un atelier de communication des la phase initiale d`une

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INTERET D'UN ATELIER DE COMMUNICATION DES LA PHASE INITIALE D'UNE
LESION CEREBRALE AVEC TROUBLES DU LANGAGE
(analyse de huit ans d'expérience)
N. BAILLEUL, J. LAMARQUE, C.LANEUGE, M. LATOUR, C. SIMON, M. AGUIRRE, J-F. PATRY
Résumé
Objectif - Mesurer la satisfaction de personnes aphasiques ayant participé à un atelier de communication dès la
phase initiale de leur lésion cérébrale.
Matériel et méthode - Depuis 1993, un atelier de communication a été créé au C.R.E Louis Baches. Il est proposé
aux aphasiques vasculaires et traumatisés crâniens avec troubles du langage dès la phase initiale de leur
rééducation.
Fonctionnant une heure trois fois par semaine, en complément de l'orthophonie et de la neuropsychologie, il est
animé par des infirmières de rééducation et un médecin de médecine physique et de réadaptation.
Notre étude s'est faite à partir d'un questionnaire de satisfaction adressé à 68 patients ayant bénéficié de cet
atelier.
Les réponses ont été analysées sans étude statistique. L'objectif était d'identifier les bénéfices de l'atelier à
partir du vécu individuel des personnes concernées.
Résultats - Les avis recueillis concernent l'organisation des séances -fréquence, contenu, encadrement- et les
répercussions de cette prise en charge sur la communication et l'intégration sociale du patient.
Dans la majorité des cas, l'atelier est jugé utile.
Son intérêt est nettement différencié de celui de l'orthophonie et de la neuropsychologie.
Les bénéfices ressentis sont très variables d'une personne à l'autre. Ils concernent la communication mais plus
encore le vécu psychologique et l'insertion sociale de ces personnes.
Ces bénéfices apparaissent dès le stade initial du trouble du langage.
Conclusion - L'étude systématique de satisfaction pour chaque patient au cours de la prise en charge paraît
souhaitable.
Cette étude préliminaire confirme l'intérêt d'un atelier de communication dès la phase initiale du trouble du
langage, conjointement à la rééducation orthophonique et neuropsychologique.
Depuis 1993, un atelier de communication a été créé au Centre de Rééducation Fonctionnelle Louis
BACHES de BAGNERES-de-BIGORRE.
Proposé aux personnes avec une aphasie vasculaire ou traumatique, l'atelier est conçu comme un soin
de réadaptation, complémentaire à la rééducation orthophonique et neuropsychologique.
Nous avons souhaité mesurer la satisfaction des personnes bénéficiaires.
CREATION ET FONCTIONNEMENT DE L'ATELIER
La création de l'atelier répondait à trois réflexions sur le langage et la communication de la personne
aphasique :
-leur nature est différente. Le langage est un outil, la communication un usage. :
-leur évolution n'est pas identique comme l'illustre l'aphorisme classique "l'aphasique communique
mieux qu'il ne parle".
-l'intérêt porté au langage contraste avec le manque d'intérêt porté à la communication en centre de
rééducation.
L'atelier fonctionne sur prescription médicale, précisant les indications et les contre-indications :
-statut de l'aphasique (locuteur, auditeur)
-difficultés et capacités repérées pour communiquer (attention, persévération, logorrhée, capacités
motrices et gestuelles, aptitudes sensorielles),
-comportements habituels (isolement, repli, agnosie, anosognosie).
L'atelier est animé par une infirmière et un médecin, une heure trois fois par semaine.
Depuis sa création, cinq infirmières ont participé à son développement.
Les activités proposées sont variées :
-conversation (thèmes libres, dirigés, actualité),
-activités gestuelles (imitation, mimes, observation, reconnaissance),
-activités sonores (rythmes, mélodies, sons),
-jeux de rôle,
-activités sociales (préparation et service du café, jeux, entraide courrier, achats, aide aux
déplacements),
-préparation des fêtes, évènements (anniversaires, sorties ...).
Le rôle de l'infirmière comprend :
-réalisation de bilan de communication. Echelle de communication verbale de Bordeaux (ECVB),
-mise en situation de groupe,
-inhibition de comportements contre-indiqués,
-orientation d'activités ciblées par la prescription médicale,
-création d'activités collectives,
-modération du groupe (ordre de parole, contrôle des activités individuelles).
