UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV ESPACE COMMUNAUTAIRE EUROPEEN : UNITE OU MORCELLEMENT ? Stephane Virol Allocataire-Moniteur IFReDE-IERSO 19 et 20 septembre 2002 1 Après plus de quarante ans d’existence, la Communauté Economique Européenne continue l’approfondissement de l’intégration entre ses membres. Si sur le plan économique ce processus peut être qualifié de réussi, il reste sans doute, beaucoup à faire tant sur les plans politique, institutionnel ou social. Mais, le prochain grand défi que l’Europe s’apprête à relever est l’élargissement de ses frontières à l’Est. L’adhésion des pays de l’Europe centrale et orientale va ainsi accentuer le processus de construction européenne. Cette prodigieuse dilatation de notre espace de référence va redonner à l’Europe son assise continentale en donnant vie à un nouvel ensemble beaucoup plus vaste qu’il ne l’est actuellement. Cet espace européen déjà marqué par des disparités multiples va, de fait, voir sa diversité existante renforcée. Ainsi, le rôle joué par la politique régionale européenne sera primordial, de même que la logique d’aménagement du territoire qui l’accompagne. Cette dernière va-t-elle, comme c’est le cas actuellement, privilégier l’idée de morcellement ? Dans ce cas, l’aménagement de l’espace européen ne serait que la somme des aménagements des territoires nationaux. Ou bien, va-ton choisir la logique de l’unité ? En effet, il apparaît, dans les dernières évolutions de la politique régionale européenne mais aussi dans les travaux informels (Schéma de Développement de l’Espace Communautaire), une volonté de considérer l’espace européen, non plus comme la somme des Etats le composant, mais comme une entité propre. Dès lors, ne doit-on pas spatialiser la politique régionale européenne ? Il conviendrait, alors, de déterminer les impacts que l’introduction de ce facteur spatial peut avoir dans l’élaboration de cette politique. En outre, si l’espace européen est appréhender dans son ensemble, c'est-à-dire que nous nous plaçons dans une logique d’unité, alors, ne devrions-nous pas déterminer une nouvel espace d’action pour cette politique ? Ainsi, il nous est apparu pertinent d’élaborer un historique de la relation entre le processus d’intégration économique et la politique régionale européenne afin de bien montrer la tension qui a existait entre ces deux mouvements. Cet historique, nous l’avons mené à la lumière de l’évolution des théories sous-jacentes de ces deux objets. Or, dans les derniers développements de la politique régionale européenne, apparaît la volonté de considérer l’espace européen dans son ensemble. Cette nouvelle orientation nous a conduit à construire une analyse multi-niveaux de cet espace nous permettant, de ce fait, de mettre en évidences ses différentes caractéristiques. Hormis les analyses interne et externe, il y a surtout une tentative d’anticipation de ce que pourrait être l’espace européen de demain. Nous avons ainsi traiter de l’élargissement à l’Est et de ses conséquences, mais aussi et surtout, de la logique de macro-territoires comme possible espace d’action de la politique régionale européenne. Ce raisonnement en termes de macro-territoires semble d’autant plus justifié que l’élargissement risque d’amplifier les difficultés quant à l’aménagement de ce nouvel espace. I – 1 Plus que le libre échange, l’intégration Pour les fondateurs de la communauté européenne, la seule constitution d’une zone de libreéchange n’était pas une fin en soi, ils voulaient aller plus loin dans leur expérience d’intégration. Ces précurseurs attendaient de l’intégration économique un gain d’efficacité provenant d’une meilleure 2 allocation des ressources productives et de l’exploitation d’économies d’échelle favorisées par l’élargissement du marché. Ainsi, après l’instauration du libre-échange, le second pas vers cette intégration a été la mise en place d’une union douanière qui devait augmenter le bien-être, sans le maximiser1. En outre, la communauté européenne n’a eu de cesse d’augmenter le niveau d’intégration entre ses membres pour arriver, à terme, à l’intégration économique totale (BALASSA, 1975) et à la mise en place d’une monnaie unique, l’euro. Le processus d’intégration Lorsque est mise en place une union douanière, des modifications sont à apporter aux conclusions néo-classiques dans le cas d’un libre-échange total. Cette nouvelle situation se caractérise par la suppression des obstacles à la libre circulation des marchandises entre les pays membres de l’intégration avec l’instauration d’un tarif extérieur commun vis-à-vis du reste du monde. Ainsi, nous nous baserons sur la théorie des unions douanières développée par VINER en 1950. Celle-ci va nous permettre de préciser l’impact de l’intégration sur la localisation des productions et sur le commerce international entre les pays membres et entre ceux-ci et les pays tiers. La modification de la protection douanière découlant de l’instauration d’un tarif extérieur commun va entraîner une modification des flux d’échanges internationaux, non seulement à l’intérieur de l’union mais aussi et surtout entre l’union et l’extérieur, réallouant ainsi les ressources productives. VINER identifie alors les deux effets que sont la création de commerce et le détournement de commerce. Il détermine trois configurations possibles concernant l’apparition simultanée ou non de ces deux effets. En outre, à ces deux effets qui sont qualifiés d’effets statiques, s’ajoutent des effets dynamiques qui sont d’une part les effets d’économie d’échelle et de concurrence accrue stimulant l’évolution technique et d’autre part la spécialisation intra-branche des économies des pays membres. Pour