Dissertation_lutte_inflation

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Thomas ALENGRIN
Dissertation de Macroéconomie
Conférence de M. Fabrice BITTNER
le mercredi 22 avril 2009
La lute contre l’inflation dans la zone euro nuit-elle à sa
croissance ?
Introduction
La banque centrale Européenne (BCE) détient le pouvoir de la politique
monétaire de la zone euro depuis le 1er janvier 1999 date à laquelle la monnaie unique a
été introduite et l’Eurosystème (BCE + Banques Centrales Nationales de la zone euro)
créé. Et comme le rappelle si bien Jean Claude Trichet, l’actuel directeur de la BCE, en
affichant la volonté de garder l’inflation tout juste sous les 2% pour la zone euro, «
L’objectif principal du SEBC (Système Européen des banques centrales) est de maintenir
la stabilité des prix ».
Toutefois cette volonté affichée de stabilisation des prix rencontre de vifs écueils
et de cinglantes critiques mettant en opposition la faible croissance de la deuxième
économie mondiale en comparaison de la croissance américaine ou britannique voire de
l’Asie. En effet depuis 2001, le taux de croissance de la zone euro a toujours été
inférieure à celle des Etats Unis (jusqu’à 2007 où ces derniers ont été touchés de plein
fouet par la crise des dite des « subprimes ») rendant en moyenne près de 1,5 points de
croissance tous les ans. De plus, l’autre critique également faite est le fort taux de
chômage de la zone Euro comparé à son voisin britannique (9% pour la zone euro
contre 5% en Angleterre en 2005).
Il apparaît alors une double problématique : Cette recherche de stabilité et de
lutte contre une trop fort augmentation est-elle réellement la source des problèmes de
croissance et de chômage que connaît la zone euro ? Et si tel est le cas pourquoi alors
souhaiter à tout prix lutter contre le phénomène inflationniste ?
Dans un premier temps nous verrons donc pourquoi et comment la BCE lutte
contre l’inflation puis dans un second temps nous verrons quels problèmes induisent
cette lutte et notamment pourquoi elle impacte de façon négative la croissance dans la
zone euro.
I. Les raisons de la lutte contre l’inflation et les moyens de mise en œuvre
A. Une volonté de stabilisation des prix de la part de la BCE
L’inflation comme le définit l’INSEE correspond à la paisse de pouvoir d’achat de la
monnaie qui se traduit par une augmentation générale et durable des prix. On comprend
alors un peu mieux la volonté première de la BCE qui souhaite « une progression sur un
an de l’indice des prix à la consommation harmonisé inférieure à 2% dans la zone euro.
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La stabilité des prix doit être maintenue à moyen terme ». En effet, dans une période où
l’on ne cesse de parler de la baisse du pouvoir d’achat des ménages, la volonté de la zone
euro est de protéger ses près de 322 millions d’habitants.
Toutefois les conséquences de l’inflation sont multiples pour l’économie et sont souvent
d’ordre néfaste ce qui explique également cette volonté de lutte.
Au premier rang de ces raisons, on peut noter le fait que l’inflation inquiète et par
conséquent elle dérègle les calculs des différents agents économiques qui doivent
reconsidérer l’avenir avec une certaine pointe d’incertitude. Au contraire en luttant
contre l’inflation ou en stabilisant celle ci, on assure une stabilité et les agents
économiques peuvent l’intégrer comme une constante dans leurs calculs de rentabilité
de leurs d’investissements.
Ensuite l’inflation est un phénomène inégalitaire en matière sociale. Elle ne va pas
toucher les ménages de la même façon. En effet, en période d'inflation, les classes aisées
seront mieux couvertes et donc moins affectées par la hausse des prix. De plus, les
pouvoirs en terme de négociation de salaire sont plus importants chez les classes aisées.
Ce pouvoir est très rigide, voir immobile chez les classes moyennes.
Troisièmement, l’inflation fait monter les taux d’intérêts. En effet, les créanciers vont se
protéger de l'inflation en augmentant leurs taux. En période d'inflation, la garantie de
remboursement est moins élevée. Ceci explique cette réaction par la hausse des taux. Le
coût de l'emprunt augmentera donc, et les liquidités seront plus difficiles à obtenir.
