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Arménie - De nombreux malades souffrent de manière
évitable en fin de vie
armenews.com - 19/7/2015
Le gouvernement devrait assurer la disponibilité d'analgésiques
efficaces et non onéreux
(Erevan) - Chaque année en Arménie, des milliers de malades atteints de
cancers en phase avancée endurent des douleurs aiguës qui seraient
évitables, parce qu’ils ne peuvent se procurer de médicaments adéquats
contre la douleur, a déclaré aujourd’hui Human Rights Watch dans un nouveau
rapport et dans une vidéo. Alors que certains analgésiques efficaces, sûrs
et peu coûteux sont disponibles en Arménie, la plupart de ces patients et
leurs familles se heurtent à des obstacles bureaucratiques insurmontables
pour se les procurer, ce qui constitue une violation de leur droit à la
santé.
Ce rapport de 86 pages, intitulé « ‘All I Can Do Is Cry’ : Cancer and the
Struggle for Palliative Care in Armenia » (« ‘Tout ce que je peux faire,
c’est pleurer’ : Le cancer et l’absence de soins palliatifs en Arménie »),
décrit l’effet dévastateur de l’absence de soins palliatifs sur les
personnes atteintes d’un cancer à un stade avancé et sur leurs familles. Il
documente la pénurie qui règne en Arménie en matière de services de soins
palliatifs et les réglementations trop restrictives imposées par le
gouvernement pour l’obtention d’analgésiques puissants. Il décrit également
des pratiques enracinées parmi les professionnels de la santé qui entravent
un soulagement adéquat de la douleur, ainsi que le manque de formation et
de sensibilisation des professionnels de la santé aux soins palliatifs.
« Les personnes atteintes d’un cancer en phase terminale en Arménie vivent
dans la douleur et dans l’angoisse, souvent avec un soutien professionnel
faible sinon inexistant », a déclaré Giorgi Gogia, chercheur senior sur le
Caucase du Sud à Human Rights Watch et auteur du rapport. « Le système de
santé les abandonne au moment de leur vie où ils sont le plus vulnérables.
L’Arménie devrait réformer sa politique dans le domaine de la santé et ses
réglementations en matière de médicaments afin de mettre des analgésiques
sûrs et efficaces à la portée des personnes qui en ont besoin. »
Le rapport est basé sur plus de 90 entretiens approfondis avec des malades,
leurs familles, des professionnels de la santé, des responsables
gouvernementaux, des organisations qui font du plaidoyer en faveur des
malades, et d’autres organisations, effectués à Erevan, la capitale, et
dans huit autres villes d’Arménie.
« Les douleurs sont insupportables », a déclaré à Human Rights Watch Gayane
G., une femme de 46 ans atteinte d’un cancer. « Je pleure, je hurle, j’ai
constamment l’impression de marcher sur du feu. J’essaye d’endurer la
douleur quand il y a quelqu’un d’autre à la maison, mais quand je suis
toute seule, tout ce que je peux faire, c’est pleurer. »
Environ 8 000 personnes meurent du cancer chaque année en Arménie, dont un
grand nombre dans des douleurs très intenses. La morphine, médicament clé
pour atténuer les douleurs aiguës dues au cancer, est d’un coût abordable
et facile à administrer, mais elle est dans une large mesure inaccessible
aux personnes qui en ont besoin. De 2010 à 2012, l’Arménie a consommé en
moyenne 1,1 kilogramme de morphine par an, soit une quantité suffisante
pour traiter environ 3% seulement du nombre estimé des personnes qui en ont
besoin. D’autres services destinés à aider les personnes à atténuer
certaines douleurs et souffrances accompagnant la fin de vie ne sont, dans
une large mesure, pas disponibles non plus.
Human Rights Watch a identifié les obstacles suivants qui entravent un
traitement effectif de la douleur en Arménie :
L’absence de morphine absorbable par voie buccale : La morphine à
absorber par voie buccale, le principal médicament pour le traitement des
douleurs chroniques aiguës, n’est pas disponible en Arménie.
Des lois restrictives : La procédure à suivre pour prescrire des opioïdes
injectables est complexe, lente et passe par une bureaucratie lourde. Seuls
les oncologues sont habilités à prescrire des analgésiques opiacés à leurs
patients en consultation externe, et uniquement à des malades atteints de
cancers. Les oncologues peuvent prescrire des opioïdes seulement après que
plusieurs médecins aient rendu visite au malade à son domicile et aient
donné leur aval à la décision ; de multiples signatures et sceaux sont
nécessaires pour chaque ordonnance.