ce qui nous concerne, nous souhaitons connaître les implications de la création de l’union douanière européenne sur le commerce mondial. Les méthodes d’estimation, variables selon les auteurs (BALASSA (1975), KREININ (1972), VERDOORN et SCHWARTZ (1972)), aboutissent à des résultats différents mais la plupart des travaux concluent que les effets de création de commerce ont été largement supérieurs à ceux de détournement de trafic dans la communauté. En ce qui concerne les effets dynamiques, l’intégration (ici la constitution d’une union douanière) semble permettre une plus grande utilisation des économies d’échelle et est bien un des facteurs explicatifs du développement de la spécialisation intra-branche. La proximité géographique et le caractère relativement comparable des demandes nationales peuvent être, eux aussi, pris comme facteurs explicatifs. Comme nous l’avons déjà souligné, le degré d’intégration souhaité par les bâtisseurs de l’Europe va bien au-delà d’un simple marché commun, et requière, en effet, la constitution d’une véritable union 1 Optimum de second rang par rapport au libre-échange sans aucune barrière. 3 économique et monétaire. En faisant référence à la théorie des zones monétaires optimales, nous pouvons déterminer le degré d’intégration que le processus européen a atteint. Les premiers travaux sur le concept de zone monétaire optimale date de 1961 et sont dus à MUNDELL. Selon cet auteur, la mobilité des facteurs de production, et en particulier celle du facteur travail, est un élément déterminant dans la délimitation d’une zone monétaire optimale vis à vis du reste du monde avec lequel perdurent des relations de change flottant. Cela signifie qu’un groupe de pays a intérêt à constituer une zone monétaire unique si et seulement si la mobilité des facteurs qui y existe est plus importante que celle qui apparaît avec l’extérieur. A l’évidence en ce qui concerne la Communauté, les critères de MUNDELL montrent qu’il ne peut s’agir d’une zone monétaire optimale, tant est faible la mobilité du facteur travail entre les pays membres. Une seconde approche du concept de zone monétaire optimale est due à McKINNON en 1963. Selon lui, l’avantage d’une union monétaire n’est pas tant fonction de la mobilité des facteurs de production que du degré d’ouverture des économies considérées. Il définit ce degré d’ouverture par « le rapport entre les biens échangeables internationalement et le produit national brut »2. Ainsi, plus ce rapport prendra une valeur importante, plus ces pays auront intérêt à avoir des taux de change stables qui faciliteront le développement des échanges. Le critère de McKINNON semble être beaucoup plus favorable à la Communauté et dans ce cas l’union monétaire européenne pourrait être considérée comme une zone monétaire optimale. Ainsi, les critères de MUNDELL et de McKINNON sont plus « axés sur l’arbitrage entre changes fixes – changes flexibles que vers le problème de constitution d’une véritable union monétaire telle qu’elle se pose à l’Europe. Une autre dimension doit être introduite »3. Le concept de zone monétaire optimale peut être appréhendé dans une troisième approche, qui en introduisant un « indicateur d’opportunité »4, pondère les critères de MUNDELL et de McKINNON. L’idée sous-jacente est la suivante : s’il n’existe pas un consensus entre les membres d’une zone économique intégrée, sur les objectifs clés d’une politique économique, il semble impossible de mettre en place une monnaie unique, donc de réaliser une zone monétaire optimale. Ce critère est celui des préférences homogènes établit par KINDLEBERGER en 1986. Ce mode d’intégration monétaire nous renvoie à celui de l’intégration économique définit comme suit par CELIMENE et LACOUR (1997) : « l’intégration par la coordination des stratégies globales : l’harmonisation ». « Dans cette forme, on travaille surtout sur des temporalités longues, les exemplarités et on instille régulièrement et quotidiennement de l’intégration jusqu’à des points de non-retour »5. La définition donnée par ces auteurs à cette forme d’intégration correspond clairement à celle pratiquée par l’Union. Ainsi, il est clair que, si nous considérons les atermoiements du processus de construction monétaire européenne et de son cheminement vers l’intégration de ces dernières décennies, l’explication de la constitution 2 YVARS (1997, 343). BOURGUINAT (1997, 596). 4 BOURGUINAT (1997, 596). 5 CELIMENE, LACOUR (1997, 27). 3 4 d’une zone monétaire optimale par la convergence des préférences homogènes de KINDLEBERGER paraît correspondre à la réalité européenne. Les limites de ce processus Ces limites sont tout d’abord intrinsèques à la théorie néo-classique. En effet, les hypothèses de concurrence pure et parfaite et de rendements d’échelle constants semblent difficilement soutenables. Ensuite, en modifiant les hypothèses néo-classiques , la nouvelle économie géographique a permis d’apporter de nouvelles conclusions, notamment quant aux conséquences d’un processus d’intégration sur la répartition géographique du système productif. Ainsi, l'intégration européenne renforcée par l'achèvement du Marché unique, devait selon la théorie néoclassique permettre une convergence des Etats et une répartition équilibrée de la production sur l'ensemble du territoire. C'était ignorer le fait que, en réduisant la protection géographique des entreprises, le Marché unique allait accentuer la différenciation des produits et le commerce intrabranche. La disparition des barrières tarifaires et la baisses des coûts de transferts risquaient de renforcer la logique de polarisation. Si jusqu'à lors, l'existence d'Etats nationaux puissants en Europe avait permis le maintien