PRESENTATION D'UN CAS CLINIQUE
Chaque patient bénéficie conjointement de rééducation orthophonique et pour quelques uns, de
rééducation neuropsychologique.
Pour illustrer le fonctionnement de ces différents soins, nous avons choisi de vous présenter les soins
d'une patiente prise en charge, en orthophonie, en neuropsychologie et en atelier de conversation
La rééducation orthophonique
Mme. D. a présenté une aphasie post-traumatique suite à un accident de la voie publique. Elle est à un
an d'évolution. L'exploration scannographique initiale retrouvait un petit hématome sous-dural et une
contusion hémorragique corticale temporo-pariétale droite. On notait des troubles moteurs dis- :
crets, par contre il existait des troubles phasiques sévères.
La première intervention de l'orthophoniste consiste à faire le bilan des troubles présentés par le
patient. Il existe plusieurs protocoles, le MT 86 (Montréal- Toulouse) et le Boston (BDAE) que nous
utilisons ici à Bagnères.
Dans le cas de cette patiente, le bilan initial montrait :
-des troubles importants dans la compréhension orale et écrite, tant en discrimination qu'en logique et
raisonnement. La compréhension contextuelle était elle aussi déficitaire.
-une expression orale réduite, peu informative, constituée d'automatismes et d'une accumulation de
formules stéréotypées. On notait particulièrement un manque du mot majeur.
-l'expression écrite était elle aussi déficitaire avec une dysorthographie très importante.
-les troubles du langage étaient majorés par de nombreux troubles neuropsychologiques associés.
Dans le service, la communication était difficile, la patiente ayant de grosses difficultés pour se faire
comprendre, elle se montrait particulièrement anxieuse et angoissée.
La rééducation quotidienne a été orientée sur :
-la récupération de la compréhension orale et écrite.
-et la restitution d'une expression orale et écrite fonctionnelle.
Chaque séance était constituée d' exercices visant :
-à réduire le manque du mot par des recherches systématiques de vocabulaire (substantifs et verbes)
au départ très concrets (objets usuels, parties du corps) puis plus abstraits.
-et à restructurer la syntaxe pour pallier l'agrammatisme (phrase réduite à un ou deux mots).
En plus des exercices touchant le vocabulaire et la structuration du langage, nous pratiquions
également systématiquement des exercices visant à la restitution de la compréhension orale et écrite
avec des analyses de textes, des associations et des différenciations de sens de mots, de phrases
etc…
Petit à petit, la bonne évolution des troubles phasiques nous a conduit à une approche plus "littéraire"
et plus grammaticale de la langue avec un travail plus analytique des codes et des règles. Nous avons
alors repris les conjugaisons, les règles d'accord, tout ceci associé à une langue orale et écrite plus
précise, plus riche, mieux maîtrisée.
Ce travail a été long, difficile, souvent décourageant pour la patiente (la langue française est très
complexe), mais actuellement, après un an, Mme. D., bien qu'encore gênée par un léger manque du mot,
présente une expression orale fluente, précise, pertinente et même nuancée et profonde.
Elle a également retrouvé un niveau correct en expression écrite, sans dysorthographie. Le but de
l'orthophonie et de l'ensemble de l'équipe de rééducation des fonctions supérieures est de redonner
au patient une communication en utilisant tous les vecteurs possibles, communication orale et écrite
bien sûr, mais aussi gestuelle, mimiques, dessin etc…
La rééducation neuropsychologique
La neuropsychologie se donne pour objectifs le bilan (décrire, évaluer, comprendre} et la rééducation
(traiter} des désordres des fonctions supérieures produits par des altérations du cerveau.
Pour illustrer ceci et comprendre la complémentarité de nos actions avec l'orthophonie, et l'atelier de
communication, nous avons choisi de vous parler de la même patiente -Mme D.
L'évaluation neuropsychologique initiale retrouvait
-des troubles du langage (production, compréhension, réalisation de mouvements},
-des troubles associés (attention, mémoire, raisonnement, calcul, troubles perceptifs etc. ..} qui
pouvaient participer à ces troubles du langage.
La rééducation prolongée s'est révélée efficace. Je ne la détaillerai pas. J'axerai mes propos sur la
prise en charge actuelle.
