de Figaro : De l’esprit pour s’avancer ?..., qui est de sa part une façon de détourner la
proposition.
Les deux tirades
Figaro varie sa stratégie, en alternant les attaques brèves et les longues répliques.
La 1ère tirade a pour objectif de montrer que Figaro connaît la langue et les mœurs des Anglais
et de détruire le point de vue énoncé par le Comte : tu ne sais pas l’anglais. C’est l’occasion
pour Figaro de montrer ses talents d’improvisateur et de mime. Il joue trois scènes de farce de
manière visuelle et vivante comme le montre la présence de nombreuses didascalies (manger,
boire, séduire). Le comique est créé par le fait qu’avec le juron God-dam, on obtient surtout le
contraire de ce qu’on souhaite. Figaro a en tout cas prouvé au Comte qu’il ne craignait pas
d’aller en Angleterre malgré sa méconnaissance de la langue.
La 2ème tirade présente une analogie avec la 1ère, analogie mise en relief par la comparaison
ironique du Comte : Comme l’anglais, le fond de la langue ! Elle est une analyse critique des
comportements politiques dénoncés à travers leur hypocrisie par tout un jeu d’oppositions et
de reprises des mêmes termes. Figaro a pour objectif de montrer au Comte qu’il a une
expérience lucide et précise des fonctionnements sociaux, mais aussi qu’il n’a pas besoin de
ses enseignements, donc pas besoin d’aller à Londres.
On voit ainsi que les deux tirades jouent un rôle stratégique important dans l’échange
polémique de répliques et déjouent habilement les projets du Comte en le plongeant dans une
certaine confusion : chacune conduit à une conclusion opposée.
L’ironie
Si le Comte manie l’ironie, c’est Figaro qui y excelle. Oxymore (gratifié de la conciergerie),
épithète modalisée (un fort joli sort), périphrase disproportionnée pour désigner la fonction
que le Comte lui propose à Londres (le courrier étrenné des nouvelles intéressantes) : autant
de moyens de faire savoir, tout en feignant de dire le contraire, qu’il n’est pas dupe d’une
manœuvre visant à le posséder, comme à posséder Suzanne, à les placer dans la sphère du
Comte, c’est-à-dire dans une société dont Beaumarchais fait le procès.
II. Une satire sociale au service d’un théâtre en liberté
A. Déplacement d’une relation particulière à un état général de la société
La violence des rapports entre Figaro et son maître n’est que le reflet de la violence qui habite
l’ensemble du corps social.
Les formules généralisantes : le pronom indéfini on Sait-on gré du superflu, à qui nous prive du
nécessaire, le pluriel nous : n’humilions pas l’homme qui nous sert bien, les maximes : médiocre
et rampant, et l’on arrive à tout, redoublent et complexifient l’énonciation. Qui parle ici ? A la
fois Figaro, Beaumarchais et une voix collective, celle du tiers état. L’accumulation de verbes à
l’infinitif feindre,savoir, entendre, ouïr, pouvoir, avoir, s’enfermer, paraître, jouer, répandre,
pensionner, amollir... associée au pronom indéfini on dépersonnalisent l’action et la généralisent.
La tirade sur la politique brosse le tableau d’un monde désorganisé, d’une lutte pour la vie, selon
la loi du plus fort. Le Comte veut d’ailleurs placer Figaro un peu sous moi, image d’une structure
aristocratique.
B. La critique d’un système
Figaro revendique la reconnaissance du mérite personnel contre les privilèges des seigneurs. Il
commence par se comparer aux seigneurs, comme si le rempart de l’aristocratie était fragile : Et si
je vaux mieux qu’elle ? Y a-t-il beaucoup de seigneurs qui puissent en dire autant ? De plus, la
menace : crainte d’en faire un mauvais valet met à mal la domination sociale des seigneurs : le
Comte reste le maître parce que Figaro le veut bien.
Il poursuit en pointant le dysfonctionnement d’une société toute entière : on n’est jamais employé
à sa vraie valeur : Médiocre et rampant, et l’on arrive à tout. Pour réussir, l’esprit n’est d’aucun
secours ; il faut être sans scrupule : on se presse, on pousse, on coudoie, on renverse, arrive qui
peut : le reste est écrasé.