d'activités diverses au sein de chaque territoire, la disparition des frontières à l'intérieur de l'Union européenne était susceptible de conduire à une spécialisation accrue des espaces nationaux mais surtout la constitution d'espace régionaux privilégiés (Fatas, 1997). A ce sujet, Krugman et Venables (1996) ont construit un modèle afin d'étudier les conséquences de l'intégration européenne sur la localisation de l'activité industrielle. Pour eux, ce modèle peut être considéré, à la base, comme une représentation des plus frappantes différences qui existent entre la localisation de l'industrie aux Etats-Unis et en Europe. La concentration géographique qui en émane est le résultat du degré d'intégration prévalant, historiquement, sur ces deux territoires. Ils aboutissent à trois configurations possibles : l’immobilisme, l’intégration sans modification de la géographie productive ou l’agglomération totale. Martin et Ottaviano (1996), quant à eux, examinent les problèmes posés par l'intégration multi-vitesses en Europe, ceci du point de vue de la localisation des activités économiques. Ils montrent que deux scénarii sont envisageables, selon que les mécanismes d'agglomération, qui proviennent de la migration du capital humain ("fuite des cerveaux") pendant la phase de transition, sont possibles ou non. Ils indiquent qu'une approche séquentielle de l'intégration commerciale et monétaire peut mettre en danger le processus même d'intégration. Alors que la marche en avant pour la création d’une Europe intégrée prenait corps, la prise de conscience de l’importance et par-là même du danger des disparités régionales de développement, apparaissait aux dirigeants européens. Les autorités se basant sur la théorie néo-classique, furent convaincues de l’influence positive de l’intégration sur la réduction des disparités existantes. Devant la persistance, voir l’augmentation, de ces disparités, il fut décidé de mettre en place une politique 5 interventionniste susceptible de pallier à de tels déséquilibres. Celle-ci allait connaître de nombreuses évolutions tant dans ses fondements propres que dans ses approches théoriques sous-jacentes. I – 2 La politique régionale européenne comme réponse aux limites de l’intégration La politique régionale européenne a connu une évolution profonde de son mode de fonctionnement, nous avons choisi de distinguer deux périodes. Il y eut d’abord une politique volontariste, certes, mais sous le contrôle des différents Etats membres. Les résultats n’ayant pas satisfait les autorités, une réforme non seulement du mode de fonctionnement mais aussi de la logique sous-jacente fut élaborée. Une politique sous tutelle Lors de sa création la politique régionale européenne était très tributaire des Etats membres. En effet, le mode de fonctionnement de celle-ci attribué à ces derniers une part prépondérante. De même, la théorie sous-jacente à la politique de l’aménagement du territoire était basée sur l’intervention de l’Etat central. Cette tutelle des Etats fut une des caractéristiques de la première période de la politique régionale européenne. Comme l’avait annoncé F. PERROUX, « « le développement et la croissance consécutifs à la réalisation du Marché commun renforceront les principaux pôles de développement dans la mesure où joueront les rentabilités sur les marchés spatialement très imparfaits et soumis aux concurrences monopolistiques »6. Ainsi, une politique régionale européenne active est très vite apparue comme nécessaire. Cependant, pour certains sous cette volonté affichée de mettre en place une politique interventionniste se cache l’ambition de se voir rembourser les sommes versées à la Communauté. En outre, la mise en œuvre même de cette politique n’est pas aisée. En effet, il n’y pas de politique régionale commune à l’image de la politique agricole et ce sont les Etats qui déterminent leurs besoins et en font part à la Communauté afin qu’elle les finance. Ainsi, pour chaque Etat la politique régionale concerne des parties de leur territoire réputées en retard ou en déclin, identifiées par le terme « zones de développement ». En outre, dans cette première période, il n’existe pas ou très peu de programmation dans la mise en place de la politique régionale européenne ; les critères de sélection sont très variables, à peine mentionnés et surtout jamais quantifiés. Cette politique, bien que volontariste, accompagnée de critères laxistes, a abouti au « clientélisme » et au saupoudrage. Dans les premiers temps de la politique régionale européenne, la logique sous-jacente d’intervention est « une logique de réparation »7. Réparation des déséquilibres hérités des Etats membres, mais aussi de ceux engendrés par l’instauration progressive d’un Marché commun laissée aux seules lois de marché. Cette logique est donc d’abord liée à la volonté de résorber les écarts de revenus préexistants lors de la signature du Traité de Rome afin de construire l’Europe sur des bases « saines ». A ce 6 7 F. PERROUX cité dans LAJUGIE, DELFAUD, LACOUR, (1985, 602). LACOUR (1989, 107). 