Des dosages inadéquats : Bien que les règles en vigueur en Arménie
n’imposent pas de plafonds aux dosages, la pratique habituelle consiste à
commencer le traitement du patient avec une seule injection d’opioïdes par
jour, puis d’ajouter une seconde injection quotidienne au bout d’environ
deux semaines. Mais l’effet sédatif de la morphine injectable dure entre
quatre et six heures, ce qui laisse le malade sans calmant adéquat de la
douleur pendant la majeure partie de la journée.
Des procédures compliquées pour chercher les médicaments : Une fois que
des analgésiques opiacés ont été prescrits, les malades du cancer ou leurs
aides-soignants doivent aller retirer l’ordonnance à la polyclinique
locale, puis aller chercher le produit dans un grand centre médical
régional ou, à Erevan, à l’unique pharmacie qui en dispose, et enfin
restituer les ampoules vides, avant qu’une nouvelle ordonnance puisse être
émise. Ils doivent renouveler ce processus tous les deux jours ou, dans
certains cas, chaque jour car dans la pratique, les médecins ne prescriront
d’opioïdes puissants qu’en doses de 24 ou 48 heures.
Des procédures strictes de contrôle par la police : Tous les oncologues
interrogés pour les besoins de ce rapport ont affirmé qu’ils devaient
remettre à la police des rapports écrits mensuels contenant des
informations détaillées sur l’identité et le diagnostic de malades qui
reçoivent des analgésiques opiacés, en violation du droit des malades à la
confidentialité de ces informations.
Les étudiants en médecine et en infirmerie arméniens ne reçoivent
pratiquement aucune formation sur les soins palliatifs et sur les méthodes
adéquates de traitement de la douleur, et les personnels de santé manquent
de sensibilisation, de formation et de directives sur l’utilisation à des
fins médicales des analgésiques opioïdes.
Les obstacles importants qui entravent l’administration de soins palliatifs
de qualité en Arménie privent les malades de traitements adéquats et
constituent une violation du droit à la santé, a affirmé Human Rights
Watch. L’inaction de l’Arménie afin d’améliorer l’accès à des sédatifs
essentiels pourrait aussi constituer une violation de son obligation de
protéger les malades de tout traitement cruel, inhumain ou dégradant.
Le gouvernement arménien a reconnu la nécessité des soins palliatifs et a
pris certaines mesures importantes ces dernières années pour les
développer. Il a inclus les soins palliatifs dans la liste des services
médicaux reconnus par le gouvernement, créé un groupe de travail sur les
soins palliatifs et, en étroite coopération avec des experts et des
organisations non gouvernementales, a élaboré une stratégie nationale en
vue de mettre en œuvre des soins palliatifs. Entre 2011 et 2013, les
autorités ont mené à bien quatre projets pilotes dans le domaine des soins
palliatifs.
« Le gouvernement arménien a pris d’importantes mesures préparatoires, mais
il doit maintenant passer des paroles aux actes », a affirmé Giorgi Gogia.
« Le
gouvernement
devrait
avant
tout
réviser
ses
règlementations
restrictives relatives aux médicaments et autoriser la morphine à prise par
voie buccale, afin d’atténuer les souffrances de milliers de patients. »
Sélection de témoignages de patients
« J’avais l’impression de marcher sur des aiguilles. La douleur commençait
dans ma hanche, puis s’étendait à toute ma jambe droite. J’avais vraiment
mal, je pleurais tout le temps. J’étais incapable de dormir pendant ces
douleurs. Je ne pouvais que rêver à un moment où la douleur disparaîtrait,
pour que je me sente libre. Je me sentais tellement mal que je voulais
mourir.... »
Karine K., ancienne institutrice d’école maternelle, décrivant la douleur
causée par une tumeur abdominale.
« Les accès de douleur commencent sans que je m’y attende et je me mets à
hurler et je deviens une personne différente. Quand ma main commence à me
brûler comme si je la tenais au dessus du feu, je sais que la vague de
douleur va commencer. Lorsque cela commence, je perds mes facultés de
communication verbale et je peux juste désigner des objets avec la main
droite. Je subis ces vagues de douleur toutes les nuits, mais parfois cela
arrive aussi pendant la journée.... »
Lyudmila L., 61 ans, institutrice d’école maternelle à la
décrivant les douleurs causées par un cancer du sein inopérable.
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=114154
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Gurgen G., un homme arménien atteint d'une tumeur au cerveau,
photographié en 2012 avec sa mère lors de la phase terminale de sa
maladie. Il est l'un des rares Arméniens à avoir pu bénéficier de
soins palliatifs, qui ont atténué ses souffrances dans la dernière
phase de sa vie, avant son décès en août 2012. © 2012 New Media
Advocacy Project
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