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Puebla et Jalapa : deux villes-étapes incontournables de la Nouvelle-Espagne
Les villes de Puebla et Jalapa, localisées à l’Ouest de la Nouvelle-Espagne, étaient essentielles
au bon développement de la colonie espagnole et se distinguèrent par leur évolution rapide
dès que Veracruz revêtit sa fonction de port commercial. En effet, leurs populations voyaient
leur fortune augmenter notamment grâce à l’organisation portuaire qui consista à ce que le
port ne fût pas le lieu dans lequel l’activité commerciale se tint. Ces localités, bien que situées
à l’intérieur des terres, représentaient aussi une étape importante dans le circuit des
marchandises, des voyageurs et des commerçants allant de la zone portuaire à la capitale
Mexico. Alors que nous aurions pu imaginer que les villes côtières telles que Veracruz
seraient les plus avancées et les plus florissantes du fait de leur activité coloniale riche, ce fut
presque l’inverse qui arriva. Très peu d’infrastructures étaient présentes sur le port. Carmen
Blazquez Dominguez le prouve parfaitement dans un de ses articles :
Así, la dinámica por las actividades portuarias y mercantiles de la plaza porteña, y el
tráfico que fluía por las rutas hacia las tierras del interior y viceversa, motivaron el
desarrollo desigual de la provincia veracruzana. La zona central de la provincia
veracruzana adquirió fuerza económica.
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De plus, pour diverses raisons, notamment climatiques et sanitaires, les populations
préféraient rester « protégées » à l’intérieur des terres mais en conservant une certaine
proximité avec la zone portuaire afin de profiter pleinement de ses ressources. Ainsi, elles
développèrent les provinces terrestres de Puebla et Jalapa. Néanmoins, pourquoi ces
villes étaient-elles les plus intéressantes? Quels étaient les motifs d’une telle attractivité ?
Pourquoi les européens investirent-ils autant dans ces endroits et les choisirent-ils comme
lieux de résidence et de prédilection pour leurs affaires ? L’analyse de divers thèmes est
nécessaire pour répondre à ces interrogations, vérifier les hypothèses et comprendre
l’importance de ces villes haltes. De cette manière, la localisation géographique de ces deux
sites avec les axes routiers qui en partaient et les festivités s’y déroulant sont des domaines
différents mais qui ont comme point commun de démontrer le caractère primordial de Puebla
et Jalapa durant la colonisation.
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BLAZQUEZ DOMINGUEZ Carmen, 2000, « Comerciantes y desarrollo urbano: la ciudad y puerto de
Veracruz en la segunda mitad del siglo XVIII », dans Tiempos de América, Numéro 5-6, p.100.
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L’attraction vers ces villes-étapes
A leur arrivée au Nouveau Monde, les voyageurs débarquant de leur navire ne restèrent pas
sur la côte mais au contraire, se dépêchèrent de fuir son aspect malsain et insalubre
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pour
rejoindre des lieux plus reculés dans les terres et enfin trouver le repos nécessaire après un si
long voyage. Pour s’éloigner des maladies et du climat rude, ils se rendaient dans des contrées
comme Puebla et Jalapa où il faisait bon vivre du fait d’un climat plus tempéré et par
conséquent plus respirable pour les européens. L’environnement favorable fut donc un des
atouts non négligeables qu’offraient ces localités. Mais, dans ces dernières, les populations
pouvaient également trouver un certain confort qu’elles n’avaient pas sur le port comme par
exemple l’accès à l’eau potable ou des hébergements acceptables. Toutefois, la situation
géographique propice ne fut pas la seule cause responsable de l’essor démographique et
économique de ces places coloniales. Effectivement, la création et le développement d’un réel
réseau routier contribua énormément à la progression de ces dernières ; ce qui les rendit
encore un peu plus incontournables. Ces routes, appelées camino de Castilla et camino de las
Ventas, venaient satisfaire une requête visant à faciliter le transport des denrées coloniales
circulant entre le Nouveau et l’Ancien Continent. Mais, cette rotation permanente de produits
assurait tout autant aux villes-étapes se situant sur le trajet Mexico-Veracruz un
enrichissement considérable ainsi que l’acquisition d’un certain pouvoir. De fait, en exploitant
au maximum, dans un premier temps, le seul axe terrestre utilisable, celles-ci saisirent leur
chance et connurent une véritable croissance. Nombreuses d’entre-elles mirent en place un
système de péage pour lesquels les usagers devaient s’acquitter d’un droit de passage afin
d’être autorisés à emprunter la route leur permettant de rejoindre Mexico ou Veracruz. Ce
principe fut instauré à Jalapa en 1759 par un décret sous prétexte de rendre plus praticable et
carrossable le réseau. En réalité, tout cela ne fit qu’enrichir l’oligarchie et par conséquent
l’économie locale:
En distintos momentos hubo un mal manejo del ingreso del peaje. Al iniciar el cobro
del peaje en la región de Veracruz, si bien se da algo de mantenimiento a los caminos,
las cuentas no son claras y el dinero es distraído en el interés de sus propios
administradores.