6 principe d’interventionnisme politique qu’est la logique de réparation, correspond une théorie pour l’aménagement du territoire, celle du développement par le haut. En effet, comme nous l’avons souligné, c’est l’Etat central qui décide pour les régions, ainsi comme l’écrit ROMUS (1990, 82) : il s’agit de « politiques régionales sans les régions ». Cet aménagement central, descendant est basé sur la globalité, sur l’uniformisation, c’est la logique de « la carte »8 de J.P. de GAUDEMAR, « ignorant les détails micro-économiques, la carte ne peut procéder que par grandes touches ». Nous retrouvons ici l’idée de F. PERROUX selon laquelle le développement n’est pas égal partout et que par conséquent, l’Etat doit intervenir en implantant des « industries motrices » susceptibles de créer « un pôle croissance ». Mais, « la diffusion à partir d’un pôle foyer vers les espaces environnants obéit à un processus de sélection qui tend d’une part à orienter vers les zones les plus éloignées ou les plus mal reliées au foyer principal, les activités les moins valorisées et/ou les plus nouvelles »9. Ainsi, au lieu de renforcer la capacité industrielle des régions défavorisées, ce processus les fragilise à terme. En fait, il se produit une « dualisation de l’espace »10 qui génère des processus cumulatifs à la concentration d’activités innovantes au centre et à la localisation d’activités menacées dans les régions en retard. De fait, la politique régionale européenne basée sur la seule intervention des Etats membres et financée pour partie par la Commission, n’a pas conduit à une réduction des inégalités régionales. Les raisons sont nombreuses et nous en avons évoqué certaines comme le lourd héritage des Etats membres, le manque de coordination à de nombreux niveaux, la logique de « guichet » qui sous-tend les interventions financières de la Commission, le saupoudrage dû au manque de clarté des critères et enfin à la « logique de généralisation au nom de la spécificité des territoires et des activités »11. Devant l’insuffisance de résultats de la politique régionale européenne, la Commission décida de mettre en place un nouveau mode de fonctionnement basé sur une échelle européenne. La nécessaire plus grande autonomie de la politique régionale vis-à-vis des Etats fut établie grâce, pour partie, à la contractualisation et à la complémentarité. Le tournant pris par la logique d’aménagement au début des années quatre-vingts fut à l’origine de cette réforme. De l’émancipation à la crédibilité En fait, dans cette réforme c’est l’idée de « synthèse » de UHRICH (1983, 97) qui prédomine. Ainsi, la Commission a pu peu à peu émanciper la politique régionale européenne de la tutelle des Etats en mettant en place des programmes qui lui paraissaient être prioritaires pour le développement et l’aménagement du territoire européen pris dans son ensemble et non comme une somme d’espaces nationaux. De nouvelles notions telles que le principe de subsidiarité, de programmation pluriannuelle 8 De GAUDEMAR J.P., (1989, 72). MATTEACCIOLI A., (1981, 95). 10 AYDALOT P., (1980, 306). 11 LACOUR (1989, 107). 9 7 ou de coopération apparaissent. En fait, le principe du « juste retour » ne doit plus avoir cours. Pour ce faire, le principe du partenariat doit être respecté. Il est défini comme une concertation étroite entre la Commission, l’Etat membre et les autorités compétentes (nationales, régionales, …) et il permet une plus grande transparence quant à la provenance des moyens financiers mis en œuvre. L’objectif de cette nouvelle approche est la création, par la coopération d’une plus-value par rapport aux politiques sectorielles séparées. Alors que la première forme d’interventionnisme se bornait à une logique de réparation, de constat des héritages nationaux en termes de déséquilibres régionaux, la nouvelle approche se base sur l’idée de « préparation »12 de l’avenir. Ainsi, tandis que dans un premier raisonnement, les autorités tentaient de résoudre au plus vite les divers problèmes, suivant l’intuition du moment, sans aucune anticipation des déséquilibres à venir, cette logique de préparation tend à anticiper le développement régional et les problèmes qui y ont trait. C’est bien cette approche des difficultés qui émane de la programmation mise en place à partir de 1989 en vu d’un renouveau de la politique régionale européenne. En outre, si l’approche en termes de réparation prônait la généralisation au nom de la spécificité des territoires et des activités, celle de préparation met en avant le principe de la spécificité en tant que tel. Nous passons d’un type de politique volontariste à une politique basée sur la concertation. De plus, cette nouvelle logique de préparation est établie sur un nouveau référentiel. En effet, « le référentiel est devenu international, au minimum européen »13. L’aménagement du territoire ne doit plus seulement concerner les problèmes internes d’un pays, son territoire national, mais bien, dans le cas qui nous concerne, l’espace européen dans son ensemble. Autrement dit, nous devons considérer l’espace européen comme une entité propre et non comme la somme des espaces nationaux qui le composent. La nouvelle logique d’aménagement du territoire sous-tentant l’idée de préparation est celle de développement qualifié d’endogène. Il s’agit alors de mieux prendre en compte les potentialités locales de développement. En effet, par logique du développement par le haut, les autorités ont « trop privilégié le moteur du développement régional et trop négligé le milieu récepteur »14. Ainsi, le modèle de développement par le bas repose sur les facteurs locaux de développement et sur la mobilisation des acteurs locaux. Ce développement local peut être qualifié d’endogène car il est basé sur un sentiment d’appartenance, un enracinement local et sur le fait que les acteurs locaux ressentent cette « adhérence ». Mais reconnaître l’existence du développement local, c’est aussi reconnaître que le développement est inégal. Il repose en effet sur des facteurs quasi virtuels, les « virtualités » de UHRICH (1983, 136), qui sont spécifiques à chaque territoire. Ainsi, la politique régionale européenne a su obtenir plus d’autonomie vis à vis des pays membres mais aussi plus de crédibilité du fait de la réforme de son mode de fonctionnement. Une des nouvelles orientations de cette politique est la prise en compte de l’espace européen en tant qu’entité et non plus comme une somme d’Etats. Cette nouvelle approche a été notamment abordée dans le Schéma de 12 LACOUR (1989, 107). De GAUDEMAR (1989, 77). 