Alors elle affecte la consommation. Avec des taux d'intérêts élevés, l'emprunt est cher,
mais les placements plus attractifs ! Les ménages vont donc réduire leur consommation,
au profit de leur épargne. Sauf que l'épargne, c'est de l'argent qui "dort". La baisse de la
consommation, véritable pilier de croissance, aura des conséquences néfastes sur
l'activité nationale.
Ceci se ressent alors au niveau des entreprises pour qui l’investissement va également
baisser entraînant une baisse de la production ce qui peut donc impacter la croissance
de façon néfaste.
De plus, l’inflation lorsqu’elle n’est pas contrôlée à tendance à s’auto-entretenir et à
s’emballer aggravant de fait une situation déjà mauvaise.
Enfin, l’inflation reste un souvenir douloureux pour l’Europe de l’ouest de par la période
des années 20 et la très forte inflation qui a touchée l’Allemagne qui avait recours à la
politique dite de la « planche à billets » mais qui causa l’effondrement de son économie.
A première vue donc, il semble que la lutte contre l’inflation soit une bonne chose car
une inflation trop forte et non contrôlée aurait tendance à faire baisser la croissance.
Toutefois la lutte contre l’inflation ne doit pas se traduire par une inflation nulle voire
négative c’est à dire de la déflation. En effet il est plus difficile d’agir en période de
déflation que de contrôler l’inflation.
Mais voyons alors quels sont les moyens mis en place pour lutter contre le phénomène
inflationniste.
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B. Les moyens d’action
Les outils pour limiter l’inflation sont multiples et de différentes natures que l’on peut
séparer en deux grands types : les actions budgétaires et les actions monétaires.
D’un point de vue budgétaire, l’action peut se faire par une augmentation des
prélèvements fiscaux ou en abaissant les dépenses sociales ce qui créera une demande
moins forte que l’offre et donc fera baisser les prix. L’action peut également se faire par
une action directe sur les prix de la part d’une autorité compétente. Un Etat qui contrôle
les prix permet de lutter contre l’inflation. Bien que très efficace, cette méthode reste
très impopulaire. L’action peut être menée en direction des salaires en augmentant par
exemple les minima sociaux ou en gelant certains salaires. Enfin en favorisant le
dynamisme des entreprises et en permettant une plus grande offre sur le marché on
peut alors lutter contre la hausse des prix et donc l’inflation.
Mais la BCE n’a aucune compétence ou autorité en matière budgétaire et les action qui
lui sont propres et sur lesquelles elle a la liberté de s’exprimer sont les actions de
politique monétaire.
En effet, si l’on reprend l’équation de Irving Fisher qui s’écrit MxV=PxT où M représente
la masse monétaire, V la vitesse de circulation de la monnaie, P le niveau des prix et T le
nombre de transactions, on voit clairement apparaître que le niveau des prix des lié à la
masse monétaire et croit dans le même sens qu’elle. Ainsi pour jouer sur l’inflation et
contrôler celle-ci il faut contrôler la masse monétaire. Pour cela il existe deux méthodes.
Soit on contrôle l’augmentation de l’agrégat monétaire en fixant un taux annuel
d’augmentation. Soit on joue sur les taux directeurs de refinancement. En effet en jouant
sur le taux de refinancement des banques, on va inciter ou non ces dernières à créer des
liquidités. Par exemple avec un taux élevé, il y a moins d’argent, alors cet argent a une
forte valeur et ne se pose pas alors de problèmes de pouvoir d’achat de la monnaie.
C’est cette dernière solution qu’a choisi la BCE pour lutter contre l’inflation. En effet, les
taux directeurs décidés par la BCE sont parmi les plus hauts et même en temps de crise
lorsque la FED annonce des baisses de son taux directeur la BCE garde toujours un taux
plus élevé. Ainsi en avril 2008 alors que la FED venait d’abaisser son taux de
refinancement au jour le jour à 2,25%, la BCE elle restait sur un taux égal à 4%.
Aujourd’hui à 1,25% pour la zone euro, ce faible taux directeur s’accompagne pourtant
de la plus faible inflation depuis 1999 à savoir 0,6% en mars 2009 mais s’accompagnant
également d’une baisse de production de 3,6%. La lutte contre l’inflation par des taux de
refinancements élevés est-elle donc réellement source de la faible croissance de la zone
euro et si tel est le cas quelles en sont les raisons ?