A un an d'évolution, Mme D. se situe à un stade avancé de la rééducation et envisage de reprendre son
activité professionnelle antérieure (infirmière psychiatrique}. Ce projet s'accompagne de multiples
questions vis-à-vis de :
-ses collègues ("ma place dans l'équipe ?", "la prise en compte de mes difficultés ?"...},
-ses patients ("vont-ils ressentir un changement dans mon comportement, ma personnalité ?"...},
-ses compétences (à transmettre des informations, à comprendre les patients...},
-sa nouvelle image,
-les techniques palliatives à employer.
A ce stade pré-professionnel, les épreuves standardisées de Mme D. se sont presque normalisées:
attention (test d'attention K-T}, mémoire (BEM 144, Grober et Buschke...}, fonctions exécutives (Tour
de Londres, Trail Making Test, Test des 6 éléments etc...}.
Le bilan neuropsychologique va se personnaliser. Il s'adapte aux inquiétudes et besoins exprimés par
Mme D. vis à vis de sa réinsertion professionnelle.
L'évaluation pré-professionnelle comprend les épreuves suivantes :
-de fluence verbale et d'orthographe (actes infirmiers, pathologies, traitements, médicaments},
-de fluence du discours et de contenu sémantique (transmissions IDE, discussions avec patients},
-de communication écrite (synthèse écrite d'IDE},
-perception de son anxiété, de ses capacités exécutives, et de sa fatigabilité attentionnelle.
Le bilan révèle les difficultés suivantes: un manque du mot et une dysorthographie des termes
infirmiers et psychiatriques, avec cependant une conservation des savoir-faire infirmiers concrets ("je
sais comment on fait pour faire tel ou tel acte mais j'ai tout simplement oublier le nom de l'acte..."}.
La stratégie réadaptative neuropsychologique inclut: :
-le travail de la communication (gestes de substitution, initiative à la prise de parole, compte rendu en
groupe...),
-la réactivation du vocabulaire infirmier et psychiatrique (oral et écrit) dont elle aura besoin dans sa
pratique quotidienne,
-l'augmentation de la vitesse de traitement de l'information compatible avec la situation
professionnelle,
-la mise en situation professionnelle contrôlée à visée thérapeutique.
En conclusion, la neuropsychologie rééduque les troubles des fonctions supérieures. Elle réadapte
également chaque patient en fonction de ses capacités préservées grâce à des stratégies
personnalisées et adaptées au contexte familial, social, ou professionnel.
L'atelier de communication
Mme D a bénéficié de l'atelier de communication dès le début de son aphasie. Les modalités de prise
en charge correspondent à la description faite au chapitre précédent.
Nous avons donc recueilli ses propos concernant son vécu et son expérience de l'atelier de
communication. Au début, elle a participé à cet atelier sans plaisir réel "j'avais trop d'angoisse, pas
d'imagination, je n'avais pas la sensation de plaisir". Cependant, l'atelier lui a semblé très utile "j'ai
accepté d'être avec d'autres personnes que je ne connaissais pas (...) cela m'a obligé à les entendre,
les écouter (...), à prononcer des mots autres (...) et progressivement j'ai pris conscience de mon
évolution".
" Après quelques mois, mon évolution a fait que mon intérêt a diminué (...) j'ai alors pu, avec un autre
patient, suggérer d'y faire un travail plus spécifique et d'un niveau plus élevé -atelier littéraire"
(lecture de texte à haute voix, restitution orale ou écrite, travail de la forme -prosodie, mise en scène
gestuelle, mise en forme graphique-, discussion de contenu.
Le contenu de l'atelier lui paraissait adapté mais elle regrettait l'irrégularité de l'effectif du groupe.
Par ailleurs, elle différenciait bien l'intérêt qu'elle portait à l'atelier de celui des séances
orthophoniques et neuropsychologiques. ("la différence du travail, la vitesse des mots (...), pouvoir
parler de ce que l'on veut (...), les soignants étant là pour m'aider à trouver la justesse des mots dans
mes phrases").
L'ENQUETE DE SATISFACTION :
L'enquête de satisfaction (cf. annexes), réalisée auprès de 68 patients ayant bénéficié de l'atelier de
communication, comportait cinq rubriques :
-utilité (deux questions),
-plaisir ressenti lors des séances (deux questions),
-intérêt de l'atelier en complément de la rééducation orthophonique et neuropsychologique (une
question),
-contenu (trois questions),
-adaptation souhaitées (deux questions).
L'analyse des réponses n'est pas statistique.
Utilité et plaisir ressenti
Ils sont évalués à un niveau élevé par la quasi-totalité des patients (4/5).