14 MATTEACCIOLI (1981, 6). 13 8 développement de l’espace communautaire (SDEC) et semble d’autant plus nécessaire que le prochain grand défi de l’Europe est l’élargissement de ses frontières à l’Est. Cette prodigieuse dilatation de notre espace de référence va se faire sur des territoires qui sont caractérisés par de très fortes disparités et un revenu moyen par habitant très inférieur à celui de la moyenne communautaire actuelle. En ce qui concerne le territoire, cet élargissement va redonner à l’Europe son assise continentale en donnant vie à un nouvel espace européen beaucoup plus vaste qu’il ne l’est actuellement. Cet espace européen déjà marqué par des disparités multiples va, de fait, voir sa diversité existante renforcée. Dès lors, comment pouvons-nous définir l’espace européen, quels sont les qualificatifs qui peuvent le décrire ? C’est afin de répondre à cette interrogation que nous avons tenté d’élaborer une analyse multi-niveaux de l’espace européen. A cette fin nous avons choisi de distinguer trois niveaux d’analyse : interne, externe et une anticipation du futur. II – 1 L’espace européen : une analyse interne En considérant l’espace européen de l’intérieur, nous pouvons distinguer au moins deux niveaux. Le premier est celui des Etats membres, eux même étant l’agrégation d’entités infra-nationales composant le second niveau. Ce qui est commun à ces deux approches, dans l’appréhension de l’espace européen, c’est l’extrême hétérogénéité de ses composantes. Une somme d’Etats-nations intégrés Diversité, voilà le premier mot qui vient à l’esprit lorsque nous considérons l’espace européen. Cette diversité, nous la désignons comme le produit du triptyque (géographie, histoire, institutions). En effet, comme nous le montrerons plus loin, l’intégration européenne ne s’est pas faite par « la fusion ou l’absorption » mais plutôt par « harmonisation » (CELIMENE, LACOUR, 1997, p.25) laissant ainsi une certaine place aux particularités de chacun. L’idée sous-jacente étant que le gommage discrétionnaire des particularités locales par une instance supranationale risquait d’entraîner le refus de l’intégration européenne par les populations nationales et donc l’échec de la construction européenne. Cependant, la construction européenne se veut l’unité dans la diversité. Ainsi, il y a donc eu en Europe ces deux processus de régionalisation et d’intégration européenne, qui loin, de se contredire, se complètent et se renforcent. L’espace européen n’est pas seulement une somme d’Etats, c’est surtout une somme d’Etats intégrés, munie d’un tarif extérieur commun. L’unité de cet espace est donc le produit de l’intégration. Ce processus d’intégration est quant à lui relativement difficile à qualifier. En effet, l’un des fondateurs, Robert Schuman semblait très influencé par le courant du fonctionnalisme15. Selon lui, « l’Europe ne se fera pas d’un coup ni dans une construction d’ensemble ; elle se fera par des réalisations concrètes 15 Courant de pensée dont l’ouvrage fondateur est de M ITRANY D., 1966, Working Peace System, Chicago. 9 créant une solidarité de fait »16. Mais il semble que le processus d’intégration européenne ne peut être qualifié de fondamentalement fonctionnaliste. Ainsi, il paraît plus judicieux d’appréhender la thématique du néo-fonctionnalisme17. Dans ce cas, l’intégration doit être menée fonction après fonction de manière pragmatique. Au cours de son processus, l’intégration est élargie en fonction des opportunités à des domaines nouveaux par un effet d’entraînement (spill-over effect) qui caractérise sa progression. De fait, d’une part, l’intégration se déroule sans que les principaux acteurs aient la capacité d’appréhender la totalité des conséquences de leurs choix (principe d’indirection) et d’autre part, les objectifs de l’intégration ne peuvent être prédéfinis. Ainsi, une des caractéristiques du néofonctionnalisme réside dans l’irréversibilité apparente du processus. Définir de manière stricte le processus d’intégration européenne se révèle donc être une tâche difficile. Elle semble être un hybride entre le fonctionnalisme et le néo-fonctionnalisme mais peut aussi prendre des éléments à d’autres courants théoriques. Ainsi, LACOUR et CELIMENE18 définissent ce qu’ils nomment des composantes de l’intégration régionale des espaces ainsi que des formes préférentielles. En ce qui concerne la forme prise par l’intégration économique en Europe, nous pensons que « l’intégration par la coordination des stratégies globales : l’harmonisation » (LACOUR, CELIMENE, 1997) est celle qui s’apparente le plus avec la réalité européenne. En effet, tout comme la doctrine néo-fonctionnaliste, l’intégration par harmonisation n’est pas un enchaînement linéaire mais plutôt un processus itératif, progressif, souvent retardé mais toujours en marche. Dans ce cas, la période de référence est longue, l’intégration se poursuit insidieuse, quotidienne, elle a le temps pour elle. Une somme d’espaces infra-nationaux Au niveau infra-national, là encore, l’hétérogénéité est très marquée. En effet, la définition institutionnelle d’une région est très variable d’un pays à l’autre et nous verrons que ce n’est pas sans poser de problème pour l’application de la politique régionale européenne. Cette dernière s’avère être tout à fait indispensable tant à la diversité semble s’ajouter de profondes disparités au sein de ces territoires. La notion qui pose problème dans le cas présent est celle de région. Nous avons choisi la définition de P. ROMUS. Pour cet auteur « il s’agit en général d’un territoire qui est une entité propre, avec une culture et une langue commune, et pour lequel il est possible d’organiser un développement économique en commun »19. Nous retenons donc cette définition pour le terme région mais une autre difficulté se présente alors. Selon les pays, la notion de région ne représente pas le même objet institutionnel (certains n’ont même pas de région). En effet, se côtoient en Europe des pays régionalisés, des Etats fédéraux, des Etats traditionnellement centralisés et ceux n’ayant pas 16 ROCHE J.J., 2001, Relations internationales, 2ème édition, L.G.D.J., p.177. de BUSSY M. H. (dir.), 1971, Approches théoriques de l’intégration européenne. 