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II. En quoi la politique monétaire de la BCE nuit à la croissance européenne
On pourra distinguer deux types de raisons pour lesquelles la politique de fort taux
directeur de la BCE est un handicap pour la croissance. D’une part des raisons générales
qui s’appliqueraient dans n’importe quel cadre et qui font appel aux théories
économiques et d’autre part des raisons structurelles inhérentes aux particularités de la
zone euro. Ces raisons font que la solution qui serait préférable n’est pas applicable en
Europe à l’heure actuelle.
A. Les raisons de fond
Tout d’abord on peut souligner le fait que lutter contre l’inflation par une politique
monétaire de taux directeurs élevés n’est pas forcément compatible avec une bonne
croissance et ce pour deux raisons.
En effet comme nous l’avons vu plus haut une des raisons de lutter contre l’inflation est
que celle-ci augmente les taux d’intérêts par une perte de confiance en l’avenir des
créanciers et diminue de fait la consommation ce qui n’aide pas par la croissance. Or le
fait d’avoir des taux directeurs élevés amènent évidemment le problème des taux
d’intérêts élevés et donc de la baisse de consommation donc de production c’est à dire
nuit à la croissance. Cela revient à guérir le mal par un autre mal. Ainsi même si la
volonté est de lutter contre l’inflation, le résultat se traduit par une de ces conséquences
à savoir une baisse de la production.
Deuxièmement, des taux directeurs élevés génèrent comme nous l’avons vu plus haut
une faible masse monétaire. Cette faible masse monétaire engendre donc
automatiquement une forte valeur de la monnaie du fait de sa rareté. Cette
caractéristique qui protège de l’inflation se traduit aussi par un fort taux de change de la
monnaie. En effet en 2006, l’euro s’est échangé jusqu’à 1,6$ et aujourd’hui même si ce
taux est plus bas (1€=1,301$ le 22 avril 2009), il reste très élevé et les conséquences
sont dramatiques pour l’économie européenne. En effet à l’heure où la mondialisation
bat son plein et que les économies sont de plus en plus ouvertes, un fort taux de change
ne favorise pas le commerce extérieur. Les entreprises européennes souffrent de cette
situation et ceci défavorise la croissance. Pour Christian Saint-Etienne, « la France et
l’Italie sont étranglées dès que le taux de change de l’euro dépasse 1,25 dollar ».
Voilà donc au moins deux raisons qui peuvent expliquer que la lutte contre l’inflation
prônée par la BCE est un frein à la croissance Européenne. Cependant, il existe d’autres
raisons inhérentes à la zone euro pour expliquer la baisse de croissance et le
comportement de la BCE
B. Les particularités de la zone euro
Tout d’abord il faut noter comme le souligne Christian Saint-Etienne que la BCE dispose
d’une certaine inertie et que sa lenteur lui fait prendre les bonnes décisions avec près de
18 mois de retard comme cela avait été le cas après la crise de 2001 suite aux attentats
du World Trade Center.
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Ensuite la zone euro n’est pas une zone monétaire optimale. En effet pour être une zone
monétaire optimale il faut remplir quatre types de critères à savoir : mobilité des
facteurs de production à l’intérieur de la zone (Selon Mundell), degré d’ouverture des
économies des pays de la zone entre eux et à l’extérieur de la zone (McKinnon), les pays
de la zone doivent avoir une convergence des structures économiques (Cooper) et enfin
une transparence de la gouvernance.
Or si les capitaux circulent bien dans la zone euro ce n’est moins le cas pour la main
d’œuvre. De plus la zone est asymétrique de par les niveaux de PIB/habitants très
variable dans la zone. ET du fait de cette forte hétérogénéité les décisions de la BCE lors
de ses changements de taux n’ont pas les mêmes effets suivants les pays.
Aussi et ce qui apparaît peut-être comme le plus gros défaut de la zone euro ce n’est pas
tant le manque de transparence de la BCE mais l’absence de gouvernance et de réelle
institution décisionnelle. En effet la BCE n’a au final pas un grand contrôle sur les
banques centrales nationales qui restent libres des politiques monétaires internes.