Les motifs les plus souvent évoqués: "oser parler", "ne pas se sentir seul" "sortir de l'isolement"
"donner confiance" "rencontrer d'autres personnes aphasiques".
D'autres motifs moins fréquents: "formuler des phrases", "juger de son niveau par rapport aux
autres", "aider à écouter les autres et à se concentrer", "ambiance sympathique", "oubli des problèmes
pendant quelques instants".
A l'opposé, quelques réponses font état des difficultés à s'exprimer, à s'intégrer, à s'adapter au
bruit. Elles émanent des patients lourdement aphasiques, non fluents, non locuteurs et n'ayant fait
aucun progrès de communication après quelques semaines d'atelier. Les patients ont abandonné
l'atelier par désintérêt.
Intérêt de l'atelier en complément de la rééducation orthophonique et neuropsychologique.
Si les séances d'orthophonie et de neuropsychologie sont reconnues comme plus personnelles et
adaptées, l'atelier de communication est considéré comme plus adapté pour l'échange affectif, la
réflexion avant de parler, la prise de conscience de son évolution (comparaison avec les autres),
l'application des apprentissages réalisés en orthophonie et neuropsychologie, le chant, l'initiative.
Contenu et adaptations souhaitées
Les réponses ne permettent pas de dégager de proposition sur le contenu.
En revanche, plusieurs recommandations d'organisation apparaissent fréquemment :
-le nombre maximal de participants (4 à 5),
-le besoin de contrôle du niveau sonore et de la vitesse du discours entre participants (perception
auditive)
-la durée et la fréquence des séances (3/4 d'heure, 1 j/2).
CONCLUSION
Proposer un atelier de communication à la phase initiale d'une aphasie est très favorablement perçu
par les patients.
Les bénéfices s'expriment socialement et psychologiquement (resocialisation, rupture d'isolement,
reprise de confiance en soi).
Le bénéfice langagier n'est pas perçu comme primordial.
L'atelier de communication apparaît comme un outil précieux à la réadaptation des personnes
aphasiques.
ATELIER DE COMMUNICATION
CRF Louis Baches
Madame, Monsieur :
Date :
Prise en charge en atelier en
1 - L'atelier de communication vous a été prescrit comme d'autres activités: orthophonie,
kinésithérapie, ergothérapie...
Cet atelier vous a-t-il rendu service ?
Pas du tout
Un peu
Moyennement
Beaucoup
Ne sait pas
0
1
2
3
2 - Si cet atelier vous a rendu service, en quoi précisément vous a t-il rendu service ?
Pour oser parler
Avec les autres patients
Avec les soignants
Avec votre famille
A l'extérieur de votre milieu familial
Pouvez-vous décrire comment cela s'est traduit en pratique ?
3 - Lorsque vous avez commencé l'activité de groupe, veniez-vous avec plaisir ?
Si oui pourquoi ?
Si non pourquoi ?
4 - Au fur et à mesure des séances,
Avez-vous trouvé des intérêts nouveaux que vous n'aviez pas imaginés au début ?
Avez-vous perdu de l'intérêt ?
Pourquoi ? Comment ?
5 - Pensez-vous que cette activité était utile en plus de l'orthophonie ?
Si oui pourquoi ? Que vous apportait-elle de différent ?
Sinon, pourquoi ?
6 -Le contenu de cette activité vous a-t-il paru adapté ?
- niveau de travail
- équilibre du groupe entre personnes soignées,
- taille du groupe,
- évolution des exercices,
- heures de prise en charge,
- durée de prise en charge,
- nombre de séances.
oui
oui
oui
oui
oui
oui
oui
non
non
non
non
non
non
non
7 -Avez vous eu des difficultés avec le contenu ? Précisez-en la nature ?
8 -Si vous aviez des suggestions à faire :
Avez-vous pu les faire pendant votre traitement ?
Oui
Non
En a-t-il été tenu compte ?
Oui
Non
9- L'organisation est faite avec un médecin et plusieurs infirmières
Cela vous paraissait-il adapté ?
Oui
Non
Y a-t-il des obstacles ou des insuffisances qui vous aient gêné ?
Quelles modifications auriez-vous souhaitées ?
10 -Pensez-vous que le suivi et la qualité de prise en charge étaient :
Mauvaise
Insuffisante
Bonne
Très Bonne
Ne sait pas
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