18 CELIMENE F., LACOUR C., 1997, « Eléments d’une théorie de l’intégration régionale des espaces », in 17 CELIMENE F., LACOUR C. (dir.), 1997, L’intégration régionale des espaces, ASRLD, Economica, p.22. 19 ROMUS, 1990, 13. 10 d’institutions régionales. Afin de créer des références communes pour l’application de la politique régionale européenne, les instances européennes ont mis en place les « Nomenclature des Unités Territoriales Statistiques ». Ces dernières ont pour but d’homogénéiser la structure institutionnelle de l’Europe. Si cette diversité ne semble pas poser de problèmes majeurs pour le développement économique de l’Europe, en revanche, la disparité et même les disparités qui existent au sein de l’espace européen (CAPRON, 1997) se doivent d’être corrigées car une plus grande efficacité économique globale est à ce prix. Une tentative d’homogénéisation est ainsi menée par des politiques interventionnistes et la mise en place d’une réglementation commune (définition de normes, d’un droit communautaire,…). Comme nous l’avons montré, la politique régionale européenne a connu une profonde évolution depuis sa création mais son objectif de réduction des disparités de développement économique de l’espace est resté prioritaire . Si la diversité voir même les disparités semblent être des caractéristiques importantes de l’espace européen lorsque l’analyse est interne, quand est-il dans le cadre d’une analyse externe. Ici encore, le développement apporté se fera en deux niveaux. II – 2 Espace européen : une analyse externe Si nous considérons l’espace européen comme un acteur du commerce mondial, nous nous apercevrons que cette entité commerciale est relativement homogène et qu’elle répond assez bien aux critères de définition des blocs commerciaux régionaux. Par contre, dans un deuxième temps, nous conduirons une analyse à un niveau plus fin, les « régions », et nous nous apercevrons que très peu d’entre elles sont des pôles d’accès dans la mondialisation. Un bloc commercial homogène Même si « la nation ne vit que dans et par un ensemble plus vaste qu’elle »20, la mondialisation des relations économiques internationales nous pousse à nous interroger sur la pertinence du processus d’intégration régionale de l’Union européenne. En effet, si d’un point de vue intérieur la construction européenne semble être un modèle d’intégration régionale, certains redoutent que l’Europe ne devienne qu’une simple composante du libre-échangisme mondial « de moins en moins vertébrée »21. De fait, le phénomène de régionalisme européen est mis en concurrence avec le mondialisme car il existe une interaction entre le processus d’intégration libérale engagé par le Traité de Rome et le mouvement continue d’internationalisation des économies nationales. Ainsi, l’Europe ne semble pas se différencier du reste du monde, elle s’insère simplement dans le système mondial. 20 21 PERROUX F, 1991, L’économie du XXe siècle, PUG,p.270. BOURGUINAT H., 1995, La tyrannie des marchés, Paris, Economica, p.119. 11 Mais, comme nous le montrerons, cette dynamique des relations économiques internationales ne signifie pas l’absence d’un mouvement de régionalisation de l’économie mondiale dont l’Europe peut être un parfait exemple. En effet, le bloc commercial Europe, dont les frontières sont celles du tarif extérieur commun, participe à la logique dedans/dehors, ce qui contraint le multilatérisme et les efforts entrepris pour libéraliser le commerce à l’échelle mondiale. Il peut donc être intéressant d’analyser l’impact des blocs commerciaux régionaux sur la prospérité mondiale. Selon P. KRUGMAN, il existe deux effets opposés. D’une part, plus le nombre de blocs est faible moins il y a de tarifs douaniers susceptibles de freiner les échanges potentiels ; le cas extrême est celui où il n’y a plus qu’un seul bloc, c’est le libre échange total. D’autre part, à chaque fois que des groupements se fondent en blocs plus vastes, il y a distorsion de trafic. Ainsi, la relation entre le nombre de groupements et la prospérité semble suivre une courbe en U. La justification apportée par KRUGMAN, quant à l’existence de blocs commerciaux régionaux, repose sur l’idée de zones d’échanges naturelles jouant de leur proximité. La proximité géographique est en effet une source naturelle d’approfondissement des échanges, même à une époque où les coûts de transport ne constituent plus qu’un obstacle secondaire aux échanges. Si en tant que bloc commercial régional l’Europe peut apparaître comme un ensemble harmonieux, en affinant l’analyse nous découvrirons que la marginalisation, due à la montée de l’internationalisation des échanges et des systèmes productifs, est présente en Europe. Un monde d’archipels La globalisation a tendance à effacer les frontières nationales, seules comptent les frontières des territoires économiquement aptes à avoir un accès à ce processus. Ainsi, une tendance la marginalisation est en cours, les espaces