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D’après les propos d’Alain MUSSET.
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SUAREZ ARGUELLO Clara Elena, 2001, “De caminos, convoyes y peajes: los caminos de Mexico a
Veracruz, 1759-1835”, dans Estudios de historia y sociedad, vol. XXII, núm. 85, p. 244.
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Comme ce procédé était relativement rentable, d’autres voies furent créées et le même schéma
se reproduisit. Ainsi, la route entre Mexico et Puebla fut inaugurée en 1804. Néanmoins, si
ces chemins étaient toujours inconfortables pour un voyage optimum et payants, ils
s’avéraient être tout de même les plus usités et les plus sécurisés. En effet, les sentiers
parallèles se révélaient trop accidentés et escarpés pour pouvoir assurer le transfert des
marchandises coloniales précieuses telles que l’argent. D’ailleurs, il y eu beaucoup de pertes
marchandes sur ces réseaux secondaires. De plus, ces chemins abritaient une partie de
l’économie parallèle et illicite de la colonie. Alors les colons, les négociants et les
commerçants ne s’interrogèrent guère et décidèrent d’emprunter ces premières « autoroutes »
car elles leur offraient toutes les commodités et les facilités dont ils pouvaient nécessiter
pendant leur voyage. Effectivement, ces derniers avaient la possibilité de séjourner, le temps
d’une halte, dans l’une de ces villes puisqu’elles leur proposaient des prestations utiles et
importantes. Cela ne fit que renforcer la dynamique économique de ces régions. En effet, elles
profitèrent du réseau routier naissant et fréquenté pour développer des services lucratifs
comme des auberges, des caves ou encore des entreprises de muletage :
Entre la Puebla et Mexico, comme entre la Vera Cruz et la Puebla, la route est
jalonnée de petits postes, auberges et points d’appui. Au milieu du XVIe siècle, avec
l’accroissement des échanges, ces postes se transforment. Aux cabanes légères du
début, quand la population indienne est encore nombreuse, tout au long de la route, le
portage humain l’emporte.
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D’ailleurs, cette activité de portage humain connut un essor considérable parce qu’elle était
capitale pour le bon fonctionnement du commerce établi entre les deux continents. Les
commerçants et négociants ne pouvaient faire appels qu’aux mules et aux autochtones pour se
faire livrer ou expédier des marchandises car c’était le seul et unique moyen de transport et,
seuls les locaux maîtrisaient les routes. Grâce à tout ceci, les habitants de ces villes-étapes
avaient une vie professionnelle plus épanouie et, un sentiment de progrès social était
perceptible. Alors, ces villes, avec leur réseau routier en constante évolution, se
transformèrent en réelles plateformes terrestres et commerciales à la base de l’organisation
coloniale. Il est donc aisé de constater que ces cités devinrent actives et attractives
principalement du fait de l’activité portuaire croissante et prospère de Veracruz. Abel Juarez
Martinez le confirme pour Jalapa mais, il en fut de même pour Puebla :
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CHAUNU, Pierre, 1977, Séville et l’Amérique aux XVIe et XVIIe siècles, Paris, Ed. Flammarion, p.135-136.
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De esta manera en el periodo de 1580 a 1683, el índice de la población en Xalapa
aumento considerablemente, y también los capitales que se concentraron en dicho
lugar.
