PD A cause de la crise le congé paternité doit-il être

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Service de presse de Travail.Suisse – No 2 – 2 février 2009 – Congé paternité
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A cause de la crise,
le congé paternité doit-il être reporté aux calendes grecques ?
Notre pays traverse une crise économique qui fait dire à certains que certaines
mesures sont à remettre à plus tard. Le congé paternité en fait partie. Le réflexe
de calculer les conséquences financières immédiates de toute nouvelle mesure a
un nom : l’économisme. Il est le fruit du néo-libéralisme qui a sévit durant trop
longtemps et qui a conduit nos économies dans les difficultés actuelles. Il est
temps de replacer la mesure du congé paternité dans une autre perspective et à
raisonner avec d’autres valeurs en tête.
La Suisse, comme le reste des pays industrialisés, traverse une crise financière et économique grave, dont personne ne peut prédire quand elle se terminera, et même quand elle
sera à son point culminant. A nouveau, c’est l’éclatement d’une « bulle financière » qui a
précipité l’économie réelle dans une grave récession. Plusieurs entreprises recourent au
chômage partiel, d’autres licencient déjà. Les finances de l’Etat sont mises à mal puisqu’on
peut déjà anticiper que les rentrées fiscales seront réduites, sans parler des aides et des
prêts consentis à un fleuron de l’industrie bancaire en déroute, ni des baisses d’impôts
généreusement consenties aux entreprises par le parlement fédéral 1 avant la début de la
crise.
L’économisme ne doit plus présider aux choix de société
Dans ce contexte morose, beaucoup considèrent que certains projets et revendications
sont à mettre aux oubliettes en attendant des jours meilleurs. Cela concerne surtout les
mesures visant un progrès social. Qui sera étonné d’entendre la phrase rituelle : « combien ça coûte ? peut-on se le permettre ? » ? Ces questions ont fait douter le peuple suisse
lors de la votation sur l’âge de la retraite flexible en novembre dernier 2.
Il est certes légitime de se poser la question des conséquences financières de l’introduction
d’une nouvelle mesure, comme celle du congé paternité. Travail.Suisse s’est penché sur la
question et y a déjà apporté des réponses (voir Service de presse No 2, 11 février 2008).
De nombreux cantons ont accordés des réductions d’impôts aux entreprises et aux personnes
physiques.
2 Selon l'analyse VOX réalisée par l'institut gfs.bern et l'Université de Zurich, les citoyens qui ont
déposé un «non» dans l'urne (58,6%) craignaient que la charge supplémentaire pour l'AVS ou
l'économie serait trop grande ou que l'évolution démographique ne permettrait aucun développement des prestations AVS. Deux tiers des votants étaient pourtant d'accord avec le principe de
flexibiliser l'âge de la retraite. Nombre d'entre eux estimaient aussi que si les banques obtenaient
une aide de l'Etat, de l'argent devait aussi revenir à l'AVS. Mais ils se sont laissés convaincre par le
contre-argument selon lequel la menace d'une récession économique chargerait l'AVS encore davantage (information RSR du 23 janvier 2009).
1
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Mais ce questionnement ne doit pas pour autant devenir le gouvernail de la politique. La
politique ne se résume pas à gérer l’argent à disposition, mais bien plutôt à définir, selon
une vision et des valeurs, les buts que l’on veut atteindre ensemble.
La crise que nous connaissons actuellement fait prendre conscience que le capital ne peut
et ne doit pas être au centre des préoccupations. Hypnotisée par les gains sans précédents
obtenus par la mondialisation et la libre circulation des capitaux, notre classe politique
s’est concentrée sur des actions de dérégulation du système économique, sur
l’affaiblissement progressif de l’Etat et de ses moyens d’action. Le capitalisme débridé a
pris le dessus, celui-là même qui accorde de moins en moins de mesures sociales, sans
doute parce qu’il n’est plus nécessaire de contrer le communisme – le mur de Berlin n’estil pas tombé ? Inutile de chercher ailleurs : c’est bien cette vision à court terme qui nous a
mené dans les difficultés actuelles.
Le néo-libéralisme soutenu par la majorité des élu-e-s du Parlement depuis de nombreuses années s’est aussi diffusé au sein de la population. Les citoyen-ne-s raisonnent
d’abord comme des comptables, leurs choix sont guidés par l’économisme ambiant :
« Combien ça coûte ? Peut-on se le permettre ? ». Trop souvent, poser la question tient
lieu de réponse. Devant un choix de société majeur, le principe de « solidarité » a-t-il encore un sens pour notre classe politique et pour nos concitoyen-ne-s ? Le défendre est devenu « ringard ».
De « nouvelles » valeurs sont nécessaires
La crise a peut-être ceci de bon qu’elle force notre société à retrouver les valeurs qui permettent à tous ses membres d’exister et de prospérer dans la paix. Notre société s’est détournée de l’élément principal qui fait sa richesse, le travail. Pas le travail comme simple
élément numéraire au bilan, mais le travail humanisé, valorisé parce que réalisé par un
être humain, le travail qui fait sens parce qu’il permet à tous et à toutes de vivre dignement.
Le capital n’a plus la cote, tant mieux. Replaçons les êtres humains au centre de nos préoccupations. Faut-il de nouvelles valeurs pour cela ? Non, les valeurs défendues par Travail.Suisse sont connues, elles ont été débattues et adoptées lors de son congrès en décembre 2007. La qualité de vie est primordiale. Pour pouvoir l’atteindre, nous devons
entre autres conditions pouvoir planifier notre vie librement, nous devons pouvoir prendre des décisions en toute conscience et responsabilité.
Travail.Suisse plaide pour que les travailleurs et travailleuses puissent concilier leur vie
professionnelle avec leur vie de famille. Une bonne compatibilité passe par le fait de permettre aux pères de passer davantage de temps en famille et par le fait de permettre aux
femmes de devenir mères tout en exerçant une activité professionnelle. Offrir un congé de
paternité payé aux pères est une des mesures qui permettra à notre société, par un raccourci de perspectives, de replacer l’être humain au centre de ses préoccupations. Certes,
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la mesure coûte 3. Mais est-ce le plus important au regard des nombreux bénéfices à long
terme ?
Avant de commencer à compter, il est urgent de lever le nez et de voir loin, de fixer les
priorités et de prendre des mesures aujourd’hui qui permettront demain à tous et à toutes
de contribuer à la prospérité de la société, pour le bien de tous sans exceptions.
Valérie Borioli Sandoz, responsable de la politique de l’égalité, Travail.Suisse
Travail.Suisse, Hopfenweg 21, 3001 Berne, Tél. 031 370 21 11, [email protected],
www.travailsuisse.ch
Selon les estimations, le financement d’un congé paternité de 20 jours par les allocations pour
perte de gains - sur le modèle du congé maternité - coûterait entre 150 et 200 millions.
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