privilégiés sont peu nombreux et concentrent les attributs du pouvoir économique. Ainsi, entre un processus que ALBERT et BROCK22 ont qualifié de « défrontiérisation » et une géopolitique qui ne connaît comme principe de base du droit et de la souveraineté que le principe territorial classique (territoire étatique continu et homogène), le fossé se creuse de plus en plus. OHMAE23, quant à lui, identifie quatre forces qui usurpent le pouvoir politique des Etats. Ce sont les quatre I représentant l’investissement, l’industrie, les technologies de l’information et les individus. Il conclut au dépérissement des grands Etats-nations économiques et à l’émergence de régions économiques ouvertes à la compétition mondiale. Il nomme ces entités territoriales « Etats-régions »24. Ce sont des entités dont la taille et l’échelle sont suffisantes pour en ALBERT M, BROCK L, 1972, cités dans SCOTT A.J., 2001, Les régions de l’économie mondiale, L’Harmattan, p.34. 23 OHMAE K, 1996, De l’Etat-nation aux Etats-régions, Dunod, p.2. 24 Ibid, p.5. 22 12 faire de véritables unités opérationnelles naturelles de l’économie planétaire contemporaine (Global city region25). Ce qui précède illustre le fait que ces processus de différenciation spatiale, de polarisation et/ou de spécialisation accroissent les inégalités territoriales. Ainsi, alors que le synchronisme technologique est une quasi-réalité dans le monde, apparaît un paradoxe soulevé par VELTZ et que nous résumons en soulignant que plus la diffusion des techniques est rapide, plus son espace se restreint à un « archipel développé »26. C’est ce PETRELLA nomme « l’apartheid technologique »27. La logique géoéconomique des Etats-régions de OHMAE conduit directement à la dynamique des cités-Etats (le modèle Singapour), irrémédiablement délestées du poids de leur arrière pays, ceux-ci devenant au mieux des réserves de main-d'œuvre, au pire des friches. Dans ce cadre, le rôle de la politique régionale européenne se heurte au dilemme équité/efficacité. En effet, les processus de différenciation spatiale, de polarisation accentuent les inégalités spatiales et, se faisant, accroissent les problèmes des régions ne participant pas à la globalisation de l’économie. Une des conséquences est la réduction de l’efficacité économique de l’Europe et donc sa compétitivité au niveau mondial. Dans ces conditions, il paraît tout à fait sain de tenter de corriger ses déséquilibres dont l’accentuation ne peut être que préjudiciable au cours du temps. Mais d’autre part, perdre une partie substantielle des moyens financiers afin de soutenir des régions dont l’espoir de rattrapage est très faible peut desservir la croissance globale de la Communauté. Apparaît ici le phénomène de différenciation des échelles. Une région ou un territoire qui possède un potentiel très important en rapport avec le reste du territoire national voire européen, peut se trouver démuni face à la puissance économique d’autres territoires au niveau planétaire. L’arbitrage est donc très difficile à réaliser. Nous venons d’analyser l’espace européen tel qu’il peut être perçu. Dans ce qui va suivre, nous allons tenter d’imaginer ce que cet espace va devenir dans le futur. Tout d’abord, nous allons appréhender les conséquences possibles de l’élargissement à l’Est de la Communauté tant en ce qui concerne l’espace productif et la localisation des activités que la politique régionale européenne. Ensuite, nous étudierons les logiques à mettre en place afin de réformer les politiques d’aménagement du territoire en tenant compte de cette dilatation de l’espace européen. Nous analyserons donc le concept de macroterritoire en tant que possible réceptacle de la politique régionale européenne. 25 SASSEN S., 1991, The Global city : New York, London, Tokyo, Princeton, University Press. VELTZ P., 1996, Mondialisation, villes et territoires. L’économie d’archipels, PUF, p.102. 27 PETRELLA R., 1994, « A new world in the making », in Commission des communautés européennes, The European Community and the Globalization of Technology and the Economy, FAST Report, Bruxelles. 26 13 II – 3 L’espace européen et l’avenir Un élargissement hétérogène L’élargissement à l’Est de la Communauté, ou encore dit de façon plus imagée « le rassemblement des deux Europe »28 semble être le futur probable de la construction européenne. Mais, le risque de dilution de l’identité européenne par banalisation au niveau mondial couplé à celui de la perte de puissance liée à l’absence d’un pouvoir décisionnaire (supranational ?) capable d’établir une coordination efficace menacent la pérennité même de l’Europe. Quant aux difficultés rencontrées par la poursuite de l’intégration, elles sont susceptibles de se manifester par une non-adhésion à certaines des composantes29 de l’intégration régionale. L’une des conséquences de ces nombreux problèmes est la création d’une « Europe des cercles », une « Europe multi-vitesses ». En effet, l’intégration éventuelle des PECO aux niveaux de revenu très différents, sans pour autant interrompre l’approfondissement, représente un défi. Dans un modèle analytique issu de la nouvelle économie géographique, MARTIN et OTTAVIANO30 ont cherché à montrer l’impact possible d’un processus d’intégration séquentiel sur la géographie des activités économiques en Europe. Ils affirment que « la forme même du processus d’intégration a des conséquences importantes en termes de localisation »31. Ainsi, si comme nous le pensons un phénomène d’agglomération a de fortes chances de se produire, ce modèle propose une base théorique à l’opinion de bon sens selon laquelle la période de transition précédent l’intégration du pays de la périphérie ne devrait être ni trop