Surtout la BCE n’a aucun pouvoir sur els politiques budgétaires des différents membres
de la zone et le conseil des différents ministres des finances ne joue qu’un rôle informel
dans la politique de la BCE.
Enfin l’action de la BCE est contrainte par le pacte de stabilité européen qui vise à un
équilibre budgétaire dans la zone euro en limitant le déficit public. En effet les limites
pour le déficit et la dette sont fixées respectivement à 3% et 60% du PIB.
Pour toutes ces raisons et notamment le manque de contrôle et de pouvoir sur les
politiques budgétaire de la zone, la politique de la BCE peut apparaître comme un frein
pour la croissance. Une solution qui semblerait efficace est celle du Policy mix mais elle
est impossible du fait de cette structure.
C. L’impossibilité du Policy mix
Avant de comprendre quels sont les effets du Policy mix faisons un petit retour le
modèle IS-LM.
1. Le modèle IS-LM
Le modèle IS/LM a l’avantage de modéliser succinctement les effets des politiques
monétaires et budgétaires sur la production et les taux d’intérêts d’une économie. Il est
constitué de deux courbes d’équilibres : la courbe IS liée aux taux d’intérêt et à l’épargne
et la courbe LM liée à la monnaie.
La courbe IS représente les couples (production, taux d’intérêt) qui permettent
l’équilibre sur le marché des biens et des services (offre = demande). Celle-ci est
décroissante car plus le taux d’intérêt augmente, moins les entreprises vont investir, ce
qui va diminuer la production. Cet équilibre est influencée par une modification de la
politique budgétaire (prélèvements fiscaux, dépenses gouvernementales). Ainsi lorsque
les dépenses publiques augmentent, la courbe IS se déplace vers le haut.
La courbe LM représente, elle, l’ensemble des couples (production, taux d’intérêt) qui
permettent l’équilibrent sur le marché de la monnaie. Celle-ci est croissante car plus le
revenu des ménages augmentent, plus la demande de monnaie est forte et donc plus le
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taux d’intérêt est élevé. Cette relation est dépendant de la politique budgétaire. Ainsi
une diminution de l’offre de monnaie entraine un déplacement de la courbe vers le haut.
Il est alors possible de déterminer l’équilibre des deux marchés à l’intersection des
courbes IS et LM.
2. La mise en place du Policy mix
Afin de pouvoir assurer le pacte de stabilité mais également assurer une croissance
suffisante, il faudrait jouer à la fois sur les politiques budgétaires et à la fois sur les
politiques monétaires et ce en « même temps ».
Si l’on veut réduire le déficit budgétaire c’est à dire en faisant moins d’investissements
de la part de l’Etat, on s’expose à une baisse de la production (point B ci-dessous). Mais
en jouant également sur l’expansion monétaire on peut arriver à la même production et
donc maintenir une croissance.
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Malheureusement, ce type d’action conjuguée n’est pas possible en Europe du fait de
l’absence d’institution européenne pouvant influencer la politique budgétaire des Etats
membres. En effet dans la zone Euro et contrairement aux Etats Unis d’Amérique, il y a
une politique monétaire et 16 politiques budgétaires.
Conclusion :
La volonté première de lutte contre l’inflation de la part de la BCE est tout à fait légitime
du point de vue de la protection du cadre de vie de ses habitants. Cependant son
application par une politique de taux directeurs élevés peut apparaître comme une
nuisance pour la croissance de la zone euro.
Toutefois cette nuisance n’est pas volontaire et est en grande partie du à la situation
européenne et sa jeunesse historique. En effet afin d’avoir une politique efficace il
faudrait que l’Europe se munisse d’un réel organe budgétaire. Gageons que l’avenir fera
tendre la zone euro vers cette solution.
Sources :
Références bibliographiques :
BCE, La politique monétaire de la BCE, 2004.
Gatinois, Claire, Le cruel dilemme de l’UE, paru dans le Monde, 24 février 2008
Saint Etienne, Christian, « BCE, euro et croissance : que faire ? », in Sociétal, n° 49, 4ième
trimestre 2005.
Sites internet consultés :
http://www.insee.fr
http://inflation.free.fr/index.php
http://econovie.canalblog.com
http://www.ecb.int/ecb/html/index.fr.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Inflation
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