2,5% du revenu national (contre 3,5% en 1913), et on se garde de tenir les promesses d'accroisse-
ment des dépenses éducatives. Alors que, en 1918-1919, sous l'impulsion de deux hommes d'État
impérialistes, Lord Milner et Leo Amery, on a pensé favoriser par des crédits massifs l'émigration des
Britanniques vers les terres vierges et accueillantes de l'Empire, on ne consent, à partir du Settlement
Act de 1922, qu'à une dépense qui varie de 1,5 à 3 millions de livres sterling par an.
Mais il est des dépenses qui ne sont guère compressibles: les pensions d'État, et tout particulièrement
les pensions de guerre, s'élèvent à 96 millions en 1921 et encore 56 millions en 1929. Malgré sa dimi-
nution par les conservateurs en 1925, l'indemnisation de l'important chômage (le nombre de chômeurs
est toujours supérieur au million dans les années 20) s'élève à 11,2% des dépenses en 1928. Globa-
lement, les dépenses publiques sont d'une grande stabilité: si elles passent de 949 millions en 1920 à
751 millions en 1924 (soit une baisse de 21%), elles baissent moins que les prix (- 29%). Ceci dit,
l'austérité budgétaire est suffisante pour rembourser la dette, dont la charge, accrue par la hausse des
taux d'intérêt et la déflation, s'élève en moyenne à 300 millions de livres par an, soit entre 30 et 40%
des dépenses budgétaires, ainsi consacrées à une redistribution au profit des rentiers.
La déflation salariale, quant à elle, après une courte période de hausse après guerre, s'applique de
1920 à 1923: le salaire hebdomadaire moyen diminue de 31,5%. La baisse parallèle des prix permet
tout juste de conserver les salaires réels au même niveau. Par la suite, les salaires hebdomadaires
réels se maintiennent, dépassant modestement de 9%, en 1929, leur niveau de 1913.
Des conséquences discutées
Sur le plan strictement monétaire, la déflation est un succès, puisque la livre retrouve provisoirement
son taux de change d'avant guerre. Mais la croissance est freinée, si bien que le PNB par habitant
n'augmente que de 5,5% entre 1919 et 1929, tandis que le taux de chômage se maintient (sauf en
1927) au-dessus de la barre des 10%. C'est alors que les syndicats ouvriers s'opposent aux compres-
sions salariales et dénoncent la plaie du chômage. Le mécontentement explose en 1926, avec la
grande grève des mineurs, mal soutenue par l'échec de la grève générale du mois de mai, qui touche
en particulier transporteurs, métallurgistes, imprimeurs et travailleurs du bâtiment.
Cette politique est aussi vivement accusée par des économistes et des hommes politiques - parmi
lesquels John Maynard Keynes, alors étoile montante de la pensée économique - d'être à l'origine de
tous les maux de la production industrielle et de taux de chômage constamment élevés. Pour ces
critiques, la recherche d'une monnaie forte renchérit les marchandises anglaises sur les marchés
étrangers et freine donc la production; les pratiques restrictives de crédit de la Banque d'Angleterre
freinent l'investissement et nourrissent la crise industrielle et commerciale. Keynes relie les extraordi-
naires taux de chômage des années 20 aux restrictions imposées à la production et à la consomma-
tion par l'orthodoxie monétaire; il n'hésite pas, en 1925, dans son pamphlet Les conséquences éco-
nomiques de M. Churchill, à quantifier la portée d'une politique néfaste de "dépression et de déca-
dence": 10% de chômeurs supplémentaires! Il inspire à David Lloyd George, redevenu l'incontestable
leader du parti libéral en 1926 et dont il est le conseiller, un programme nouveau d'investissements
publics: le grand thème de la campagne des libéraux en 1929 est "We can conquer unemployment"
(nous pouvons vaincre le chômage).
Aujourd'hui que le keynésianisme a du plomb dans l'aile, la politique déflationniste de l'entre-deux-
guerres trouve de nouveaux défenseurs. Selon eux, près de la moitié du commerce extérieur se fai-
sant alors avec l'Empire et les dominions, à l'intérieur d'une zone monétaire dominée sans problème
par la livre, une grande partie des échanges n'était pas influencée par la politique monétaire, ou
même a bénéficié de la confiance générale dans la livre. Une légère dévaluation, telle que celle sug-
gérée par Keynes en 1925 (4,4 dollars par livre sterling au lieu de 4,86), aurait risqué de diminuer
l'attraction de la monnaie britannique sur les financiers étrangers. De plus, loin de favoriser un ac-
croissement de la production et des exportations, elle aurait pu déclencher une guerre commerciale et
des dévaluations compétitives ailleurs dans le monde. Le chômage n'aurait pas été causé par la défla-
tion, mais par une crise des secteurs traditionnels, concurrencés par de nouvelles sources d'énergie
et souvent insuffisamment modernisés, à laquelle les manipulations monétaires n'auraient rien chan-
gé. De plus, les prix britanniques élevés auraient été en partie dus à une augmentation "inconsidérée"
des salaires à la fin de la guerre et immédiatement après, et la réduction salariale aurait été inévitable,
à travers de douloureux conflits sociaux et une baisse conjoncturelle de l'emploi.
Cette thèse approche une vérité: la politique déflationniste ne porte pas à elle seule la responsabilité
de la faible croissance et du fort chômage britannique des années 20 en Grande-Bretagne. L'industrie
britannique souffre alors de maux structurels. C'est le cas en particulier dans ces vieux bastions tradi-
tionnels et exportateurs que sont le charbon, la sidérurgie, la construction navale et le textile, qui ac-
cusent une perte de compétitivité. Moderniser ces vieilles industries et développer davantage les in-
dustries nouvelles s'impose. Mais on retrouve alors la responsabilité de la durable politique déflation-