longue, ni trop courte. Les pays d’Europe de l’Est candidats à l’adhésion à la Communauté sont le théâtre de très fortes disparités et d’un retard de développement économique important. Une estimation des dépenses qu’impliquerait l’application des actions structurelles aux PECO a été réalisée par BALDWIN 32, elle montre que sauf à réduire les seuils d’intervention, une extension considérable du budget serait nécessaire. En outre, les principaux inconvénients de la mise en œuvre de l’aide structurelle dans les PECO ont trait à la capacité d’absorption de ces pays et aux risques de mauvaise allocation des fonds publics. Une logique de macro-territoires Afin de tenir compte de l’extension sans précédent de l’espace européen, la détermination d’une nouvelle politique d’aménagement du territoire européen semble nécessaire. La prise en compte de FOUCHER M., POTEL J.Y.(dir.), 1993, Le continent retrouvé, DATAR/L’Aube. CELIMENE, LACOUR, 1997, 25. 30 MARTIN P., OTTAVIANO G.I.P., 1996, « La géographie de l’Europe multi-vitesses », Economie Internationale, La revue du CEPII n°67, 3ème trimestre, pp.45-65. 31 MARTIN , OTTAVIANO , 1996, 63. 32 BALDWIN, 1994 cité dans BESNAINOU D., 1995, « Les Fonds structurels : quelle application aux PECO ? », in Economie Internationale, la revue du CEPII n°67, 3ème trimestre, pp.45-65. 28 29 14 l’espace européen comme une entité et non comme la somme de ses parties reflète bien la nouvelle logique qui devrait être suivie. Dans cette logique d’aménagement du territoire, le Schéma de développement de l’espace communautaire va nous servir de trame. L’idée de considérer l’espace européen dans sa totalité comme base de la future politique spatiale communautaire y est en effet évoquée. L’hypothèse que nous souhaitons développer est liée à cette nouvelle approche. Autant la région semblait pertinente comme espace réceptacle lorsque l’aménagement du territoire était national, autant à l’avenir, la constitution de grands ensembles transrégionaux semble nécessaire afin de pouvoir gérer la logique d’aménagement du territoire européen ainsi que la politique régionale européenne. L’avenir de l’aménagement du territoire à l’échelle européenne passe par « une conception positive ». Car il s'agit de passer d'une conception en termes de redistribution de richesses existantes à une conception en termes de production de richesses durables et mieux réparties »33, ce que nous nommerons le maillage du territoire. Le but de ce maillage est la constitution sur l’ensemble du territoire européen d’un système « interactif »34 de métropoles, de villes petites et moyennes, de bourgs ruraux mais aussi de grands espaces territoriaux. On cherche, en fait, à supprimer les « chaînons manquants »35 du territoire. Alors que l’Europe doit faire face à deux types de forces, des forces centrifuges résultant du processus de mondialisation et des forces centripètes générées par l’approfondissement de l’intégration régionale, il nous paraît primordial que la politique régionale européenne bénéficie de nouveaux espaces d’action capables de répondre à ces nouvelles exigences. Ce qui semble essentiel, c’est la notion de territoire pertinent. En fait, nous choisissons de reprendre la définition proposée par GUIGOU, « un espace est jugé pertinent par sa capacité à rassembler les énergies organisationnelles et informationnelles susceptibles de promouvoir du développement. Il est jugé pertinent s'il est capable, par son organisation, de capter et de diffuser »36. Dès lors, il faut rechercher ces territoires pour l’avenir « ne pas les inventer, mais les observer avant de les structurer et de pouvoir, plus tard, peutêtre les institutionnaliser »37. Nous retrouvons ici l’idée selon laquelle, « la recomposition des territoires redéfinit les emboîtements à partir de nouvelles échelles, à la fois plus larges et à inférence spatiale plus floue (p. ex. Arc Atlantique, Europe des métropoles…). Cette diversité des espaces, tout autant que leur volatilité et leur mouvance, provoque et ouvre les régions, en les forçant à trouver à la fois leurs particularités et à se définir de nouvelles complémentarités, en les forçant aussi à mieux déterminer les échelles (variables) d'action et les « compromis stratégiques » entre le tout mondial et le tout local »38. En outre, la mise en place de ces macro-territoires permettrait d’utiliser au mieux les mécanismes de recomposition39 de l’espace européen. Ces mécanismes reposent sur les trois effets que sont l’effet de « taille critique », l’effet « métropolisation » et l’effet « transfrontalier ». Sur l’espace GUIGOU J.L., 1995, Une ambition pour le territoire. Aménager l’espace et le temps. DATAR-L’Aube, p.84. LECLERC, PARIS, WACHTER, 1996, 135. 35 Ibid, p.135. 36 GUIGOU, 1995, p.106. 37 Ibid, p.94. 38 DION, LACOUR, 2000, p.353. 39 LECLERC, PARIS, WACHTER, 1996, 21. 33 34 15 européen pourraient donc apparaître dans les années à venir de grands bassins continentaux40 ainsi que des territoires du type Arc Atlantique pour la façade Ouest du continent. En outre, il nous paraît intéressant, dans la suite de nos travaux, de déterminer les fondements théoriques qui ont conduit à la constitution d’ensembles transfrontaliers tel que l’Arc Atlantique. FREMONT A, 2000, « Les grands découpages de la France vus d’Europe. A propos d’Interreg IIIb », in Territoires 2000, Revue d’Etude et de Prospective, DATAR, 1, p.93. 40 16 BIBLIOGRAPHIE AYDALOT P., 1980, Dynamique spatiale et développement régional, Economica. BESNAINOU D., 1995, « Les Fonds structurels : quelle application aux PECO ? », in Economie Internationale, la revue du CEPII n°67, 3ème trimestre, pp.45-65. 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