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Parallèlement à cette attractivité engendrée par les différents types de commerces sur ces
axes, ces places de premier plan eurent aussi l’opportunité d’observer l’évolution certaine de
leur secteur agricole. Effectivement, avec de tout le mouvement commercial maritime existant
entre l’Europe et les Indes d’Amérique, il fallait nourrir les équipages accostant dans la rade
et songer à les avitailler pour leur traversée du retour. Pour cela, ils avaient recours aux
ressources des provinces les plus proches, à savoir celles de Puebla et Jalapa. De cette
manière, la demande en denrées agricoles était sans cesse en augmentation. Et, bien que ces
régions fournissent de plus en plus, elles n’arrivèrent pas à répondre aux divers besoins ; c’est
ce qu’affirme Carmen Blasquez Dominguez :
Por lo que respeta a la explotación agrícola, en las tierras aledañas a la plaza xalapeña
se cultivaban maíz, frijol, chile y otras semillas para el consumo local, aunque su
volumen no cubrió la demanda de granos que se presentaba con la llegada de las
flotas.
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De plus, Puebla et Jalapa se convertirent en lieux très intéressants pour effectuer des affaires
heureuses. De ce fait, de nombreuses personnes, principalement des colons et des
commerçants, etc. décidèrent de s’y rendre et d’y résider créant ainsi un essor démographique.
Cela provoqua un net grossissement des villes entraina une relative urbanisation.
Par conséquent, la progression positive de Puebla et Jalapa due aux différents mouvements
migratoires et commerciaux par le biais des importations et des exportations effectuées à
partir de Veracruz engendra un el développement économique transformant ces villes en
véritables cités dans lesquelles l’activité commerciale dominait tous les autres secteurs.
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JUAREZ MARTINEZ Abel, sans date, « Las Ferias de Xalapa 1720-1778 », en ligne:
http://cdigital.uv.mx/bitstream/123456789/7970/2/anua-Ipag17-44.pdf, le 28/01/2012.
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BLAZQUEZ DOMINGUEZ Carmen, 2000, « Comerciantes y desarrollo urbano: la ciudad y puerto de
Veracruz en la segunda mitad del siglo XVIII », dans Tiempos de América, Numéro 5-6, p.106.
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Les Ferias
Toutefois, ces places coloniales, déjà importantes par leur économie commerciale pérenne,
devinrent officiellement des villes incontournables dès lors qu’elles organisèrent les Ferias,
au début du XVIIIe siècle, un rendez-vous annuel crucial et obligatoire pour les plus grands
commerçants considérés comme appartenant à la classe privilégiée. En effet, ces villes, à
travers cette manifestation unique, illustrèrent à elles seules la « mondialisation » qui était en
train de naître. La diversité des produits négociés lors de ces foires découlait directement des
cargaisons des navires appartenant à la Flotte des Indes et au Galion de Manille. Par
conséquent, une fois de plus, les mouvements portuaires croissant de Veracruz, les échanges
maritimes commerciaux ainsi que la qualité des cargaisons à leur arrivée au port
garantissaient la vie économique de ces régions.
Ces festivités, au départ implantées à Mexico, engendrèrent de forts déplacements de
populations. De nombreux marchands ou leurs émissaires s’y rendaient. Pour cela, certaines
personnes y séjournaient de façon éphémère alors que d’autres décidèrent dy demeurer de
manière permanente. Initialement, ces villes comptaient quelques agriculteurs et muletiers.
Puis, avec le temps vinrent s’ajouter des espagnols, des commerçants et des personnes issues
de la catégorie sociale supérieure qui craignaient les attaques de pirates si elles restaient sur
l’espace côtier. De cette manière, c'est-à-dire grâce à toutes les avancées, en 14 ans, la
population de Jalapa a quasiment doublé
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. Ce furent les améliorations qui attirèrent les
sociétés qui elles-mêmes, par la suite, perpétuèrent les progrès et les avancées urbaines. Donc,
cet essor démographique contribua clairement à l’essor économique de la zone. De fait,
pendant les deux à trois mois que duraient les foire, la population se multipliait et les
participants devaient se loger, se nourrir ainsi que prévoir l’acheminement des marchandises
qu’ils avaient à vendre ou celles qu’ils avaient acheté. Alors, les auberges et les caves
connurent à nouveau un réel succès. D’ailleurs, elles arrivaient à peine à répondre à toutes les
demandes. La Vice-royauté, quant à elle, imposa une règlementation dictant que les
marchands devaient amener avec eux des hommes et des charrettes pour le transport des
différents produits. De cette manière, cela permit aux populations locales de conserver une
activité professionnelle tout en dynamisant et favorisant le secteur commercial de Puebla et
Jalapa.
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A partir des données présentes dans l’article d’Abel JUAREZ MARTINEZ, « Las Ferias de Xalapa 1720-
1778 »
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