
 
Freud énonce sa  méthode scientifique : « le véritable début de l’activité scientifique consiste bien 
plutôt dans la description des phénomènes qui sont alors bien groupés, ordonnés et intégrés dans 
des ensembles » définition qui s’inspire étroitement de Husserl.  Cette optique est d’ailleurs rejetée 
globalement par les économistes qui subissent un monopole de la philosophie politique et morale 
anglo-saxonne. Cette   économie   psychologique   permet   de   compléter   la   construction   de   la  
personne,   non seulement  munie  de  capacités,  mais  aussi  de  pulsions  et  de  névroses,  en  
généralisant  ces propriétés au groupe social et à la masse. 
 
Une reconnaissance commune analyse la crise des marchés financiers comme une perversion, 
une course au gain de court terme et une destruction de l’économie réelle. Cette perversion fait 
que  l’on  spécule  sur  la  destruction  de  la  base  économique  et    que  l’on  accélère  sa  propre 
destruction.  Le  lot  de  souffrances  à  prévoir  d’une  telle  autodestruction,  nous  rappelle  que 
l’économie produit,  au-delà des marchandises, de la souffrance humaine
. Cette relation a été 
mise en avant par une succession de drames, dits « témoignages ultimes ». Pour se libérer de 
toute fatalité, l’idée d’un rebond possible ou d’une résiliation de la souffrance est apparue avec 
le concept de résilience
. La théorie économique est peu ouverte sur ces modalités, le concept 
de résilience est largement déterminé par la psychanalyse, tout en impliquant une anthropologie 
économique  et  la  personne  « toute  entière »,  dans  toutes  ses  dimensions,  même  cachées. 
Certains économistes, notamment Keynes, ont rétabli   cette dimension soit  de façon macro-
économique en invoquant Freud,  soit de façon micro économique en insistant sur les itinéraires 
personnels et notamment la capacité de résilience. Déjà en 1960, André Nicolaï insistait sur le 
fait que  les  névroses de la société s’expriment par  la frustration,  l’envie, l’agressivité; elles 
ont des conséquences dramatiques sur les personnes dans un système compétitif avec son lot de 
harcèlements et de souffrances. 
 
-2- La souffrance, en souffrance… 
Dans le malaise dans la culture, Freud estime que tout a été dit à propos du bonheur ; par contre 
l’analyse  du  malheur  est  beaucoup  plus  problématique : comment adoucir sinon suspendre la 
souffrance.  La souffrance  vient  de  notre  corps,  du  monde  extérieur,  de  la  relation  avec  les 
autres La tâche de diminuer la souffrance refoule à l’arrière plan la recherche du plaisir. Ainsi, 
il apparaît une priorité de la souffrance…qui a échappé aux économistes  qui se contentent du 
bien-être. Dans la classification kantienne des devoirs, la diminution de la souffrance est un 
devoir parfait. Elle est prioritaire par rapport à la maximisation du Bien (en fait les biens) et du 
bonheur  ;  maximisation  qui  s’inscrit  plutôt  dans  les  devoirs  imparfaits.  Cette  téléologie  du 
bonheur  fonde  la  conception  économique  du  développement.  Un  développement  humain 
soutenable ne peut être délibérément sacrificiel, en imposant une souffrance considérée comme 
le prix à payer pour le développement. Par exemple l’ouvrier modèle souffrira d’autant plus que 
son licenciement sera une contrainte que les décideurs lui imposent pour le bien commun. Il 
subit  et  n’a  pas  choisi,  la  souffrance  ne  pouvant  être  acceptée  librement  sauf  dans  des  cas 
pathologiques.  La  souffrance  est  une  douleur  mentale  et/ou  physique  que  l’on  cherche  à 
diminuer. Elle est une manifestation plus importante que le désagrément qui traduit une utilité 
négative limitée et non une souffrance propre à la vulnérabilité des personnes. Néanmoins, cette 
souffrance est récupérée depuis Karl Popper (1945), sous l’appellation d’utilité négative, mais 
en quoi l’utilité ou la désutilité peuvent être pertinentes par rapport à la souffrance. Karl Popper, 
dans The Open Society and Its Ennemies, a proposé un utilitarisme négatif, qui donne la priorité 
à la réduction de la souffrance sur l'accroissement du bonheur quand il s'agit d'utilité, en arguant 
qu'il n'y a pas de symétrie morale entre la souffrance et le bonheur, l'une appelant urgemment à 
 
 Il est question ici de la souffrance (douleur physique et morale) produite par l’économie et non de la souffrance 
en général. Utilité négative  (déplaisir ou ataraxie) et souffrance (douleur) sont dissociées dans cette présentation. 
 Résilience signifie plutôt le rebond dans l’esprit anglo-saxon, plutôt résiliation dans l’esprit français.