic de
cancer de l’oesophage. Elle précisera :
- le siége de la tumeur par rapport aux arcades dentaires et au cardia,
- l’aspect macroscopique habituellement ulcéro-végétant en « lobe
d’oreille », saignant au contact de l’endoscope, plus rarement infiltrant.
- l’aspect induré sous la pince.
- le diamètre de la lumière oesophagienne.
- Les pathologies associées
Elle permettra de réaliser :
- des biopsies multiples et des brossages cytologiques, si ces biopsies
sont techniquement difficiles ;
- les colorations au lugol ou au bleu de toluidine, permettant de
rechercher des zones de muqueuses anormale à distance de la lésion principale.
Les cas particuliers des cancers superficiels :
- 80% sont visibles à l’endoscopie si l’examen est attentif
- on note une anomalie du relief (micro-erosion ou surélévation) et/ou
de couleur (rouge ou blanche)
- l’utilisation de colorations améliore la rentabilité diagnostique (lugol
ou bleu de toluidine).
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